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Maelor Vaekaron
Maelor Vaekaron
Mīsio Dārilaros

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Alynera & Maelor Vaekaron

Tour Vaekar – An 1067, Mois 4

Tour Vaekar était encore plongée dans l’obscurité. Il était encore tôt, la plupart des serviteurs de la dynastie dormaient encore, ou vaquaient à leurs premières tâches aux niveaux inférieurs. En d’autres lieux, on appelait cette heure l’heure du rossignol, car le chant des rossignols s’interrompt aux premières lueurs du jour. Tel un phare éteint, l’immense édifice semblait fendre le ciel qui s’éclaircissait en une nuance de gris rosés alors que le soleil dardait ses premiers rayons, trop bas pour passer la formidable barrière volcanique qui protégeait Valyria contre les périls du monde. Il ne restait que quelques lampes à huiles dégageant une odeur légèrement âcre pour fournir un peu de lumière. Le cœur de la place était, bien sûr, le monumental escalier en colimaçon qui permettait d’accéder aux quartiers de la famille régnante depuis le niveau du grand hall d’entrée. Tout autour de cette massive pièce de maçonnerie travaillée par les sorts les plus sophistiqués et le feu-dragon le plus ardent qui furent aux temps de jadis, rayonnaient d’imposants couloirs qui proclamaient avec une fierté éteinte la grandeur de jadis du nom de Vaekaron. Il restait quantité de témoignages des siècles où les Vaekaron, aux côtés des Lyseon et Riahenor, s’étaient trouvés au sommet du monde. De nombreux textes, artefacts et œuvres d’arts racontaient cette grande histoire et se trouvaient désormais réduits à une fonction purement ornementale, peuplant les nombreux couloirs de Tour Vaekar.

Il y avait dans la Tour une odeur à nulle autre pareil, un savant équilibre de poussière, de cendres volcaniques et d’encens. Parfois, selon les endroits, on pouvait sentir que quelqu’un faisait brûler des herbes aromatiques, souvent de la lavande ou du thym, pour chasser les ombres ou simplement pour parfumer la pièce. Le silence était une vertu cardinale de la Tour car il s’agissait avant tout d’un lieu d’érudition ; la vie ne venait qu’en seconde. Les vies, effectivement, étaient fugaces et frêles là où le savoir était absolu et intemporel. Ceux qui arpentaient la Bibliothèque finiraient par disparaître de cette terre, retournant auprès des Dieux. Les connaissances entreposées avec diligence par les Vaekaron depuis l’aube des temps leur survivraient, elles continueraient à être emmagasinées pour faire la somme des savoirs humains. Les fêtes que les Vaekaron donnaient – ou plutôt, avaient données – se trouvaient être bien moins tapageuses que celles organisées par les autres familles de Valyria, car il y avait ici un respect inné pour la connaissance. L’érudition était une déité à part entière pour les Vaekaron, et la Tour était son temple, imposant une nécessaire retenue. On disait des Maerion qu’ils n’avaient point de gardes mais qu’ils avaient une armée. De la même manière, on aurait pu dire des enfants de Vaekar qu’ils ne disposaient pas d’or, mais cela ne les empêchait guère d’être les plus riches du monde.

Maelor Vaekaron, jadis second des lieux, observait l’immense fresque qui siégeait face à l’imposant escalier. Ses yeux fatigués, dont l’éclat de fierté flambait jadis avec la force d’un feu sacré, parcouraient les figures divines des Quatorze, mêlées aux plus grands héros de son nom. D’aussi longtemps qu’il se fut souvenu, cette fresque trônait là, rappelant à tous – hôtes et visiteurs – qu’ils n’étaient pas dans des lieux anodins. Tendant l’oreille, il put de nouveau entendre le sort qui faisait vibrer les harpes et chanter les nymphes qui représentaient toutes les mères qui avaient enfanté pour donner suite à la lignée principale des Vaekaron. Les poèmes qu’elles déclamaient étaient les mêmes que lorsque Maelor était enfant, mais les entendre de nouveau murmurer ces paroles millénaires embua ses yeux. Il n’était pas capable d’arrêter le flot des larmes, car plus que tout autre chose, ce chant l’avait ramené chez lui. Il était de retour. Il avait hâte de retrouver les siens, de retrouver sa place et de reprendre le cours de sa vie interrompue quatre années plus tôt. Essuyant ses larmes, il resta concentré sur cette fresque. Il y avait du neuf. Cette fresque était en perpétuelle évolution, car elle racontait l’histoire des Vaekaron. Maelor l’avait usée à force de la regarder, il la connaissait par cœur.

Quelle ne fut pas sa surprise de retrouver son propre visage ainsi que celui de ses frères face à Vhagar. Il voyait avec émotion le visage décidé de Daelor, le regard résolument tourné vers l’avenir. Il trouvait qu’on avait affublé sa propre représentation d’un regard bien trop sévère pour sa personnalité, mais il comprenait l’histoire ainsi racontée : Daelor était le dirigeant organisé et planifiant, Maelor était le stratège, à l’aspect aussi martial que sa fonction. Taelor avait l’air bien jeune mais déterminé. Revoir ses frères en mosaïque fit plus de bien à Maelor qu’il ne l’aurait cru. Les voir ainsi, tenant tous les trois la bannière de la République, le touchait énormément. Il trouvait curieux de voir également représentés Vaerys et Vaegor car on ne trouvait que peu de branches cadettes sur cette fresque. Le visage éploré d’Alynera les surplombant tous, les couronnant de ramures d’olivier, le rendit immédiatement triste, sans parvenir à expliquer pourquoi. La vision de la Bénédiction d’Aegarax, sa sœur de feu Maelyrax, arracha à Maelor un râle sourd et de nouvelles larmes. Il se revoyait heurtant le sol à ses côtés à Bhorash, il entendait son grognement plaintif lorsqu’elle avait compris que sa vie était terminée, il ressentait encore la douleur dans son épaule comme s’il avait reçu le projectile. Il se laissa choir à terre, s’asseyant péniblement sur les marches noires. Il ne détachait plus les yeux de la dragonne, de ses écailles blanches, de ses yeux bleus tristes.

Maelor était ignorant du sort des siens, il n’avait aucune idée de la tragédie qui avait frappé les Vekaron et dont il n’avait été que la première des victimes. Libéré de son purgatoire ghiscari, Maelor avait été ramené dans un bien triste état à Valyria par une alliée : Alyrea Lyseon. Relâchant la pression d’années d’exploitation et de privations, Maelor avait tenu bon jusqu’au moment où leur navire avait quitté les quais de Ghis. Alors, il s’était simplement effondré. Il avait émergé presque miraculeusement alors que Mhysa Faer était en vue. Intimant le silence à tous, ne souhaitant guère parler, il s’était réfugié dans un coin de la dunette du navire, observant les tours de la grande cité portuaire émerger de l’horizon. En débarquant, il n’avait pu s’empêcher de tomber à genoux, baisant ce sol qui était celui de ses ancêtres, qui était béni des dieux. Prit d’une nécessité absolue de revenir au plus vite chez lui, de retrouver ses frères, sa sœur et ses parents proches, Maelor avait sauté sur un cheval dès qu’Alyrea avait pu lui avancer l’or et il s’était lancé sur les routes vers Valyria, ne s’arrêtant que pour laisser sa monture se reposer. Il n’avait guère mangé durant trois jours, chevauchant jour et nuit, nuit et jour. Il était arrivé à Valyria peu avant la tombée de la nuit et il avait encore dû arpenter une cité qui avait bien changé en quatre années.

La nuit était tombée avant qu’il n’atteignît le Quadrant Ouest. Les rues s’étaient vidées et on lui parla du couvre-feu, l’enjoignant à rapidement rentrer chez lui. La situation était visiblement très tendue à Valyria, mais Maelor n’avait aucune idée de ce qui avait provoqué cela. Il s’était la réflexion qu’il n’aurait peut-être pas dû planter Alyrea à Mhysa Faer et écouter ce qu’elle avait à lui dire. Il était finalement arrivé à Tour Vaekar pour trouver les portes fermées et l’endroit plongé dans le noir. On était à l’heure la plus sombre de la nuit et tout le monde devait dormir. Cela n’avait évidemment pas arrêté l’un des Lierres, qui s’était retrouvé une âme d’enfant en recherchant ses anciens passages d’escalade. Il en découvrît de nouveau que son corps d’adulte lui permettait d’arpenter sans danger. Bientôt, il s’était de nouveau retrouvé au faîte du mur d’enceinte, le parcourant en équilibre, avant de finalement se glisser à l’intérieur pour finir face à la fresque qu’il admirait en pleurant de nouveau. Le décès de son père avait profondément touché Maelor et il brûlait de pouvoir apporter le réconfort de son retour à sa mère. Dans une prière adressée à voix basse à ses deux parents, il s’annonça enfin.

« Père, Mère. Je suis de retour. »


Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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ft. Maelor Vaekaron

Tour Vaekar – An 1067, Mois 4

« Vaoreznuni ? »



Assis sur un petit tabouret, les pieds autour d’un large vase à fond plat, le servant âgé, barbu, râpait en silence le fromage du jour lorsqu’il avait entendu la Mīsio Lentor. Ses yeux, encore ensommeillés, lui jetèrent un regard surpris. Elle se tenait sur le seuil, en cheveux, un châle de cachemire jeté sur sa robe de nuit. Au service de la famille dynaste depuis toujours, il connaissait la jeune princesse depuis sa naissance, pourtant, il ne l'avait jamais vu ainsi. Une main tenant une lampe à huile vacillante, pieds nus, elle semblait hagarde. Déposant son couteau de travail sur la table la plus proche, il se redressa aussi promptement que ses vieux os les lui permettait.

« Comment puis-je t’aider, ñuha riña ? »



« Je… J’ai besoin de cette décoction que Daera me prépare. Il est encore tôt, je n’ai pas voulu la réveiller. »



Le menton légèrement baissé, elle observa ses pieds. Soudainement terriblement gênée de devoir se montrer ainsi négligée devant le vieillard.



« Hen rhinka. Assieds-toi, ābrītsos muña, je vais te la préparer. »



Il tira une chaise, d’une manière trop empesée pour l’intimité du lieu, sur laquelle elle prit place. Se sentant bien seule, et bien inutile tandis qu’il s’affairait, ses doigts tapotèrent quelques instants la table en bois. Cette saynète possédait une irone savoureuse : elle était capable de ravager une ville par les flammes, mais incapable de faire chauffer de l’eau. Son regard s’attarda le long des murs, supervisant en amont les tâches de sa journée. La guerre, et les récents évènements, avaient changé la manière de s’alimenter. L’approvisionnement de Valyria était une question politique majeure, quoiqu’aucun sénateur n’ait eu encore assez de cran pour oser l’aborder. Les plus riches bénéficiaient d’une terre, attenante à leur demeure, où ils cultivaient les fruits et légumes nécessaires à leur quotidien. Les céréales, la viande, le sel et les épices étaient achetés sur le marché. Les prix avaient commencé à revenir à une normale peu avant l’assassinat de Lucerys, mais celui-ci, entrainant la menace d’une guerre civile, avait laissé place à la spéculation la plus vile. Bien entendu, les villes portuaires n’étaient pas aussi touchées par la menace de la faim. Les terres alentours y étaient plus prospères aux cultures et, surtout, la mer offrait une source vitale inépuisable. 



« Qu’est-ce ? »



D’un coup d’œil rapide, elle montra les quelques stères de bois entreposées. Il n’avait pas le jaune-vert, presque doré, habituel. 


« Du bois, ñuha riña. »



« Nyke ūndegon ziry, mais pourquoi n’est-ce pas de l’acacia ? Quand il arrivera, tout à l’heure, tu diras à l’économe de venir me trouver. Le Misio Tembyr ne goûte pas à sa viande lorsqu’elle est rôtie avec un bois différent… »



Opinant, le vieillard n’ajouta rien. Que savait-il du goût feutré des seigneurs ? D’une main connaisseuse, il prit quelques herbes pour préparer la potion. Dans les cuisines du palais, tous savaient le remède ingurgité par la future mère. Son état, depuis bientôt cinq lunes, était instable. À vrai dire, il n’aimait pas qu’elle se soit levée aussi tôt. Il craignait qu’elle ne s’en trouve mal, un étourdissement était vite arrivé. À cette heure, les serviteurs dormaient encore et, seul, il n’aurait su quoi faire. Heureusement pour lui, ce matin là, Alynera se portait bien. La potion demandée était un prétexte pour s’échapper de sa chambre nuptiale où la Nuit, comme souvent ces derniers temps, l’avait privée de sommeil. Plus tôt, elle s’était réveillée à cause d’une apparition étrange dans laquelle Shrykos l’avait menée à travers la huitième Flamme. Là, au milieu, nue, les flammes s’étaient mises à l’enlacer aussi charnellement qu’un homme. Cette embrassade avait une odeur particulière, dont les notes d’agrumes, de résine et de menthe lui étaient fortement familière. Alors, enivrée d’un bonheur soudain, la déesse l’avait fait tournoyer. C’est dans ce délice étrange qu’elle s’était réveillée par sursaut, cherchant de ses yeux un indice de la présence divine. Instinctivement, elle avait porté une main dans sa chevelure : elle la trouva brûlante, baignée de ce même parfum entêtant. Pourtant, dans la chambre seigneuriale, elle n’avait trouvé que son époux couché sur son flanc gauche. Les astres, dont les grandes fenêtres d’ogive laissaient pénétrer la douce lumière, caressaient paisiblement sa chemise en lin. Sa respiration, discrète, souple, concentrée, méditative même dans le sommeil le plus profond, témoignait qu’il n’avait pas été frappé par la même apparition. Perturbée par ce réveil brutal, elle s’était enfoncée dans ses oreilles de plumes. Depuis le début de sa grossesse, ses humeurs étaient allantes mais tout ceci était différent. C’était presque comme si l’un des fantômes de cette pièce l’avait attirée à elle pour lui transmettre un message… La grande chambre seigneuriale était la plus ancienne de la Tour. Les appartements avaient conservé toute la majesté passée des premiers âges, lorsque Vaekar lui-même, de son sang-magie, avait érigé le palais circulaire. Depuis plus de mille ans, chaque nouveau Seigneur s’était évertué à protéger cet héritage légendaire. Les murs, les tentures, le sol, le mobilier rien n’avait changé. Parfois, lorsque venait la pénombre, il lui sentait pouvoir ressentir toutes les âmes du lieu se réveiller et arpenter les murs de leurs susurres immortels.



« C’est prêt, ñuha riña. »



Le vieux serviteur avait prononcé les deux derniers mots familièrement, comme s’il voulait dire « mon enfant. » Avec précaution, il avança doucement vers elle la grande tasse précaution, mais, au moment où elle allait s’en emparer, il la renversa. Sursautant, les yeux écarquillés, il se confondit en excuses tandis que l’insomniaque se levait brutalement, à en renverser sa chaise. Elle se fichait du geste maladroit de son serviteur, ses yeux ne pouvaient se détacher de cette eau, abondante, qui s’écoulait vers le sol...  

« Ydra daor renigon !!! »



Ne touche rien. Sa paume dressée, les mots s’étaient précipités de sa bouche dans un cri sonore. Là. Encore. C’était une apparition de la déesse. Le couteau à fromage posé en porte-à-faux, synonyme de vanité, de mort, et cette eau renversée... la vie. Shrykos lui envoyait un message de résurrection. 


« C’est un message de la Déesse… »



Face à cette présence divine, les larmes montèrent à ses yeux. À nouveau, elle pouvait sentir cette odeur entêtante. Agrume. Résine. Menthe. Désormais, il semblait presque y avoir une note supplémentaire… du pollen ? Interdite, elle recula. 
Elle devait, au plus vite, en faire part aux Augures du Temple. C’était un présage.

« Dārilaros ? C’est seulement de l’eau, tu es fatiguée. Je vais faire chercher Daera, assieds-toi. »



Déjà, la mine inquiète, il ramassait la chaise afin que sa maîtresse puisse s’y rassoir. Lui aussi percevait un présage de la Déesse, mais, dans son état, il ne voulait pas l'effrayer.  Si les épisodes étaient rares, il était connu que les Quatorze pouvaient se manifester auprès de leurs parents dynastes. Après-tout, coulaient en eux le sang des Flammes.

« Non. Elle… Elle pourrait revenir. Elle m’est déjà apparue dans mon sommeil. Je… je vais aller chercher Daera. Prépare un panier pour les offrandes. »



Et, sans plus attendre, elle s’enfuie dans les dédales des communs.

Malgré son corps alourdi par sa grossesse, elle courrait presque à travers les couloirs. Habitée par un instinct nouveau, elle fit le détour par l’escalier monumental. Là-bas, au milieu des fresques héroïques, où des milliers de bougies se consumaient constamment, la présence de ses aïeuls lui avait toujours senti la plus forte. C’est là, qu’elle vit, assise sur les marches, une ombre sans visage. Elle était immobile, mais on pouvait la sentir chaude et vivante. De stupéfaction, les larmes lui montèrent au nez. La Déesse lui était apparue. Imperceptiblement, hypnotisée, elle s’approcha, laissant son châle glisser de ses épaules. Et au premier mouvement de l’ombre, elle tomba à genoux en se prosternant. 



« Il ne voulait pas me croire, mais je savais que c’était Toi… »





Vaoreznuni = excusez-moi
ñuha riña = Ma Dame
Hen rhinka = certainement
ābrītsos muña = jeune mère
Nyke ūndegon ziry = je le vois bien
Maelor Vaekaron
Maelor Vaekaron
Mīsio Dārilaros

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Alynera & Maelor Vaekaron

Tour Vaekar – An 1067, Mois 4

Ce fut d’abord l’ouïe de Maelor qui se réveilla et le tira de sa contemplation. Une porte s’était ouverte, loin dans la tour. Quelques instants plus tard, un bruit de pas saccadés emplissait l’atmosphère autrement parfaitement silencieuse. Depuis des années, Maelor s’était entraîné à compter sur ses sens pour se prémunir d’un sort peu enviable. Comme un félin, il était en permanence en train de sonder son environnement, prêt à réagir à n’importe quel inattendu. Ces bruits de pas se rapprochaient, résonnant sous les voûtes noires des couloirs qui menaient à ce hall. Il les comptait, espérant deviner quelle était l’histoire derrière cette cadence fort rapide pour une nuit calme sous tout abord. Pourquoi courrait-on presque dans Tour Vaekar à une heure aussi avancée de la nuit ? Qui cela pouvait-il bien être ? Y avait-il une urgence parmi les domestiques ? Maelor n’imaginait qu’eux pour ainsi se précipiter en pleine nuit dans une demeure sinon silencieuse, embrumée de la torpeur d’une nuit valyrienne pleine de calme et de volupté obscure. Il avait trop longtemps partagé l’intimité des serviteurs et des eclaves des élites ghiscaries pour ne pas imaginer des schémas de fonctionnement semblables dans toutes les grandes demeures de ce monde. Il y avait mille raisons pour lesquelles un serviteur courrait dans la nuit, se faisant aussi discret que possible mais sans pouvoir ralentir la cadence.

L’odorat fut le second sens à être sollicité. Il sentait cette présence car elle emplissait l’air d’une nouvelle senteur, plus fraîche, plus forte, plus envoûtante que le reste de cette vaste tour qui sentait toujours un peu la poussière ou l’encens. Maelor se prêtait à ce jeu de devinette olfactive, car il reconnaissait cette odeur. Il y décelait ces pointes de bergamote et de musc, accompagnées d’autres fragrances que son nez peu expert ne pouvait bien déceler. Sa maigre connaissance des aromes le limitait beaucoup aussi sur ses facultés à pouvoir déterminer de quoi il en retournait ; cela importait peu. L’odeur générale lui était connue car, ses yeux fermés, il pouvait revoir certaines scènes de son enfance. Sa mère, sa sœur, ses frères, son père. Il sentait ces effluves envoûtants ne pouvant pas appartenir à un domestique. Il n’y avait guère de doute sur la présence qui approchait de lui, avançant désormais à pas de velours. Maelor, les yeux toujours clos, n’osait pas les ouvrir ou se retourner. Chaque fibre de son corps était attentive, ses muscles bandés, il était prêt à fuir ou à frapper, et il restait cependant immobile. Il avait rendez-vous avec son Histoire.

La voix qui brisa l’obscur silence de cette nuit d’ébène et d’ivoire identifia immédiatement, sans l’ombre d’un doute qui aurait été ô combien insidieux, le nom de celle qui lui assurait, enfin, d’être revenu chez lui. Il ouvrit les yeux, convoquant la vue. Il se retourna plus vite et encore plus brusquement qu’il ne l’aurait imaginé ou souhaité. Cela importait peu. Il lui faisait face. Elle était là, lunaire, solaire, astrale, impériale, lui faisant face dans les rayons sélènes de l’astre nocturne qui dardait ses doux rayons bleutés au travers des vitraux de l’imposant édifice des Vaekaron. Alynera. Maelor se releva en titubant, sous le coup de l’émotion ou de sa circulation sanguine coupée par le long moment qu’il avait passé assis au sol. Il la regardait avec des yeux nouveaux, car il ne l’avait pas vue depuis bien trop longtemps. Parti à la guerre dès la Trahison de Bhorash, Maelor avait quitté Valyria au début de l’an 1062. Alynera avait alors 24 ans et était la Princesse de Valyria. Le monde entier s’était écharpé pour essayer de la conquérir et de remporter une alliance prestigieuse avec les Vaekaron. Ils avaient tous été repoussés car le sang d’or était une richesse trop pure et trop rare pour être gaspillée contre quelques bibelots jaunes. Désormais femme faite, elle se tenait devant lui avec cette beauté époustouflante qui avait toujours été sienne, un regard effrayé et embrasé, à la limite de la trance, et le ventre arrondi de la graine du miracle de la vie. Elle chuta à genoux devant lui.

Il était rentré chez lui.

« Issa ao, mandia. Ma sœur, c’est toi. »

Il s’agenouilla péniblement sur ces marches épaisses de marbre, prenant ce visage entre ses mains calleuses, s’escrimant à repousser toute mèche argentée qui encombrait le front de ce visage qu’il avait tant connu et tant aimé. Sa vision se brouilla bien vite de chaudes larmes qui coulèrent bientôt à flots sur ses joues crasseuses, y traçant des sillons d’espérance en l’avenir, se perdant dans une barbe broussailleuse. Il étreignait par une gestuelle fébrile le crâne de cette sœur si aimée, si perdue et enfin retrouvée. Il passa un long moment à la regarder, détaillant la moindre commissure de son visage, retrouvant le moindre grain de beauté, se perdant à nouveau dans l’iris de ces yeux violets. La revoir face à lui, telle un phœnix porphyrogénète émergeant des cendres de leurs tragédies, déclenchait en Maelor un torrent d’émotions sur lesquelles il était incapable de placer le moindre mot. Ses larmes continuaient à couler sans aucune majesté car il offrait un spectacle bien pitoyable pour un descendant de Fondateur. Il n’en avait cure car ce soir, enfin, le cauchemar se terminait. Il était revenu au nid. Jamais il n’avait cru revoir un jour Tour Vaekar, étreindre Alynera ou voir le feu jaillissant des Quatorze Flammes.

Laissant ses mains abandonner les joues d’Alynera pour descendre de part et d’autre le long de sa nuque, il plongea un regard avide de retrouver les iris Vaekaron, nécessitant cette confirmation supplémentaire qu’il ne rêvait pas. Il déposa son front contre celui de sa sœur, fouillant avidement au fond de son âme la confirmation qu’il ne repartirait pas à Ghis.

« Iksā sīr gevie Alynera, nyke missed ao sīr olvie. Tu es si belle, Alynera. Tu m’as tant manqué. »

Il expira longuement par le nez, remerciant un par un chacun de ses dieux pour l’avoir ramené face aux siens. Son esprit était encore morcelé entre Bhorash, Meereen, Ghis et Valyria. Étreindre sa sœur et retrouver le siège de sa famille l’aidait à se retrouver lui aussi. Le fier Maelor qui avait quitté Valyria avec son armée, chevauchant Maelyrax et brandissant l’épée Ōrbar, impatient d’en découdre avec la vermine ennemie, n’était plus. Il était mort sur le champ de bataille, balloté d’escarmouches en défaites, subissant la faim et les privations à Tolos, et dansant avec la mort à Bhorash. Il repensait encore à ce dernier vol, à ces ultimes instants où il avait senti la douleur pulvériser son âme alors que Maelyrax agonisait sous lui. Il revoyait sa dragonne si aimante et si tendre lorsqu’elle volait avec Yraenarys. La créature blanche bienveillante et le puissant mâle cuivré formaient alors un duo quasi symétrique. L’émotion fit trembler son menton et Maelor s’exprima après avoir péniblement cherché à déglutir.

« O mandia, iksan morghe. Ô ma sœur, je suis mort. »

Il rompit ce contact visuel si précieux et laissa enfin s’échapper de chaudes larmes d’un deuil qu’il n’avait jamais pu faire. Il pleurait le retour chez lui sans sa sœur de feu, sans Maelyrax qui avait toujours été à ses côtés pourtant. Il était maudit, un moins que rien sans son dragon. Il n’était plus un noble seigneur-dragon mais un pauvre petit avorton blessé et dont la seule valeur tenait à son nom et aux accomplissements de ceux qui étaient venus avant lui.

Il n’était pas revenu vivant, il n’était qu’un spectre, un mort qui n’avait pas réussi à quitter le monde des vivants.

Sa place était avec Balerion.

Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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ft. Maelor Vaekaron

Tour Vaekar – An 1067, Mois 4

Issa ao, mandia. À ces trois mots, à cette voix parvenue d’outre-tombe, son front se prosterne un peu plus dans la pierre. Un souffle glacial, sonore, parcours son rachis alors qu’il se crispe de tout son long. Là n’est pas la voix de la Déesse, mais celle d’un souvenir. Un souvenir endeuillé. Le sol ancestral, sous ses doigts, se pétrifie à son tour. Dans un frisson, elle comprend que l’antre des morts s’est ouverte devant elle. Shrykos, par la voix de son frère, venait lui délivrer un funeste message. L’ombre s’approche, résonne - comme si c’était possible -, elle la sent la surmonter de tout son mystère. Deux longues ailes écaillées l’enveloppent un peu plus dans la pénombre. Un instant, long, elle voudrait lever son regard mais ses yeux l’en empêchent. Ils se ferment avec force, à en trembler eux aussi. Puis, l’ombre descend tout contre elle pour venir chercher son visage. Deux paumes emprisonnent sa mâchoire et l’observent. Ses lèvres s’agitent de trop vouloir violer l’instant. Derrière ses paupières closes, des larmes de sel viennent gorger une vision noire. Les paumes parcourent son visage, se perdent dans ses cheveux avant de serrer le haut de son crâne comme l’on baise les reliques des Anciens. Iksā sīr gevie Alynera, nyke missed ao sīr olvie. Cette voix… elle avait presque oublié les intonations de cette voix.  À genoux, son être se recroqueville d’une douleur invisible. Une larme cours le long sa joue. À quelle épreuve, terrible, la déesse la confrontait-elle ? Pourquoi donc amener le monde de Balerion en la Tour Vaekar ? O mandia, iksan morghe. Elle hoche la tête, sans ajouter un mot. Oui, il était mort. Depuis cinq années il était mort… Pieuse, la tête respectueuse, elle chuchote à la nuit, à l’ombre, un réconfort.

« Daor isse ñuha prūmia. Daor isse bisa lentor.* »

Alors, elle entoure maternellement son ventre pour retrouver un peu de chaleur et sa joue humide vacille au rythme des petites flammes. Depuis la guerre, Alynera aurait tout donné pour quelques instants avec les disparus de sa famille. Mais, maintenant que l’un d’entre eux était là elle avait peur. L’épreuve était trop grande pour elle, simple mortelle. Jamais, elle n’aurait la force de laisser repartir cette ombre. Non. Si il le fallait, elle s’agripperait à elle, de ses ongles, de ses dents, pour la suivre dans les Enfers. Tant pis pour les pièces pour le passeur : la fille de Lorgor préférait être sur la rive opposée, à errer pour l’éternité, que d’être à nouveau arrachée à eux ! Aussi, lorsqu'elle sent l’ombre reculer elle se jète à ses chevilles et s’agrippe à son vêtement.

« Ne pars pas, je t'en conjure ! Ne me laisse pas ici, toute seule... Ô toi qui as été mon frère, prends-moi avec toi… Amène-moi à nos frères ! »

Alors, ne craignant plus le courroux divin, elle ouvre les yeux. Un cri s’étouffe dans sa gorge alors qu’elle voit son cadet pour la première fois. La mort avait creusé son visage, de dizaines de vies secrètes. Il semblait plus vieux. Mais, bien sûr, n’ayant jamais retrouvé son corps elle n’avait pu témoigner des sillons de la guerre sur son visage. Ses poings se ferment, s’ouvrent, hésitent, puis se portent sur ses lèvres. Ils cachent son sourire, au rire impossible de bonheur. Elle l’observe incrédule. Si il n’était pas mort, on aurait presque pu le croire vivant. Oui, elle aurait pu jurer que sa chair, tout contre la sienne, était tiède. Elle aurait pu prêter serment qu’elle pouvait sentir ses larmes inonder la terre et son souffle faire trembler les murs de pierre. Par les Quatorze, qu’il avait changé !

« Valonqar, ne pleure plus. Tu m’as retrouvé, je ne te quitterai plus jamais. Je viendrais avec toi… »

Hypnotisée par la vision macabre, la belle Misio Lentor ne pense déjà plus au futur seigneur qui se nourrit en son sein. Elle ne pense plus à l’aurore qui viendra, dans quelques minutes, réveiller son époux. Elle ne pense plus à tout ce qu’ils se sont promis, pour la sauvegarde des leurs. En cet instant, elle n’était qu’une aînée qui cherche la main de son frère défunt. Et lorsqu’elle l’a trouvé, elle la serre pour se relever vers lui.

« Je me fiche des richesses des vivants. Je les abandonne, bien volontiers. Petit frère, ne pleure plus… Les Dieux sont déjà là. »

De son sourire immense, habitée de cette tristesse heureuse, Alynera ne réalise pas que son frère est bel et bien vivant. Elle l’observe comme on voudrait croire à l’impossible. Petite fille devant le mirage divin, elle porte deux grands yeux béats sur le mystère qui se joue devant elle. Et puis, les notes enivrantes de son rêve lui viennent à nouveau l’enivrer. Agrumes. Résine. Menthe. Elles tournoient autour d’eux et, telles les lierres de leur enfance, s’agrippent à leurs corps. Dans ces flammes vertes, la paume de l’ombre lui semble si chaude. Ses sillons nasaux brillent d'un mucus aqueux. Coulent en abondance dans les sillons de son visage le sel de ses larmes. Sa peau est rêche, trop. Délicatement, elle retourne sa paume dans la sienne. Son index parcoure des cicatrices nouvelles, il se heurte à des points de cal étranges. Les Seigneurs Dragons n’en ont pourtant qu’à un seul endroit. Son nez se fronce. Alors, cette fois, elle ne retient pas le cri dans sa gorge. D’un bon fraternel, ses mains remontent le long des bras de ce frère. Elles se pressent, loupent quelques élans, avant de trouver son visage. Elles sont dures ces mains, elles doivent faire mal, comme ce regard féminin qui se déforme d’une horreur teintée d’admiration.



« Maelor ? »


* Tu ne l’es pas dans mon coeur. Tu ne l’es pas dans cette maison.
Maelor Vaekaron
Maelor Vaekaron
Mīsio Dārilaros

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Alynera & Maelor Vaekaron

Tour Vaekar – An 1067, Mois 4



Son prénom prononcé par sa sœur résonnait dans la torpeur de l’air nocturne.

Maelor commençait à peine à comprendre que, depuis tout ce temps, sa sœur l’avait cru mort. Elle l’avait pris pour une apparition, un échappé du domaine de Balerion. Pourtant, alors qu’elle parcourait son corps de ses mains, cherchant à se remémorer la forme du visage de ce frère disparu depuis si longtemps, il pouvait sentir ses mains trembler alors que la révélation s’imposait à l’esprit d’Alynera. Maelor était vivant. Presque penaud, soutenant avec peine le regard de sa soeur, Maelor lui répondit d’une voix enfantine, emplie de timidité et de honte.

« Alynera... Je suis rentré. »

Une violente nausée lui prit à nouveau alors qu’il prononçait ces mots, si heureux qu’il était d’être revenu dans la demeure familiale. Il était pourtant question de bel et bien revenir au bercail. Les Dieux avaient décider qu’Alynera serait la première à l’accueillir et pourtant, Maelor ne pouvait penser qu’à sa mère. Comme elle serait heureuse de le retrouver ici ! En attendant, Maelor n’avait absolument aucune envie de briser ce moment si précieux. Il retrouvait le sang antique, le sang des siens, le sang de Vaekar. En sentant le contact du corps d’Alynera contre lui, il pouvait sentir son cœur battre à toute vitesse, pulsant d’émotion. Il ressentait l’essence vitale de Valyria, cette frontière intangible entre le divin et le réel, cette frontière qu’étaient les dynasties. Ils portaient l’héritage de ceux qui avaient été les messagers des Dieux, apportant aux Valyriens la connaissance, la magie et les dragons. Ils étaient les descendants de celui qui avaient apporté le monde à Valyria. Ressentir à nouveau cet auguste héritage emplissait Maelor d’une joie ineffable, quand bien même la mélancolie de son retour ne s’effacerait pas de sitôt.

« Je me suis échappé. Des alliés. Alynera, écoute-moi. J’étais prisonnier. »

Pour la première fois, ses mots retrouvaient un ton normal. Son esprit fonctionnait à toute-vitesse alors qu’il se remémorait ses premiers jours de liberté depuis des années, la fuite éperdue vers les quais de Ghis, l’embarquement sous couvert de la nuit puis la traversée toutes voiles dehors vers Mhysa Faer puis la chevauchée pour rejoindre la capitale du monde en pleine nuit. Il était temps de raconter son histoire, du moins en partie. Alyrea lui avait fait promettre de garder le silence sur l’implication de Valyriens si près de l’Empereur de Ghis. Nul ne voulait causer une nouvelle guerre si peu de temps après la première. Son regard se durcit.

« Pas prisonnier. Esclave. Je n’en méritais pas moins. »

Comment pouvoir expliquer à sa sœur qu’il avait passé les dernières années dans une servitude avilissante et résignée ? Il était considéré comme mort et personne n’était venu le réclamer. Les Ghiscaris n’avaient d’ailleurs jamais eu idée de la personne qu’ils avaient entre leurs griffes. Un seigneur-dragon brisé, peu importait son identité. Il avait été des années durant la meilleure preuve dont avait besoin les élites impériales pour se rassurer sur le caractère très unique de leur défaite et qu’un Valyrien pouvait être réduit à moins qu’un chien si on s’y employait correctement. En prenant sur lui cette charge écrasante et déshonorante au possible, Maelor avait pourtant contribué à éviter un examen trop attentif par les Ghiscaris des causes de leur défaite cinglante contre les Valyriens. Il les avait écoutés des années durant : ils étaient certains que seuls les dragons expliquaient leur repli épouvantable. Maelor avait ses doutes sur la pertinence de cette analyse, car les troupes valyriennes s’étaient battues comme des fauves acculés, emportant chez Balerion des milliers de Ghiscaris. Il était pourtant venu le temps de penser à autre chose que ses tortionnaires car Maelor Vaekaron était de retour chez lui. Il avait un grand besoin de comprendre ce qui était arrivé à son pays en son absence, et de pleurer une fois pour toute sa sœur de feu, ce dragon qu’il avait tant aimé et qui était mort à Bhorash, cette ville au nom mille fois maudit.

Il lui fallait surtout connaître ce qui était arrivé à sa famille depuis sa disparition. Il avait un grand besoin d’en savoir plus. Daelor était-il devenu ce puissant et influent seigneur-dragon que Maelor s’imaginait servir avec fierté ? Taelor avait-il trouvé sa place dans la nouvelle hiérarchie familiale ? L’avait-il remplacé comme nouveau stratège auprès de son frère ? Peut-être servait-il dans quelque unité prestigieuse de l’armée valyrienne ? Mère prenait-elle toujours autant de temps à réfléchir à l’agencement de son jardin pour la saison prochaine ? Les questions fusaient dans sa tête sans qu’il ne soit en mesure de les formuler. Il n’avait aucune idée de ce qu’était devenue Valyria en son absence. Il avait eu des bribes d’informations, notamment la mort de Lucerys Arlaeron, parvenue jusqu’à Ghis. Pour le reste, il nageait en plein brouillard, ignorant tout des événements des dernières années. Arraxios Maerion avait-il été réélu après avoir été élu quelques mois avant la guerre ?

Reprenant peu à peu ses esprits, il remarqua enfin le ventre arrondi d’Alynera. Il y déposa une main hésitante, sondant la vie qui s’y développait dans un grand calme apparent, hors des turpitudes du monde des vivants.

« Tu portes l’enfant de Daelor. Quel bonheur de savoir que la vie a continué ici. Comment se portent nos frères, Aly ? Et Mère, comment va-t-elle ? Par les Quatorze enfers, que vous m’avez tous manqué. »

Il prit sa sœur dans ses bras, la serrant contre lui, prenant le temps de sentir ses cheveux d’or contre son visage, de retrouver son odeur et sa chaleur. Il ne voulait plus jamais la perdre à nouveau.




Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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ft. Maelor Vaekaron

Tour Vaekar – An 1067, Mois 4

La mort de Maelor était venue la première. Une fin d’après-midi, à l’heure où la lune commence à chasser le soleil, les grandes portes s’étaient ouvertes sur la bannière blanche, au cercle rouge, du commandement second d’Anagoria. Lorsque les soldats avaient baissé leurs oriflammes, la Cité entière s’était tue. Des innombrables fils qui jonchaient les champs de batailles, nulle disparition était aussi tragique que cette perte dynastique. Les Valyriens étaient partis à la guerre sous les vivats des foules et les pétales de leurs sœurs, mères et épouses. Fiers de la plus grande Cité jamais construite, bénis des Quatorze flammes, maîtres des cieux, dresseurs de dragons, ils étaient invincibles ! Pourtant, dans le grand atrium, elle avait observé sa mère, au milieu de tous, se tenir ferme alors que ses bras demeuraient vides. Les deux fils de Vaekar étaient tombés au-dessus d’une ville ghiscarie. Maelyrax ne rejoindrait pas ses ancêtres dans les grandes galeries du palais. Le corps de Maelor ne serait jamais lavé, préparé pour son dernier voyage et porté jusqu’à la Flamme de Balerion. Comprenant brutalement que les espoirs humains étaient fondés sur des promesses jamais formulées, Alynera avait inscrit ce jour funeste dans sa chaire. Ce jour-là, la Tour quitta ses couleurs chatoyantes pour revêtir celles du deuil. Elle ne devait jamais plus les quitter. Ce jour-là, Alynera était montée haut dans les Cieux, accompagnée de Taelor, pour chasser l’horizon funèbre. Perchée à cinq mille pieds, elle avait regardé la lumière du jour fuyant comme pour la première et dernière fois. Muette, elle demeura de longues heures à défier le courroux des Dieux. Elle n’acceptait par leur jugement. Puis, lorsque la pénombre fut, des larmes, douloureuses, coulèrent sur ses joues et les soubresauts de son corps firent le reste. Par la suite, alors que, petit à petit, s'évadaient de son esprit la remembrance de son visage et de son odeur, elle avait souvent entrouvert la porte des appartements de son frère pour tenter de se remémorer son cadet.

Je suis rentré. 


Le sol tangua de longs instants, sa tête s’enivrant de ces trois mots. Dieux, comme elle avait cru oublier ce visage ! Délicatement, ses doigts parcourent sa peau à la recherche du souvenir de ses traits, de ses expressions et du pli de cette veine sur son front… lorsqu’il souriait espiègle. Refermant ses doigts telles des serres, se jetant tout contre lui, elle s’agrippa sur ses épaules. Son coeur battait si vite qu’il aurait pu raisonner jusque dans son corps — ou était-ce l’inverse ! La respiration affolée, sifflante, jetée ainsi tout contre lui, elle ne pouvait croire qu’il était réellement vivant.



Je me suis échappé. J’étais prisonnier. Esclave.



Depuis combien de temps espérait-il pouvoir prononcer ces mots ? Ils sonnaient normaux, preuve d’une réalité longuement éprouvée. Alynera, le front dans son cou, les larmes sur son visage dissimulé, n’avait pas bénéficié de la même temporalité. Elle était incapable de réagir aux paroles de son frère, les mots mêmes lui parvenaient très lointains dans un écho étrange. Alors elle demeura ainsi, pétrifiée, contre lui. Les minutes passaient et ses doigts, doucement, avaient formés un nœud inextricable. Elle ne laisserait rien, ni personne, venir lui reprendre ce miracle. À nouveau, la Cité entière s’était arrêtée. La vastitude du monde tournoyait autour d’eux, pauvres fous enlacés, tandis qu’une peur et une joie infinie dansaient en ses yeux. 



« Tu portes l’enfant de Daelor. Quel bonheur de savoir que la vie a continué ici. Comment se portent nos frères, Aly ? Et Mère, comment va-t-elle ? Par les Quatorze enfers, que vous m’avez tous manqué. »



La main de son frère, sur son ventre, semble hésiter comme si toucher cette vie à venir pouvait lui porter préjudice, comme si il n’était plus tout à fait à même d’avoir le droit d’effleurer descendance de déité. Alors, Alynera lâche son étreinte pour plaquer cette main. Elle veut qu’elle demeure ainsi. Là, pendant quelques instants, le monde est celui qu’il aurait du être. Mais la violence de cette révélation ne peut contenir longtemps la souffrance des réponses à venir. Une tempête immense se joue en elle, comme celles que se livrent les astres qui changent le cours des saisons. Elle serre sa main, interdite. Derrière lui se dresse la grande fresque qu’elle a fait peindre pour commémorer les disparus de la guerre de Ghis. Le visage vivant de Maelor se superpose à celui défunt. Puis, tout devient trouble. L’émotion est trop vive, trop forte. La perte de connaissance est rapide, quelques secondes, le temps d'un sursaut. Sans quitter sa main, elle s’assied sur les grandes marches, creusées par les pas de leurs ancêtres millénaires, tandis que les mots de son frère raisonnent, enfin, en son esprit. Ses lèvres tentent de sourire. Puis, à défaut de mots suffisants, elle porte son regard sur la fresque que des centaines de flammes éclairent dans la pénombre. 



« Tout ce temps, ma seule consolation était que vous viviez ensemble sur les rives de la gloire éternelle. Ils ont tous fait le grand voyage, Maelor. Et mère… mère a supplié les Quatorze pour qu’Ils la mènent à vous. Elle s’est éteinte il y a trois ans. » Trois années. Par quelles épreuves Maelor avait survécu tout ce temps ? Quels supplices immondes lui avait fait subir la Harpie ? Il était trop tôt encore pour qu’elle réalise réellement ce que le mot esclave signifiait, son esprit, en état de choc, s’était arrêté à l'idée d'un prisonnier. Comment son esprit aurait pu comprendre qu’un fils de Dieu avait été réduit à une condition sous-humaine ? « La tragédie a frappé les nôtres. Elle nous a décimé, un à un. Cet enfant était notre espoir à tous, et maintenant tu nous es revenu… » les mots s'échouèrent sous ses longs cheveux d'or. Midi n’aurait pas sonné qu’il la détesterait. Il ne pourrait pas comprendre ses choix, son mariage avec leur oncle, sa manigance envers leur tante et cette ombre qui l’emprisonnait petit à petit. Les ailes arrachées, l’héritier était doublement bafoué. L’ordre de succession avait été falsifié par la malice de la Fortune. Elle lâcha sa main. Les fils de la destinée, violents, ses éclats de rires malins, la ramenaient brutalement à la réalité. « Shrykos m’est apparue dans mon sommeil, elle m’a prévenue que tu étais en chemin. Ton parfum était partout... un souvenir entêtant... comme lorsque nous grimpions dans les lierres des murs... Est-ce Elle qui t’a menée ici, jusqu’à moi ? »


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