Alentours de Valyria & An 1066, mois 8.
Les traits de Naema s’étaient teintés de douceur, alors que Rhaenys se confiait à elle. Elle-même avait nourri de pareils doutes, lorsqu’elle était plus jeune. Sa faiblesse de corps et son aspect maladif avaient longtemps laissé croire qu’elle ne pourrait pas voler en compagnie d’Hyndrill. La soigneuse avait également la souvenance de quelques lourdes paroles, prononcées à son encontre. Quelques phrases que son esprit avait sans doute modifié, au fil du temps. Leur teneur restait cependant la même. On s’inquiétait de sa santé, du fait qu’elle atteindrait les dix ans, les douze, les quatorze, parfois. Et ce, alors même que sa santé s’était fortifiée avec les ans. L’inquiétude de certains de ses proches avait longtemps persisté. Leurs regards désolés, également, là où Gaelya était en parfaite santé. Un phénomène fréquent, lorsque des jumeaux venaient au monde, hélas.
Fort heureusement, jamais Naema n’avait abandonné. Hyndrill lui avait tant apporté. Sans elle, sans doute ne serait-elle plus de ce monde, ou trop faible pour y vivre sans elle. Rhaenys était dans un cas assez proche. Sans doute n’avait-elle jamais ressenti le besoin de dompter Matavon plus que les ordres de base lui permettant de voler en sa compagnie. Il en allait de même pour bien des familles du Nord, qui se contentaient d’enseigner à leurs enfants les bases du vol ou du domptage, afin de ne pas rendre leurs dragons plus dangereux qu’ils ne l’étaient de par leur nature de prédateur. Les Enfants d’Aegarax étaient un signe de noblesse, de bonne Fortune également. Sans doute était-ce pour cette raison que bien des familles du Nord préféraient les conserver à leurs côtés, et ce, même si certaines d’entre elles avaient toutes les peines du monde à les contrôler désormais. Ce manque de contrôle était, hélas, aussi bien du à leur sang grandement dilué, qu’à leur manque de volonté d’inverser la vapeur. Le manque de connaissances était un autre facteur aggravant de ce phénomène. Si les familles de Sangs Purs conservaient des ouvrages complets à ce sujet, et les enrichissaient au fil des ans, une telle habitude semblait s’être perdue dans le Nord de Valyria.
« Calme donc tes mauvaises pensées, Rhaenys. Naema avait conservé son sourire, en prononçant ces mots. Le raisonnement qui fut le tien n’est pas erroné, en soit. Bien des Valyriens du Nord pensent sans doute ainsi. Le plus important est que tu ais désormais décidé de sortir de ton erreur. »Aux propos de Rhaenys, l’autre jeune femme acquiesça. Sothoryos. Une contrée qui l’intriguait au plus haut point. C’était donc naturellement que Naema avait demandé à faire partie de la prochaine expédition en partance pour ce lieu mystérieux. Sa famille n’avait pu s’y opposer. Les émeraudes ramenées par les autres explorateurs avaient sans doute suffit à dissiper une partie de leurs doutes. Son frère aîné n’avait pas manqué d’appuyer sa demande. L’affaire avait donc été rapidement conclue en sa faveur et la soigneuse avait d’ores et déjà entamé ses préparatifs pour leur départ prochain. Ainsi pourrait-elle s’assurer que Matavon ne causerait point de dégâts, le cas échéant. Les choses allaient pour le mieux, et déjà, les rares parchemins qu’elle avait pu rassembler au sujet des environs de Sothoryos se trouvaient sur son bureau.
« Tu ne seras pas seule à t’embarquer pour Sothoryos. Je viendrai avec toi. La jeune femme se fendit d’un léger rire. Je n’abandonne jamais mes élèves, qu’ils soient humains ou dragons. Naema se tut quelques instants, son regard se perdant quelques instants dans les cieux. Lorsque les Prêtres m’ont présentée aux flammes avec ma jumelle, il leur a semblé limpide que jamais je ne serais séparée des dragons. Que je leur devais et leur devrait tout, d’une certaine manière. Aussi, ne te sens pas obligée de me rendre la pareille. Je ne fais que respecter la volonté des Dieux. »Jamais Naema n’avait vu le fait de prendre soin d’un dragon comme une corvée. Même les tâches les moins agréables à ce sujet n’avaient jamais su la rebuter. Qui plus est, observer Matavon ne pouvait qu’être la source d’un grand intérêt pour la soigneuse. Jamais la jeune femme n’avait songé à demander quelque chose en retour pour ses connaissances et ses compétences. Il était question du bien-être de Rhaenys, et non pas d’une transaction quelconque. Tout ne s’achetait pas, dans ce monde. Les dons d’Aegarax en faisaient partie.