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Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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In the dark of the night evil will brew
feat. Viserion Tyraelys

Abîme valyrien - Année 1067, Mois 4


Sous les rayons d’une lune blafarde, quatre silhouettes progressaient dans les ténèbres, faisant fi de l’interdit. C’était un précieux cortège qu’encerclaient ces deux gardes, dont l’allégeance se dirigeait entièrement vers les Tergaryon. Elaena tenait fermement la main de sa cadette dans la sienne, transperçant l’obscurité de cette ville endormie. Un voile paisible recouvrait les chaumières tandis qu’ils s’enfonçaient peu à peu dans les tréfonds de Valyria jusqu’à gagner une sombre entrée qui faisait figure de gueule béante. Les entrailles de Daenyra se tordirent, guère rassurée par le chemin qui s’imposait à elles. « Elaena… » La Sénatrice la gratifia d’un regard confiant et rassurant. « Ne crains rien, je suis avec toi. C’est l’unique moyen. » Sans un mot, la jeune femme acquiesça, consciente que son aînée ne les aurait ajamais engagées dans une telle quête si cela pouvait s’avérer dangereux, ou si sa piste n’était pas sérieuse. Il avait fallu agir dans l’ombre, composer avec des murmures jusqu’à trouver ce qui ressemblait le mieux à une solution.

Les tourments de Daenyra ne s’apaisaient nullement, même après quatre mois d’un isolement forcé. Sa compagnie s’était rétrécie à sa plus proche famille, constituée de ses parents, frères et sœur, et d’une domestique veillant au moindre de ses besoins. Lorsqu’il ne fut plus possible d’étendre son absence sans éveiller les soupçons, elle fut renvoyée à la société valyrienne avec tout ce que cela comportait de souffrance pour elle. Sa vie s’était toujours composée sur une symphonie contraignante mais facile à apprendre. Dès lors qu’elle assistait à une quelconque réjouissance, elle savait que son temps était compté. Elaena et elle avaient mis en place un signal où elle informait sa sœur de ses faiblesses et la sénatrice parvenait à l’éclipser discrètement. Parfois, quand elle ne pouvait se soustraire à certains évènements, elle ne paraissait plus pendant une courter période en société, le temps de recouvrer pleinement sa santé. Mais depuis la tragédie de l’effondrement de la cité, puis le meurtre de Lucerys Arlaeron, le chaos projeté par toutes ces horreurs anéantissait tous ses espoirs de repos salvateur. La moindre apparition publique l’exténuait avant même qu’elle ne s’achève et l’abandonnait à plusieurs jours d’orage dont les confins de ses appartements où fièvres et cauchemars se succédaient sans lui accorder le moindre répit. L’unique solution pour éteindre les flammes de sa douleur était une décoction qu’Elaena avait trouvée dans le plus grand secret. Cette affreuse potion parvenait à ménager l’esprit de la dynaste au cours de rassemblements, mais dès lors que les effets se tarissaient, la tempête de son don reprenait, inlassablement.

Cela ne pouvait plus durer. Outre l’inconfortable position dans laquelle les Tergaryon risquaient de se trouver si ce mal persistait, il en allait de la santé de Daenyra qu’aucun remède ne soulageait. Son esprit s’en retrouvait plus éprouvé à chaque événement, ses fièvres se multipliaient et il lui devenait ardu de différencier songe et réalité, le tout se mêlant dans un marasme odieux. Dans ses plus vifs supplices, elle réclamait la clémence des Quatorze et que Balerion l’emporte auprès de lui. Au moins pourrait-elle rejoindre ce frère chéri et perdu… Là résidait l’urgence dans l’esprit d’Elaena Tergaryon de trouver une cure et des réponses à l’offrande que les Dieux leur firent. Et si cela devait être une malédiction, ils sauraient poser un mot sur ce mal qui la rongeait et s’enquérir d’une nouvelle solution.

« Nous ne pouvons te suivre plus loin… » déclara Elaena, la voix transpercée de regret. Cette obligation s’imposait à elles sans qu’elles ne puissent s’en défendre, édictée par un être auquel on n’opposait que peu d’objections. Daenyra lui adressa un regard entendu et serra plus fermement ses mains dans les siennes. Son aînée la captura dans une brève étreinte avant de s’arracher à elle. Désormais, dans ce boyau ténébreux, la dynaste devait progresser seule. L’unique lueur de son flambeau constituait une présence assez rassurante pour la pousser à évoluer dans ces tunnels aussi peu amènes qu’humides. Elle resserra sa cape sur ses épaules et sa tête, érigeant une frontière entre sa peau et l’air glacial qui régnait en ces lieux. Des bruits étranges l’interrompaient dans son évolution, l’obligeant à sonder les ténèbres. Le néant lui répondait par un silence assourdissant, avant qu’elle ne reprenne sa marche prudente.

Soudain, il lui sembla qu’elle s’était égarée dans une impasse. Où que Daenyra se tourne, les murs l’acculaient là où des ombres grandissantes proposaient une valse morbide autour d’elle. Ce fut là qu’elle le sentit… avant même qu’il ne fasse mention de sa présence ou qu’une seule de ses paroles transperce la barrière de ses lèvres métalliques. Un esprit si complexe, si nébuleux et si dément qu’elle ne parvint à en définir les contours, moins encore les textures de ses émotions. Tout ce qui lui fut révélé s’imposa à la lumière des braseros qui s’enflammèrent un à un, mus par un sortilège. Les rayons crus des flammes illuminèrent une haute silhouette drapée de nombreux tissus qui ne laissaient rien apparaître de sa peau. Et sur son visage trônait un masque de fer qui présageait l’ignominie de ce qui s’y trouvait dissimulée.

« Maître des Ombres… » murmura Daenyra, assurée qu’elle faisait face à l’homme qu’elle recherchait. Ainsi existait-il et n’était-il en rien une légende, ou quelques mythes que susurraient les rues de Valyria. Elle retira sa capuche, libérant ses lourdes boucles d'argent. « Je suis Daenyra Tergaryon, mais sûrement le sais-tu déjà. » Il était de ces êtres énigmatiques qui tirent leur magie d’origines que la moral commandait de taire. Peut-être connaissait-il même déjà la raison de sa présence ici. Déposant sa torche dans l’un des braseros, elle s’approcha de Viserion, déterminée à ne point paraître intimidée. « On murmure ton nom dans les ombres, comme si la lumière craignait ta présence. Tout juste des rumeurs vouées aux ténèbres… Saurais-tu m’aider ? » Car il n'était rien de moins que son dernier espoir.




Viserion Tyraelys
Viserion Tyraelys
Mage

In the dark of the night evil will brewDaenyra Tergaryon & l’Augure

Abîme valyrien - An 1067, mois 12

L’obscurité était une vieille amie réconfortante. Dans les tréfonds valyriens, l’Augure s’était fait de la nuit perpétuelle une alliée bien utile. Il ne voyait absolument rien de plus qu’un autre être humain dans une telle noirceur. Seulement, il ne s’en préoccupait guère. Lorsque la lumière se taisait, ses compagnes d’outre-tombe jaillissaient de leur tanière pour lui parler. Il aimait à rester là, les écouter et réfléchir à leurs paroles. Parfois, elles étaient agressives et lui jetaient à la figure tout le mépris dont elles étaient capables, car elles savaient ce qu’il avait fait jadis. Elles connaissaient l’étendue des crimes dont il s’était rendu coupable. La grande majorité des ombres, toutefois, était des compagnes agréables.

Cela terrifiait les mortels et les inconscients du génie de cette approche de la sang-magie. Les ombres que l’Augure faisaient jaillir des profondeurs des temps étaient souvent des êtres trépassés à la puissance plus ou moins avérée. Une fois invoquées, ces ombres restaient plus ou moins longtemps dans ce plan d’existence, elles conversaient toujours avec l’Augure mais jamais entre elles, comme si elles n’avaient pas conscience de leurs existences respectives. Les plus prégnantes étaient celles qui avaient requis les plus grands sacrifices, notamment celles constituées de pure obscurité, avec un but bien précis. Celles-là, celles-là étaient les plus retorses et les plus persistantes. Toutefois, ces requêtes – extrêmement coûteuses, tant pour l’Augure que pour les commanditaires – restaient relativement rares. Les invocations d’ombres de personnes ayant existé étaient plus courantes et plus aisées car ces personnes avaient laissé une trace dans le monde des vivants et il était plus simple de canaliser le sang des invocateurs pour imprimer cette trace sur un support plus concret, permettant de tirer l’ombre d’outre-tombe.

Kaleskys émit une sorte de vibration lugubre et grave qui résonna dans toute la caverne. L’Augure rouvrit les yeux. Oui, il l’avait entendue aussi. Une présence. Une intruse ? Il sentait une aura particulière. Un sang bouillonnant. Était-elle une menace ? Les ombres frémirent que non. Le wyrm, lui, était surtout territorial. Il n’appréciait guère les nouveaux visages, et il passait rarement du temps auprès du mage. Leur lien était ténu, distordu, chaotique, mais bien réel. Le mage tendît une main pour apaiser la créature draconide : une sorte de gros serpent avec une tête de dragon. La jeune flamme qui s’avançait ne devait pas être inquiétée. L’Augure sentait que les fils qui la composait dans la Toile n’étaient pas aussi simples qu’ils semblaient l’être, mais il ne percevait nulle malice. La créature reposait sa tête non loin du semblant de trône que le vieil homme s’était installé dans cette cavité. Son corps brun-orange était enroulé dans l’ombre, couvant d’un demi-cercle son maître. L’Augure regardait ce flambeau osciller dans les ombres de sa tanière, curieux de ce à quoi ressemblerait cet oiseau perdu. Il agita la main et les braseros s’illuminèrent un à un, révélant l’amoncellement de tapis et de coussins qui faisait face au siège du mage et à son wyrm.

Elle l’appela « Maître des Ombres ». Le titre plût à l’homme, qui était vaniteux. Il croisa ses mains gantées de soie blanche devant lui. Derrière son masque d’argent ouvragé, ses yeux valyriens perçaient les restes de pénombres pour détailler les habits ouvragés et le maintien inculqué de la noblesse valyrienne. Il n’était pas en compagnie d’une moins que rien, ni au regard des Dieux, ni des hommes, et encore moins de la Toile. Daenyra Tergaryon. Il avait entendu parler d’elle, une fois, par une cliente dont il devait taire le nom. Mais il avait senti d’infimes variations de la Toile par moments, et il retrouvait ces vibrations émanant autour de la jeune femme ; voilà quel était le point d’origine.

L’Augure espérait qu’on ne murmurait uniquement son nom que dans les ténèbres car il ne souhaitait guère voir la lumière. Il n’avait nulle envie de devoir affronter des hordes d’assaillants voulant lui ôter son pouvoir. Il n’avait guère besoin de la lumière pour prospérer. Il était pareil à ses vieilles compagnes les ombres. Elle venait quérir son aide et, bien que cela put sembler curieux, l’Augure sentait qu’il y avait quelque chose de peu commun chez cette jeune femme. Se redressant sur son siège, le vieil homme prit enfin la parole, le ton crissant et éraillé, mais définitivement empreint de curiosité et de nostalgie.

« Tu marches dans les pas de la division et de la dissidence, enfant. Je me souviens des Rhaenar : premier et second du nom. Des Tergaryon de la capitale, à l’époque où la branche d’Oros n’existait que pour servir la principale. »

L’Augure aimait à rappeler à ses interlocuteurs qu’ils n’étaient tous qu’un battement de cil dans l’histoire tantôt glorieuse, tantôt honteuse, de leur nom. Il en irait de même pour Daenyra et tous ceux qui suivraient dans cet antre.

« J’entends ton appel à l’aide, Daenyra Tergaryon. Je perçois en toi une énergie curieuse, la Toile est inachevée. Ton destin, incertain. C’est rare. J’ignore comment tu m’as trouvé, et cela m’importe peu. »

Il se pencha vers la jeune femme, comme pour en extraire ses pensées secrètes et ses motivations.

« Comme pour toute personne qui entre ici, enfant, il y aura un prix. Si tu es prête à le payer, il ne te reste à plus qu’à me raconter ce qui t’amène ici. Parle sans crainte de jugement ou de réprobation. Tu es ici chez toi aussi longtemps qu’il le faudra. Confie-toi au wyrm, confie-toi aux ombres, confie-toi à l’Augure. Nous t’écoutons tous, enfant. »


Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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In the dark of the night evil will brew
feat. Viserion Tyraelys

Abîme valyrien - Année 1067, Mois 4


L’éclat des flammes épousait à présent chaque recoin qu’elles pouvaient atteindre, projetant lumière et obscurité sur ce décor d’un faste inattendu. Çà et là, des tapis et coussins aux tissus précieux et aux coutures ouvragées jonchaient le sol. Le Maître des Ombres était une créature vouée aux ténèbres, dont le nom vibrait dans des murmures craintifs. Il était mystère et secret, légendes sibyllines et rumeurs inquiétantes. Malgré tout, c’était Elaena qui avait tracé son chemin dans les limbes jusqu’à cette âme puissante. Et si son don lui permettait de savoir à qui dédier sa confiance, elle la destinait toute entière à son aînée sans avoir besoin d'en user. Ainsi avait-elle évolué sans crainte, persuadée que l’étincelle de sa détresse saurait trouver celui qui pourrait y apporter une issue salvatrice.

Le brasier éclatait des langues d’or et de feu sur le masque de métal du mage, toutes éprises d’une danse endiablée et envoûtante. Face à cette auguste silhouette drapée, il ne lui était pas permis de douter. Cela ne résidait point dans ses attitudes énigmatiques, à ce visage qui se voilait au reste du monde, comme pour en dissimuler l’odieuse laideur. Ni même à l’écrin qui retenait sa solitude, antre du mystère, du mystique et de l’insoluble. Moins encore à la compagnie singulière qui trônait à ses côtés et qui n’était pas sans inquiéter la dynaste. Il s’agissait plutôt de ce qui le constituait tout entier sans que les yeux n’aient besoin de voir. Tout ce qu’il incarnait sur la tapisserie du monde et du destin. Une âme atrocement complexe, presque intangible, comme appartenant à la fois à un monde et à un autre. Une aura vaporeuse dont les contours se définissaient abscons et inaccessibles. Mais cette âme n’était pas seule, entourée d’ombres qui s’agitaient ici et là autour de sa carcasse éprouvée. Un ballet sinistre qui le vêtait d’un voile aussi sublime que redoutable. Tous ses enfants voletaient autour de lui, susurraient à ses oreilles, caressaient son être à chaque instant. Elle pouvait les sentir sans les éprouver complètement, tout juste palpables, tout juste réels dans ce tableau surréaliste. Était-ce ainsi que perduraient les esprits de l’occulte ? Dans un abysse si immense que l’être s’y absorbait, avalé par des bras avides et ténébreux ? L’espace d’un instant, Daenyra se mit à craindre cette âme qui, si elle ne suscitait nul soupçon de malveillance, ne pouvait être cernée et comprise. Une énigme adressée à l’univers où les dieux malicieux tissaient des fils noueux. Pouvait-elle s’y fier corps et âme ? Entre les griffes de quelles mains allait-elle confesser cet aveu qu’elle ne réservait qu’à de si rares oreilles ? Signait-elle la fin de sa malédiction ou bien lui abdiquait-elle prochainement sa raison ?

Cependant, son être était mu par une détermination bien plus étincelante que la tempête de ses doutes. Elle révéla ce nom qu’il n’ignorait sûrement point. Une éclaboussure égarée sur le périple de siècles glorieux qui avaient vu passer nombre de dynastes, d’héritiers et de puinés. Daenyra Tergaryon. Ni une héritière ni une magicienne ni une prêtresse. Juste une ombre valsant dans les lumières de ses puissants aînés auréolés de gloire et de félicité. Elle n’était ni destinée à un sort grandiose ni choisie pour accomplir un quelconque dessein divin. Elle n’était que la cadette d’une famille à la splendeur bien plus éclatante que son existence. Mais ce soir, dans le refuge de l’ombre, peut-être ne serait-elle plus cette triste étoile perdue dans les innombrables constellations du cosmos. Son cœur brûlait d’une soif haletante de réponses qui ne pouvaient se nicher que dans la bouche de cette entité insondable.

Les paroles sibyllines de l’Augure agitèrent les entrailles de Daenyra. Un destin qui n’avait pas encore été tracé par les Quatorze. Un avenir qu’il n’était point capable de lire. Présage clément ou assassin, la jeune femme n’en avait plus cure. Un espoir foudroyant grondait au creux de sa poitrine. Celui d’être autre chose que cette créature fragile qui n’osait se revendiquer entièrement Tergaryon et sœur du féroce peuple des cieux. Le bourdonnement d’une magie étrangère pouvait-elle se tapir dans les profondeurs de son être ? Ou bien portait-elle la marque d’une énergie bien plus redoutable ? Au bord du précipice, Daenyra ne pouvait plus reculer, moins encore lorsque Viserion lui offrait le refuge de sa compréhension et de sa bienveillance. Les ombres continuaient à s’exprimer dans les accents graves de sa voix chaotique.

« Quel que soit ton prix, je suis prête à le payer, Maître des Ombres. Nomme-le. » Sa voix transperça le voile de ses incertitudes, comblant là les derniers doutes qu’elle pouvait ressentir pour les remplacer par une ferme détermination. L’avarice de l’Augure ne pouvait s’habiller d’or et de richesses. S’il existait un tribut, il devrait être honoré d’une autre manière qui impliquerait une part d’elle-même. A la chance qu’il lui était donnée de transformer sa malédiction en don, Daenyra refusait de s’acculer ou de s’y soustraire. Et si grand soit le prix à payer, elle était prête à se dévouer corps et à âme à l’ascension de son être pour aider à servir les Tergaryon. Les récentes tragédies ayant déchiré le cœur tremblant de Valyria n’accordaient plus aucune place à l’hésitation.

Dans une humble posture, Daenyra s’approcha de l’Augure et s’agenouilla devant l’immense fauteuil aux allures de trône. Seigneur en son royaume peuplé des créatures de la nuit et des ténèbres. Les sombres prunelles de parme de la jeune femme s’accrochèrent au métal de son visage. « Les miens ont été bénis par les grâces d’Arrax qui leur confiât force, beauté, courage, sagacité et magie. Leurs destinés sont déjà illustres et ils tracent si jeunes l’édifice de leur gloire. Mais je crains que pour toutes ces félicités, les Quatorze ne m’aient maudite. » Sa voix s’était fait plus ténue, comme si les ombres pouvaient se railler d’elle en dépit de la promesse de l’Augure. Néanmoins, il semblait qu’elles se faisaient aussi attentives que leur maître. « Depuis toujours, j’existe sans ne rien ignorer de ce qui touche l’âme de chacun. Nul chagrin, nulle joie, nul tourment ou nulle tempête ne m’est étrangère. Tout ce qui agite le cœur des hommes m’apparaît dans son apparence la plus crue. Il vient m’habiter, s’abreuver de moi jusqu’à m’arracher à moi-même, à me dévorer jusqu'à la lie. A chaque souffrance éprouvée, j’en reçois les coups de glaive, et lorsque ce fut tout Valyria qui se fissura, ce furent tout autant de lames qui me transpercèrent. Jamais les cris ne cessent… ils m’accompagnent même dans les plus funestes silences et dans les recoins de ma solitude. » La gorge serrée, ses mots s’échappaient ardument de sa bouche. Son regard brûlant de désespoir se fit implorant. « Maître des Ombres, tu es mon seul espoir. » Son âme s’était racornie au contact de tout ce que l’humain pouvait revêtir de laid, de purulent, de cruel, de dévastateur. Une âme déjà épuisée dans un écrin juvénile et burinée par l’assaut de toutes ces mains qui l’avaient touchée, attaquée, agrippée, lacérée, torturée. A présent, elle réclamait les armes pour pouvoir se défendre du mal qui l’affligeait ou bien de requérir le repos. Elle ne saurait supporter plus d’horreurs que son esprit n’en avait déjà vécues. « Que suis-je ? »





Huhu :
Viserion Tyraelys
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In the dark of the night evil will brewDaenyra Tergaryon & l’Augure

Abîme valyrien - An 1067, mois 12

Quelque part sous leurs pieds, la terre s’ébranlait doucement alors qu’un jet de lave en fusion devait jaillir d’une faille causée par un effondrement souterrain de cette caldeira volcanique aussi vivante qu’un individu. Il faisait chaud dans la tanière de l’Augure, car non loin d’elle se trouvaient les rivières de magma qui irriguaient ces abîmes et qui jaillissaient des cratères des Quatorze Flammes. On sentait leurs vibrations sourdes comme une présence distantes et on entendait un imperceptible grondement comme si une bête titanesque dormait à quelques mètres de là.

La jeune femme qui se tenait face à lui n’objecta pas, ni ne chercha à négocier. L’Augure appréciait car son prix était toujours juste. Il se rappelait l’intransigeance d’une Riahenor récemment venue à lui. Il l’avait chassée avec douceur mais fermeté car jamais elle n’obtiendrait de lui sans céder de sa part. Il la regarda se courber pour prendre appui sur ses genoux, dans une posture de soumission que le vieil homme n’exigeait pas mais qu’il appréciait. Là. Une qualité rare dans la noblesse valyrienne, surtout face aux mages. De l’humilité, de la soumission face à plus érudit que soi. Derrière le masque d’argent, des lèvres craquelées laissèrent entrevoir un filet de sourire. Les Tergaryon n’étaient pas connus pour leur humilité. Il percevait toute la détresse de cette jeune femme qui désormais lui contait la grandeur des siens. L’Augure les connaissait et il savait qu’elle disait vrai, mais il s’étonnait de cette mention de malédiction car elles étaient réelles. La plupart du temps, le petit peuple des campagnes y trouvaient une explication aux séries de calamités qui pouvaient intervenir, quand bien même la majorité d’entre elles se trouvaient être de simples coïncidences. Il avait usé de ce stratagème bien des années auparavant.

Les véritables malédictions existaient, toutefois. Elles requerraient un mélange d’émotions brutes exceptionnellement fortes, une résolution sans faille et du sang. On ne les lançait pas au hasard et elles ciblaient rarement des innocents. Daenyra Tergaryon ne lui semblait guère être une pièce maîtresse dans la vengeance de quelqu’un. Autour d’eux, les ombres étaient immobiles mises à part quelques volutes fugaces.

Là. Il comprenait. La jeune fille n’était pas maudite. Du moins le suspectait-il. Non. Elle était douée. Des Dieux, ou bien du hasard, elle avait reçu une faculté rare. Elle n’était pas la première à présenter un tel don, d’autres en avaient fait état avant elle. Il la regardait avec un intérêt renouvelé. Il commençait à saisir pourquoi la Toile était inachevée autour d’elle. Son désespoir avait quelque chose de touchant car la jeune femme dévoilait tout ce qu’elle pensait, quand bien même elle le faisait avec difficulté. Il y voyait un défi intéressant pour son érudition. Il se pencha doucement vers elle et lui déposa une main gantée de soie blanche sur le sommet du crâne.

« Enfant, tu n’es plus seule. »

Ce faisant, il se leva avec difficulté, intimant au wyrm de rester immobile. Il se dirigea vers une autre galerie rocailleuse, plus étroite que la précédente en faisant signe à la jeune Tergaryon de le suivre. Sa démarche était contrôlée, comme si son corps frêle pouvait céder à tout moment. Pourtant, il marchait d’un pas résolu et rien ne laissait montrer la moindre faiblesse au-delà de ça. Au bout de la galerie se trouvait une autre pièce. Les parois étaient vierges de tout ornement, laissant apercevoir la roche volcanique noire des tréfonds. Le laboratoire de l’Augure était empli de détails repoussants. Un brasero magique brûlait d’un feu mourant. Des jarres au contenu mystérieux étaient disposées sur une étagère de bois, un bloc de pierre d’un noir huileux trônait au centre du dispositif, et tout autour le sol était maculé de sang séché. Divers instruments de découpe et de boucherie étaient installés sur un râtelier. Une petite étagère servait de bibliothèque sur laquelle s’empilaient des parchemins cornés. Il fit signe à la jeune femme de prendre siège sur cet imposant roc noir.

Alors qu’elle s’installait, il prenait du recul pour l’observer derrière son masque.

« Tu as un regard d’enfant sur ta vie, mais ton âme est fatiguée, Daenyra Tergaryon. Tu te dis maudites, mais l’es-tu vraiment ? Je ne me mêle pas des malédictions. Non.. Il y a autre chose, ne sois pas si simpliste car cela te dessert. Il y a en toi une anomalie. Nous pouvons la régulariser, ensemble. Oui, ensemble. Il nous faudra travailler de concert car tu devras me laisser entrer là où tu ne laisses personne aller. Dans ton cœur, dans ton âme, dans ce qui fait de toi un être vivant. Mais avant cela, je dois t’annoncer mon prix. Une faveur, à collecter avant ta mort. Quelle qu’elle soit, tu devras t’y plier et faire en sorte qu’elle soit menée à bien. Acceptes-tu ce prix ? »

Évidemment qu’elle accepterait, ils acceptaient tous. Il n’y avait qu’une Riahenor pour refuser après s’être donné la peine de venir. Il avait plusieurs choix qui s’offrait à lui et qui dépendraient non seulement de la décision de Daenyra mais aussi de la résolution de son esprit. Il se devait de lui expliquer les chemins qui s’ouvraient devant eux, et avant cela, lui présenter sa situation.

« Ton don est un don, c’est la seule chose dont je suis certain. Mais il n’a pas été exploité, tu n’as pas été entraînée à le maîtriser et il menace désormais de prendre le contrôle de ton esprit, et de le détruire. Il y a eu une faute, quelque part dans ta jeune vie. Ton épreuve du feu aurait dû montrer ton don et le prêtre aurait dû être capable de le comprendre. Enfant, as-tu été testée par les Dieux et les flammes ? »

Il voyait plus clairement dans cette semi-pénombre la toile distordue autour de la jeune femme.

« Ton sang n’est pas pur, et peut-être cela joue car ceux qui ont jadis présenté ce don étaient purs. Cela importe peu. Nous avons un choix qui s’offre à nous, et c’est à toi de le résoudre. Je peux t’aider à travailler ce don, à le comprendre, à le dominer et, enfin, à l’exploiter. Pour ton bénéfice, pour celui des autres, cela je te laisse seule juge. Autrement, je peux travailler à un rituel ancien qui devrait t’offrir une forme de retour au calme mais je crains fort que tu ne ressentes un grand vide plus tard. »

Il se rapprocha d’elle, sondant sa résolution de ses yeux fatigués. Il n’y avait aucune ombre dans le laboratoire. Ils étaient seuls.

« Réfléchis bien et sois certaine de ta décision car elle sera irréversible. Le domaine des ombres permet beaucoup de choses mais celui des invocations ne connaît aucune limite car c’est le domaine de la nuit. Et la nuit, Daenyra, est sombre et pleine de terreurs. »



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