Les gémissements se mêlaient aux lourdes senteurs venues de l'Orient et la chaleur des amants contrastait avec la fraîcheur des bassins de la villa Bachaenor. L'orgie battait son plein alors que le soleil n'était même pas encore couché. Les mœurs valyriennes, déjà peu connues pour leur austérité, se débridaient avant l'interdit suprême de l'armée. Les esprits échaudés trouvaient une catharsis dans leurs amples mouvements de hanches, goûtant à l'ambroisie païenne des lèvres de leurs compagnons d'un soir. Les hommes rivaient leurs bouches à une nouvelle forme de mollusque tandis que les femmes découvraient - ou redécouvraient - ces instruments à anche. Parfois, les premiers jouaient volontiers de la flûte tandis que les secondes se régalaient de leur festin.
En d'autres termes, la gargantuesque partie de jambes fines atteignait peu à peu son apogée. Tel le lion des plaines aux babines rebroussées, les gestes allaient crescendo, les plaintes se transforment parfois en cris de surprise - ou de déplaisir. Les gestes se faisaient nerveux et même les musiciens atteignant leur iāragon, cet état de grâce où les actions semblent alors se présenter de façon très claire et naturelle. Les tambours montaient crescendo au rythme de ces guerriers de Meleys alors que flûtes et trompes témoignaient de leur sacrifice glorieux pour nourrir leur succube de maîtresse divine. Une unique viole, ô instrument atypique de Valyria, menait la danse des rasa.
S'y mêlaient l’amour; le rire, le chagrin; la colère; l’énergie; la peur; le dégoût; et l’étonnement. Qu'il n'y avait pas être surpris de cette bouche incandescente propre à faire frémir votre âme au rythme d'une quadrille ? Pourquoi ne pas être dégoûté par cette bedaine grasse et outrageant sous les graves basses ? Les vibrations aiguës et grinçantes de l'horreur agréable devant les dimensions de son compagnon ? Horrifiantes. Que dire de ce sentiment d’héroïsme, de bravoure, de majesté, de gloire, de grandeur et une sorte d’excitation noble, une certaine fierté devant le souffle court de sa bête d'un soir ? Et cette série d’ornements rapides et "tremblants" de la colère explosive de certains dominants auxquels répond la pathétique, triste et pleine de larmes euphorie de leurs esclaves du moment ? Les tambourins joyeux ne répondaient ils pas à la surprise et l’étonnement, la gaieté et même une légère peur, comme lorsque l’on vit une expérience nouvelle, étrange ? Enfin l'amour lui se passait de mots dans ce lieu de décadence bien peu farouche.
Fade et morne figure, Jacaerys trônait au milieu des convives, allongé sur un divan. Autour de lui les premières victimes de la guerre sauvage qui se déroulaient dans les alcôves se délaissaient accompagnés de, bien rares, abstinents. Le Légat ne pouvait que faire partie de ces derniers malgré sa mise et sa tunique largement ouverte. Son regard éteint se portait sur les poitrines des femmes sans une pointe d'excitation. Seul le vin sanglant qui éclaboussaient leur prude atouts érigés au nom de la Déesse éveillait de vagues sensations dans son bas ventre. Avec un gémissement, il attrapa sa lourde coupe et y but le vin amer et sec qu'il s'était servi. Une piquette fade.
La soirée se déroulait très bien. Il avait joué, gagné puis rejoué pour mieux perdre. Buvant et festoyant dans l'antre des beaux-parents de son frère Viserys, Jacaerys pensait reconnecter avec la vie et les vices. Pourtant alors que les amants et les couples se faisaient, il n'avait ressenti qu'un grand vide. Un épuisement moral et sexuel profond. Son esprit ne pouvait que remonter aux gémissements des blessés sous les murailles de Bhorash, guère ceux éloignés des chuchotements effrénés qui parvenait des tentures à sa droite. La femme qui l'y avait invité était belle, une blonde pulpeuse au visage charmante malgré un oeil tombant. Le Légat n'avait pu que détourner le regard. Maintenant, un autre la prenait à la mode Dothraki dans un concert de grognements qu'un loup n'aurait eu à rougir.
Quel déplaisir. Un déplaisir auquel vint s'ajouter une silhouette non moins gironde, bien que petite. Aussi délicate fine, elle arrivait à lui gâcher la vue, non pas que Jacaerys eut grand chose à observer si ce n'était les amers souvenirs au goût de cendre qui le hantaient. Reposant sa couple, il leva ses yeux améthyste vers celle qui osait pénétrer dans son espace personnel et tendit la main pour la repousser légèrement.
"Je ne veux pas me montrer désobligeant belle dame mais saurai-tu t'éloigner ? Je ne goûte pas une présence si près de moi ce soir."