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Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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La valse Aerys & Alynera

Temple d'Arrax, Première Flamme.
An 1066, mois 5.

Les ailes sereines, Yraenarys planait dans l’azur de l’après-midi. Il voguait au milieu des pics montagneux tel un colosse céleste. Ainsi déployé, immense, dynaste parmi tous les autres, sa mère paraissait encore plus chétive qu’à l’ordinaire. Assise entre ses omoplates, la dresseuse disparaissait dans la crête cuivrée du dragon. Seuls les filaments de ses longs cheveux, défaits par un vol compliqué, trahissaient son humaine présence. Ses mains blanches tenaient fermement les piquants de sa crête. Son corps entier était contracté — à croire qu’elle, Alynera Vaekaron, Princesse de Valyria, pouvait avoir peur de tomber du ciel ! Et pourtant… Pourtant, pour la première fois de sa vie, Yraenarys lui semblait trop grand, trop large, et par conséquent sauvage et imprévisible. Loin d’obéir à ses nobles volontés, il menait sa propre promenade dominicale. Il fut un temps, un âge d’or disparu, où sa mère l’avait mise en garde envers ce déséquilibre à venir. Selon elle, les leçons du meilleur dresseur de Valyria n’y feraient rien : sa fille ne pourrait pas garder l’ascendant sur son être de feu. Prononcées par une mère jalouse, ces paroles avaient été peu écoutées — voire raillées et méprisées. Cependant, depuis que les Quatorze avaient décidé de s’amuser avec sa destinée, la belle devait souvent repenser à cette mise en garde. Après-tout, les augures avaient peut-être livrés des présages secrets à Glaïa… qui les avaient emportés dans les flammes de Balerion. Quoiqu’il en soit, Alynera et Yraenarys étaient surtout en déséquilibre car ils menaient une guerre utérine contre eux-mêmes. Chacun se repliait dans un égocentrisme handicapant, leur faisant oublier la première partie magique de leur être. Du moins, c’était surtout vrai pour Alynera qui, depuis la décès de Daelor, avait été propulsée dans des problématiques très humaines. Trop humaines pour le lien divin qui unissait les deux êtres. Marqué par le départ soudain de ses frères, morts ou devenus sauvages, Yraenarys dépérissait. Il se sentait seul, abandonné dans une souffrance inexprimable. Aussi, le dragon avait pris l’habitude de déserter la fosse draconique. Et s’il observait la position dangereuse dans laquelle se trouvait sa mère, cela ne l’empêchait pas de se rebeller de plus en plus contre son autorité. De moins en moins perché sur la Tour Vaekar, où, à l’ordinaire, il aimait s’endormir sur la pierre chaude : l’être préférait côtoyer les affres de la liberté. Pour la première fois, Alynera pouvait voir en lui le danger et l’acrimonie de sa magie.



Si haut vue du ciel, belle endormie entre les bras des Dieux, la capitale valyrienne semblait inoffensive. Tels des milliers de nuages trop bas, les vela blancs flottaient dans la tiédeur étouffante de l’après-midi. L’été n’était pas encore installé que Shrykos leur offrait déjà le parfum prémices de la saison sèche. Bientôt, les hommes délaisseraient leurs après-midis à l’amphithéâtre pour préférer la fraîcheur des thermes publiques. D’autres se confineraient dans le secret de leurs demeures. Indubitablement, la présence masculine plus fréquente en leurs royaumes, les épouses réorganisaient ces heures-là pour se réunir entre amies. Elles disputeraient quelques rumeurs, fondées ou infondées, aidant leurs conjoints à gravir les échelons du pouvoir. Quoique veuve, Alynera aurait du se trouver dans ce cocon de dragonnes protectrices, où les sourires et les rires étaient plus protecteurs que des boucliers d’argent. Elle aurait du se trouver aux côtés d’Eleana, à protéger son futur de Sénatrice, mais elle avait préféré utiliser ces heures trop rares pour s’élever dans les horizons du ciel. Dans les hauteurs, elle avait espéré puiser fraicheur et jouvence. Malheureusement, à observer l’imposante Tour Vaekar, la chaleur semblait être davantage étouffante. Cet héritage lui appartenait. Il était sien. Elle devrait vouer son existence à faire perdurer la dynastie. Avant le courroux d’Arrax, là étaient déjà ses devoirs féminins. Désormais Mīsio Lentor, elle se rendait compte que sa responsabilité était bien plus grave. Daelor, Maelor, Taelor et Vaegor partis, l’héritière devrait mettre à mal la pureté du sang Vaekaron. Oui, afin de perdurer sa lignée, elle devrait soit se tourner vers d’obscure magie, soit trouver un réceptacle mâle. Dans tous les cas, leur sang serait puisé trop profondément ou trop dilué pour qu’il n’y ait aucune conséquence. La Tour Vaekar pouvait être haute à défier les sommets des Dieux, mais les événements futurs allaient mettre à mal son prestige et sa notoriété. Du ciel, le Quadrant Ouest ressemblait à un échiquier dont il suffisait de faire bouger les tours d’ogives. L’enjeu de la prochaine partie serait le mariage… vers qui se tourner ? Nul n’était assez prestigieux pour venir jusqu’en son lit nuptial et nul n’était trop plébéien pour accepter une union matrilinéaire. À cela, il fallait ajouter un problème supplémentaire. Les fils puînés ne possédaient aucune perception réaliste des devoirs des fils aînés — encore moins de ceux exigés par les familles dynastes. Les critères étaient nombreux. Le seul homme capable de trouver grâce était Vaerys. Hélas, propulsé à la tête de sa famille, il était désormais impossible que celui-ci l’épouse. Finalement, le seul prétendant honnête demeurait Aelarys Targaryen dont la noblesse d’âme et de caractère en aurait presque fait oublier ses basses origines. Bref, l’impasse était formelle : si elle n’enfantait pas par la magie, elle devrait se vendre chez les aristocrates. Tragique désillusion pour celle qui avait était l’une des femmes les plus courtisées de Valyria ! 



Possessif, Yraenarys ne supportait pas qu'Alynera puisse penser à de futurs époux, des hommes sans visage, alors que ses blessures n’étaient pas pansées. Il était le premier à devoir bénéficier de ses attentions. Vindicatif, sans crier garde, il se laissa tomber en piqué vers le temple d’Arrax. Surprise, la dresseuse sentit son cœur se soulever et elle laissa échapper un cri apeuré. Un bref instant, minuscule au milieu de l’étendu du ciel, la pensée que d’ici haut la mort était la même pour tous la rassura. Mais elle n’avait pas été élevée pour avoir peur. Au contraire, elle avait été élevée pour la créer. Keligon. Le visage plaqué par le vent, sa voix est inaudible. Elle n’a pas besoin de parler, l’être magique la comprend parfaitement. Dans son corps, toute douceur féminine a disparu, ses genoux, devenus aussi dur que le roc, s’enfoncent dans les écailles du dragon. Il ne prendra pas le contrôle. Désirant se faire entendre, le dragon rugit en piquant davantage à la verticale. Alynera pouvait sentir sa colère lui parcourir les pores. Une sensation bruyante, tout aussi brulante que glacée. Il voulait lui faire peur, l’intimider, pour qu’elle lui ploie à nouveau allégeance. Ao jorrāelagon naejot keligon sir. La chute dura encore un moment avant que le dragon accepte l'ordre de sa dresseuse. Ses lourdes pattes dérapèrent devant le parvis du temple. C'est tremblante de terreur et de stupeur qu'Alynera se laissa glisser sur la terre ferme. « Jusqu'à quand continueras-tu ce petit jeu meurtrier ? » D'une main, elle tenait son bras écorché, ouvert à vif par la dureté des écailles. Yraenarys et elle avaient été élevés en parfaite symbiose depuis leur naissance. Ils pouvaient réaliser de nombreuses choses que des dresseurs ne soupçonnaient même pas. Et pourtant... elle se retrouvait là, devant lui, apeurée. Un tel comportement n’était pas admissible - encore moins devant le temple d’Arrax, Dieu des Dieux. Quel outrage était-ce ? Heureusement, en ce milieu d'après-midi, le lieu était désert. « Je n’ai pas voulu que tes frères disparaissent. Si j’avais pu sauver Vadion je l’aurais fait ! » Surplombant de sa taille imposante sa frêle dresseuse, Yraenarys baissa son long cou. Il l’observait de deux grand yeux jaunes larmoyants. Pourtant, la faute qu'il avait commise était irréparable. En proie au choc, Alynera ne pouvait trouver de punition assez sévère. Elle avait peur qu'il se retourne contre elle, la blesse à nouveau et pire... l'abandonne. « Nous ne pouvons pas continuer… » La gueule du colosse s'ouvra pour montrer ses crocs acérés. Elle eut un mouvement de recul avant de comprendre que le souffle sur son épaule indiquait une menace. Finalement, ils n’étaient pas seuls. Dans une longue inspiration, dissimulant sa blessure dans l’ample manche de sa tunique, Alynera plaqua un sourire public sur son visage. Quand elle se retourna, il disparut tout aussitôt.

« Toi ici ? »


Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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La ValseAlynera & Aerys

Première Flamme, siège d’Arrax le Tout Puissant - An 1066, mois 5

L’architecture immuable du temple d’Arrax s’accrochait au flanc de la Première Flamme, le plus grand des volcans de la chaîne des Quatorze Flammes qui entourait Valyria de son écrin fumeux et protecteur. Les hautes colonnes de pierre sombre s’élançaient pour soutenir un tablier de marbre gris dont les bas-reliefs et les moulures apparaissaient peints et incrustés de pierreries, témoignant de la richesse de ce temple en particulier et de la générosité de ses protecteurs.

À cette altitude, l’air semblait plus pur, et pourtant la puanteur que pouvait parfois dégager Valyria était remplacée par des vapeurs de souffre âcres qui émanaient des flancs du volcan et de ses contreforts. Pour les Valyriens, cela n’était pas si incommodant car ils étaient habitués et les monts cracheurs de feu restaient la source de leur pouvoir, selon eux, et de la bonne fortune que les Dieux avaient placé sur leur destinée. En tant que peuple élu, les Valyriens honoraient chacun des Dieux avec une ferveur différente mais toutes étaient sincères. Après tout, quel autre peuple pouvait se targuer dans l’Histoire du monde d’avoir réussi à apprivoiser les enfants des Dieux ?

Aerys Maerion, fils d’Arraxios et Vhaenyra, frère de Jaehaegaron, Meleys et Daenerys, se tenait seul dans le temple, au milieu des vapeurs d’encens. Face à l’immense statue de bronze d’un dieu-dragon à l’allure majestueuse, Aerys s’était abîmé dans un océan de réflexions et de prières. Dans une famille où il était coutume de nommer son aîné du nom d’un Dieu, Arraxios avait baptisé sa fille aînée Meleys, du nom de la déesse de l’amour et de la fertilité. Élevé dans la crainte des Dieux par une mère profondément croyante et un père qui espérait sans doute la compréhension d’Arrax pour ses actes, Aerys était un fervent défenseur de la cause religieuse. Il priait souvent, et honorait autant que possible la divine Meleys. Pourtant, aujourd’hui, Aerys priait pour lui, ce qui n’arrivait pas souvent.

À son retour de quatre années de guerre, il avait trouvé changée la ville qui lui manquait tant. Si les premières semaines avaient été plaisantes, évoluer dans ces rues chamarrées et reconnaissantes n’avait plus suffit à le ramener à la réalité de sa situation familiale compliquée. Une prédiction durant le Triomphe qui avait suivi les armées valyriennes revenant à la capitale avait jeté une ombre sur le retour du cadet des Maerion. Aerys se cherchait un but, et quand bien même il était impliqué dans les affaires des siens, il ne se sentait pas de but particulier. Peut-être était-ce là le lot de tous les cadets, après tout ? L’attention et le but allaient à Jaehaegaron, héritier de la famille. Daenerys, également, pourtant jadis promise à Aerys, irait aussi à son frère, pour protéger la lignée et perpétuer la pureté du sang. Aussi implorait-il le plus puissant de tous les êtres de l’univers de bien vouloir l’aider à trouver sa voie, de le guider dans ces moments difficiles et dangereux où nombre de destins pouvaient basculer.

Au sein du temple, l’air était lourd. Chargé des vapeurs d’encens mais comme emmitouflé dans une espèce de sérénité toute divine, qui étouffait les bruits de l’extérieur, lorsque le vent soufflait. Parfois, le grondement paisible du volcan rappelait l’activité géothermique intense qui se déroulait un peu partout autour du temple. Ces mêmes vibrations et ces sons graves résonnaient avec un filtre les dissimulant en partie. Au sein de ce lieu consacré, Aerys avait un sentiment d’éternité, comme si tout était immuable et que rien ne changerait jamais, sans qu’aucun événement ne pût l’atteindre.

Le rugissement furieux d’Yraenarys lui-même était largement atténué par l’atmosphère du temple, et il fallut que la terre tremblât d’une façon bien peu habituelle pour tirer complètement Aerys de sa méditation. Son instinct, également, le poussait à sortir car sentait comme une prémonition lui intimant de se rendre à l’extérieur. Mythrax pouvait être en danger ; le jeune Maerion avait appris à reconnaître certaines de ses intuitions pour être des conséquences de son lien avec son dragon. Petit, nerveux et très agressif, la créature aérienne aux écailles d’un améthyste profond était d’une grande fidélité. Avec lui, Aerys pouvait s’évader et passer des heures à voler, car Myhtrax était une créature faite pour l’azur. Ils avaient hérité du poste d’éclaireurs de la troisième armée pour ces mêmes raisons. Il n’obéissait peut-être pas au moindre ordre ou la moindre commande de son maître, mais Mythrax partageait avec Aerys un lien indéfectible lorsqu’ils volaient ensemble.

Sortant sur le parvis, Aerys eut la surprise de tomber sur l’une des plus belles créatures de Valyria.

Les écailles cuivrées d’Yraenarys, veinées de touches améthyste, jetaient des éclats splendides sur le parvis de marbre gris du temple. Le dragon d’Alynera Vaekaron était au moins aussi connu et identifiable que sa maîtresse. La créature était d’une rare élégance pour un reptile cracheur de feu et dont l’envergure se comptait en dizaines de mètres. Son long cou se terminait par une tête menaçante, où une gueule hérissée de crocs acérés restait entrouverte pour rappeler à quiconque l’oublierait que le feu n’était pas la seule arme d’un dragon. Ses deux yeux jaunes fixèrent Aerys à l’instant où il mit un pied en dehors du temple et l’air se chargea en un instant d’hostilité. Soufflant, grondant, Yraenarys signifiait de ne pas approcher sa maîtresse, qu’Aerys ne remarqua qu’à cet instant.

Bien des mots pouvaient qualifier Alynera Vaekaron, dynaste des descendants de Vaekar ; aucun ne suffisait. D’une beauté légendaire, elle semblait être l’incarnation humaine de Meleys, venue observer les enfants de Valyria. Pourtant, résumer Alynera à sa seule plastique aurait été une grave erreur que pourtant beaucoup avait commise. Elle était érudite, gardienne de la plus impressionnante bibliothèque privée du monde entier, si l’on en croyait les dires de certains. Si son mariage avec son frère avait déçu bon nombre – tous – de jeunes hommes valyriens voici quelques années, elle se retrouvait désormais dans une position de faiblesse terrible car son oncle contestait ouvertement son droit à hériter du siège dynastique. En tant que fils d’une famille plus jeune et moins prestigieuse, Aerys considérait toujours les Dynasties avec un respect évident, quand bien même celles-ci avaient perdu en lustre et en influence au cours des siècles. Après tout, le seul acte légendaire des Fondateurs était d’avoir été au bon endroit au bon moment, pour recevoir les présents des dieux. Fonder une ville, puis bâtir un pays entier en quelques siècles avait ensuite été relativement simple grâce au pouvoir conféré par les dragons. Quant à savoir depuis quand les Maerion existait, Aerys n’en avait aucune idée.

« Toi ici ? »

La mine d’Alynera Vaekaron trahissait son déplaisir à le voir, lui. Les Maerion n’avaient guère bonne réputation auprès des autres grandes familles, et encore moins auprès des Dynasties, notamment celle des Riahenor qui continuaient de les blâmer – à raison, mais sans preuves – pour le meurtre de la dernière femme triarque de Valyria. La raison de sa présence ici intriguait pourtant Aerys au-delà des considérations historiques. Il semblait avoir interrompu quelque chose, et se demanda ce que cela pouvait bien être. Un rugissement, plus aigu que celui d’Yraenarys se fit alors entendre. Surgissant sans qu’on l’ait vu arriver, Myhtrax fit un atterrissage tout en légèreté pour se placer juste à côté de son maître, poussant un rugissement dont la visée n’était autre que l’intimidation de sa contrepartie Vaekaron. Ses yeux dorés scrutaient avec méfiance le grand dragon cuivré et la combinaison de sa crête, de ses cornes et de ses griffes nacrées s’exhibait sous le doux soleil d’été pour rappeler qu’il pouvait, lui aussi, se montrer mortel. D’un geste de la main, Aerys chercha à calmer le jeune dragon, qui semblait prêt à bondir au cou de l’autre, sans aucune garantie de victoire.

« Bonjour, Alynera. Oui, moi ici. Après tout, ta famille n’a pas encore clamé la propriété de ces lieux, si ? »

Un fin sourire commençant à apparaître à la commissure de ses lèvres, Aerys regarda la jeune femme et son dragon. Ils dégageaient une aura de puissance et de majesté que nul à Valyria n’aurait pu leur enlever. Pourtant, leur duo dégageait un sentiment de… dissonance. Ce qui était surprenant, quand on connaissait les Dynasties et le lien qu’elles entretenaient avec leurs dragons. Les chevaliers et dames dragons cultivait une certaine harmonie dans leur relation avec leur créature. S’il était délicat pour un étranger à la famille de pouvoir dire là où résidait précisément le manque de synchronicité entre les deux âmes, Aerys pouvait sentir que les deux individus qui lui faisaient face avaient quelque chose de différent.

« Je m’étonne de te voir au temple, cependant. Viendrais-tu implorer le puissant Arrax pour Son aide en ces temps complexes ? »



Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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La valse Aerys & Alynera

Temple d'Arrax, Première Flamme.
An 1066, mois 5.

Dans un rugissement, aigu à percer les tympans les plus solides, la créature améthyste d’Aerys fait son apparition. La grâce rare, ses quatre pattes se déposent à la droite du Maerion. Maître et dragon font tinter la même lueur d’avertissement dans leurs pupilles dilatées. Pensaient-ils vraiment pouvoir les intimider ? Fortement courroucé par cette arrivée impromptue, les écailles mordorées d’Yraenarys frémissent. La colère lui battait encore le sang et il semblait peu disposé à l’apaiser pour le bien être d’autrui. Observant le spectacle silencieux se dérouler sous ses yeux, Alynera glisse un peu plus son bras derrière elle. Un Maerion à cette heure de l’après-midi, voilà bien sa chance… Dans quels canaux inconnus de Valyria se murmurerait-il bientôt qu’elle avait été vue en difficultés avec son dragon ? Sentant le danger rôder, ou le pouls affolé de sa compagne, la bête baisse un peu plus son échine. Si son congénère osait faire le moindre geste vers eux, il serait réduit en pâture aux Dieux. Feignant le contrôle sur la fureur de son dragon, la Vaekaron se rapproche de lui. « Bonjour, Alynera. Oui, moi ici. Après tout, ta famille n’a pas encore clamé la propriété de ces lieux, si ? » Le sourire a peine dissimulé du cadet fait rugir son sang de dragon. Se croyait-il si supérieur pour oser lui faire des sous-entendus si grossières ? Les longues griffes d’Yraenarys pénètrent le sol. Gīda ilagon. Kessi qrīdrughāks.

*

Habituée à la condescendance des hommes à son égard, qui malgré leurs lignées moins fortunées l’avait toujours toisée de haut, Alynera était rompue aux codes de la société. Sa beauté, qui pourtant un jour pourrirait, n’était pas sans accentuer cette manière dont ils avaient à la considérer. Une statue supplémentaire parmi leur collection — peut-être de plus grand choix, certes. Tous, à une exception, attendaient d’elle un respect et une véhémence totale. Excellant à ce jeu pour lequel elle avait été taillée, elle leur offrait tout ce qu’ils désiraient. Aussi, qu’un fils puîné ose s’en prendre à une fille de dynaste, qui plus est Mīsio Lentor, n’avait rien d’extraordinaire. Une rengaine. Un jeu trop facile, surtout pour le fils d’une famille qui aimait à se venger de leurs ennemis en leur arrachant la langue. La plupart la pensait sotte. Une poupée d’ivoire, articulée par de savants mécanismes. Mais ne savaient-ils donc pas, ces hommes valeureux, qu’elle avait offerte la sienne il y a bien longtemps à Tyraxes ? Aerys, dont les conquêtes étaient à faire rougir la déesse de l’Amour, devait la percevoir ainsi. Une bécasse couronnée. Ce n’était pas son rôle de le démentir. « Soit sans crainte, Vhaenyra ne laisserait jamais une telle chose se produire. » La matrone des Maeron était bien la seule personne respectable de cette famille étrange. Pieuse, doublée d’un goût exquis pour les Arts, ses manières en société étaient dignes des dynastes. À contre cœur, Alynera devait avouer qu’elles s’entendaient très bien. Elles embrassaient les mêmes valeurs de la famille. Pour cette raison, curieuse raison à vrai dire que l’alliance d’une Maeron et d’une Vaekaron, elle avait accepté d’introduire Daenerys au monde. C’était un honneur immense que celui fait à cette famille, dont la légende voulait avoir assassiné la dernière des Triarque. Malheureusement, la benjamine ne se rendait pas compte du privilège qui lui était fait. Aux conseils de la dynaste, elle préférait la compagnie de Naerys Alaeron. Après-tout, malgré des millénaires depuis la révolte des Dragons Verts, nobles et aristocrates ne se mélangeaient toujours que très peu.



« Je m’étonne de te voir au temple, cependant. Viendrais-tu implorer le puissant Arrax pour Son aide en ces temps complexes ? » Alynera sentit une fureur délicate parcourir son échine. Pourquoi n’avait-il donc pas la décence de prendre congé ? « Daelor avait l’habitude de venir rendre hommage à Arrax lorsque la Lune descendait sur le Soleil. Je perpétue cette tradition, par égards pour sa mémoire. » Affichant un sourire de circonstance, de bécasse couronnée, elle prononce à mi-voix son pieux mensonge. Une vérité bien transformée, mais personne ne pouvait remettre en question les paroles d’une veuve aussi dévote que la Vaekaron. En vérité, Arrax avait été le Dieu préféré de Daelor. Ce n’est pas pour autant qu’il venait à chaque cycle lunaire — cycle, par ailleurs, dévolu aux déesses. Non, le fils de Lorgor venait rarement au temple du Dieu des Dieux. Toisant le Soleil, il aimait à défier les Quatorze. À l’abris au milieu des parchemins, rien n’était assez puissant pour qu’il puisse craindre leur courroux. Chaque jour de sa courte vie, il avait vécu comme un enfant des dieux descendu sur la terre des vivants. Son hybris était démesuré… et malgré tout, tous l’appréciait réellement. Il avait eu cette aura incandescente, rare, sertie de ce sourire dévastateur qui ravissait les hommes et les femmes d’un premier coup d’œil. Hélas, le fils des Dieux, le fils de Vaekar, avait été rattrapé par l’âpre divine. « C’est à moi de m’étonner de tes paroles fils d’Arraxios car le Triomphe brille haut dans le Ciel de Valyria. Les temps sont bénis par les Quatorze ! »


Évidemment, la vilenie doucereuse d’Aerys n’était pas passée inaperçue. Malheureusement pour lui, Alynera n’avait pas besoin d’une énième personne pour lui souligner les dangers de sa situation. De toute manière, lui qui n’aurait jamais rien, que pouvait-il connaître des héritages ? Il pouvait bien se targuer de l’impressionner, avec son dragon gracile, mais il n’était rien. Un jour prochain, le monde aurait tout oublié de son existence quand la sienne serait inscrite dans les constellations. Sur la défensive, persuadée qu’Aerys n’avait pas terminé de frapper, elle l’observe sous ses longs cils. D’ordinaire, elle mesurait toujours ses mots — voire pouvait rester plusieurs heures silencieuse si il le fallait. Cependant, il lui semblait qu’elle devait lui renvoyer ce sourire terrible qui était affiché sur son visage. Une offensive qui resterait là, sur cette montagne, entre eux. Une offensive à faire rougir les yeux jaunes de son dragon. Myhtrax, maintenant le nom lui revenait. « Je te prie de m’excuser Aerys, j’avais oublié que tu venais de perdre ta fiancée… »

 Dans un râle, tout aussi court que long, Yraenarys divulgue sa dentition affutée. Et, malgré des mots qu’elle voulait fiers, Alynera ressentait la peur monter en elle. La peur qu’il attaque son congénère, sans qu’elle ne puisse le contrôler. Les conséquences seraient désastreuses. Elle était désormais coincée entre un temple, pour lequel elle n’avait prévue aucune offrande, un regard inquisiteur et un dragon colérique. Dans son dos, elle pouvait sentir le sang de sa blessure imbiber d’une chaleur moite la manche de sa tunique de soie. Si Aerys ne partait pas très vite, fatalement, il percevrait son état. Et quand bien même il retournerait prier dans le temple, Myhtrax resterait à veiller. Or il ne pouvait y avoir aucun témoin, humain ou animal, à la souffrance qu’il y avait entre Yraenarys et Alynera. Elle devait réfléchir, rapidement, à une échappatoire. « J'espère que tu trouveras, en ces temps complexes, réponse en priant Arrax. »




* Calme-toi. Ils partiront bientôt.
Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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La ValseAlynera & Aerys

Première Flamme, siège d’Arrax le Tout Puissant - An 1066, mois 5

« Daelor avait l’habitude de venir rendre hommage à Arrax lorsque la Lune descendait sur le Soleil. Je perpétue cette tradition, par égards pour sa mémoire. »

Bien qu’Aerys ne fréquentait pas de manière assidue les membres survivants des dynasties des Fondateurs. Ils étaient la plupart du temps d’une pompe assommante, partant du principe que tous leur devaient déférence totale et absolue. Fils d’une famille qui était lentement montée dans la complexe stratification sociale de la noblesse valyrienne, Aerys savait pertinemment que son nom n’égalerait jamais le lustre patiné par les âges des Vaekaron, Lyseon et Riahenor. Maerio n’était d’ailleurs pas tant synonyme de respect que peur, parmi les Valyriens. On méprisait la violence brutale de cette famille parmi la noblesse, mais on craignait son emprise sur la société tout entière. Personne n’avait envie de se faire arracher la langue.

Aussi, Aerys ne connaissait guère Daelor que de nom. Il l’avait croisé à quelques reprises mais sans jamais trop s’en préoccuper. Alynera attirait beaucoup plus l’attention du nonchalant cadet. Ayant lui-même été de ceux partis au front, il savait que les Vaekaron avaient payé le prix du sang plus que de raison. La famille proche d’Alynera avait été en partie décimée, expliquant ce qui était aujourd’hui apparu comme une anomalie dans la succession d’une famille traditionnaliste. Aerys hocha du chef, le deuil ne lui était pas étranger. Quelques jours après l’ouverture du conflit contre Ghis, et quelques autres avant le départ d’Aerys pour rejoindre la troisième armée, sa sœur aînée Meleys s’était tuée. Son dragon, une fière créature, l’avait jetée à bas sans raison apparente alors qu’ils volaient tous deux au-dessus des montagnes.

« C’est à moi de m’étonner de tes paroles fils d’Arraxios car le Triomphe brille haut dans le Ciel de Valyria. Les temps sont bénis par les Quatorze ! »

Un sourire aurait pu passer sur les fines lèvres du cadet Maerion si la mention du glorieux triomphe des armées valyriennes n’avait pas été gâchée par le souvenir de la prédiction d’Haemera lorsqu’elle avait lu les flammes. Les temps pouvaient être bénis par les Quatorze, comme le disait Alynera, ils n’en restaient pas moins troublants pour le jeune homme.

« Je te prie de m’excuser Aerys, j’avais oublié que tu venais de perdre ta fiancée… »

Un instant de fureur brûla dans les yeux violets du Maerion alors que son dragon émettait un son rauque pour manifester la colère menaçante qui l’habitait également. L’attaque n’était pas particulièrement élégante pour une personne dont le seul sang suffisait à la placer sur un piédestal par rapport à tout autre être vivant sur cette terre. Du plus riche des seigneur-dragons au plus indigent des mendiants, tous étaient inférieurs aux descendants des Fondateurs. Comment dès lors ne pas être heurté par la façon dont elle s’abaissait à des attaques personnelles mesquines ? Inconsciemment, Aerys considérait qu’Alynera Vaekaron valait mieux que cela. Il n’avait beau pas considérer les dynasties comme autre chose que des témoignages de l’Histoire mythique de Valyria sans plus aucun pouvoir, il restait – comme beaucoup d’autres – à révérer les noms issus des trois Fondateurs. Il resta toutefois coi, il n’avait nullement l’intention de s’engager dans une joute verbale avec la jeune femme.

« J'espère que tu trouveras, en ces temps complexes, réponse en priant Arrax.
- Je ne voudrais pas te gêner, ô Princesse, assena Aerys avec un ton sarcastique pourtant empreint d’une certaine forme de franchise. Souhaites-tu prier à mes côtés, Alynera ? »

Voyant qu’elle semblait hésiter, il préféra ne pas insister et lui laisser le champ libre pour décider. Retrouvant la torpeur ambrée du temple du dieu des dieux valyriens, Aerys se dirigea vers une sorte de baptistère de bronze rouge contenant des bâtons d’encens. En saisissant un, Aerys l’alluma auprès du brasier central du temple et le déposa ensuite dans un récipient empli de sable volcanique d’un noir intense où d’autres bâtons achevaient de se consumer. Les senteurs de bois, d’épices et autres effluves impénétrables s’élevèrent dans toute la hauteur du temple à l’architecture imposante. S’installant devant la flamme brûlante d’Arrax, Aerys s’abîma dans un silence méditatif pour un moment.

Lorsqu’il émergea de sa prière, il constata avec surprise qu’Alynera l’avait finalement suivi et priait un peu plus loin. Il se leva et se dirigea vers elle, patientant le temps nécessaire à la jeune femme pour adorer le dieu des dieux. L’observant en silence, il remarqua qu’un liquide vermeil avait tâché sa toge et que quelques gouttes avaient tâché le sol gris du temple. C’était là un détail intrigant car elle n’avait eu aucune occasion de se blesser entre l’instant où elle était apparue au temple et celui où elle était entrée y prier. L’unique théorie qui semblait vaguement viable à Aerys, c’était qu’elle s’était blessée en chevauchant son dragon, ce qui était à peine concevable tant les dynasties étaient réputées avoir un contrôle exceptionnel sur leurs dragons. Elle pouvait également avoir été simplement distraite et considérer qu’il ne valait pas la peine de faire demi-tour pour une entaille. Pourtant, elle avait dissimulé sa blessure au Maerion lors de son arrivée car il ne l’avait pas vue avant qu’elle ne baissât sa garde. Aerys s’interrogeait encore sur la signification de ces cachoteries lorsqu’il remarqua qu’elle avait rouvert les yeux, le sentant probablement non loin.

« Tu voudras peut-être bander et nettoyer cette plaie qui m’a l’air vilaine, Vaekaron. J’ai vu des blessures faire couler moins de sang et dégénérer en gangrène sur le front de Bhorash. J’imagine que les mages sauront te sauver de la nécrose mais il me semble que tu auras tout intérêt à éviter les questions indiscrètes qui viendront avec leurs soins ? »

Prenant son silence pour un assentiment, il regarda autour de lui. Il se souvenait que certains vétérans utilisaient des tissus propres pour se faire des bandages de fortune avant d’être amenés aux chirurgiens et aux mages. Il ignorait si ce grand temple poussiéreux contiendrait ce genre d’étoffes mais il gageait que les prêtres devaient avoir une sorte de sacristie dans laquelle étaient entreposées les réserves nécessaires au fonctionnement d’un lieu de culte dans un endroit si reculé. Poussant une porte de bois peint – l’une des seules du bâtiment –, il trouva ce qu’il cherchait. Dans une imposante armoire de bois étaient rangés divers tissus de couleur qui devaient être utilisés pour les rites pratiqués au temple d’Arrax. Il revint dans le temple pour retrouver Alynera et il lui présenta l’étoffe d’un air dubitatif.

« C’est tout ce que j’ai trouvé. Il me semble que c’est parfumé avec de la lavande, mais ça m’a l’air relativement propre. Laisse-moi t’aider, j’étais un âne de ne pas voir ton trouble tout à l’heure. Je te présente mes excuses. »

Si sincères étaient-elles, les excuses d’Aerys semblaient presque contraintes. Il sentait bien que malgré toute la bonne volonté qu’il y mettait, il continuait de voir en Alynera la personnification de ce mépris affiché à l’égard de sa famille par les hauts cercles du pouvoir valyrien et par les plus nobles de ses familles. Il aurait préféré laisser la Vaekaron se débrouiller mais il savait combien il était compliqué de réaliser un bandage sur soi avec une seule main active. Il la laissa prendre un temps de réflexion et, lorsqu’enfin elle tendit son avant-bras, Aerys eut la surprise d’y découvrir une plaie plus profonde qu’il ne l’avait imaginée. Son regard alla de la blessure à Alynera, dont il croisa le regard. Ils n’échangèrent aucun mot et il rompît sans tarder ce contact inattendu. Il avait pourtant eu le temps de sonder ces yeux d’un violet profond qui l’avaient scruté en retour. Il avait senti son âme être mise à nue par les deux gemmes reposant au fond du regard de la Princesse. Il sentait qu’il avait compris quelque chose, et qu’elle n’avait eu guère besoin de plus qu’un regard pour lui intimer de garder le silence là-dessus. Il hésita, incertain d’avoir saisi tout ce que cela pouvait signifier. Il enroula l’avant-bras de la jeune femme, gardant un silence écrasé par la vision des deux orbes mauves le toisant du haut d’un millénaire de gloire. Sentant un moment de recul, il réalisa qu’absorbé par ses réflexions, il avait dû serrer un peu trop fort.

« Navré, c’est peut-être douloureux mais plus ce sera serré, plus ce sera utile. J’ai terminé, de toute manière. »

Détaillant le bandage qu’il finissait de nouer, Aerys se posait toujours la question de comment la jeune femme avait pu se blesser ainsi. Il n’oubliait pas ce regard impérieux, lui ordonnant de garder un silence quant à ce sujet. Il ne contrôlait pas la discussion sur ce point précis, et il en était bien conscient. Aussi, il gardait un silence lourd de sens, patientant à voir si la Alynera aborderait le sujet ou non. Il termina le bandage et rendît son avant-bras à la jeune femme. Dans le silence du temple, il regarda le brasier ronflant au niveau de l’autel.

« Cette guerre était nécessaire et vitale à notre survie, mais c’était une sale guerre. »

Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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La valse Aerys & Alynera

Temple d'Arrax, Première Flamme.
An 1066, mois 5.

« Je ne voudrais pas te gêner, ô Princesse. Souhaites-tu prier à mes côtés, Alynera ? »

Persuadée que le Maerion allait rétorquer à ses viles bassesses par quelques rugissements dignement phallocentrique, la Vaekaron demeura pantoise un long instant. En vérité, la surprise était telle qu’elle, une fille de dragon, rougit à s’en brûler les joues ! Et, tandis que, déjà, Aerys s’éloignait, ses souliers obtempèrent quelques mécontentement dans la poussière rouge de la Première Flamme. Voilà que ses mots, d’ordinaire pourtant si rares, l’avaient mis dans un grand embarras. Par quel miracle, le fils d’Arraxios pouvait-il se montrer si magnanime ? Là était qualité dynaste, héréditaire, engendrée par les demi-dieux pour interagir avec les égarements des mortels. Piquée, tout autant que décontenancée, Alynera observa la silhouette du Maerion retourner dans le temple d’Arrax. Yraenarys, skoros gaoman ?* Pour toute réponse, le dragon se rapprocha un peu plus de sa maîtresse dans une complainte grave. Lui non plus n’avait pas prévu cette réaction. À dire vrai, à voir ses écailles, gonflées telles des milliers de boucliers d’acier, c’était plutôt tout le contraire. Ziry gīmigon**. Son être de feu avait raison, Aerys Maerion savait que quelque chose d’étrange c’était passé quelques instants seulement avant qu’il arrive. Ziry gōntan daor ūndegon mirros…*** Le dragon souffla longuement, signifiant ainsi qu’il avait raison quand sa sœur-mère ne cherchait qu’à minimiser la gravité des choses.

« Soit, rentrons. »

Il ne servait à rien de rester plus longtemps sur cette scène de crime, trop exposée au jugement du Suprême. Le chemin du retour serait suffisamment éprouvant, il faudrait s’assurer qu’Yraenarys avait compris sa faute. Les réconciliations ne seraient pas pour aujourd’hui. Obtempérant, le colosse de cuivre déploya son aile droite dans un escalier céleste. Mais, alors que la Vaekaron s’apprêtait à le gravir elle vit les petites tâches d’opales faire frémir quelques flammes. Elle n’aperçut que trop Mythrax bondir de ses deux pattes arrières. Rageant, Yraenarys s’élança pour défendre l’honneur de sa Maison. Ses deux immenses pattes se posèrent sur le torse améthyste de son adversaire, l’écrasant de toute sa fierté immortelle. Les deux bêtes se dévisageaient, leurs crocs frémissants des menaces inaudibles. KELIGON. SIR. La patte royale toujours sur Mythrax, Yraenarys lui jeta un œil emplit d’agitation. L’orgueil blessé, il retenait ses ardeurs destructrices car, et c’était certain, il ferait de ce lâche une bouchée d’agneau. Elle leva son bras blessé pour capter l’attention du fils-frère d’Aerys. Les pupilles de ses yeux étaient tout aussi dilatées que les leur, dans l’air sacré elle dessina un signe invisible. Les iris des créatures prirent un temps infime la couleur valyrienne. Alors, sans mot dire, les deux dragons s’envolèrent dans les cieux pour quelques rixes rugissantes. Les yeux perçants de la Vaekaron les suivirent de longues minutes pour s’assurer qu’Yraenarys ne faisait pas de Mythrax une partie de chasse.



Laissée seule, Alynera n’avait plus d’autre choix que de rejoindre le Maerion. Elle devait l’informer de la tournure des événements. Après tout c’était son dragon qui avait bondit le premier, et ce dès qu’il avait eu le dos tourné ! À croire que sa magnanimité n’en était pas. Et, si elle avait pu le croire capable de l’exploit de télépathie, elle aurait juré qu’il l’avait fait exprès. Cependant l’exercice, épuisant, exigeait trop de sacrifices, sans compter une dextérité implacable, pour que ce soit à la portée d'un second né — qui plus est issu d'une famille ne comptant aucun demi-dieu comme aïeul.

« Maer… »

Sa voix se tut d’elle-même tandis que, dans la cella, elle découvrit Aerys prosterné devant la grande flamme. Il était étrange de voir un tel homme, dont les racontars formaient une nuée malveillante autour de lui, si vulnérable au pied du tutélaire. Confrontée à cette grande humilité, la veuve présenta ses excuses à Arrax pour sa médisance et son orgueil trop vif. Alynera Vaekaron était tant une adoratrice des Quatorze que ses pairs la jugeaient souvent trop pieuse, trop coincée et trop austère pour les joies lubriques de la Cité. Ce retranchement, la poussait à croire qu'elle était parfois la seule, en dehors de la faction religieuse, à réellement vénérer les Dieux. Il s’agissait évidemment d’une pensée bien orgueilleuse, largement infondée. La preuve en était que le propre père du jeune homme avait été le chef de sa faction et que sa mère, ô matrone respectable, offrait probablement bien plus annuellement au clergé que ce que les descendants de Vaekar pouvaient se permettre. Quoique bien au fait des agissements publiques des patriarches, Alynera avait toujours pensé que le troisième de leurs enfants devait être à l’image de ceux qu'elle côtoyait régulièrement. Daenerys, incapable de maîtriser son ego pour le bien des siens, pouvait se montrer d’une vulgarité presque déconcertante. Quant à Jaehaegaron, sûr de sa gloire, peu enclin aux traditions déiste de ce monde, il semblait croire que l’antique Valyria pouvait se passer de tout sacerdoce tant qu’elle avait un homme de poigne pour la guider. Nul doute, qu’il devait penser incarner cet idéal fantasmé. Oui, rien ne l'avait préparer à l'honnêteté des sentiments, à cette agapé divine d'Aerys Maerion. Le voyant se relever, Alynera ferma prestement ses paupières afin de feindre une méditation proche de la sienne.



« Tu voudras peut-être bander et nettoyer cette plaie qui m’a l’air vilaine, Vaekaron. J’ai vu des blessures faire couler moins de sang et dégénérer en gangrène sur le front de Bhorash. J’imagine que les mages sauront te sauver de la nécrose mais il me semble que tu auras tout intérêt à éviter les questions indiscrètes qui viendront avec leurs soins ? »



Entendant les mots d’Aerys, Alynera ouvrit doucement ses yeux. Lui proposait-il réellement son aide ? Arrax lui avait-il jeté un envoûtement afin de mieux la tourmenter ? Incapable de répondre, elle laissa l’éclaireur accomplir ce qu’il savait faire. Nul doute que si quelqu’un pouvait trouver quelques soins, c’était lui. Quand il eut disparu dans l’opisthodome, Alynera glissa ses yeux vers sa plaie profane. Elle était vilaine ; il n’aurait pu mieux dire. À dire vrai, maintenant qu’elle la regardait, ainsi béante, il lui semblait pouvoir observer de sa chair jusqu’aux os. Réprimant un haut le cœur, elle fit quelques pas afin de déstabiliser la bile noire qui montait en elle. Le médecin l’avait prévenue de ne pas provoquer plus d’états anxiogènes que nécessaires... mais était-ce sa faute si elle se retrouvait dans ce piège infernal ?



« C’est tout ce que j’ai trouvé. Il me semble que c’est parfumé avec de la lavande, mais ça m’a l’air relativement propre. »

Observant l’étoffe du Flamine d’Arrax, Alynera recula interdite. Elle ne pouvait profaner ces vêtements rituels avec son sang — aussi divin soit-il. Sans un mot, elle secoua la tête. Les Dieux ne lui pardonneraient jamais cette faute infâme.

« Nous ne devrions pas… »

« Laisse-moi t’aider, j’étais un âne de ne pas voir ton trouble tout à l’heure. Je te présente mes excuses. »

L’odeur humide et iodée du sang commençait à lui monter aux narines. Et si la guerre ne l'avait pas rendue malade, étrangement, savoir son corps ouvert et sanguinolent, suffisait à lui donner envie de chavirer. Tessarion, frère de mon premier père, je t’implore de nous venir en aide pour ce parjure en la demeure de notre père. Recroquevillant ses doigts dans sa paume, comme si ils hésitaient encore à franchir l’interdit, elle capitula lentement son avant-bras à son soigneur désigné. Dès que leurs peaux rentrèrent en contact, ses yeux, tels deux saphirs violets, se posèrent sur le Maerion. Qu’il ébruite leur rencontre, cette blessure due à son dragon, et les Enfers s'abattraient sur lui ! Tout Valyria ne serait jamais assez grand pour le vengeance d’Yraenarys. Elle savait qu’il n’était pas dupe. Tout comme elle savait que le plus mauvais des mensonges était celui du calme feint. Chaque silence prolongé n’était lourd que de paroles avortées.

« Navré, c’est peut-être douloureux mais plus ce sera serré, plus ce sera utile. J’ai terminé, de toute manière. »

Elle ne répondit rien. Les gestes du Maerion étaient méthodiques, fermes et rapides. Ils témoignaient d’une agilité gagnée dans les combats. Et quoiqu’ils étaient douloureusement mécaniques, elle ne pouvait se plaindre de son attention. L’avantage d’être issu d'une Dynastie était qu’on y considérait moins celle que vous étiez que ce que les vôtres avaient été. Descendante d’un demi-dieu, héros primordial de Valyria, Alynera était habituée depuis toujours à vivre avec la condescendance de ses gênes inaliénables. Aussi, elle savait intimement que la clémence du Maerion ne lui était pas réellement destinée. Le dernier nœud fait, elle inclina discrètement sa tête. Il semblait attendre un signe d’elle, un mot, une explication, mais ses lèvres restèrent fermées. Cet inconnu connaissait déjà bien plus ses failles que personne auparavant. 



« Cette guerre était nécessaire et vitale à notre survie, mais c’était une sale guerre. »



Les flammes éternelles d’Arras semblèrent crépiter un peu plus haut, un peu plus longuement. Un temps infime elle tenta de percer le mystère, tout en sachant que jamais elle n’aurait su interpréter signe divin. Les Quatorze s’étaient joués d’elle, et qui sait si ils ne jouaient pas encore avec elle. Avec la guerre, ils avaient lancé sur sa vie des dés fatalistes. Plus rien n'avait de sens, pas même ce moment où un homme l'avait touchée dans l’enceinte sacrée d'un temple. Depuis combien de temps n’avait pas donné son corps à Meleys ? Elle en avait presque oublié la sensualité des nuits. Caressant l’étoffe, un sourire trop rare, elle se surprit de ses pensées charnelles. Une sale guerre.



« Pas plus que celles passées, ni celles à venir. »



Elle aurait voulu terminer leur rencontre à ce moment là, sur ces paroles platoniques. Il lui aurait suffit de le remercier, même silencieusement, et de s’enfuir. Le parfum des encensoirs était trop entêtant, leur brume trop opaque, pour que deux âmes si contraires puissent s’accommoder. Pourtant, à nouveau, elle sentit les flammes éternelles s’agiter. Un signe supplémentaire qu’elle ne pouvait comprendre, mais qu'elle accepta. 



« Merci. »



Un nouveau silence. Que pouvait-elle répondre à cet homme qui avait tant donné pour l’honneur et la gloire de leur Cité ?



« La guerre a été éprouvante, par ses joies comme par ses peines. Pourtant, parfois, je me surprends à croire que tout cela n'a jamais existé. La vie a retrouvé son cours… oubliant que nos cieux sont un peu plus peuplés de colosses rendus à leur liberté. »



C’était une manière déformée pour lui confirmer que son instinct avait été juste. Quoiqu’inavouables ses problèmes avec Yraenarys n'étaient pas anodins. En vérité, elle ne devait pas être la seule à être confrontée aux tourments de son dragon, déchiré par la disparition soudaine de ses frères, rappelé à sa nature même. Les petits-fils d’Aegarax possédaient également des périodes de deuil plus ou moins longue. Elle s’en était assurée par ses innombrables lectures, quoique toutes étaient formelles sur son caractère secret.

« Mon frère, Maelor, répétait souvent que quoiqu’il fasse il n’arriverait jamais à combattre l’aura de son aîné… Tu étais loin, mais tes mérités ont été loués. Certes, Jaehaegaron a reçu toutes les palmes de la Victoire, mais nous savons tous que le siège de Meereen aurait été une boucherie sans tes habilités clairvoyantes. »






* Que dois-je faire ?
** Il sait.
*** Il n'a rien vu...
Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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La ValseAlynera & Aerys

Première Flamme, siège d’Arrax le Tout Puissant - An 1066, mois 5

« Pas plus que celles passées, ni celles à venir.   »

Aerys ne décrocha pas son regard du saint brasier crépitant à intervalles irréguliers comme s’il était animé de sa propre volonté. Bien que profondément dévot, Aerys ne connaissait pas grand-chose aux subtilités qui différenciaient les mages des prêtres à Valyria. Il savait les distinguer et comprenait le fonctionnement profane de leurs institutions respectives – et encore, vue la complexité des rites – mais n’avait qu’une compréhension très limitée des subtilités magiques et œcuméniques qui animaient tous ces acteurs du spirituel. Il comprenait toutefois que l’on puisse choisir ce genre de vie. Pour qui était assez intéressé et érudit, cette existence recluse des règles de la société conventionnelle et mortelle devait être profondément exaltante. Les vapeurs d’encens et le décorum donnait à chaque temple une allure profondément solennelle qu’amplifiaient encore les rites propres à chaque déité et à son clergé.

« Merci.   »

Dans le silence qui suivit, le cadet Maerion décrocha son regard du brasier pour le retrouver aussitôt. Il se reflétait dans les prunelles d’Alynera, dédoublé sur chacune des améthystes serties au fond de ses yeux. Il voyait dans ces yeux clairs brûler le feu sacré portant la parole des dieux, mais il était incapable de dire s’il s’agissait du brasier du temple d’Arrax ou d’un éclat d’une gloire flamboyante d’un passé où le factuel se mêlait au légendaire. Observant la jeune femme de quatre années son aînée, il détailla ses traits en se rendant compte qu’il ne s’était jamais tenu si près d’elle dans des circonstances si intimes. Il ne s’agissait évidement pas d’une orgie mais il trouvait la situation assez inédite tant il n’était pas habitué à fréquenter les descendants des Fondateurs dans un tel cadre. Ses yeux s’étaient déjà posés plusieurs fois sur Alynera Vaekaron et il avait pu constater – au même titre que toute Valyria – à quel point elle était unique. Elle était alors impressionnante, empreinte d’une telle majesté qu’elle était considérée rare au sein du peuple Valyrien, mais qui pouvait se targuer de véritablement apercevoir qui était Alynera lors de ces événements mondains ? Certainement pas Aerys, qui avait l’impression de faire connaissance avec la dynaste Vaekaron pour la première fois.

Peu à peu, il prenait conscience d’à quel point une existence de descendant de Fondateur pouvait être écrasante. Sa famille avait beau avoir perdu son lustre d’autrefois pour un éclat plus patiné, Alynera portait encore sur ses épaules l’imaginaire collectif de tout un peuple qui se considérait béni et choisi par les dieux. On attendait d’elle une conduite irréprochable, comme si elle était la réincarnation de Vaekar lui-même. Pourtant, elle avait été le symbole de la fragilité de sa famille, se retrouvant à devoir placer une alliance purement financière devant la sauvegarde du sang pur. L’annonce de potentielles fiançailles en dehors du cercle familial Vaekaron avait fait le tour de toutes les demeures nobles de Valyria et d’ailleurs en un temps record, jetant une lumière crue et violente sur la précarité du futur de la dynastie. Avec les morts qui avaient frappé sa famille durant le dernier conflit, Alynera était plus que jamais une pierre angulaire soutenant le rêve valyrien. Cette vie ne faisait guère envie au Maerion. Pourtant, il devait reconnaître qu’Alynera était plus qu’une beauté magnétique à la peau opaline. On sentait que derrière ses yeux au regard déterminé, derrière ce port-altier digne des cours les plus prestigieuses du monde, derrière un physique conçu par Meleys elle-même, il y avait un esprit à la volonté de feu et au tranchant vif. Il n’y avait nul besoin de se demander pourquoi Alynera avait éconduit tous ses prétendants : elle était trop bien pour eux ; trop vive, trop élégante, trop brillante, trop… tout. Un fin sourire vint perler à la commissure des lèvres de l’éclaireur.

« La guerre a été éprouvante, par ses joies comme par ses peines. Pourtant, parfois, je me surprends à croire que tout cela n'a jamais existé. La vie a retrouvé son cours… oubliant que nos cieux sont un peu plus peuplés de colosses rendus à leur liberté.   »

Des joies, à la guerre, Aerys n’en avait pas connues beaucoup. Il se souvenait de quelques vols de reconnaissance avec Myhtrax où ils avaient pu se livrer à quelques acrobaties le long de montagnes ou de falaises, quelques soirées mémorables avec les camarades de son unité, les lettres avec sa famille… C’était bien peu, en comparaison du nombre de petites et grandes tragédies que les armées valyriennes avaient affronté chaque jour durant cinq longues années. Chaque combat devait absolument être une victoire. Cette exigence était encore plus prégnante que pour tout autre conflit car les Valyriens se battaient à un contre vingt, et ils savaient que chaque défaite demanderait trois, quatre, cinq fois plus d’efforts pour l’effacer et revenir au même niveau. Valyria se battait pour sa survie alors que les légions de Ghis venaient appliquer la volonté impériale. Cela avait autant fait la différence que les dragons, selon Aerys. Pour de nombreux combattants, la guerre avait bien trop existé. Tous avaient plus ou moins repris une existence semblable à celle d’avant le conflit, mais ils étaient nombreux à être revenus avec un bagage invisible. Les premiers jours de son retour à Castel Maerion, Aerys était incapable de dormir dans son lit tant le confort le dérangeait et le faisait culpabiliser. Lorsqu’il montait Myhtrax, il se surprenait à voler bien plus haut qu’auparavant, cherchant à éviter d’hypothétiques flèches ou traits de baliste pouvant l’atteindre. De toute son expérience de soldat, Aerys n’avait rien connu de plus terrifiant que de plonger vers un régiment d’archer décochant en un ensemble parfaitement synchronisé une pluie de flèches dans sa direction.

« Mon frère, Maelor, répétait souvent que quoiqu’il fasse il n’arriverait jamais à combattre l’aura de son aîné… Tu étais loin, mais tes mérités ont été loués. Certes, Jaehaegaron a reçu toutes les palmes de la Victoire, mais nous savons tous que le siège de Meereen aurait été une boucherie sans tes habilités clairvoyantes.   »

Elle s’était tournée vers lui, et il était si surpris de cette confession de la jeune femme sur la vie de sa fratrie qu’il en resta coi, la dévisageant comme s’il la rencontrait pour la première fois. On avait eu beau l’élever dans la révérence des Dynasties et en même temps dans un poli mépris de leurs capacités actuelles, il se sentait rosir de plaisir au compliment que lui adressait la Vaekaron. La regardant toujours droit dans les yeux, il laissait dériver le moment sans trop avoir envie de répondre, conscient de franchir certaines limites. Pouvait-il s’être à ce point trompé sur qui elle était ? Il tâcha de se reprendre. Elle devait probablement l’entourlouper avec sa beauté saillante et son esprit splendide. Il devait se reprendre. Pourtant, il se sentait un impérieux besoin de ne pas laisser cette ouverture de sa part sans réponse. Il se racla la gorge, légèrement embarrassé par la situation et rompît le contact visuel, regardant vers le brasier d’Arrax.

« C’était tout ce qui comptait, finit-il par dire d’une voix éteinte. Ils avaient assez souffert, nous avions tous assez donné. Et pourtant, nous étions si loin du véritable danger. Père m’a raconté Mhysa Faer. Il m’a dit la fougue avec laquelle tu t’es jetée dans la bataille pour repousser Ghis. De ce qu’il en disait, j’ai l’impression qu’il a vu Valyria incarnée se lever pour amener le feu à nos ennemis. Ta place n’était pas dans les tribunes, ce jour-là. Tu aurais dû être honorée. Comme nous l’avons tous été. Au vu et au su du peuple. J’aurais été fier de partager ce moment au côté d’Alynera plutôt que d’apercevoir la dynaste Vaekaron au milieu des non-combattants.  »

Lui jetant un regard en biais quasi-timide et fort stupéfiant pour quiconque connaissait un peu l’insolence et l’assurance habituelles du Maerion, Aerys fit quelques pas vers la flamme, y approchant sa main pour en sentir la douce chaleur chatoyante. Il restait là, tirant comme une force vitale des flammes. Il ne se risquait pas à planter son regard au cœur des flammes, de peur d’y voir une vision impossible à expliquer. Ses yeux se posèrent sur les bannières et les mosaïques du temple. De nombreux dragons y figuraient. Il se retourna, près du feu, vers Alynera.

« Mythrax appréciait beaucoup Vimarr, le dragon de Meleys. Ils ont tous deux ce caractère assez inconstant qui les rend si fascinants à monter et à dresser. Pourtant, Vimarr a tué ma sœur. Et j’aurais été bien incapable de dire s’il pleurait la disparition de ma sœur ou s’il faisait le deuil de la présence de Vimarr au Castel. Il m’a fallu un moment pour trouver un équilibre avec lui, et j’ai dû trouver vite car nous sommes partis à la guerre quelques jours à peine après les funérailles. »

A ces souvenirs, le visage du Maerion s’était assombri. Il dardait sur Alynera un regard plein de détermination, comme si la proximité du brasier lui conférait un pouvoir à même de faire tomber toutes les résistances qu’elle pourrait ériger.

« Je n’ai rien vu, mais j’ai senti. Je n’ai pas la prétention de pouvoir comprendre une créature aussi belle et complexe qu’Yraenarys, déclama-t-il en fixant Alynera droit dans les yeux sans sourciller du double-sens qui était criant d’évidence dans une société valyrienne où dragon et monteur ne faisaient qu’un. Si toutefois, je peux t’aider, je le ferais car nous sommes tous deux liés à nos dragons et Valyria ne sera vivante que tant que nous autres mettront nos dragons et notre lien avec eux au-dessus de tout. Y compris des querelles ancestrales. »

Il laissa un silence passer, sans quitter Alynera des yeux. Puis, il laissa ses yeux dériver dans le vague et lâcha une dernière réplique qui s'imposa à lui comme une évidence.

« Je pense que je vais quitter l'armée. »


Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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La valse Aerys & Alynera

Temple d'Arrax, Première Flamme.
An 1066, mois 5.

« C’était tout ce qui comptait. Ils avaient assez souffert, nous avions tous assez donné. Et pourtant, nous étions si loin du véritable danger. Père m’a raconté Mhysa Faer. Il m’a dit la fougue avec laquelle tu t’es jetée dans la bataille pour repousser Ghis. De ce qu’il en disait, j’ai l’impression qu’il a vu Valyria incarnée se lever pour amener le feu à nos ennemis. Ta place n’était pas dans les tribunes, ce jour-là. Tu aurais dû être honorée. Comme nous l’avons tous été. Au vu et au su du peuple. J’aurais été fier de partager ce moment au côté d’Alynera plutôt que d’apercevoir la dynaste Vaekaron au milieu des non-combattants.  »



À moins que sa mémoire ne lui fasse défaut, c’était la première fois que le Maerion prononçait son prénom. Alynera. Cette intimité soudaine, doublée de son regard serti sur le sien, n’était pas pour mettre la veuve de Daelor à son aise. L’après-midi ne prenait pas du tout, du tout, la tournure escomptée. Or, comme toute femme valyrienne respectable, elle n’appréciait que très peu les sursauts du destin sur son emploi du temps domestique. Et pourquoi, par les Enfers déchainés, lui apparaissait-il comme un être réfléchi, calme et pieux ? Ce paon dont les parades, libidineuses, mondaines et frivoles étaient connues de toute la péninsule semblait montrer soudainement les blessures d’un éjointage bien dissimulé. Pourtant si elle avait accepté de soutenir son regard, emprunt d’une timidité insoupçonnée, elle aurait presque pu le remercier pour ses mots. Car, si les mérites guerriers d’Alynera Vaekaron avaient été loués cela avait été très brefs. Premièrement, une femme, aussi brave soit elle, ne pouvait pas faire étalage de ses aptitudes si elles dépassaient celles de sa famille — Daelor, malgré son grade militaire, n’était pas particulièrement brillant et Ragaenor n’avait pas été sollicité pour partir au combat contre Ghis. Enfin, en tant que sœur et épouse de Mīsio Lentor, elle s’était donnée corps et âme aux funérailles de son frère cadet. Ce jour là, quand bien même elle l’aurait voulue, son deuil ne lui aurait pas permis de défiler en public. La célébration du Triomphe avait tout juste été une excuse acceptable pour qu’elle puisse se montrer dans les gradins, sous un lourd voile noir, couronnée des palmes d’or. 



« J’étais fière de me tenir dans les gradins pour jeter sous vos pas les rameaux d’olivier. »



Le peuple n’avait pas besoin d’un spectacle, au vu et su de tous, pour honorer Alynera Vaekaron. Pour son fardeau ou le plus grand des honneurs, qui sait, il l’avait sacralisé depuis  bien longtemps au rang des demi-dieux. En l’appelant « princesse », ce peuple qui abhorrait pourtant l’idée d’une royauté, avait fait d’elle une figure primordiale. Les histoires, légendes et mythes, sur la jeune femme courraient bon train… menaçant une jalousie divine. Si Meleys l’avait conçue à son image, les Dieux étaient capricieux et leur états d’âmes bien souvent mortels. Pour éviter un courroux jaloux, la descendante de Vaekar avait toujours pris soin de ne pas trop briller. Tout comme, à cet instant, elle prenait grand soin de ne pas trop laisser ses joues rosir. 



La main du Maerion pénétrait pratiquement les flammes du brasier. À vrai dire, il était difficile de dire si le feu ne traversait pas sa main — caresse dont seul un sang-pur pouvait faire l'expérience. Il semblait perdu dans ses pensées et Alynera n’ajouta rien. De toute évidence, il n’y avait rien de plus à dire. Le Triomphe avait été dédié aux guerriers et, femme, elle avait été heureuse de pouvoir observer tous ces hommes revenir dans le berceau de leur civilisation renforcée.



Discrètement, elle observa le pansage sur sa main blessée — effleurant l’étoffe sacrée du flamine. La douleur était lancinante, mais elle ne pouvait dire si elle venait de la blessure ou du sang qui avait cessé d’affluer tant le bandage était serré. Ou peut-être était-ce encore la brulure de la main du Maerion qui venait de la toucher, en plein jour, sous le regard des Dieux, dans la plus grande impunité ? Son bras était marqué de la chaleur de sa peau, si différente du dernier homme qu’elle avait connu. La Vaekaron fut bien forcée, sans soupir, de se répéter que cette journée ne prenait pas du tout la tournure escomptée. 


« Mythrax appréciait beaucoup Vimarr, le dragon de Meleys. Ils ont tous deux ce caractère assez inconstant qui les rend si fascinants à monter et à dresser. Pourtant, Vimarr a tué ma sœur. Et j’aurais été bien incapable de dire s’il pleurait la disparition de ma sœur ou s’il faisait le deuil de la présence de Vimarr au Castel. Il m’a fallu un moment pour trouver un équilibre avec lui, et j’ai dû trouver vite car nous sommes partis à la guerre quelques jours à peine après les funérailles. »

Les flammes du brasier caressants la main du Maerion un instant plus tôt, étaient désormais dans ses pupilles. Immenses. Crépitantes. Sans s’en rendre compte, Alynera eut un mouvement de recul. Elle n’aimait vraiment pas la tournure, nouvelle, des événements. Non seulement, ils avaient tous deux bafoués le sanctuaire du Dieu des Dieux mais, à présent, Aerys se livrait à des confessions intimes… dialoguant dangereusement vers l'incident qui s’était déroulé quelques minutes plus tôt. Si tous les Valyriens subissaient des difficultés avec leurs êtres magiques, il était certain que tous se gardaient bien d’y faire allusion. Une difficulté était la preuve, tangible, irréductible, d’une déficience du sang, de la lignée ou des humeurs. Plus le sang était pur, plus il était inconcevable de se livrer à de telles confessions en société. Profondément gênée, elle baissa la tête. 
Vite, une diversion.

« Je suis profondément navrée de la disparition prématurée de ta sœur. »



Chuchotés, ces mots avaient été prononcés avec un nouveau mouvement de recul. Qu’ils cessent leur conversation, elle ne pouvait pas aller plus loin ! Ils étaient déjà trop proches, leurs respirations trop conjointes, pour que cette entrevue soit respectable en tous points. Il ne pouvait ajouter, en plus, des paroles que tous deux ne pourraient reprendre. La mort de Meleys avait été une tragédie. Heureusement, le départ pour la guerre, les précipitations, l’effervescence avait fait rapidement oublier cette marque du déshonneur frappé au fer rouge. Si bien que seulement deux jours après les funérailles de l’aînée des filles Maerion, toutes les discussions ne parlaient que de Ghis. Tous semblaient avoir oublié la belle âme, prénommée comme la déesse de l’Amour, qui avait pourtant enchanté tout le quartier Ouest de nombreuses années. Intime de Vhaenyra, chaperonne de Daenyra, Alynera était trop au fait de l’histoire.



« Je n’ai rien vu, mais j’ai senti. Je n’ai pas la prétention de pouvoir comprendre une créature aussi belle et complexe qu’Yraenarys. »



Sa main blessée se porta contre sa poitrine. Tout son être voulait le mettre en garde contre les paroles qu’il s’apprêtait à articuler. Pour le remercier elle lui avait déjà avoué l’inavouable, pourquoi tenait-il tant à la pousser près du gouffre ? Pourquoi ne pouvait-il donc se taire et la l'abandonner à son funeste sort ? 



« Si toutefois, je peux t’aider, je le ferais car nous sommes tous deux liés à nos dragons et Valyria ne sera vivante que tant que nous autres mettront nos dragons et notre lien avec eux au-dessus de tout. Y compris des querelles ancestrales. »


Je peux t’aider.

De quelle arrogance était donc né cet homme, de trois ans son cadet, d’une lignée moins prestigieuse pour lui proposer son aide ? Et pourquoi, par la barbe d’Arrax, devait-il lui rappeler le régicide de sa famille ? En proie à des sentiments mitigés, Alynera inspira profondément du bout de ses narines. Son corps tout entier se gorgea d’un air robuste.



« Ne le prends pas mal, j’apprécie tes efforts, mais Yraenarys ne peut me tuer. S’il le faisait, ce serait tout l’architecture cosmique établie par Arrax qui en pâtirait… »



Ce n’était pas tout à fait vrai. Un Dynaste pouvait être tué par son dragon, et souvent des conséquences à moyen ou long terme. Néanmoins, dans sa position, de jeune dynaste blessée devant un fils de régicide, il était certain qu’elle ne pouvait défendre aucun autre discours. Après-tout, si Valyria existait, c’était bien parce qu’Arrax avait donné à son ancêtre un secret, une sève, que tous les autres nobles et aristocrates ne pouvaient se targuer d’avoir et dont ils se nourrissaient. Oui, l’architecture de l’univers avait été créée avec les Dynastes. Les fatalités du commun des mortels ne pouvaient les atteindre, du moins pas vraiment. Et, Aerys Maerion, peu connu pour ses talents d’esprit, n’était sûrement pas en position de venir lui citer des secrets renfermés dans les tréfonds de la bibliothèque de la Tour Vaekar. 


« Nous avons de simples différents. »

Voilà, des différents. Ce mot sonnait bien car il ne voulait absolument rien dire. Il était opaque. Opaque comme tout ce qui entourait la vie d’Alynera Vaekaron — avant que son frère-époux ne la jète dans une marée humaine. Opaque comme sa relation habituelle avec Aerys Maerion, à qui elle n’avait jamais réellement adressé la parole.

«  Ma famille traverse une période tragique et délicate, à bien des égards, et dans les cieux répondent à ces tourments des querelles nouvelles. »



D’une fatalité inouïe, l’haruspicine n’aurait pas formulée meilleur présage. Les querelles nouvelles ne faisaient-elles donc pas référence à l’oncle et la nièce qui se déchiraient comme deux dragons puissants ? Alynera s’autorisa à expirer. Il n’y avait rien d’autre à dire. Enfin, si, encore une. Une infime chose qui avait toute son importance et ensuite elle pourrait s’enfuir de ce lieu, sans le remercier, sans le regarder une dernière fois, et oublier ces minutes éprouvantes. 



« Je pense… »

« Tu pourrais m’aider… »

« que je vais… »

« en le gardant… »

«  quitter l'armée. »

« pour toi. »



Sûrs de leurs plaintes, ils avaient parlé d’une même voix. Les sourcils de la veuve se froncèrent, installant une ombre inquiétante sur son visage. Un secret pour un autre, était-ce la dette payée du Maerion ? Sa gorge était haute, l’air suffocant du temple avait raison d’elle. Pourquoi Aerys Maerion se confiait-il à elle ? On disait que Naerys était sa confidente dévouée, pourquoi ne pouvait-il attendre le crépuscule pour la rejoindre en sa demeure et lui compter ses misères ? La sensualité de la Arlaeron pourrait le réchauffer. Alynera n’avait rien à lui offrir, rien à lui proposer. Elle ne pouvait ôter la pourpre du flamine pour panser les douleurs d’un homme. Ça ne fonctionnait pas ainsi. Du fond d’elle même, dans un rauque sourd et grondant, elle implora Yraenarys de lui venir en aide. Un vain espoir. Arrax devait trop se repaître de ces échanges insolites pour laisser filtrer quoique ce soit de son antre.

Abattue, Alynera se laissa tomber sur le premier socle venu. Elle avait déjà entendu un homme lui dire ça. Et bien qu’elle ne connaissait pas les raisons pour lesquelles le fils d’Arraxios souhaitait quitter l’armée, cela ne la regardait pas, elle connaissait les raisons qui pouvaient pousser un homme à rêver l'impossible. Dans le cas d’Aerys Maerion, tous préjugés mis à part, il était assez simple de voir le schéma dans lequel l’homme se trouvait. C’était un deuxième fils qui devait trouver des occupations, se forger un nom pour ses propres mérites. Malheureusement, Aerys n’était principalement connu que pour ses frasques mondaines — qui, certes, pour certains apparaissaient comme des mérites. En plus du nom inquiétant qu'il portait, il n'avait aucune envergure politique connue, aucun attrait pour les lettres ou les arts. Si il avait donné sa vie pour vaincre Ghis, brillamment, cet exploit avait été écrasé par le poids de son frère aîné. Un héritier adulé et vénéré par ses hommes, dont l’ambition était évidente. Fallait-il mentionner ses fiançailles rompues ? Oui, Aerys Maerion était livré à lui-même. Il devrait épouser une femme, d’une autre famille, d'un autre sang, acceptant de mélanger sa lignée, et voir la femme qu’il aimait, peut-être, entre les bras de son frère. Nombreux des cadets de sa famille avaient été perdu pour moins que ça et, sans réellement savoir pourquoi, elle refoula des larmes.  


« Ce choix t’appartient. »



Qu’espérait-il donc qu’elle lui dise ? Je pense que je vais quitter l’armée. Une nouvelle grave, d’importance, confiée à la première inconnue croisée dans un temple. Allons, qu’espérait-il donc qu’elle lui dise ? Ce choix t’appartient. C’était une belle phrase pour prendre son départ, pour fuir ce dallage marbré de pièges. Refoulant une remembrance trop vive, elle marque un long silence. Le malheur des fils puînés, elle l’avait dans la peau. Ses frères, son oncle… la majorité des hommes de sa vie avait ce mal de l’âme inexplicable. Les vies bien tracées, grandioses, faites pour les aînés semblaient plus faciles. Pourtant rien n’était assez bien inventé par les aïeuls. Il n’y avait rien, rien, que de petites misères.  



« Tout homme doit faire quelque chose de ses mains… Tu ne peux passer ta vie future à enlacer les plus belles femmes de Valyria et dépenser la fortune des tiens. »



La voix basse, neutre, Alynera ne souhaitait pas être blessante. Elle exposait un fait. Les hommes devaient avoir un but. Autrement, la débauche de la luxure prenait le meilleur de leurs sens. 



« Songes-tu donc à te marier ? »




Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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La ValseAlynera & Aerys

Première Flamme, siège d’Arrax le Tout Puissant - An 1066, mois 5

Aerys découvrit Alynera avec un nouveau regard lorsque leurs voix se croisèrent.

Il ignorait encore pourquoi il avait ressenti ce besoin de se confier. Il imaginait que la présence d’Arrax en ces lieux saints l’avait subitement inspiré. Il ne voyait aucune raison rationnelle pour une telle confession et, à défaut de savoir l’expliquer, il s’en était remis au Dieu des Dieux. La Vaekaron s’était confiée sur les difficultés que traversait la plus érudite des dynasties de Valyria. Une confession pour une autre : la balance était équilibrée. Cela les responsabilisait tous deux. Pourtant, une interrogation demeurait. Pourquoi quitter l’armée ? Cela s’imposait de plus en plus à son esprit. Il avait fait son temps parmi les défenseurs de la République. D’aucuns auraient argué que c’était une décision stupide. Il recevait une paye, modeste certes, mais qui lui permettait de subvenir à ses besoins basiques. Il avait un rôle, un but de vie, et une place définie. Mais il n’était pas un soldat dans l’âme. D’autant plus que son propre frère occupait une place bien plus brillante que lui au sein de l’appareil martial. En y restant, il ne serait, qu’une fois de plus, le Maerion de l’ombre. Cela lui était insupportable. En s’impliquant à temps plein dans les affaires familiales, il ferait en sorte de briller. Et il éclipserait son cher aîné, au moins à cet endroit. Jaehaegaron n’avait jamais eu une grande appétence pour le domaine souterrain de leur famille. Il était bien trop attiré par la lumière et la légitimité officielle.

Alynera le sermonna doucement mais fermement sur sa place en société. Elle ne lui parlait pas comme à un frère ou à un fils, mais le sermonnait tout de même. Il n’y avait guère de reproche ou d’accusation, juste une constatation objective. Se rouler dans le stupre avec toutes les beautés de Valyria et d’ailleurs n’était effectivement pas un plan de vie très intéressant. Restait à voir ce qu’il trouverait à la place :  œuvrer non pas à dilapider la fortune des Maerion mais la faire fructifier lui semblait une bonne solution de repli. Alynera Vaekaron et Aerys Maerion n’avaient peut-être que quelques années de différence, mais elle était d’un autre calibre que lui : en tout point. Elle présidait à la destinée de sa famille, avait subi plus de deuils que beaucoup et devait désormais lutter dans une controverse qui avait le pouvoir d’ébranler toute la République. Tel était le pouvoir des Dynasties, tel était le poids de l’Histoire qui les rendait si distinctes par rapport à toutes les autres familles valyriennes : lorsqu’une dispute avait lieu parmi les descendants des Fondateurs, c’était la République tout entière qui tremblait.

Et puis, Alynera lui demanda s’il songeait à se marier. Cette question lui rappela que sa promise lui avait été soustraite et donnée, comme tout le reste, à son frère aîné : Jaehaegaron, l’héritier. Retrouvant un bref instant son naturel taquin et piquant, Aerys adressa un sourire en coin à la Princesse.

« Allons Alynera, nous ne discutons que depuis une petite heure à tout casser. »

S’il était taquin, Aerys n’en était pas moins interloqué par cette question. Se marier ? Il devait y songer, en effet. Mais la question n’était pas si aisée pour un jeune homme qui avait été élevé dans une société prônant l’inceste entre parents proches et qui s’était toujours imaginé épouser sa sœur cadette. Depuis la fin de la guerre, il n’avait guère eu de temps à réfléchir à son avenir sentimental. Il devait bien convenir qu’à terme, il devrait se marier. Mais la sacro-sainte pureté du sang allait en prendre un coup à la génération suivante. Père devait avoir son avis sur la question mais n’avait pas encore daigné le partager. Aerys se demanda s’il devrait ou non l’interroger à ce sujet. Revenant à plus de sérieux, il haussa les épaules.

« Me marier… ? Oui, j’y songe. Après tout, c’est dans l’ordre des choses, et c’est là mon devoir. Je ne me suis jamais défilé face aux obligations familiales : je ne compte pas commencer demain. Je dois simplement trouver. Et puis… je n’ai pas encore enlacé toutes les plus belles femmes de Valyria, » ajouta-t-il, l’air provocateur.

Il ne s’était jamais révolté contre les décisions de sa famille et l’éducation reçue ou la priorité donnée au couple aîné. Tout cela était fait pour perpétuer leur nom et leur héritage, il n’avait aucun problème avec cela. Il avait pourtant souffert pour ses positions et ses valeurs. Sa propre sœur ne comprenait pas son dévouement pour la cause des Maerion. Il ne la blâmait pas. Daenerys avait toujours été révulsée par la violence du reste de sa famille. Subitement, il changea de sujet, revenant aux préoccupations évoquées plus tôt

« Je garderai le silence, Alynera. Je te souhaite de rapidement résoudre ce hoquet de ta destinée. Puis-je tout de même te poser une question ? »

Scrutant le visage aux traits fins et à la peau diaphane de la jeune femme, Aerys crut déceler une forme d’assentiment et s’aventura à poser sa question à la Vaekaron. Cette question lui brûlait les lèvres.

« Es-tu heureuse à ta place ? »

Il eut soudainement l’air gêné, rompit le contact visuel et regardant vers ses pieds avant de balayer sa propre question d’un revers de la main.

« Je veux dire… Comment te l’expliquer ? Je me doute que ce n’est pas une quesiton de bonheur ou de malheur mais de devoir, je le comprends, et je l’intègre. Mais comment te sens-tu personnellement à ce sujet ? Honnêtement. Face à Arrax. »

Invoquer le nom du Dieu des Dieux n’était pas une chose qu’Aerys faisait en vain… ou tout du moins pas sobre et encore moins dans le temple dudit Dieu. Celui qui posait la question n’était pas un Maerion, ou un insolent. C’était simplement un puîné, qui n’avait que peu de chances d’hériter un jour pour décider du destin de sa famille. Il se demandait ce qu’on ressentait en sachant qu’on hériterait un jour. Alors, imaginer s’asseoir un jour dans le fauteuil de patriarche de la famille avait de quoi poser des questions et susciter des frissons d’adrénaline. Pouvait-on être heureux, ou heureuse en l’occurrence, en prenant place à la tête d’une famille. Comment Alynera pouvait tenir bon face à toutes les contraintes que le monde lui imposait si ce n’était en tirant une forme de bonheur à être là où elle se trouvait ?


Alynera Vaekaron
Alynera Vaekaron
Mīsio Lentor

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La valse Aerys & Alynera

Temple d'Arrax, Première Flamme.
An 1066, mois 5.

« Allons Alynera, nous ne discutons que depuis une petite heure à tout casser. »



Le ton taquin du Maerion n’était pas pour décrocher un sourire à la Vaekaron, bien au contraire. Quoiqu’assise sur un socle de pierre, affligée par ce manque de tact, elle se sentit tomber dans un gouffre sans fond. Il était comme sa sœur, Daenerys, défiant toutes les lois civilisées de ce monde. De quel bois insolent était donc fait cette famille ? Elle se pâmait de tout, persuadée que le monde lui était dû… un mariage avec une Dynaste ? Caché derrière cet humour douteux, était-ce là une proposition alambiquée ? D’un haussement d’épaules, sans humour aucun, elle rejeta l’idée — aussi grotesque que sordide.



« Me marier… ? Oui, j’y songe. Après tout, c’est dans l’ordre des choses, et c’est là mon devoir. Je ne me suis jamais défilé face aux obligations familiales : je ne compte pas commencer demain. Je dois simplement trouver. »



Cette réponse était bien plus acceptable, conventionnelle, aussi elle acquiesça. Il était préférable d’oublier l’égarement précédent du fier mâle. Trouver. Quel heureux et naïf verbe que trouver ! La tâche, quête avortée, était impossible. Aerys, tout comme elle, ne devaient pas trouver mais être prêt à commettre un crime parricide. Arrachés de leur pair, de tout espoir de pouvoir se marier au sein de leur famille, les deux jeunes gens étaient confrontés à la même crise : mater leur sang. Un crime pour lequel il n’y avait aucune expiation possible. Car quoiqu’ils aient fait beaucoup couler de sang, les Maerion avaient réussi à garder le leur pur comme au commencement. Il n’était entaché d’aucune maladie, d’aucun soupçon de souillure dégénérée. Il était difficile de l’avouer, mais leur sang était aussi cristallin que celui des Vaekaron.



« Et puis… je n’ai pas encore enlacé toutes les plus belles femmes de Valyria. »



Si le feu avait pu consumer Alynera, nul doute qu’il l’aurait dévoré en l’instant. Ses joues étaient cramoisies et sa gorge, sèche, devenue muette. La charogne ! Comment osait-il la courtiser, elle, la veuve la plus respectable de cet Empire dans l’enceinte sacrée d’un temple ? Quoique habituée à la hardiesse des hommes à son égard, nul n’avait encore osé la courtiser en la demeure d’un Dieu ! Pensait-il qu’à son petit jeu elle répondrait les cuisses grandes ouvertes, prête à l’accueillir d’une moiteur toute juvénile ? Elle le toisa. Une partie d’elle avait envie de répondre à sa provocation. En cet instant, ses lèvres voulaient proférer des mots tant humiliants que son sexe fier ne s’en dresserait plus pendant plusieurs nuits. Hélas, la demeure du père de ses pères ne lui permettait pas cette défense. Du reste, ses mots étaient trop précieux pour être dissipés. 



« J’ai cru pourtant entendre le contraire. »



Les dernières syllabes, distantes, froides, raisonnèrent dans l’enceinte sacrée. La Vaekaron était bien au fait du pouvoir physique qu’elle possédait sur les hommes. Enfant, sur son passage, on murmurait qu’elle serait belle à damner. Un murmure, une onde, qui avait accompagné l’épanouissement de son corps. Les âges les avaient prévenus, mais les hommes ne s’étaient pas préparés au don que Meleys leur avait octroyé. Si tôt son Rêve célébré, ils voulurent la posséder. Tout l’enjeu était de pouvoir se targuer d’avoir baigné parmi les Dieux. Bien évidemment, elle ne se plaignait pas du cadeau de la déesse. Après-tout, qui aurait souhaité s’enlaidir ? Cependant, la perspective de partager sa couche avec un Maerion la dérangeait. Fille de demi-dieux, il était impossible qu’elle embrasse fils de régicide ! 


Ses yeux se levèrent jusqu’à la tête colossale de la haute statue d’or. Enfant, contre la cuirasse paternelle, elle demandait souvent si les Dieux étaient aussi grands et majestueux que leurs représentations antiques. Si tel était le cas, le monde semblait avoir bien diminué ! Puisse Arrax entendre leurs maux ! Dans son silence éternel, le Dieu des Dieux savait ce qu’elle désirait. Un rêve peu avouable, trop vaniteux : le rapt suprême. La nuit, prisonnière de son destin, elle espérait qu’une pluie d’or vienne pénétrer son corps jusqu’au nid fécond. La seule délivrance à tous ses maux, engendrer le divin. Oui, contrairement à Aerys, elle ne voulait pas trouver une solution terrestre à son problème. En ce monde, sur cette terre de feu, nul n’était assez légitime pour venir mélanger le sang des Vaekaron ! Pire, faire ce sacrifice, était avouer que le monde avait perdu toute sa magie, sa verve et sa splendeur.



« Je garderai le silence, Alynera. Je te souhaite de rapidement résoudre ce hoquet de ta destinée. »



Elle inclina la tête, respectueusement, serrant contre elle l’artéfact qui les liait désormais. Perdue dans ses pensées, elle en oublia d’être surprise de la sincérité de ces quelques mots. 


« Puis-je tout de même te poser une question ? »



De biais, elle darda sur lui un regard interrogateur. Cette dernière requête s’annonçait pire que les sous-entendus précédents… Quoi ! allait-il lui demander de la rejoindre dès ce soir ? Le noble Aerys garderait-il le silence pour cette seule condition ? Après-tout, tout avait un prix en ce monde. Et, enrichis à l’excès, les Maerio, savaient comment monnayer les valeurs terrestres. Dynaste de marbre, s’exerçant à être quasi-inhumaine hors de ses murs, le cœur humain dissimulait pour ne plus être soupçonné : elle accepta sa requête du bout du menton.



« Es-tu heureuse à ta place ? »



Quelle était cette question sentimentale ? Le sol se déroba à nouveau, béant. Quel était donc ce mot que « bonheur » ? Et puis, qu’espérait-il qu'elle lui réponde ? Ne savait-il donc pas, le malheureux, qu’à l’extérieur de la Tour Vaekar, les émotions personnelles étaient proscrites ? Il n’y avait que le devoir. Le devoir d’être l’image de l’antique Valyria. Il n’y avait pas d’Alynera, seulement une Vaekaron. Ce nom qui, à l’image des Quatorze, était né éternel pour ne jamais mourrir. Pourquoi le regard d’Aerys cherchait-il à percer, détruite, cette règle impériale ? Il lui sembla se voir, vision d’elle-même enfant dans les bras de son père, quand elle espérait qu’Arrax se dévoile à ses yeux. Elle demeura interdite.

« Je veux dire… Comment te l’expliquer ? Je me doute que ce n’est pas une question de bonheur ou de malheur mais de devoir, je le comprends, et je l’intègre. »



Le sot ! Il ne comprenait, ni n’intégrait rien du tout.



« Mais comment te sens-tu personnellement à ce sujet ? Honnêtement. Face à Arrax. »



Trois mots et il exigeait d’elle sa plus grande confession.



« Allons, Maerion, n’as-tu donc pas dit toi-même que nous ne connaissions que depuis une heure ? » 


Un sourire furieux dans les commissures des lèvres, presque cruellement amusé, elle secoua la tête. Le porphyre entourant son existence ne pouvait être troublé. Derrière Aerys, le Dieu souriait. Il s’agitait, observateur secret de ses deux ouailles. 


« Tu m’as aidé, je t’en suis reconnaissante. Aerys Maerion, ne pousse pas les limites de ton destin plus loin. »



Chaque jour, elle confrontait son existence aux Quatorze. Elle n’avait pas besoin qu’un homme le lui permette, honnêtement. Du gouffre dans lequel elle avait été projetée, elle se releva péniblement. Le sourire qu’elle crut amusé de la statue, ou le courage du Maerion,  qui sait peut-être était elle d’une faiblesse affligeante, l’empêcha d’être trop cinglante. Elle s’approcha de la grande flamme qui habitait le temple. Le centre du monde. L’équilibre de toute chose. Une funeste raison la poussa à s’emparer de la main d’Aerys, la plongeant dans le brasier fulminant. Sa main sous la sienne, elle ne ressentait que la simple tiédeur réconfortante du feu. 



« Laisse-moi te dire un secret : dans les plus grands malheurs de la vie, le désespoir est un crime. Pourquoi ? Car il voudrait dire que nous ne sommes que de simples êtres, quand nous sommes les pinacles de cette République. Le monde connu repose sur nous... »



L’étoffe du flamine sous leurs yeux prit feu. Le secret de leur rencontre, de leurs confessions, partait en fumée. S’abreuvant de ce qui leur appartenait les flammes montèrent rapidement, rouges, magnifiques, vers la voute à caissons de la demeure divine. Puis, sans crier garde, elles devinrent bleu de leur petite mort. 



«  Et le monde ne souffre d’aucune émotion. »


Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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La ValseAlynera & Aerys

Première Flamme, siège d’Arrax le Tout Puissant - An 1066, mois 5

Rescapé de la guerre contre Ghis, Aerys Maerion avait, un jour de campagne, trouvé que les cadavres boursouflés des soldats disparus lui rappelaient l’état de délabrement des dynasties fondatrices valyriennes.

Et en ses plus sombres tréfonds, son âme en avait été ébranlée.

Les trois dynasties pérennisaient chacune l’une des lignées les plus divines et glorieuses du monde. Un millénaire plus tard, leur influence et leur pouvoir chancelaient au profit de familles plus jeunes, moins légendaires, et pourtant plus agiles. Les Maerion étaient de ceux-là. Il y avait bien les vieilles familles nobles et les dynasties pour les désigner comme s’étant extraits de la fange où ils étaient nés. Mais c’était là négliger un point fondamental : comme tous les autres, les Maerion chevauchaient des dragons. Il n’y avait, à Valyria ou ailleurs, pas de meilleur témoignage de la grandeur d’une famille. Toisée dans sa vision étriquée d’un monde désormais disparu, Alynera Vaekaron oubliait l’essentiel. Et il ne manqua pas de lui rappeler.

« Si le monde connu repose sur vous, ô éminente et divine Mīsio Lentor, peut-être cela explique son état actuel. »

Le ton du Maerion avait été beaucoup moins sympathique qu’auparavant. En digne fils de son père, il s’était fait tranchant et froid comme la glace pourtant si honnie des Valyriens. Son regard n’exprimait aucun regret et une profonde aversion pour cette façon qu’avait Alynera de lui jeter au visage sa manière de se considérer au-dessus du lot, et donc de lui. Il avait mille saillies incendiaires qui lui venaient à l’esprit, car il était aisé de se gausser de l’état actuel des dynasties et de la situation de la Vaekaron. Il avait toutefois un certain sens de l’honneur, et il n’était pas du genre à frapper un dragon agonisant au sol. D’un regard lourd de sens, il rangea sa rhétorique vénéneuse au fourreau, se contentant de jauger Alynera du regard.

Elle lui agrippa la main aussi soudainement qu’elle s’était auparavant brièvement ouverte à lui. Il ressentait une chaleur puissante lui enserrer la main. Sa paume ressentait la douce caresse des flammes du temple et il y puisait une force quasi vitale car cela s’apparentait à l’étreinte du dieu des Dieux. Alynera Vaekaron et Aerys Maerion n’étaient pas seuls en ces lieux, Arrax veillait. Pourtant, la sensation de chaleur n’était pas moins intense sur la paume que sur le dos de la main d’Aerys qui pouvait sentir le feu sacré qui couvait au sein de la légendaire Mīsio Lentor : la flamme du divin dansait sous sa douce peau d’albâtre. Était-ce le fanatisme religieux d’Aerys ou sa passion pour la concupiscence qui suscitait un emballement de son cœur alors que ses sens étaient en alerte et que son regard se vissait dans celui, améthyste, de la Vaekaron ? Il ne se connaissait pas assez bien lui-même pour répondre à cette question. Il pouvait sentir toute la vigueur de la détermination de la jeune femme, son désir et sa trempe. Son destin fiévreux n’emporterait pas forcément tout sur son passage car, après tout, elle restait une femme, mais force était de constater pour le seigneur-dragon qu’il avait sur sa main une ardeur plus brûlante encore que les flammes d’Arrax. Et constater cela le plaçait à deux pas du blasphème.

« Aucune émotion ? Diantre, voilà qui me semble fort indigne de personnalités de ton calibre, Alynera. »

Ce faisant, il avait retourné sa main pour glisser ses doigts entre ceux d’Alynera, collant sa paume chaude à celle, brûlante, de la Princesse. Faisant preuve de toujours plus d’audace, il attira la descendante de Vaekar à lui, laissant leurs épaules se toucher dans un contact qui enveloppa le corps du Maerion dans une torpeur jusque-là inconnue.

« Sans émotion, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue et le monde d’être vu. Simple être, pinacle, premier égal parmi d’autres ou enfant des Dieux, peu importe : sans émotion, nous ne valons pas mieux que des animaux. Ou pire, des Ghiscaris. Arrax nous en préserve. »

Conservant la main d’Alynera dans le feu mais relâchant la pression entre ses doigts pour lui laisser la possibilité de la retirer, Aerys pivota sur sa droite, faisant face à la jeune femme avec une proximité physique qui aurait pu suffire à contenter la belle Meleys Elle-même.

« Supprimer les émotions dans un monde comme le nôtre, qui les célèbre chaque jour et chaque nuit, voilà qui me semble bien cavalier pour nos ancêtres. Après tout, même nos dragons ont des émotions. Tu le sais sans nul doute possible aussi bien que moi. Plutôt que de les supprimer, que de considérer le monde gris et terne… ne vaudrait-il pas mieux t’harnacher, chevaucher et contrôler ces émotions, ô unique Alynera ? »

Un cri de son dragon à l'extérieur lui fit comprendre que son temps était écoulé. Il regarda la Dynaste.

« J'ose espérer que nous nous retrouverons. Les Dieux veillent sur toi, Alynera. »

Et il sortit.


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