Mhysa Faer & fin du mois 4 an 1067
La nouvelle Magister du Collège des mages était arrivée chez elle avec la pensée qu’elle devrait évidemment affronter le caractère de son frère et sa rancœur. Malgré le temps qui avait passé, Jaenera le savait, Daenar n’avait pas pardonné. Un choix qu’elle jugeait avec dureté au regard finalement de la grandeur qui illuminait désormais leur nom. Quant à son cousin Rhaegar, elle avait toujours posé sur lui un regard bienveillant et c’était avec une certaine douceur qu’elle s’était adressée à lui avant de lancer sa grande tirade. Théâtrale, Jaenera l’avait toujours été. Femme de tête et ambitieuse, Jaenera l’avait toujours été. Et plus le temps avait passé, et plus la Mage voulait désormais mettre de côté les ressentiments pour le bien de sa famille. C’était pour cela qu’elle avait fait en sorte d’obtenir le poste de Magister, peut importe ou presque le sang versé pour cela. Lorsque Rhaegar lui répondit en l’appelant Magister, la Valineon offrit un petit sourire à cet homme qui avait plus vécu à Ashaï les ombres qu’à Valyria. « Tu n’as pas à m’appeler Magister, Rhaegar. Nous sommes en famille aujourd’hui et je suis là en tant que ta cousine et non en tant que Magister du Collège des mages. » commença par répondre la sœur cadette de Daenar. Puis, tout en s’emparant d’un verre qu’elle remplit de vin, elle reporta son attention sur son cousin. « Oh mais si il y a un adversaire ici à amadouer, mon cher Rhaegar. Et il se trouve devant toi. » Son regard se posa alors sur son aîné et puis elle but quelques gorgées du liquide qu’elle appréciait tout particulièrement. Pour une fois, son frère avait fait les choses bien et la Dame ne pouvait que saluer ce maigre effort. Qu’il la reçoive avec de l’eau et du pain sec ne l’aurait guère surpris lorsque l’on connaissait leur lien si distendu voire franchement conflictuel.
« Tu n’as pas changé Daenar. Cela fait vingt ans et tu n’as pas changé. Tu demeures le même jeune homme que le soir où j’ai osé prendre l’indépendance qui était la mienne depuis ma naissance en refusant de t’épouser. » répliqua sèchement la Magister aux paroles de son frère qui soutenait qu’il n’avait plus de sœur depuis le jour où elle avait rompu leurs fiançailles aux yeux et à la vue de tous. « Depuis le jour de ma naissance je n’étais pas comme les autres Valienon. Vouée au Collège des Mages, je n’étais pas destinée à embrasser le futur du reste des membres de notre famille. Mon choix provoqua scandale mais pas un déshonneur constant sur notre famille. Que tu le veuilles ou non, mon choix a préservé notre famille de la souillure du mélange des sangs, quand bien même le sang soit illustre. Et quand bien même je t’aurai épousé, Daenar, aucun enfant ne serait né de cette union. » lâcha finalement la dame qui tout en se déplaçant dans la salle, laissait entre apercevoir les raisons de son refus d’alors, mais aussi une potentielle stérilité totalement inexistante. Évidemment, Jaenera n’était pas stérile, du moins personne ne pouvait en avoir la preuve. Le fait était que malgré le temps et ses soirées vouées à Meleys, elle n’avait jamais souffert d’une quelconque grossesse. Il fallait dire aussi qu’elle prenait grand soin de prendre une décoction préparée par ses collègues mages pour ne jamais tombée enceinte. Si les effets de ces liquides étaient certainement efficaces, qui, au fond, pouvait être réellement certain que le fait que son ventre demeure toujours vide soient uniquement dû à ces breuvages. « Mon corps n’a pas été béni par Meleys » ajouta Jaenera sur un ton qui ne souffrirait aucune contradiction, comme pour être bien certaine que son frère comprenne et intègre ce mensonge éhonté.
Les nouvelles paroles du Grand Amiral de Valyria figèrent sur place une Jaenera un temps interdite. Puis, manquant de recracher le contenu de sa gorgée, la Magister leva les yeux vers la nouvelle venue. Si Jaenera avait largement entendu parler de Lisseine, la voir fouler le sol légendaire et sacré de la demeure des Valienon fit bouillir le sang des dragons qui coulait dans ses veines. Celle qui était toujours surnommée la Presque Dynaste ne pouvait souffrir cette vision plus que déshonorante. Et lorsque son frère embrassa à pleine bouche celle qu’il appelait sa compagne, l’ancienne Grande Inquisitrice vit plus que rouge. Daenar n’espérait tout de même pas qu’ils puissent discuter ainsi de l’avenir de leur famille en sa présence ? N’écoutant que d’une oreille les paroles de son frère, la Magister ne quittait plus de son regard inquisiteur la corsaire. Dangereuse, Jaenera l’était depuis longtemps et à cet instant, elle l’était surement encore d’avantage. Inimaginable, improbable, insupportable, Jaenera ne pouvait tolérer un tel comportement quant bien même il provenait de son aîné. Rapide, la Valineon franchit les quelques mètres qui la séparait de son frère et sans prévenir, sa main droite vint lourdement s’abattre sur la joue du Grand Amiral de Valyria. « Sombre imbécile. Comment oses-tu devant nous ! Nous ne sommes pas en pleine fête en l'honneur de Meleys. » lâcha la magister qui avait enfin posé ses pupilles améthyste sur le visage de son aîné. « Sortez ! » ordonna d’un ton autoritaire une Jaenera qui aurait bien réduit en cendre la corsaire et qui sans grand ménagement s’emparait déjà du poignet de la belle pour la conduire vers l’extérieur de la salle dont elle referma la porte avec fracas. Si la Presque Dynaste acceptait au sein du Collège des Mages des sang mêlés, elle n’avait en revanche pour les êtres étrangers de sang impur telle que cette pirate que dédain. Certains pourraient dire qu’elle méprisait cette femme mais ce n’était pas le cas. Jaenera savait pertinemment que la pirate avait trahi les siens pour se mettre à la solde de la République et ce comportement méritait un brin d’attention. Après tout, qui trahit une fois peu trahir deux fois. Pour autant, elle ne pouvait supporter l’idée que l’étrangère vienne interférer dans leur conversation. « Que tu la mettes dans ta couches lors d’orgies ou plus régulièrement est une chose, quoique discutable dans le deuxième cas, mais que tu imposes sa présence et sa vue à Vhaessa, ton épouse et à ton neveu en est une autre Daenar. » Ces mots étaient tranchants et sans détour. Peut-être qu’elle aussi, avait un temps fait honte à leur famille mais au moins, elle avait pris sur elle de ne jamais faire jaser les valyriens sur une possible aventure extra conjugale qui mettrait plus qu’à terre leur famille. Son célibat était désormais source de mystère et de spéculation et là était sa force. Personne hormis désormais la belle Alynera Vaekaron n’était au courant de la véritable raison de ce veux de célibat choisi.
Finalement, reprenant une distance et un regard plus convenable, la Dame alla s’asseoir sur une chaise et descendit le restant de son verre d’une traite. « Pour répondre à tes question, les Valineon jouent leur propre partition depuis bien longtemps maintenant et tu as tort de croire que cela sonne faux à mes oreilles. A dire vrai, je suis fière ce que tu es devenu, mon frère. » Ces premières phrase se voulaient plus conciliantes, plus douces aussi. L’orage passé, un éclaircissement pouvait désormais avoir lieu. « J’observe notre famille depuis des années. Je t’observe depuis des années Daenar, suivant le moindre de tes gestes depuis le Collège des Mages. J’observe aussi beaucoup notre cousin depuis son retour en Valyria. Je n’ai jamais rompu le lien qui me reliait aux miens, c’est vous et vous seuls qui en avez fait le choix, pas moi. » reprit la dame en se servant un nouveau verre. Ses prunelles allaient de son frère à son cousin, observant chacun de ces hommes qui représentaient le présent et l’avenir de sa famille. « Crois-tu que j’ignore le sang versé par notre père et par toi pendant la guerre contre Ghis ? Crois-tu que je n’ai pas tremblé pour vous tous ? Crois-tu que je suis restée sagement inactive pendant toutes ces années ? Tu ne me connais pas Daenar parce que tu n’as jamais fait l’effort de me connaitre réellement. J’ai usé de mon sang et je l’ai versé tout autant que toi pour la République et notre victoire. Je l’ai versé encore et encore après la mort du capitaine Lucerys Arlaeron, usant de la magie pour en apprendre plus sur cette affaire. Je l’ai une fois de plus versé et abondamment pour protéger le Collège de la folie qui avait envahi Talaaegar. » ajouta la Magister l’air sombre. Les ténèbres prenaient possession de son regard alors qu’elle parlait du passé et de la perte de leur père. Jaenera avait toujours été loin des siens mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne portait pas un regard rempli d’affection pour eux. Même pour Daenar dans un sens, elle gardait pour lui une affection toute familiale et sanguine. Ils avaient le même sang et ce lien, personne ne pouvait le briser, pas même lui. Quant au secret de Rhaegar, Daenar ignorait encore beaucoup de chose. Jaenera n’avait pas eu besoin de d’utiliser sa sang-magie pour deviner et comprendre. La mort d’Herya était connu de beaucoup de Valyrien et pour cause, Jaenera avait pris soin de commander une imposante statut à la mémoire des mages morts lors de cette bataille et le visage d’Herya y figurait. Elle se dresserait bientôt dans le grand hall d’entrée du Collège. Évidemment, la Magister aurait très bien pu ne pas la mentionner dans sa commande étant donné l’état particulier dans lequel se trouvait la jeune mage. « Oh oui, Rhaegar souffre et j’en connait la cause parce que je connaissais ce client, voilà tout. » fit Jaenera en posant un court instant une main sur le bras de son cousin. Puis, se relevant, elle se dirigea vers le patio d’où était apparu quelques instants plus tôt la reine corsaire. « Ce que je peux apporter que les Valineon ne disposent demandes-tu ? N’as-tu donc rien suivi des alliances qui se font et se défont depuis des mois ? Je connais ton lien avec l’armée et il est tout à ton honneur mon frère, mais malgré tout, les Valineon agissent de façon bien isolés. Ce que je t’amène, c’est une alliance digne de notre sang, Daenar. Et de l’aventure et des richesses en mer pour notre cousin que je sais préférer le domaine de Caraxès à la terre ferme. » lâcha finalement la Magister.