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Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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La balance de la destinée Aerys & Alynera

La Grande Arène, pendant la nuit
1066, mois 12

Ses yeux clos frissonnent. Par colère ou par grande lassitude ? Nul ne saurait dire. Les gestes se suspendent. Dans l’ombre des murs de la vieille forteresse, la princesse n’est plus. Avachie sur sa chaise curule, le corps maigre replié en une courbe maniériste, perdue dans des mètres de soie, elle médite. Ces méditations sont bien connues des servantes de la maison. Les tourments de la jeune mariée ne laissent aucun répit.

« Ma Dame, j’ai grand crainte que nous ne puissions nous le permettre ce mois-ci… »

Ses doigts translucides viennent presser ses paupières. Ces chiffres lui donnaient le vertige. Une terrible nausée ne la quittait plus. Haute était la chute de la Tour Vaekar. Le silence est profond. Il n’y a rien à dire. Il n’y a rien à faire. La stabilité de la dynastie, déjà fortement ébranlée, s’est fissurée pour toujours. Elles le savent bien elles, les abeilles qui lui servent d’essaim, que la fin est proche. Inexorable. L’oncle et la nièce ont voulu se marier, la tante ne voulait pas. C’est vrai que, dans la haine qu’ils se vouaient, personne n’avait vu venir ce retournement de situation. Pas même l’épouse. Surtout pas l’épouse qui, sans avoir donné d’héritier mâle, avait malgré tout fécondé deux parfaites filles… Oh ! que des cieux les dragons n’avaient enviés le feu qui avait dès lors embrasé la maison ! Un grand et long malheur s’était abattu sur eux tous. Finalement, un statu quo avait été établi. Il était simple. Le poids des cris en or massif ; le poids des larmes en joyaux scintillants. Par une journée claire, les portes s’étaient ouvertes et les licteurs étaient sortis, un par un, de la demeure ancestrale. Daenesa Vaekaron se vouait au sacerdoce d’Arrax. Soudain, l’Érudit n’avait plus d’épouse. L’opacité était totale sur qui avait voulu quoi, quoi avait voulu qui. Le Maître des lois était-il réellement derrière cette habile farce du destin ? Pendant de longues journées, la Cité braqua son regard sur la vieille forteresse. Sans aucun égard pour la « répudiée », horrifiée, elle attendait le dernier coup acte du huit clos. Dans cette société où l’on pouvait se marier entre frère et sœur, un divorce était intolérable ! La nouvelle tomba. Les noces furent somptueuses. Cette fois, il fallait rétablir la balance à l’envers. De l’or et des joyaux jusqu’à effacer l’outrage des bonnes mœurs. Dans les hautes sphères, personne n’était dupe : cet appel du divin était une mascarade éhontée. Ce conte merveilleux était bon pour les ignares et la populace. Demeurait une question pourtant, pourquoi le clergé d’Arrax acceptait-il de se mêler à ce scandale ? Et puisque seul un commandement du divin pouvait répondre à cette question, les invités répondirent présents. Les noces furent grandioses. Une pompe baroquement antique. Une claque orchestrée par les nombreuses lectures de l’Érudit. L’oncle et la nièce avaient marché pieds nus, côte à côte, sur cette terre que leur ancêtres avait érigé. Vêtus des tenues amples des temps oubliés, on aurait pu croire une apparition de leurs aïeuls. Aucun détail n’avait été laissé au hasard, ce mariage, c’était le retour de l’Ordre sur le chaos. La grande mage Rhaenyra Celtigar elle-même avait discouru sur l’exemple céleste que formait ce couple élu par la volonté divine. Le triomphe du Ciel contre les Enfers. Après la noce, car le spectacle ne pouvait oublier quiconque, devant une foule de badauds, le nouveau couple avait béni quatorze pauvres d’une goutte de leur sang divin. Il n’aurait pu y avoir plus pédant que ces heures tristement glorieuses. Valyria avait été honorée. Hélas, cette pompe marmoréenne se payait au juste prix. Et, il fallait bien se confronter à la vérité vraie, désormais, les caisses étaient vides.

Depuis Vaekar, depuis la nuit des Temps, depuis la nuit de leur temps, chaque génération avait appris à subsister sur leur fortune colossale. Un océan d’or. Vrai, les caves des dynastes étaient à l’origine de ce mot étrange, qui se confondait tant avec la destinée humaine, « fortune ». Puis, les vents avaient changé. Des nobliaux avides, ceux-là même qui avaient renversés le cours du monde, s’étaient enrichis en multipliant leurs propriétés. Les plus téméraires s’étaient adonnés au commerce voire, pire, avaient forgé des alliances monétaires quitte à pourrir la pureté de leur sang. Aucun dynaste n’avait pu s’accorder à ces penchants néfastes. Malheureusement, de nos jours, la source  d’or tarissait. Oh ce n’était un secret pour personne, mais, on ne savait comment, ni pourquoi, les dynastes gardaient la face. Combien de temps le pourraient-ils encore ? Pour les Vaekaron, aucun. Aux lendemains des noces et des festins, les coffres pouvaient être comptés et savamment pesés. La répudiation de la tante, le silence des autres, les offrandes aux Dieux, les noces… l’argent était allé à vau-l’eau avec le prestige. Alynera s’accordait mal à cette nouvelle réalité. Une désillusion nouvelle dans sa vie feutrée. Sa race n’était pas faite pour la pauvreté. Alors pourquoi ? Elle n’avait pas eu le choix car la primauté du sang l’avait exigé. Au fond d’elle, dans le silence de ses gouffres, elle savait bien que tous auraient agi à son instar. Après tout, ceux qui acceptaient de voir mourir la pureté de leur sang étaient de dangereux fanatiques ! Mais voilà, à lutter contre le fanatisme contemporain, on se retrouvait vite, et pour la première fois, à se voir refuser l’achat de nouveaux parfums. Une futilité matérielle. C’était dire jusqu’à quel point son mode de vie était chamboulé ! L’odeur même de ces embrumes interdites lui souleva le cœur. Elle appuya un peu plus sur ses paupières. Dans les ténèbres, le monde tanguait encore plus que sous l’astre solaire. Il n’y avait nul part où s’échapper. Toutes les échappatoires étaient des marais plus dangereux les uns que les autres. Pourtant, au bout du compte, il faudrait bien en choisir un.

« Il faut t’habiller. »

Ses pieds se balancent dans l’air. Avant, elle aimait danser. Ses mains imitaient les branches des peupliers d’autres monde, graciles et volatiles. Avant, bien avant encore, ses pieds avaient pris l’habitude de fouler un monde solide comme le roc. Ses pieds brassent l’atmosphère. Elle est en train de mourir avec les siens et tous sont bienheureux du sort qui leur est réservé. Les alliés d’hier étaient rares aujourd’hui. Par delà les murs rouges, une guerre sans merci est livrée aux dynastes. Ce Baelor, ce fat grassouillet, avait fait voter l’hallali et tous, petites gens ingrats à la tradition, l’avaient suivi en rêvant que le sang magique des dynastes abreuve une dernière fois ce sol de légende. Alors, quel marais choisir ? Il suffirait de se lever et de fouler la terre en comptant allègrement le nombre de pile, le nombre de face, jusqu’à se laisser happer. 



« Ton époux doit déjà être prêt. »



Perçants, ses yeux s’ouvrent grands. Pourquoi fallait-il encore faire des efforts ? Ils n’étaient plus reçus nul part. Seulement par ceux qui étaient assez croyants, ou assez fous, pour croire, ou bien vouloir croire, en la volonté d’Arrax. À cela, il fallait ajouter une poignée, bien maigre, d’hommes sensés qui montraient encore leur vénération aux Dynastes et, plus particulièrement, aux savoirs des Vaekaron. La majorité de cette petite assemblée était bien évidemment formée par des proches de Ragaenor, autant dire d’autres fanatiques. Ses pieds s’immobilisent. Ce soir elle allait danser, mais pas comme avant. Elle allait danser avec les affres de la destinée.


***


À l’heure où les femmes et les hommes s’aiment entre eux dans les bras de Meleys, Alynera s’est assise dans les gradins de la future Arène. Seule au milieu des échafauds, de ces rêves d'architectes, elle se sent étrangement petite voire... insignifiante. Silencieuses, les étoiles caressent son corps nu que la lumière lunaire rend presque visible sous sa stola. Il faut dire que la gaze était d’une transparence à faire pâmer un Dieu. Un vestige d'un temps fastueux. Pour faire faire oublier les frasques humaines de sa famille, son corps était son meilleur atout. Et, quoiqu’il en dise, le meilleur allié de son oncle-époux. La soirée avait été longue, mais elle se refuse à se donner à la lassitude. Cette soirée ennuyeuse n’était rien quant au tunnel dans lequel elle s’apprêtait à s’engager. La nuque renversée, elle observe les astres où les siens racontent les exploits légendaires. Si elle appartient à ce monde céleste, il ne lui a jamais semblé aussi loin.

« Ce jour-là, tu n’as jamais dit que j’étais blessée. »

Son ouïe bestiale, l’avait entendu. Son pas était légèrement plus lourd qu’à l’ordinaire, lui l’éclaireur de la troisième armée. La nuit bleue était avancée. Ces dernières heures, le vin avait coulé à flots. Le fils cadet avait repris ses vieilles habitudes. Arraxios avait perdu et avec lui tous leurs espoirs. La faction n’était plus. De toute manière, elle n’était plus sénatrice. C’était une femme acculée contre un mur triplement millénaire. Il y avait tout à perdre et, à la fois, il n’y avait plus rien à perdre. C’était une sensation étrange. Et cette sensation valait bien une question qui la tourmentait depuis quelques mois. 



« Pourquoi ? »


Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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La Balance de la DestinéeAlynera & Aerys

Le chantier de l’Arena - An 1066, mois 12

Imaginer que le vaste chantier de la future Arena de Valyria était un endroit au repos une fois que le soleil se couchait et que les ouvriers rentraient dormir aurait été une grossière erreur. S’il était financé par la plupart des grandes familles valyriennes par l’entremise de la République, le chantier était sous la coupe des Maerion qui avaient parmi leurs obligés de nombreuses entreprises de maçonnerie. Leur présence n’était évidemment pas officielle, ni même officieuse. Tous savaient qu’un tel chantier nécessitait de la main d’œuvre en nombre et que les Maerion contrôlaient notamment les affaires des entreprises de construction qui pouvaient embaucher leurs gros bras lorsqu’ils n’avaient rien à faire.

Malgré des gardes de la milice de la cité, il était aisé de s’y faufiler. Sous les arcades déjà achevées, il n’était pas rare de trouver quelques échoppes éphémères qui ne duraient qu’une nuit et qui, dans ce laps de temps, écoulaient des stocks de produits interdits ou pratiquaient le recel. Sur les gradins, on trouvait souvent des prostitués – hommes comme femmes – qui s’offraient à qui venaient acheter leurs services pour quelques pièces de cuivre. Dans les sous-sols, les Maerion creusaient des galeries supplémentaires à celles indiquées sur les plans officiels afin de disposer de passages secrets pour leur permettre de se déplacer à toute heure du jour ou de la nuit sous l’édifice et dans tout le quartier. Même de nuit, l'immense édifice semblait littéralement sortir de terre, enfanté par les entrailles de cette terre tantôt nourricière, tantôt meurtrière. L’ouvrage promettait d’être, à terme, aussi bien un endroit de sport où auriges et coureurs pourraient démontrer leur capacité qu'un endroit de justice où les criminels pourraient choisir d'affronter les créatures les plus exotiques ou les esclaves les plus redoutables. Initialement conçu comme une arène, le bâtiment avait trouvé un nouvel intérêt auprès des troupes revenues de Meereen où elles avaient découvert les combattants professionnels et asservis qui se lançaient des affrontements sanglants et splendides.

Le sol était creusé de partout et les maçons continuaient de monter et consolider la multitude de galeries souterraines qui permettraient à l'Arena de fonctionner pour accueillir des milliers de spectateurs. C'était là le travail des esclaves et du peuple. En journée, les maîtres architectes travaillaient avec des dragons et des mages à façonner la pierre, comme pour lui donner vie, rejetant toutes les autres civilisations des millénaires derrière, car marteaux et ciseaux n'étaient rien face au génie valyrien. La pierre semblait prendre vie, elle se mouvait comme un être vivant avec sa volonté propre, contrainte par les incantations et le feu-dragon. Valyria prenait pleinement conscience de sa place dans l'univers et de la marque qu'elle laisserait dans l'Histoire : elle y mettrait un terme. Avec l'avènement de Valyria, l'Histoire se terminait. L'Ère du Dragon allait débuter pour ne plus jamais s'interrompre. Il fallait donc bâtir une capitale éclipsant toutes les autres car elle serait construite pour l'éternité. Chaque bâtiment devait respecter cette vision. Dans plusieurs millénaires, lorsque le bon peuple valyrien prendrait place sur ces gradins sans aucune usure, il pourrait penser avec reconnaissance à ces générations du onzième siècle valyrien qui avaient construit un bâtiment si grand et si glorieux.

Pour l’instant, toutefois, ni gloire, ni grandeur ; seule la poussière et le silence régnaient en maître sur l’Arena.

Aerys connaissait bien les lieux. Il n’était guère recommandé de s’y rendre une fois la nuit tombée mais il savait qu’il ne risquait rien vu que le principal risque était de tomber sur ses hommes qui, par définition, ne lui feraient pas de mal… A moins, bien entendu, qu’il ne tombât sur la faction rebelle qui l’avait attaqué lors du Grand Effondrement. Chassant ce douloureux souvenir de ses pensées, Aerys monta quatre à quatre les marches de l’escalier déjà terminé qui menait aux gradins supérieurs. On lui avait signalé que la femme qu’il devait rencontrer était déjà arrivée. Ce soir, pour elle, l’Arena avait été débarrassée de sa population indécente. Il n’aurait guère été convenable de parler affaires avec une descendante de Fondateur tout en regardant deux citoyens copuler sur des bancs de marbre trois rangs plus bas. Quoique l’ironie aurait sans doute plu à la déesse Meleys.

Arrivé au faîte des marches, Aerys suivît un couloir jusqu’à émerger au milieu des gradins de l’immense chantier. Autour de lui, des tonnes de pierre avaient déjà été cisaillées et taillées par les maîtres artisans de Valyria et donnaient un bon aperçu de ce que serait l’édifice une fois achevé. Il n’y avait guère de nuages au-dessus de Valyria en règle générale et cette nuit ne dérogeait pas à la règle. La voûte céleste s’offrait dans toute sa splendeur mirifique alors que le ciel avait paré son manteau nocturne piqué des pierreries stellaires. La lune, pleine, jetait une lueur bleutée sur tous les environs. Pourtant, même la lune ne parvenait à éclipser la brillance argentée et dorée de la chevelure d’Alynera Vaekaron. Ce fut la première chose qu’il remarqua d’elle quand il posa ses yeux sur sa silhouette assise sur sa droite. Il la rejoignît. L’entendant arriver et se doutant que ce ne pouvait être que lui, elle lui rappela – sans le regarder – qu’il n’avait jamais dit qu’elle s’était blessée.

Il avait ses raisons, et il comptait lui expliquer. Aerys n’avait guère pour habitude de fréquenter de manière aussi personnelle une représentante de dynastie. De sucroît, Alynera, qui n’était pas à proprement parler une femme ordinaire car on la surnommait la Princesse. Dans une cité qui se revendiquait République tous les jours que faisait Arrax, c’était aussi ironique que cela donnait une indication de la fascination qu’elle suscitait. Elle lui demanda pourquoi. Pourquoi avait-il gardé le silence ?

« Sept lunes se sont écoulées depuis notre dernière discussion en tête-à-tête et voilà que tu m’assailles déjà d’une question sérieuse, Alynera. »

Aerys avait mûri en ces quelques mois. La situation de sa famille s’était passablement dégradée et sa situation personnelle avait suivi dans le naufrage. Il dirigeait un empire criminel en ruines, son père avait perdu le pouvoir suprême et sa promise de jadis épouserait bientôt son frère aîné… S’il avait jadis été impressionné par Alynera, Aerys était désormais bien moins fleur bleue. Cette fois, c’était elle qui souhaitait cette rencontre. Elle lui avait fait parvenir une note à une soirée où ils s’étaient croisés la veille. Elle lui demandait d’organiser une rencontre dans un lieu discret au plus vite. Il avait décidé de faire preuve de célérité et de lui dire de le trouver la nuit suivante à l’Arena où elle pourrait se faufiler sans crainte d’être aperçue et reconnue. Il s’installa à ses côtés, son épaule frôlant la sienne.

« Crois-le ou non mais j’ai toujours eu du respect pour les Dynasties. N’en déplaise aux positions publiques. Et surtout, j’ai toujours eu du respect pour toi, Alynera Vaekaron. Tu es faite d’un bois particulier, c’est indéniable. Tu outrepassais peut-être ton droit en conservant ce titre, mais j’ai admiré ta façon de te battre pour le conserver. J’en suis venu à regretter ce mariage. »

Il haussa les épaules.

« Mais qui suis-je pour remettre en question le destin des enfants des Fondateurs ? Tu as fait preuve d’un sacrifice admirable pour ton sang et ton nom. Oh, ne me regarde pas ainsi ! « Pour qui se prend ce fils de rien pour commenter ainsi mes décisions et les développements d’une Dynastie ? » Je vois bien à tes yeux courroucés que tu ne cautionnes pas. »

Croisant une jambe sur l’autre, il se tourna pour faire face à la Princesse. Il détailla ses traits, toujours aussi élégants. Ses yeux portaient un or et un violet qui hurlaient leur sang divin. Ses lèvres étaient fines et légèrement pincées, traduisant là les soucis qu’elle avait traversé et vaincu. Ses pommettes fières réhaussaient ses paupières maquillées. Aerys ne se lassait pas de la voir : Alynera passait pour être la plus belle femme de Valyria et, à ce titre, peut-être bien du monde. Toutefois, s’il éprouvait un vif intérêt à continuer à échanger avec elle et à sonder ce regard légendaire, il savait qu’il était là pour une raison précise. Et il ne voyait aucune raison – ou moyen – de retarder l’inévitable. Il l’interrogea donc d’un air faussement détendu :

« Alors dis-moi. Qu’est-ce qu’un cadet d’une famille indigne peut faire pour toi en cette belle soirée ? »

Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
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La balance de la destinée Aerys & Alynera

La Grande Arène, pendant la nuit
1066, mois 12

« Sept lunes se sont écoulées depuis notre dernière discussion en tête-à-tête et voilà que tu m’assailles déjà d’une question sérieuse, Alynera. »

« C’est le monde qui est sérieux. »



Un susurre aux bâtisseurs de la voûte céleste. Du Ciel, qu’observent les Dieux ? L’immensité humaine était déjà si ridiculement petite du dos d’Yraenarys : de l’Univers lls devaient les trouver bien insignifiants ! De l’air à la terre. La primeur du Ciel. Ainsi était construite la société valyrienne. Des Seigneurs-Dragons à la vermine famélique. Cette primeur, sa famille l’avait possédée pendant plus de deux siècles. Son épaule frôle la sienne. L’audace semble volontaire mais, assise dans le berceau du monde, Alynera demeure contemplative. Elle converse avec Vaekar, le père de tous ses pères. Une figure légendaire qui, ce soir encore, illumine la nuit par sa chevauchée fondatrice. Immortel, parmi tous. Son sang coule en elle. Vestige de magie primordiale, il chante comme du cristal que l’on fait tinter d’un doigt rieur. Pourtant, elle est là au milieu des ruines de l’histoire des siens. Elle était née au crépuscule du monde tel que les Dynasties le connaissait. La preuve en était cette Arène, massive. Dans quelques mois, les jeux seraient ici grandioses, mais le sang serait versé moins à la gloire des Dieux qu’à l’hybris humain. Le monde forgé par, pour, Alynera Vaekaron s’enlisait dangereusement. Et, dans leur silence mortuaire, les astres n’indiquaient aucune direction à prendre.



« Crois-le ou non mais j’ai toujours eu du respect pour les Dynasties. N’en déplaise aux positions publiques. Et surtout, j’ai toujours eu du respect pour toi, Alynera Vaekaron. Tu es faite d’un bois particulier, c’est indéniable. Tu outrepassais peut-être ton droit en conservant ce titre, mais j’ai admiré ta façon de te battre pour le conserver. J’en suis venu à regretter ce mariage. »


La surprise, probablement, lui fait poser ses yeux sur le Maerion. Si son père et elle avaient été alliés, elle n’avait jamais cru que le cadet portait un regard admiratif, ou presque, sur ses actions. Surprise tout autant que flattée, elle aurait pu rougir si les mots d'Aerys n'avaient pas été aussi graves. En cédant son siège sénatorial à son oncle, pour un statu quo plus respectable, elle avait bousculé l’échiquier de la faction religieuse — déjà anéanti par la défaite d’Arraxios. Pendant les longues négociations précédent leur union, l’oncle et la nièce avaient établi un pacte : ils devraient être unis. Depuis, tous deux s’y efforçaient avec panache mais leur agacement mutuel était pugnace. Son oncle-époux possédait quelque chose d’insensible : mis à part la douceur d’un parchemin entre ses doigts, rien ne semblait pouvoir l’atteindre. Lui, sans surprise, trouvait sa nièce-épouse trop dévote, trop peu éduquée quant aux stratagèmes politiques et, d’une manière générale, drastiquement moins intelligente que lui. L'ancienne alliance politique avec les Maerion était une source d’acariâtres tensions. D'autant plus que la nièce-épouse n’appréciait guère les affinités politiques de son oncle. Bref, Aerys Maerion n'était pas le seul à, parfois, regretter ce mariage : si les Vaekaron étaient soudés à l’extérieur de la Tour, vivants la fiction de leur propre vie, les rapports entre eux étaient devenus catastrophiques. Ils l'étaient tout particulièrement avec les filles de Ragaenor qui, depuis l’annonce de ce mariage, étaient tombées dans un silence de pierre. Autrefois si proches de leur cousine, elles ne savaient plus à qui elles devaient allégeance. Si leur mère s’était résignée à son sort « divin », le pouvaient-elles ? Il en allait de même pour Lorgora. Bref, filles, cousines, sœur, tante : personne ne supportait l’idée de cet hymen. 



« Mais qui suis-je pour remettre en question le destin des enfants des Fondateurs ? Tu as fait preuve d’un sacrifice admirable pour ton sang et ton nom. Oh, ne me regarde pas ainsi ! ‘‘Pour qui se prend ce fils de rien pour commenter ainsi mes décisions et les développements d’une Dynastie ?’’ Je vois bien à tes yeux courroucés que tu ne cautionnes pas. »

Il disait vrai, elle ne pouvait cautionner. Comment pouvait-il parler de « sacrifice » ? C'était là un travers que Daenyra possédait également. Nul ne pouvait se sacrifier pour sa propre famille. La pérennité d’une lignée était piété filiale. C’est lui qui ferait un sacrifice si il devait décider de prendre une épouse en dehors du cercle Maerion. Car, en vérité, même dans ce monde moderne, il n’y avait rien de plus important que la primauté du sang. 



« Alors dis-moi. Qu’est-ce qu’un cadet d’une famille indigne peut faire pour toi en cette belle soirée ? »

Alynera sourit. Il faisait la peau à son mystère, sans détour. Elle appréciait la fureur audacieuse. La douleur serait plus brève et, hypothétiquement, moins douloureuse. Surprenamment, elle n’avait préparé aucun texte à déclamer. Non qu’elle n’avait essayé, pendant des heures. Ragaenor lui-même avait martelé son crâne de conseils diplomates et stratégiques quant au bon déroulé de cette entrevue. A son plus grand désespoir, elle avait refusé tout aide. Le chemin vers l’autel de l’humiliation devait être humble, sincère, accompagné d'un seul suaire. 



« Quand nous avons érigé Valyria dans le feu de nos dragons, nous étions les Maîtres de cette terre. Le monde, une carte a écrire. Notre magie, immense. » Aujourd'hui, Valyria était le centre du monde. La Valyria antique, un mirage dans les souvenirs de quelques rêveurs éveillés. « Le monde a évolué, pas nous. » Ils pouvaient se mouvoir dans les institutions de la République, endosser les stolae aux couleurs du Sénat, donner des réceptions somptueuses, aucun Dynaste n’était fait pour cette vie oisive. La dernière guerre l'avait bien illustré en décimant la presque intégralité des guerriers Vaekaron. Elle était la seule survivante. « Parce qu’à jamais nous sommes les gardiens de cette terre nous sommes immuables. Nos veines sont intrinsèquement liées avec ses racines profondes. Et, si le temps n’aura jamais aucune prise sur nous…. les hommes, oui. » Sa voix est calme. La fille de Vaekar est depuis longtemps résignée à cette destinée étrange. « Notre mode de vie est incompatible avec celui que la République favorise. Notre loi est d’airain. Il nous est interdit de nous enrichir par la politique, le négoce ou l’usure. » Le linceul est lourd, ses mains fébriles, mais l’inéluctable n’attend pas. La vérité, du reste, est déjà là depuis bien longtemps. « En conséquent, nos coffres sont dangereusement appauvris. » Bien sûr, ce ne devait pas être une grande surprise pour Aerys Maerion. Tous se doutaient que la source de la fortune des anciens Fondateurs n'était pas intarissable. C’était néanmoins un mystère entretenu savamment depuis des millénaires. Pas même les membres de la famille Vaekaron ne connaissaient la réelle étendue des coffres. Seul les Misio Lentor, et leurs épouses, détenaient ce secret sur lequel ils allouaient des pensions aux leurs.



Observatrice, elle guette une réaction moqueuse sur ses traits.

« Les grimoires de la Tour contiennent bien d’étranges prophéties. Si nous sombrons, qui sait combien de temps Valyria demeurera? » Alors que sa voix trahit une inquiétude ancienne, ses doigts trouvent chastement ceux d'Aerys. Ils se posent délicatement, pour appuyer la confidence. En réalité, il n’existait nulle prophétie liant le sort de Valyria à celui des Fondateurs. Du moins, pas mot à mot. Il existait des grimoires évoquant la possibilité que le sang des Fondateurs, et celui de leurs descendants, soit le gardien d’un feu magique et sacré. Ces textes, anciens, antiques, théorisaient sur d’étranges évènements que les premiers âges avaient vus. L’essence même de la stabilité du monde semblait venir des humeurs vernaculaires. Selon d’autres auteurs, plus récents, le renversement de la Tétrarchie n’aurait pas détruit le monde car, alors, les familles dynastes et leurs dragons s’étaient ployés volontairement au nouvel ordre. Laissant entrevoir, à nouveau, une certaine possibilité que leurs accords régissaient le monde. Ces hypothèses étaient bien gardées des yeux du monde, mais les enfants de Vaekar étaient élevés avec cette sacralité du devoir qui leur incombait. L’apprendre était un morceau de bravoure, un support infaillible à la République des hommes. Pourtant, ces mêmes hommes se détournaient aujourd’hui d’eux. Ils étaient de plus en plus nombreux à vouloir les faire descendre de leurs tours d’ogives, à jamais. Si ils montraient encore du respect, la démesure leur murmurait de s’élever au-dessus de la tradition. Tout l’orgueil nouveau était de prendre leur place. Montrer que ces « petites » familles étaient désormais les maîtresses. Alynera avait toujours été protégée de cette folie parce qu’elle était une femme et, plus particulièrement, parce que tous l’avaient surnommés « Princesse ». Lui accordant ainsi une place tout aussi inexistante qu’inviolable.



« Aerys, fils d'Arraxios...  » Son pouce dessine un serment ancien sur les veines de son poignet. Premier idéogramme de l’alphabet oublié des premiers bergers. Le cœur haut, les améthystes de ses yeux brillent d’une flamme unique. Autrefois, lorsque Vaekar, Riahenor et Lyseon appelèrent les bergers les plus méritants pour leur enseigner la magie ils dessinèrent dans leur sang un serment. Le prix à payer pour les Mystères de Valyria. Ainsi, la magie gravée dans leurs os, ils ne devaient jamais se retourner contre eux et leurs enfants-dragons. Intouchables, les Fondateurs ne craignaient pas une rébellion. Ils faisaient d’eux leurs vassaux inculquant par la même, dans leurs esprits, une filiation étrange de Maitres à Initiés. Magnanimes, ils avaient partagé leur connaissance mais ils demeuraient gardiens des vœux et des desseins d'Arrax. Et puis, les Maerion avaient, supposément, assassiné Daenya Riahenor insufflant le fiel de la rébellion dans le coeur des hommes... Depuis, les simples humains avaient eu des rêves de déité. Et, les fondateurs, tapis dans l'ombre, veillaient sur eux. Ce soir, pourtant, il était temps que l’un d'eux paie une dette.

 « ... j’appelle à ton allégeance. Viens en aide aux miens. »  


Aerys Maerion
Aerys Maerion
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La Balance de la DestinéeAlynera & Aerys

Le chantier de l’Arena - An 1066, mois 12

Les paroles divinatoires d’Alynera Vaekaron, sœur de Valyria, résonnaient avec une étrange vibration funeste dans l’air nocturne. La place des dynasties dans le système valyrien s’étiolait depuis des siècles, à mesure que leur influence et leur prestige se fossilisaient pour ne laisser qu’une patine usée par le passage du temps.

Si certains avaient éructé jadis contre le sort réservé aux descendants des Fondateurs, que d’autres avaient pointé du doigt ceux qui avaient un jour osé se dresser contre ceux qui avaient reçu un présent des Dieux, tous semblaient avoir aujourd’hui accepté le déclin progressif de ces familles à la place si particulières. Après tout, leur destinée était peut-être de disparaître sans un bruit, dans un murmure de l’Histoire où leurs noms se fondraient à la cité et à la civilisation qu’ils avaient enfanté. Bien des inquiétudes couvaient sur la période qui s’ouvrirait pour les Valyriens si les enfants de leurs deux pères et de leur mère originels disparaissaient. Les conjectures étaient nombreuses. Les dynasties et leurs soutiens arguaient qu’une crainte millénaire pour Valyria en tant que tout unique et indivisible : cité, état, peuple, civilisation. Des prophéties antiques annonçaient l’effondrement des enfants d’Arrax s’ils ne prenaient pas garde aux dynasties. Ils pouvaient les défier, mais jamais les écraser. D’autres, plus agressifs et souvent liés aux jeunes familles ayant récupéré le pouvoir depuis, considéraient ces prophéties comme des assurances-vie de la part de ces familles qui voulaient subsister envers et contre tout. Là où d’autres avaient déjà disparu, englouties dans les sables du temps. Cette rengaine revenait de temps à autre, mais les gens y prêtaient peu d’attention, persuadés que les dynasties étaient éternelles.

Aerys, lui, n’y connaissait rien.

Il ne s’intéressait guère aux dynasties mais il devait bien avouer apprécier l’idée de fréquenter Alynera dans cette nouvelle configuration de leur relation où ils échangeaient en secret lui plaisait bien. En tant que cadet d’une famille dont l’importance avait crue mais décrue au cours de sa brève vie, Aerys ressentait un besoin continuel d’attirer l’attention des illustres. Et en guise d’illustre, on ne faisait guère mieux qu’une dynaste, dans le monde valyrien. Et pourtant, Aerys disposait aujourd’hui d’un pouvoir, fragile, qu’on pouvait lui retirer, mais d’un pouvoir tout de même. Arraxios Maerion semblait déterminé à ne pas revenir dans le jeu politique, ou bien il tentait une nouvelle stratégie. Il avait laissé à ses fils les deux pans de la puissance Maerion. A l’héritier Jaehaegaron le siège sénatorial et la représentation officielle. Au cadet Aerys, les vestiges de leur empire criminel et de leur réseau d’influence.

Aussi, l’idée de pouvoir reconstruire un nouveau vecteur de puissance pour les Maerion intéressait particulièrement Aerys. Il voyait dans les Vaekaron une opportunité à nulle autre pareille. Il n’était pas question là de gagner de l’argent ou de nouveaux obligés. Il s’agissait avant tout de faire en sorte de construire une légitimité retrouvée. En accompagnant Alynera dans ses plans, il bénéficierait des retombées associant son nom à celui d’une dynastie. Bientôt, le bruit courrait : les Maerion avait de nouveau la faveur des Dieux. Et même les Vaekaron faisaient appel à leurs services.

Restait à savoir quel était ledit service… En observant Alynera tracer sur son poignet un symbole antique, oublié de beaucoup, Aerys se fit la réflexion qu’il s’agissait de quelque chose de sérieux. Ce signe appartenait à l’Histoire selon la plupart des érudits, il était méconnu d’une grande majorité. Pas d’Aerys, ni d’aucun Maerion, qui restaient attentif aux serments d’outre-tombe. La légende voulait qu’au moins un membre de chaque famille noble sût la signification de ce signe muet… la réalité était sans doute bien différente. Lorsqu’Alynera prononça toutefois le mot « d’allégeance », Aerys fronça légèrement les sourcils.

Devait-il vraiment allégeance à Alynera Vaekaron, dont les descendants avaient abandonné le pouvoir sous la pression d’une fronde des siècles auparavant ? Pouvait-il retrouver, sous l’auguste regard de la Princesse, une nouvelle légitimité ? Pouvait-il, devait-il, se prosterner devant elle à la simple raison que son sang était légendaire ? Père aurait désapprouvé.

« N’oublie pas que le monde a changé, Alynera Vaekaron. Il est des constantes universelles dont le cours perd malgré tout de son sens au fil des âges. »

Aerys lui lança un regard fataliste, empreint d’une dureté sans méchanceté. Il la regardait avec respect, avec révérence, car elle était le sang divin, ou peu s’en fallait. Pour appuyer sa démonstration, il attrapa la main qui avait dessiné des symboles ésotériques quelques instants plus tôt.

« Il eut été une époque où, par ce simple geste, j’aurais encouru la mort, au mieux la perte de ma main. Aujourd’hui, je peux saisir la tienne sans crainte pour ma vie, quand bien même je vois dans tes yeux les flammes de ton courroux. »

Il n’évoqua pas la difficulté avec laquelle Alynera avait fait voler son dragon quelques temps plus tôt. Il était fidèle. Ce n’était pas une question d’allégeance, mais de respect. Il abandonna la main de la jeune femme.

« La guerre a changé bien des choses pour moi, mais pas au point de pouvoir te proclamer ici, sans autre témoin que les étoiles, mon allégeance. Je ne servirai jamais que le sang de mon sang, ô Alynera. Les Maerion sont tout ce que j’ai, tout ce dont j’ai besoin. »

Pourtant, malgré cet apparent refus, Aerys était intrigué. Il jouissait de la position curieuse dans laquelle il se trouvait et jouait avec les nefs d’Alynera, car tel était le caractère du cadet Maerion. Il le faisait pour la simple et unique raison qu’il pouvait le faire. Et qu’il était fasciné par cette femme inatteignable qu’était Alynera.

« Malgré tout, tu as mon attention, Alynera, descendante de Vaekar. Mon allégeance te sera peut-être un jour acquise, mais peut-être pas ce soir. Discutons de ce que tu veux, et comment tu comptes me rétribuer pour mon aide. »

Il lui glissa un clin d’œil goguenard qui en disait long.

« Quoi qu’il en soit, je t’écoute. Dès que j’en saurai plus, je pourrai te proposer plusieurs façons d’agir et tu sélectionneras celle qui te convient le mieux. Nous évoquerons la dette que tu vas contracter à mon égard et comment tu pourras t’en acquitter. Ensuite, j’agirai. Et enfin, au résultat, tu me rétribueras comme convenu. Cela te convient-il ? »





Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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La balance de la destinée Aerys & Alynera

La Grande Arène, pendant la nuit
1066, mois 12

« N’oublie pas que le monde a changé, Alynera Vaekaron. Il est des constantes universelles dont le cours perd malgré tout de son sens au fil des âges. »


Le regard fataliste, la toisant au milieu des étoiles, il s’empare de sa main. Elle ressent le même petit tressaillement, imperceptible et froid, qu’à leur première rencontre. Du mépris ? Aerys Maerion, ne pousse pas les limites de ton destin plus loin lui avait-elle alors dit… mais ce soir elle avait cruellement besoin de son aide. Ses doigts se recroquevillent sur eux-même, une ultime défense silencieuse. 


« Il eut été une époque où, par ce simple geste, j’aurais encouru la mort, au mieux la perte de ma main. Aujourd’hui, je peux saisir la tienne sans crainte pour ma vie, quand bien même je vois dans tes yeux les flammes de ton courroux. »


Aerys Maerion se trompe cependant. Ce ne sont pas les flammes du courroux qui dansent dans les yeux d’Alynera Vaekaron, mais une complainte vernaculaire. Une vieille ardeur qui ne peut mourir. Le monde n’avait pas changé. C’étaient ses hommes qui avaient changé. L’architecture céleste, elle, était intacte et les tréfonds de la terre, eux, rugissaient encore de la même colère rougeâtre. Qu’un Maerion effleure de ses doigts l’immortalité, qu’il pourfende l’Interdit, n’était rien puisque les siens avaient déjà détruit l’ordre cosmique. Mais les constantes universelles sont des constantes et, par définition, leur sens ne se perd pas au fil des âges. Sous le manteau de l’univers, les mortels se croyaient d’éternels explorateurs, persuadés que les secrets du monde étaient connus d’eux-seuls… ils avaient tord. 



« La guerre a changé bien des choses pour moi, mais pas au point de pouvoir te proclamer ici, sans autre témoin que les étoiles, mon allégeance. Je ne servirai jamais que le sang de mon sang, ô Alynera. Les Maerion sont tout ce que j’ai, tout ce dont j’ai besoin. »



Un sourire, rare, sincère, s’évapore dans ses lèvres. Il se trompait encore. Or, cette fois-ci, elle se surprend à être presque déçue qu’il pensât comme les autres. Les Maerion appartenaient à ces aristocrates loués pour avoir renversé la Tétrarchie, soit avoir construit une Valyria à l’image des Hommes et non des Dieux. Et, pourtant, malgré la bravoure de leur acte, ils ne pensaient qu’à eux. Eux qui n’étaient, et ne signifiaient, rien sans la puissance divine de ce monde, n’avaient d’allégeance que pour eux. Dans le creux de sa main, ses doigts se ferment un peu plus. Oui, Aerys Maerion se trompait. Si il avait besoin des Maerion, il ne servirait jamais qu’Elle. Valyria. L’allégeance d’un valyrien ne pouvait aller qu’à la plus grande Cité du monde. L’homme qui lui avait secrètement confié, abattu, vouloir quitter l’armée, avait besoin de se forger un nom par lui-même. Alynera ne pouvait croire qu’il ne veuille gagner du prestige loin de la cuirasse fraternelle, faire trembler Jaehaegon pour lui avoir dérobé sa promise.


« Malgré tout, tu as mon attention, Alynera, descendante de Vaekar. Mon allégeance te sera peut-être un jour acquise, mais peut-être pas ce soir. Discutons de ce que tu veux, et comment tu comptes me rétribuer pour mon aide. »



Ses améthystes brillent sous ses cils d’argent tandis qu’elle récupère l’usage de sa main. Elle n’est pas étonnée du sous-entendu, à peine dissimulé, de sa dernière phrase. Lorsqu’elle avait exprimé son idée à Ragaenor, il l’avait prévenu que le marché ne pourrait être sans que le benjamin, dont la réputation le précédait, exige un dû physique. Il était évident que l’image n’était pas pour plaire à son oncle, son époux, qui portait moins que bas dans son estime la famille d’Arraxios — pour tout dire, elle n’y figurait même pas. Ils étaient acculés cependant, personne à part Aerys ne pouvait les aider. Et, apanage des hommes, Ragaenor se trompait également. Elle ne se tenait pas dans cette Arène ce soir en remembrance d'une contingence ancienne avec le patriarche.



« Quoi qu’il en soit, je t’écoute. Dès que j’en saurai plus, je pourrai te proposer plusieurs façons d’agir et tu sélectionneras celle qui te convient le mieux. Nous évoquerons la dette que tu vas contracter à mon égard et comment tu pourras t’en acquitter. Ensuite, j’agirai. Et enfin, au résultat, tu me rétribueras comme convenu. Cela te convient-il ? »



« Ajea lacta est. »



Le sort en est jeté. Si cette soirée était un échec, il ne resterait au petite jour que les étoiles dans lesquelles se noyer. Elle se lève, en silence, laissant la lumière lunaire jouer de la transparence de son vêtement. Nul doute qu’Aerys avait un esprit martial, habitué aux stratagèmes de la guerre. Sa pensée était méthodique. Et si son charisme féminin, racé, savait jouer des mots, il n’aurait aucun charme dans cette situation. Le Maerion déjouerait toutes ses avancées. Il aurait toujours le dernier mot. Non. Il fallait le faire rêver, le déstabiliser, l’emporter dans un monde onirique. Ses courbes féminines ondulent dans la mer céleste tandis qu’elle entreprend de tisser le songe d’une destinée.



« Je veux contracter un prêt, conséquent. »



Sa famille était ruinée, il n’était pas nécessaire de revenir sur les raisons. Qui sait combien de temps les Vaekaron pourraient-ils survivre sans une entrée d’argent conséquente ? Sa découverte récente, secondée par Garaevon, n’était pour le moment pas suffisante — et ne le serait probablement jamais. Elle l’observe, interdite. Quelles seraient les sécurités demandées par Aerys ? Quelques ouvrages de la bibliothèque ? La main de sa cousine-fille, Vaessa ? Le droit de propriété de la demeure ancestrale ? Il serait en mesure de tout exiger. Désormais, un murmure suffirait à les faire frémir. Il pourrait tout leur prendre, les mettre à nu, les dépouiller jusqu’à leur chair. Il ne suffirait que d’un geste pour les faire ressembler aux bergers archaïques. Un frisson glacé remonte son échine. Allons, les dés étaient jetés. 


« Une partie de ce fonds financera… un projet. » Une audace, pense son regard. « J’ai en ma possession un document particulier, décrété perdu depuis des siècles par les cartographes de ce monde. »



Un parchemin mal rangé, au mauvais étage, sur la mauvais rayonnage, dans une bibliothèque trop vaste pour l’échelle humaine. La tête légèrement relevée, un goût de grande aventure sur les lèvres, elle continue à l’observer. Si ce n’était pour les dons méticuleux de son oncle-époux, ce document serait resté perdu pendant de nombreux siècles encore. Un heureux hasard, en somme. L’homme comprenait-il le poids de ses paroles ?



« Cette carte dessine les pourtours de Sothoryos, au-delà de la pointe du Basilic, … par delà les géographies connues. »



Ce trésor était un exemple parfait de l’immense fortune perdue de sa famille. Une relique à plusieurs niveaux. Quelque part, c’était un outrage insolite que de confier ce secret au fils d’Arraxios. Tout le monde savait que depuis plusieurs années, les pirates dissimulaient leurs butins dans les cavités rocheuses. Continent vierge, dangereux, Sothoryos demeurait principalement inexploré.



« Ce n'est un secret pour personne, ces lieux sont infestés par la piraterie. Quant à la barbarie de ces mortels, elle n’est plus à prouver. Leurs lames immorales saccagent tout ce qu’ils trouvent et leur emprise gagne dangereusement les eaux du sud. Leur attrait particulier pour le saccage des convoiements des marchands de la mer d’Été, nous empêchent d’établir une relation commerciale stable et prospère. En ne nous permettant pas d’étendre nos exportations, ils nous appauvrissent. Les pirates sont un poison vénéneux pour notre République. »



Alynera n'était pas un être pacifiste. Après-tout, elle était enfant des Dieux. Engendrée dans l’idéologie toute particulière, démesurée, de la supériorité des Valyriens sur le reste de l’humanité. En ses veines coulait le feu salvateur du Dragon, dans sa bouche était le goût de la cendre et du chaos. Bien que la guerre ait décimé tous les siens, elle avait pertinemment conscience qu’Yraenarys n'était pas un être sagement domestiqué. Lui, mieux que quiconque, savait que la fureur s’abattait du Ciel. Dracarys n’était que volonté divine. Puisque sa famille était appauvrie, la richesse devrait être arrachée à autrui. Après-tout, c’était le du des simples mortels d’honorer la puissance des Valyriens et aux Valyriens d’honorer les Quatorze. 


« Je veux que tu me prêtes de l’or, assez pour pouvoir tenir ma maison et assez pour mener cette expédition. Et surtout…. »



L’apex de ses doigts vient relever son menton. Une immense richesse était cachée dans ces récifs dangereux. Elle et lui étaient les enfants des Dragons, les enfants des Dieux, leur humeur n’était pas faite pour s’acclimater à la quiétude du monde. Ils devaient déverser leur puissance sur le nuisible, montrer un exemple de justice du Ciel. Et qui pourrait leur en vouloir d’avoir mis à sac ces pirates quand leur extermination permettrait d’établir la paix sur la mer d’Été ? Oh le Sénat rugirait, il fallait s’y attendre, mais les trésors se déverseraient sur Valyria. Et dans cette Cité tout se payait au poids de l’or. 



« … je te veux, Aerys Maerion. Je veux que tu viennes, à mes côtés, forger notre destinée. »


Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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La Balance de la DestinéeAlynera & Aerys

Le chantier de l’Arena - An 1066, mois 12

Aerys écoutait attentivement Alynera Vaekaron formuler sa proposition.

Il était rare d’avoir face à soi une personne descendant de l’un des Fondateurs en position de telle faiblesse. Vaekaron, Lyseon et Riahenor étaient trois noms empreints d’une gloire éternelle à Valyria. Se trouver en possession d’une faveur de n’importe laquelle de ces trois familles était aussi convoité que les plus rares pierres précieuses de ce monde. Aerys sentait que les Dieux étaient descendus parmi eux dans cet immense chantier. Il sentait leur présence toute divine autour d’eux. Se pouvait-il que les Quatorze étaient descendus surveiller cet échange alors que l’une de leurs élus bataillait pour trouver une issue à la situation en apparence insoluble dans laquelle se trouvait son nom ? Si Aerys était un homme pragmatique quand il s’agissait de parler affaires, il était profondément dévot. Dès lors, comment ignorer la supplique – car c’en était une – d’Alynera Vaekaron ?

Par leur filiation légendaire et si divine, les Dynasties étaient des associées courues et des outils de renom. Mais surtout, elles faisaient partie de l’Histoire valyrienne : elles étaient l’incarnation de l’existence des Fondateurs et de toute la véracité du narratif quasi mythologique entourant l’acte de la fondation de Valyria, plus d’un millénaire auparavant. Il était du devoir de chaque Valyrien d’y veiller, comme on aurait veillé sur un ancêtre vénérable et fragile. Telle était la pensée d’Aerys. Se détourner des Dynasties, n’était-ce pas, finalement, se détourner des dieux ? Et puis, il restait l’attractif argument de tenir un tel nom au creux de sa main… Les Maerion, suzerains temporaires des Vaekaron. Même Père n’aurait jamais eu le culot d’imaginer un tel retournement de situation pour les siens. Il fallait agir vite, car si les Maerion restaient riches, ils perdaient en influence et cet accord avec les Vaekaron était plus salvateur qu’Alynera ne le pensait. Ou bien elle jouait un jeu plus compliqué mais Aerys n’avait pour l’instant aucun moyen de savoir si cela était le cas ou non.

Peu à peu, alors qu’Alynera déroulait son propos, Aerys se rendait compte combien les ambitions de chaque famille pouvait différer, et celles d’une dynastie encore plus que les autres. Là où les Maerion menaient une lutte incessante pour contrôler chaque rue de Valyria, chaque relai d’influence, d’autres comme les Vaekaron menaient une lutte qui s’étendait au monde entier. Chez les Maerion, Sothoryos n’éveillait guère plus qu’une curiosité très à la mode depuis les deux expéditions menées dans ce continent plein de mystères. Toutefois, le plan d’Alynera se précisait et Aerys devait bien avouer être intéressé. Les perspectives étaient séduisantes, mais maintenir le train de vie d’une telle famille ne serait pas sans impact sur les propres capacités des Maerion le temps de se faire rembourser au centuple. Aerys réfléchissait au coût total de cette opération, tant en masse d’or à fournir que sur ce que cela pouvait avoir comme conséquence sur sa propre famille, qui passait avant toute autre chose.

« … je te veux, Aerys Maerion. Je veux que tu viennes, à mes côtés, forger notre destinée. »

A ces propos, Aerys se rapprocha d’Alynera, la regardant droit dans les yeux. Il sentait son souffle se mêler à celui, divin, de la Vaekaron. Leurs nez se touchaient presque.

« Fais attention à ce que tu veux, Alynera Vaekaron, tu serais bien capable de l’obtenir. »

Il effleura lez nez aquilin de la jeune femme avec le sien et fit un pas en arrière. Dans ses yeux mauves, tout disait le désir qu’il ressentait pour la descendante de Vaekar et tout l’intérêt que suscitait une telle proposition. Pourtant, tout joueur qu’il pouvait se trouver à l’instant présent, Aerys n’en restait pas moins le fils de son père.

« Ce que tu demandes est considérable. Une telle expédition ne s’improvise pas, comme tu t’en doutes. Il faudra des navires, des hommes, du matériel. Quand je vois que la colonie de Cellaeron s’est lancée en partenariat avec les Haeron de Tolos, cela me donne une idée assez juste des enjeux financiers sous-jacents. »

Et Aerys, lui aussi, avait ses propres ambitions. La première était de reconstituer l’influence jadis immense des Maerion, et surtout de s’émanciper de la tutelle potentielle de son frère aîné ou d’un retour aux affaires de leur père. Pour cela, la nouvelle organisation sur laquelle planchait Aerys devrait trouver ses propres sources de financement.

« Je serais ton banquier, si tu acceptes mes conditions, comme tu t’en doutes. Celles-ci sont élevées, Alynera. C’est un risque considérable. Je dois encore vérifier avec ma famille, mais je peux imaginer te financer une année entière de retour aux affaires, ainsi qu’une expédition militaire visant à anéantir les pirates de Sothoryos. J’ignore ce que vaudra ta carte, mais avec nos dragons, nous n’aurons guère besoin de plus. »

Aerys le savait car il avait vu les créatures à l’œuvre contre Ghis.

« En contrepartie, tu t’engageras à financer aux côtés des Maerion une colonie sur ces mêmes îles pour éloigner pour de bon la menace pirate. Cette colonie sera financée avec le butin que nous trouverons sur cet archipel. Les Vaekaron réinvestiront une partie de l’argent gagné dans cette colonie, à hauteur de la moitié de l’investissement total nécessaire sur la durée de son établissement, aux côtés des Maerion. Mais, en guise de remboursement, ils cèderont la moitié de leur participation aux Maerion. En somme, vous financerez la moitié du projet mais n’en contrôlerez qu’un quart. Ce qui sera également votre part des bénéfices futurs de cette entreprise coloniale. »

Aerys s’installa aux côtés d’Alynera, laissant son regard dériver sur le chantier immobile, sur les souterrains en cours de creusement, sur les tas de sable et de mortier, sur les blocs de marbre encore non taillés… Cet accord, s’il aboutissait, pouvait faire la fortune des Maerion tout en remettant les Vaekaron en selle. Mais l’avantage indéniable serait aux Maerion, mais après tout, n’étaient-ce pas eux qui prenaient tous les risques dans cette affaire ?

« Cela couvrira l’or que je te prêterais, les intérêts liés à ce prêt et la prise de risque importante que je prends. Je te fais grâce du coût de mes services comme accompagnateur pour forger ta destinée, Alynera. »



Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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La balance de la destinée Aerys & Alynera

La Grande Arène, pendant la nuit
1066, mois 12

« Je serais ton banquier, si tu acceptes mes conditions, comme tu t’en doutes. Celles-ci sont élevées, Alynera. C’est un risque considérable. Je dois encore vérifier avec ma famille, mais je peux imaginer te financer une année entière de retour aux affaires, ainsi qu’une expédition militaire visant à anéantir les pirates de Sothoryos. J’ignore ce que vaudra ta carte, mais avec nos dragons, nous n’aurons guère besoin de plus. »



Oh, il faudrait bien plus que les dragons des Vaekaron pour se remettre de cet affront ! Mendier de l’argent, payer des intérêts à des banquiers et, pire, peut-être, pactiser avec les assassins de Daenys Riahenor serait perçu comme un énième parjure. À dire vrai, les descendants de Vaekar n’avaient pas vécus tant d’ignominies depuis l’épisode de Taleagar Perzygon. Sous la blancheur des constellations familiales, l’écume de l’ordalie glisse le long de son échine. Gong fait sonner le grand prêtre alors que les dernières bulles d’espoir disparaissent sous la mer hostile aux siens. Et, quoiqu’elle n’était pas née au moment des faits, sa peau frisonne d’angoisse. Cette fois, n’allait-elle pas trop loin ? N’était-il point préférable, plus noble, de mourir dans la misère si les Quatorze l’en avait décidés ainsi ? Pourquoi se battre pour lorgner un peu de richesse quand celle-ci serait vite insuffisante face aux sommes astronomiques que leurs ennemis accumulaient sur le dos de leurs esclaves ? Son père avait l’habitude de répéter « quand tu voudras savoir ce que Syrax pense de la fortune, tu n’auras qu’à regarder à qui il l’a accordée. » Pourtant, malgré la sagesse de son père, Alynera ne pouvait nourrir sa famille de cette fierté primordiale. Et puisqu’aucun dynaste ne pouvait venir en aide à son pair, alors les grands moyens étaient nécessaires ! Les lèvres pincées, finalement, elle acquiesce. Elle acceptait les risques latents à cette entreprise.



« En contrepartie, tu t’engageras à financer aux côtés des Maerion une colonie sur ces mêmes îles pour éloigner pour de bon la menace pirate. Cette colonie sera financée avec le butin que nous trouverons sur cet archipel. Les Vaekaron réinvestiront une partie de l’argent gagné dans cette colonie, à hauteur de la moitié de l’investissement total nécessaire sur la durée de son établissement, aux côtés des Maerion. Mais, en guise de remboursement, ils cèderont la moitié de leur participation aux Maerion. En somme, vous financerez la moitié du projet mais n’en contrôlerez qu’un quart. Ce qui sera également votre part des bénéfices futurs de cette entreprise coloniale. »



Quoiqu’éloignée du monde des hommes, Alynera était assez éduquée pour comprendre que ce calcul bien périlleux était en son désavantage. Elle ne nourrissait aucun doute quant à la carte, cet inculte des lettres ne pouvait le comprendre mais la bibliothèque familiale était la plus riche du monde connu. Les secrets qu’elle recelait étaient bien plus précieux que toute les fortunes des Seigneurs-Dragons réunis ! Elle ne nourrissait aucun doute non plus sur leurs dragons qui, depuis la guerre contre Ghis, s’ennuyaient d’un quotidien trop paisible. Mais il y avait d’autres raisons pour lesquelles cette expédition pouvait tourner au désastre : l’absence de connaissance suffisantes sur les créatures dangereuses qui sommeillaient dans les profondeurs de ces terres, ni les maladies qui pouvaient, supposément, en affectaient l’air. Ils pourraient très bien trouver le butin, mais ne jamais mettre la main dessus… ou le perdre. Les conditions étaient donc au grand désavantage des Vaekaron. D’autant plus que les siens possédaient les dragons les mieux dressés et que, à vivre pendant plusieurs jours à leurs côtés, les Maerion apprendraient par observation. 


« Cela couvrira l’or que je te prêterais, les intérêts liés à ce prêt et la prise de risque importante que je prends. Je te fais grâce du coût de mes services comme accompagnateur pour forger ta destinée, Alynera. »



L’arcade sourcilière, carnassière, de son oeil droit se dressa et un petit rire sec, incontrôlé, s’échappa de sa gorge. Le toupet de cet homme n’avait donc aucune limite ! Les hommes avaient inventé un quinzième dieu, sans autre filiation qu’à leur hybris démesuré. Un dieu enfanté par l’avidité et l’or. Une fantaisie qui les menait bien loin du pieux chemin des Quatorze, c’était désespérant. La perte d’importance de la faction religieuse jetait clairement une ombre menaçante sur Valyria.



« Alors ce n’est donc ce que les Dieux valent ! Un petit quart de la fortune qu’ils ont offert généreusement à cette terre ! »



Sa main frappa avec aigreur le marbre poli du banc de l’Arène alors que, au-dessus de leurs têtes, Yraenerys rugissait dans les Cieux. Le violet de ses yeux virevolta au jaune, le toisant d’une hauteur toute nouvelle. Les Maerion arguaient à tous que leurs ancêtres étaient là bien avant la Fondation, persuadés que ce pauvre argument ne pouvait leur apporter que prestance et poids face aux autres aristocrates. Cela fonctionnait avec les crottés et les parvenus, probablement. Mais chez les dynastes ce n’était que source de moquerie : ils avaient été là, mais n’avaient pas été choisis. La magie coulait en son sang, dans le sien, et ce n’est que par rite initiatique que les Maerion avait été appelés. 


« Je ne crois pas que ta générosité ait réellement compris les aboutissants de ce que je te propose. »



Il avait piquée son orgueil au plus profond. Alynera Vaekaron n’avait pas besoin d’Aerys Maerion pour forger sa destinée. Elle s’était tenue, veuve, seule face à la République, puis, acculée de tous, avait orchestré l’appel saint de sa tante avant de prendre pour époux son oncle et, ainsi, sauver l’un des piliers de Valyria. Ses intérêts financiers elle pouvait les offrir à tout autre personne… comme pour les Lyseon les fats accouderaient pour leur porter « aide » pécuniaire. En vérité, elle avait attendu bien plus de lui mais il était incapable de le comprendre. Tant mieux ! Après-tout elle était une femme respectable.  Du moins, elle l’avait été jusqu’à venir devant lui ce soir. Son nez pouvait encore sentir celui d’Aerys caresser sa peau, parjure supplémentaire. 

Si son corps avait été sensible au feu, nul doute que ses joues auraient rosies. 



« Nous honorerons l’or que nous vous devons en le ponctionnant directement sur le butin. Puis, nous nous partagerons le reste en parts égales. Nous vous rembourserons les intérêts sur ce gain. Si une colonie devait s’établir sur ces îles, un quart reviendrait à la République. Le reste, nous nous le partagerons. Cette entreprise sera faite en nos deux noms, et j’ose penser que c’est un prestige qui n’a pas son poids en or. »



Les Maerion étaient les grands perdants des dernières élections. A nouveau, et comme toujours depuis des siècles, ils perdaient face aux Arlaeron. L’illustre bataille semblait impossible à gagner. Il était grand temps qu’Aerys se fasse un nom propre, lui aussi avait tout perdu en cédant sa fiancée à son frère aîné. Une alliance avec les Vaekaron ne lui était pas négligeable, d’autant plus qu’ils possédaient une influence bien plus colossale que le cadet du patriarche. Après-tout Arrax n’était-il pas venu à eux il y quelques lunes ? Et la dernière fois qu’ils s’étaient établis quelque part, n’avaient-ils pas créé la plus grande cité de tous les temps ? Au fond d’elle-même, Alynera savait bien qu’elle réagissait de manière mauvaise. Aerys était un homme pieux, elle le savait. Non parce qu’elle l’avait surpris au grand temple, où ils avaient prié ensembles mais parce qu’il avait cette lumière en sa pupille. Il était également un homme en qui, étrangement et sans explication concrète, elle pouvait avoir confiance. Elle s’en voulait d’agir de manière bestiale, aussi imprévisible qu’un dragon tempétueux. Mais alors que la paume de sa main chauffait terriblement, il était trop tard pour être repentante. Avec lui, il fallait toujours cette maudite main.

« Comment ma famille devra-t-elle rembourser notre prêt… si nous ne devions pas accéder à ce butin ? »


Aerys Maerion
Aerys Maerion
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La Balance de la DestinéeAlynera & Aerys

Le chantier de l’Arena - An 1066, mois 12

La réaction d’Alynera Vaekaron à la proposition de structure financière pour leur compagnie coloniale fit sourire Aerys autant qu’il en fut surpris. Celle qui appartenait à la dynastie la plus ruinée ne pouvait guère ignorer le prix de sa position car c’était une position de faiblesse. Et elle savait tout autant que lui que personne n’accepterait de financer un tel projet car personne ne croirait au succès ou ne souhaiterait accorder un tel crédit secret. Les Maerion étaient les seuls à pouvoir – et vouloir – le faire. Quand on voulait de la discrétion, on n’avait que peu de marge dans les accords de ces proportions. Un cri de dragon vint faire vibrer l’air nocturne sans pour autant qu’Aeyrs ne quittât la Vaekaron des yeux.

Il écoutait la jeune femme persifler de toute sa hauteur impuissante et il n’avait guère le cœur à la faire chuter de cet ultime piédestal. Si les choses se déroulaient convenablement, alors ils auraient de nouveau la possibilité de parler d’égal à égal. Pour le moment, seul le sang d’Alynera la plaçait dans une position où elle pouvait se permettre de lui parler sur ce ton, et pour Aerys de le supporter. Il n’était pas dupe et il comprenait son message. Il était clair qu’elle avait bien mieux percé à jour sa propre situation que ce qu’elle laissait paraître mais là n’était pas l’important : elle n’avait aucune possibilité de tirer parti de ses conclusions. Elle allait devoir se soumettre au bon vouloir de son créancier jusqu’à ce que la dette soit remboursée. Alors, elle pourrit négocier pour récupérer son autre quart auprès des Maerion. D’ici là, la famille d’Aerys aurait, il l’espérait très sincèrement, retrouvé de sa superbe et de son influence. Il devait encore enquêter sur les raisons de la chute de sa famille, trancher quelques langues et interroger quelques témoins… à moins que ce ne fut l’inverse.

Toutefois, sa dernière question soulevait une éventualité qu’Aerys ne voulait pas envisager, et c’est en cela qu’il différait de son géniteur. Arraxios aurait commencé par peser le pour et le contre, et il aurait constaté qu’en cas d’échec, il n’avait rien à gagner à cette histoire. Il aurait alors décliné l’honneur de rendre service à une dynastie et serait passé à autre chose. Aerys souhaitait faire ses preuves, révérait les dynasties et, comme tout homme à Valyria, était fasciné par la grâce toute majestueuse de celle qu’on appelait la Princesse. Il avait l’occasion de passer une soirée ainsi avec elle et il se demandait s’ils étaient nombreux à pouvoir se prévaloir d’un tel honneur. Quand bien même ce dernier n’était consenti que par la nécessité de l’Histoire… S’ils échouaient, alors les Maerion seraient encore plus affaiblis et il devrait défendre leur échec devant une famille qu’il ne supportait déjà guère. Il laissa son regard voguer dans le vide alors qu’il réfléchissait, montrant une faille bien malgré lui dans son raisonnement. Que pouvait-on exiger de ceux qui n’avaient déjà plus rien ? Aerys n’avait que faire de parchemins, et puis Tour Vaekaron était inaliénable à Ragaenor et Alynera. Il recentra son attention sur le ne délicat, les lèvres fines et les yeux flamboyants de la Vaekaron. Il haussa les épaules.

« Si nous échouons, alors je me tiendrais à tes côtés pour subir les conséquences de notre échec. Nous n’exigerons rien. Je ne serais pas celui qui mettra un couteau sous la gorge d’une famille qui peine à se relever. »

Il prit une petite dague qu’il gardait sur lui, à peine plus grande qu’un coupe-papier, et s’entailla la paume de la main gauche, présentant ses calles emplies du liquide vermeil qui s’écoulait le long de la plaie superficielle.

« Tu peux me mépriser, Alynera, mais je te fais ce serment par le sang que je serais à tes côtés si nous ne parvenons pas à nos fins. Je me tiendrais là où l’on m’attend. Là où Arrax lui-même imaginait jadis voir se tenir les Maerion. »

Il s’agenouilla devant la jeune femme, présentant sa paume ensanglantée ouverte face à elle, se saisissant de son autre main, avec hésitation, d’une de celles d’Alynera.

« Je t’en prie, Alynera. Accepte ce serment qui nous unira au-delà de cette histoire d’or et d’argent car il n’est aucun lien plus fort que ceux qui sont achetés avec le sang volontairement versé. »




Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

https://rise-of-valyria.forumactif.com/t661-epreuve-du-feu-d-aly
La balance de la destinée Aerys & Alynera

La Grande Arène, pendant la nuit
1066, mois 12

« Si nous échouons, alors je me tiendrais à tes côtés pour subir les conséquences de notre échec. Nous n’exigerons rien. Je ne serais pas celui qui mettra un couteau sous la gorge d’une famille qui peine à se relever. »



Être témoin du haussement d’épaules impuissant du Maerion, au milieu de cette immense, si puissante, Arène, était une bien étrange chose. Mais alors qu’il l’observait de ses yeux profonds, Alynera ne pouvait que tressaillir d’une infamie terrifiante. Ces mortels voyaient-ils donc,sa famille comme un bétail qu’on mène à l’abattage ? D’un sourcil inquiet, elle sonda le regard de l’homme. Elle vivante, son époux vivant, jamais, jamais, ils ne laisseraient cette illusion terrible se faire chair ! Les Vaekaron se relèveraient. Puisque sur cette terre les savoirs célestes n’étaient désormais plus suffisants alors ils prendraient leur part. Non. Ils l’arracheraient. Elle, en tout cas, l’arracherait. Elle enfoncerait ses ongles précieux, salirait sa peau immaculée, enterrerait ses manières empesées pour aller chercher un peu de cette richesse que tous croyait suprême gloire ! Il n’y aurait jamais de lame sous leur gorge autre que la leur. Ils ne subiraient jamais autre opprobre que leur propre condamnation. Aerys Maerion disait vrai : jamais il n’aurait à lever un couteau vers eux. Sur l’autel de leur destinée, les Enfants de Vaekar se sacrifieraient volontairement. 



« Tu peux me mépriser, Alynera, mais je te fais ce serment par le sang que je serais à tes côtés si nous ne parvenons pas à nos fins. Je me tiendrais là où l’on m’attend. Là où Arrax lui-même imaginait jadis voir se tenir les Maerion. »



Arrax… où était donc le Maître de l’Ordre en cette nuit sombre ? Que ne venait-il pas la délivrer de la grande faute qui se logeait en son cœur comme l’encre noire de ces seiches débarquées sur les ports de la mer d’Été ? Que ne venait-il donc les foudroyer, tous les deux, d’un éclair puissant, dévastateur, marquant à jamais leur parjure d’un gouffre béant ? Ne représentait-elle donc plus rien pour le père de son père qu’il ne veuille pas même la châtier ? En proie à ces questions sans issues, son cœur se gonfla alors qu'elle observa le sang s’échapper de sa peau, léchant les sillons creusés de sa main guerrière. Instinctivement, elle porta sa paume sous celle de l’éclaireur. Une main pour une main. La dette de la Première Flamme était payée.

« Aerys... »



Mais le téméraire était déjà à ses pieds, agenouillé comme les vassaux des Fondateurs, le corps sculpté dans la même posture que les premiers receveurs de l’Initiation. Il saisit sa main, avec une douceur toute déférante et toute intime à la fois. Était venue l’heure des vernaculaires serments. De ceux qui cognent si fort au cœur qu’ils jètent la mort à demain ; de ceux qui font la peau au mystère des entités primordiales ; de ceux qui se veulent plus forts que les voûtes célestes.



« Je t’en prie, Alynera. Accepte ce serment qui nous unira au-delà de cette histoire d’or et d’argent car il n’est aucun lien plus fort que ceux qui sont achetés avec le sang volontairement versé. »



Là était la justice du Dieu suprême, la balance de la destinée, une main sous la sienne et sa main sur la sienne. Là. Et voilà qu'il la priait, avec force et ardeur. Une larme unique, épaisse, translucide courra le long de son nez jusque dans la commissure entrouverte de ses lèvres. Murée dans un silence, elle n’osa faire osciller le poids de cet équilibre précaire. Dans la nuit, la brise qui les effleurait était comme autant de fils que les Parques, de leurs rires diaboliques, tissaient autour d’eux. Leurs nœuds étaient indémélables, et Alynera le savait avant de venir ici. En montant les hautes marches de cet édifice, seule dans la nuit étoilée, elle avait été l’épithète de sa propre fortune. 



« Je l’accepte, bien volontairement. »



Alors la main qui soutenait jusqu'alors celle d'Aerys vint chercher la petite dague d’or, fière lumière dans l’obscurité. Et, sans cesser le lien oculaire qui les liait, elle s’entailla à son tour avec un petit sursaut grimaçant. Cette nuit, il n’y aurait pas de brasier divin pour venir réparer leur blessure. Quand à savoir si elle avait percé la ligne de vie, la ligne de tête ou la ligne de cœur... qu’importait puiqu’elles étaient désormais toutes les trois noyées de leur deux sang ! 


« Aerys Maerion, devant la cosmogonie toute entière réunie au-dessus de nos fronts, je fais le serment de me lier à toi et de t’attacher à moi. Si nous devions réussir notre entreprise, que les épis de blé, les feuilles de palmier et les fleurs de jasmin jonchent chacun de nos pas pour l’éternité ! Que ton nom, noble, soit scandé pour des siècles à venir et admis dans les plus hautes sphères ! Mais, si cette entreprise devait s’avérer funeste… alors, puissions-nous être jugés par Arrax comme sur un pied d'égalité, moi telle une mortelle. Séparés dans ce monde, nous serons tous deux attachés dans l’autre pour l’éternité notre démesure commune enchaînée à nos pieds... que jamais nous ne devrions vaincre. »



Sa voix s’était faite si basse que d’aucun, au loin, n’aurait pu imaginer toute la dignité sévère de ces quelques phrases. Leurs deux mains se pressent avec force. Et, longtemps, ils restèrent ainsi. Ils étaient désormais unis par un pacte inviolable. Cette maudite main, toujours et à jamais.


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