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Vaenyra Menaleos
Vaenyra Menaleos
Mage

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Tenebrae Miserere Requiem Le pardon est la plus belle fleur de la victoire.



C'était une belle journée. Il faisait beau, l'heure idéale pour aller jouer. Il faisait chaud, il fallait sortir s'aérer. Si les jours commençaient peu à peu à se rallonger, Mantarys profitait encore d'un temps clément et de températures douces. Les fermiers se prélassaient, leurs champs presque vides et les greniers pleins à ras bord. Nombre d'entre eux venaient en ville pour dépenser leurs économies en beuveries, orgies ou autres secrets bien masculines. Leurs épouses, entourées de leur marmaille, remplissaient les rues à leur tour. Leurs traits tirés témoignaient de l'horreur de la guerre que leurs époux oubliaient dans la boisson. Nombre d'entre elles portaient le voile noir du deuil. Presque tous avaient perdu un frère, un père ou un époux. L'atmosphère festive était pourtant lourde comme si les morts veillaient depuis le royaume de Balerion qu'on ne les oublie pas si facilement.

Vaenyra avançait parmi la foule et se nourrissait de leur deuil autant qu'elle portait le sien. Lorsqu'elle était partie de la capitale, c'était une femme libre et presque heureuse. Devenue Archimage, elle avait participé autant à la marche sur le Sénat qu'au coup d'État contre le Magister. Si elle portait avec gravité le poids de ses actes, la mage n'en était pas moins satisfaite de son ascension fulgurante. Qui plus est, ses pensées ne cessaient de se tourner vers un marin bien loin de ses bras, mais bien trop proche de son cœur. Le souvenir de Daelarys embrasait ses sens et elle se sentait parfois rougir comme une adolescente. Agacée autant qu'agréablement troublée par ces sentiments enfantins, elle s'était oubliée pour la première fois depuis des années.

Pourtant, ses serments et la vie devaient se rappeler à elle. Des mois s'étaient passés depuis qu'elle avait essayé vainement de se tourner vers les antiques liens de sa famille avec l'armée pour quérir de l'aide. Vaenyra avait presque oublié la promesse faite à son père et elle-même de découvrir la vérité sur la mort de son frère. Choix inconscient, ou pur déni mélodrame, elle n'en savait rien, mais le rappel la fouetta durement. Il lui fallut trois jours de mauvais sommeil avant d'enfin ouvrir la lettre. Ses yeux s'étaient posés sur les mots écrits d'une main maladroite. Le souffle court, elle sut qu'elle tenait enfin la clé pour avancer dans sa quête. Celle qui lui demandait de suivre l'étoile. Peu importait ses chances. Peu importait le temps. Ou sa désespérance. Elle luttait toujours, sans questions ni repos. Se damner pour la cigüe d'un mot de justice.

Ni une, ni deux, Vaenyra avait loué un cheval et laissé ses affaires en l'état. À peine avait-elle laissé une note écrite pour la Magister pour lui expliquer son absence. Sa seule folie fut d'écrire et payer au prix une longue missive pour Daelarys où elle lui dévoilait le contenu de sa lettre. La mage s'était refusée à lui dire où elle se rendait et lui demander simplement de l'attendre. C'était un geste égoïste, mais Vaenyra désirait ardemment être requise quelque part. Savoir que sa présence illuminerait une pièce l'espace d'un instant suffirait peut-être à lui donner la force de revenir et de ne plus aimer jusqu'à la déchirure pour attendre l'inaccessible étoile.

Son cœur était devenu de glace au bruit des sabots frappant les voies valyriennes. Plus son périple approchait les terres métisses du Nord, plus Vaenyra s'assombrissait. Le message était simple: ils avaient retrouvé l'officier supérieur d'Hogear pendant la bataille de Tolos. L'homme avait été gravement blessé et marqué mentalement par la guerre. Aussi était-il tombé dans l'oubli, un de ces nombreux héros délaissés après avoir servi tels des jouets oubliés par un enfant. Seuls l'espoir et la ténacité d'une veuve qui n'en avait même pas le titre avait fait remonté son nom. Combien d'hommes et de femmes seraient à jamais oubliés pour favoriser quelques nobles ou actes à peine plus glorieux, mais plus présentables ? Le prix était dur à payer que celui de servir.  

Ruminant ces pensées bien sombres, Vaenyra se présenta à la demeure de l'officier. Vêtue d'une longue robe noire, ses cheveux remontés en un chignon strict et couvert d'un voile diaphane, l'Archimage présentait une mise stricte et dure. Elle frappa trois longs coups à la porte et attendit. Une esclave vint lui ouvrir et la regarda de haut en bas. Malgré le collier qui lui enserrait le cou, elle restait une magnifique beauté d'Orient, la peau cuivrée et aux yeux verts en amande. Son regard de maîtresse de maison déplut à Vaenyra qui pinça les lèvres avant de s'avancer derechef pour passer devant la misérable. Une fois rentrée dans le vestibule, elle détacha le fermoir d'argent de sa cape et la tendit à la servante.

Ton maître m'attend. Je suis Vaenyra Melaneos, archimage du Collège. Nous avons convenu de nous rencontrer à cette heure-ci.
Bien sûr maîtresse. Suis-moi.

L'esclave conduisit Vaenyra à travers les couloirs de la demeure. Bien entretenue, elle témoignait d'une certaine fortune. L'homme était un noble d'après les quelques informations que la mage avait pu recueillir. Pourtant, lorsqu'on l'introduisit, elle fit face à la moitié d'un homme. Littéralement. Amputé au niveau de la taille, c'était un cinquantenaire prématurément vieilli. Ses longs cheveux blancs avaient beau être parfaitement attachés et sa barbe taillée, rien ne pouvait cacher les horribles cicatrices qui couturaient son visage. Son regard, profondément enfoncé dans ses orbites, était démuni de toute émotion. Son esprit se tournait vers d'autres temps. D'autres batailles. Peut-être celle-là même qui lui avait coûté ses jambes. C'était une toute autre que Vaenyra s'efforcerait d'exorciser de cette carcasse à demi vivante.

Officer Tavarnys ? Je suis Vaenyra Menaleos, tu as accepté de répondre à mes questions.

L'espace d'un instant, la jeune femme crut qu'il ne répondrait pas. Son esprit était probablement trop endommagé pour seulement interagir avec le monde extérieur. Pourtant, le vétéran la surprit en se tournant vivement vers elle. Là où son regard n'évoquait rien d'autre que l'écrasante étreinte du vide, il la fixait avec une intensité doublée d'une malice qui la fit frissonner. Sans demander l'autorisation, Vaenyra alla s'asseoir d'autorité sur le fauteuil qui faisait face à la chaise roulante de l'estropié. Se tourna vers l'esclave, elle lui fit signe de partir. Rebelle, la jeune femme voulut lui répondre, mais fut interrompue par son maître qui leva une main pour la faire taire.

Ca ira, Zebaya. Tu peux nous laisser. Il attendit que l'esclave sorte de la pièce, non sans un dernier regard plein de dédain pour Vaenyra avant de reprendre : Je sais parfaitement pourquoi tu es ici. Tu veux connaître les véritables raisons de la mort de ton frère n'est ce pas ?

La mage hésita, surprise par l'attitude tout aussi directe de son interlocuteur. Elle se reprit toutefois vite.

Oui. Nous sommes convaincus qu'Hogear n'est pas mort de la façon décrite par l'armée.
Je sais parfaitement comment l'armée a voulu présenter l'affaire. J'ai écrit moi-même la lettre pour ton père. J'aurai du me douter qu'il ne se laisserait pas faire et mettrait son nez là où il ne fallait. Lui ou sa fille apparemment.
Je veux la vérité Tavarnys. Sans mensonge.
Elle risque de ne pas te plaire. Mais soit. L'estropié attrapa un verre  d'eau et but une longue gorgée avant de commencer son récit : Ton frère était un bon soldat, loyal et bon combattant. Son dragon a prouvé plus d'une fois sa valeur également. C'était aussi un jeune homme colérique, amer et imbu de sa personne. Persuadé de valoir mieux que les autres simplement parce qu'il chevauchait un dragon. Il était prêt à tout pour s'enrichir.

Tavarnys s'interrompit la voix rauque et hésitant. Vaenyra le fixa durement jusqu'à sa voix traînante retentisse de nouveau:

Après la bataille, celle de Tolos je crois, bien, j'ai été contacté par un seigneur. Un de ces riches bourgeois de la ville et son fils. Je devais fouiller le camp ghiscari et essayer de récupérer le plus d'or possible. L'aîné nous accompagnerait pour nous surveiller et distribuer les parts. Nous allions utiliser la loi des quarts. Un quart pour moi, un quart pour mon employeur, un quart pour le  fils et le reste à se partager avec mes gars. Ton frère en faisait partie. On s'est fait prendre, il fallait un exemple et Hogear a été désigné. Il a eu une mort rapide et son dragon également. Voilà tout.
Voilà tout ? Mon frère est mort pour vous couvrir ? Pourquoi l'armée n'en a pas parlé ?
Crois tu vraiment qu'ils laisseraient les rumeurs de nos fils glorieux au combat en train de piller les morts et leurs possessions courir ? Non. On m'a demandé couvrir l'affaire en l'échange de ma vie et celle des autres.

Vaenyra restait coi. L'attitude odieuse de son frère la choquait sans l'étonner. Hogear avait toujours eu la folie des grandeurs, un trait qu'elle partageait, mais contrôlait bien mieux. Sa mort lui semblait bien pâle et stupide. Sa quête prenait fin, à peine brûlée par les flammes de la vérité. Lasse, Vaenyra baissa les yeux et regarda sous un autre regard l'officier. L'homme buvait une longue gorgée à nouveau et... Fronçant les sourcils, la mage se leva vivement et attrapa l'estropié par le poignet. Le forçant à lever la main, elle observa longuement la bague au style ghiscari très marqué à sa main. Une bague fendue par une lame et encore déformée par le choc.

Et l'armée tolère que les pillards gardent le fruit de leur rapine peut être ? lâché sèchement Vaenyra en libérant l'homme de son emprise. Le dominant de toute sa hauteur, le visage déformé par la colère, elle le frappa dans la poitrine pour qu'il réponde.
Ce n'est qu'une bague! Un simple bijou que j'ai pu caché !
Tu me mens ? Tu oses me cacher la vérité encore ? L'armée vous aurait attrapé et tué Hogear, vous auriez tous été tués aussi! Pendus comme des scélérats ! Dis moi la vérité.
,Mais c'est la vérité je le jure ! se défendit l'homme en levant un bras.

Mais son regard fuyant plaidait coupable pour lui. Avec un soupir, Vaenyra attrapa le fermoir de sa cape qu'elle avait glissé à sa ceinture et s'entailla la main. D'un mot, elle invoqua la magie. Une brume rosâtre jaillit de sa plaie, vagues tentacules à peine perceptibles. Ils vinrent se glisser le long des bras et du torse de Tavarnys. L'homme, effrayé par cet étalage grossier de magie, essaya de gigoter, mais ne gagna qu'à être fermement immobilisé par l'ombre. Cette dernière prit peu à peu la forme d'une créature humanoïde qui lui enserra la gorge. Un grognement s'en échappa tandis que le vétéran s'étouffait. Vaenya le libéra en refermant sa main sur sa plaie. L'homme reprit son souffle dans un long sifflement guttural tandis que la magicienne se rasseyait.

La vérité, maintenant.
Tr...Très bien... Ton frère faisait partie de mes gars, mais n'aimait pas voler les cadavres. Le sacrilège était trop grave à ses yeux. C'était un salaud avec des valeurs bien étranges. Il s'est embrouillé avec le fils de notre employeur et ce dernier l'a abattu d'un coup de hache bien senti. On a abandonné Hogear, il s'est vidé de son sang pendant de longues heures... J'ai écrit la lettre à ton père et laissé croire qu'il était mort au combat. Voilà tout.
Tu es un porc avare doublé d'un parjure, Tavarnys. La perte de tes jambes n'est pas la moitié du châtiment que tu mériterais. Tu aurais dû tomber sous la hache et non pas mon frère, chien. Maintenant ce que tu vas faire, c'est organiser un rendez-vous avec ce fils. Tu m'as bien dis qu'il était de la ville non ? Demain, sans attendre. Est-ce bien clair ?

Le regard perdu dans le vide, le visage encore rouge, l'estropié acquiesça. Terrorisé, il était prêt à tout pour satisfaire Vaenyra pour son plus grand plaisir. Avec un dernier regard mauvais pour l'homme, elle l'abandonna.

***

Lorsque la jeune Archimage revint le lendemain, après une nuit agitée de cauchemars et de doutes, Tavarnys ne l'accueillit pas. Ce fut la jolie esclave du soldat qui l'attendait à la porte, une caisse sous le bras. Lorsqu'elle aperçut Vaenyra, elle se dirigea à grands pas vers elle, le visage déformé par la haine.

Démone, monstres! Je sais ce que tu as fais à mon maître ! C'était un homme bon, il me protégeait. Tu as détruit ma vie. Puisses tes Dieux te faire rôtir encore et encore. Crèves chienne !

Lui enfonçant le coffret dans l'estomac, l'esclave cracha aux pieds de la magicienne avant de tourner les talons et trouver refuge en courant dans la maison de son maître. Abasourdi, Vaenyra mit quelques instants à comprendre que Tavarnys avait enfin trouvé le courage de se faire justice. Peinée et satisfaite, elle ouvrit le couvercle en bois et sourit. Elle contenait quelques affaires de son frère qu'elle croyait disparues à jamais.
Et surtout un nom.