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Enoria Zahor Amai
Enoria Zahor Amai
Étrangère

Hidden truths are the wanderer's treasuresAerys Maerion & Enoria Zahor Amai

Thermes - An 1066, mois 8

Le rire d’Enoria s’éleva comme une volute de fumée, s’évanouissant progressivement dans l’air ambiant après l’avoir, un instant, figé. A la regarder, il ne pouvait y avoir de doute sur son ascendance princière, et Baelon ne put s’empêcher d’être fier d’être parvenu à entretenir la princesse lors de l’une de ses fêtes. Ce n’était pas qu’il soit tout à fait indigne de la recevoir, ni qu’il manque de relations, il avait tout cela, mais la princesse de Sathar s’était d’ores et déjà mêlée aux plus grandes familles de Valyria. Le palais de Baelon Maegarys n’avait rien du faste des palais des familles les plus prestigieuses de la péninsule, mais sa fortune allait en grandissant. Il avait su s’entourer, et surtout, il avait su se rapprocher des bonnes personnes. Tous ces choix avaient permis à sa famille, de noble naissance issue du Nord de Valyria mais terriblement désargentée, de retrouver un petit peu de sa gloire d’antan. Et la gloire avait ce soir les traits de la princesse sarnori. Elle était à ses côtés, étendue sur le flanc droit pour faire face au reste de l’assistance, et Baelon se surprit à ne pas observer son visage, sa poitrine ou la peau légèrement exposée de ses jambes… Ce que ses yeux ne pouvaient lâcher c’était ce poignet nonchalamment plié, orné de lourds bracelets d’ors et de pierres qui ne faisaient qu’accentuer sa finesse. Et il y avait les doigts fins, dépourvus de bijoux ceux-ci, qui s’était saisi distraitement d’un grain de raisin qu’elle ne portait pourtant pas à sa bouche. Baelon se surprit à prendre en pitié ce grain de raisin, suspendu face au destin de passer les lèvres de la princesse, de rouler sur sa langue avant de la contenter entièrement. Peut-être le jeune homme ne le prenait-il pas en pitié finalement, peut-être même que le destin de ce grain de raisin était plus enviable que le sien. Il rougit à cette pensée, et ne fut que plus embarrassé de constater que le regard de la jeune femme se tournait vers lui. Ses yeux, d’un noir profond, se plongeaient en lui et il n’opposait aucune résistance, comment l’aurait-il pu ? Il n’avait pas même envisagé qu’une telle invitée puisse le rejoindre, alors il était d’ores et déjà conquis.

Enoria s’était mêlée avec aisance au reste de l’assistance, il n’y avait là aucun grand seigneur dragon, mais plusieurs représentants de familles tout à fait respectables de la bonne société valyrienne. Elle se faisait un devoir de ne pas se restreindre au seul cercle des quarante familles, car les secrets résidaient bien souvent entre des mains bien moins souvent embrassées. Elle n’était cependant pas là, ce soir, en simple mission de routine ayant pour but de glaner le plus d’informations possibles pour en faire sens plus tard. Son objectif était bien plus précis et cette soirée n’était en réalité qu’une étape pour l’atteindre.

Cela faisait à présent trois mois que la catastrophe s’était abattue sur Valyria, et qu’Enoria s’était elle-même retrouvée prise au piège dans les souterrains de la ville. Trois mois de reconstruction, et trois mois pour permettre à la jeune femme de tirer des conclusions de tout ce qu’elle avait pu observer. Ce n’était pas grand-chose, rien de suffisamment important pour constituer une véritable avancée, mais ce n’était pas rien. Elle savait déjà que les Maerion avaient une réputation particulière à Valyria. Elle savait également qu’Hordar, rencontré dans les souterrains, avait un lien avec Aerys. Elle avait perçu la surprise sur les traits d’Hordar lorsque Jaekar avait élucidé la première énigme, le code inscrit sur la roche, et si elle avait mis sa réaction sur le compte de leur situation… particulière, il en fut tout autrement lorsqu’elle prit le temps d’y repenser. Cela pouvait être une coïncidence, et peut-être le code ne représentait-il rien, et peut-être même la surprise d’Hordar ne représentait-elle rien d’autre que sa réaction face à la menace approchant… Ou bien quelque chose se tramait.

Il y avait là bien plus de questions que de réponses disponibles, mais les quelques indices et surtout l’instinct d’Enoria la dirigeait directement vers les Maerion. Après une période de convalescence, la jeune femme se mit alors en tête de reprendre contact avec Aerys Maerion. Le jeune homme avait, disait-on, du garder la chambre durant trois mois. La jeune princesse avait longuement hésité à lui rendre visite, poussée par un élan qu’elle ne s’expliquait pas, mais qu’elle refusait tout à fait de qualifier d’inquiétude. Elle ne souhaitait pas attirer l’attention, et rendre visite au cadet des Maerion n’était rien d’autre qu’un trop lourd signal envoyé, tant à lui qu’aux autres. Elle s’en était donc gardé. Il lui avait fallu envisager les choses autrement. Le réseau sarnori était puissant et son maillage très fin, la jeune femme disposait donc d’yeux et d’oreilles tout à fait insoupçonnables, du jeune marchand au vieillard tremblant du coin de la rue. C’est à ce réseau qu’elle fit appel afin que chacun garde un œil discret sur les allées et venues du jeune Maerion et du reste de sa famille. Il n’était pas question de les suivre, simplement de les observer lorsqu’ils passaient, de remonter les informations des lieux où ils avaient été aperçus. Les allées et venues du jeune Aerys ne furent bien nombreuses, il ne quitta pas le Castel Maerion. Cependant, très vite quelques murmurent commencèrent à émerger au sein du réseau, certains avaient entendu quelques hommes évoquer, un soir dans une taverne, un rendez-vous avec un grand noble. Au début il n’y avait là rien de soupçonneux, mais bientôt les dires furent suffisamment concordants et précis pour apporter à Enoria ce qu’elle avait attendu, patiemment, durant près de trois mois.

Aerys Maerion avait quitté sa chambre, et les hommes de la taverne devaient le rencontrer, aux thermes. Ils devaient le rencontrer lui, ainsi qu’un autre noble dont le rôle n’avait pas filtré lors des échanges écoutés à la dérobée. Le nom du noble, en revanche, avait été prononcé, Baelon Maegarys. Ainsi, le lendemain, le chemin de la princesse de Sathar croisa-t-il, par le plus grand des hasards, celui de Baelon. Le marché était animé, et Baelon n’y passait que pour se rendre à un rendez-vous avec un marchand. Cependant, son attention avait été retenue par un échange vigoureux entre une femme et son mari, celle-ci criait et provoquait un petit attroupement autour d’eux. Baelon, empêché dans sa progression et évidemment curieux s’était arrêté quelques secondes. A ses côtés s’était arrêtée une femme très belle, richement parée, entourée d’une garde qui ne laissait aucun doute sur sa haute naissance. Elle lui avait parlé, un simple commentaire humoristique sur l’ironie d’appeler ce genre de scène des scènes de « ménage » alors qu’elles convoquaient bien souvent les mots les plus sales. Baelon avait trouvé cela ingénieux, intelligent même, et avait ri de bon cœur. Il fallut pourtant qu’elle se présente pour qu’il réalise qu’il s’agissait d’Enoria Zahor Amai, cette princesse de Sarnor dont tout Valyria bruissait depuis des mois. Il se disait qu’elle ne fréquentait que les plus grandes familles, mais tous rêvaient de rencontrer une fille de roi, et de voir le diadème qui, disait-on, ornait sa tête lors des soirées mondaines. La regardant ainsi à ses côtés, Baelon se surprit à prier tous les Dieux qu’il connaissait pour avoir, un jour, le droit à une telle vision.

Les Dieux l’avaient écouté. Enoria était là, un diadème solidement ancré sur le haut de son crâne, simple et discret, rappelant sans fioritures la gloire de sa naissance et la richesse de son nom. Ce n’était pas un hasard si Enoria avait rencontré Baelon ce jour-là au marché, et sa présence à sa fête n’en était pas plus fortuite. Il l’ignorait, mais il y avait fort à parier que Bealon n’aurait guère vu d’inconvénient à n’être qu’un point dans la stratégie de la jeune femme. Du moins jusqu’à ce qu’il réalise que cette stratégie menait à un homme, un homme que Baelon craignait. Pourtant il s’était jeté à corps perdu dans un piège tissé durant des jours par une femme que, sans doute, il n’avait pas évalué correctement. Elle avait évoqué les thermes, la différence notoire qu’il y avait entre celles de Valyria et les bains de Sathar. Alors Baelon s’était risqué à demander comment se présentaient ces bains. Elle lui avait peint un spectacle des plus enchanteurs. Il n’avait suffi à Baelon que de se concentrer sur les inflexions de la voix suave de la jeune femme, les évocations de la sensualité des corps ainsi rendus plus légers par l’eau des cascades, la chaleur de ces pièces faites de marbres et de végétation, pour que le jeune homme soit tout à fait hypnotisé. Alors il avait fait ce qu’il ne s’était pas imaginé faire un jour, il avait proposé à la princesse de l’accompagner aux Thermes. Après tout, la demoiselle connaissait Aerys Maerion, et sans doute serait-elle ravie de découvrir les thermes en présence de véritables valyriens ? Il ne fallut guère plus d’une seconde a la jeune femme pour accepter, ce qui gonfla de fierté le cœur du jeune Baelon, et elle ajouta même qu’elle se chargeait de féminiser l’assemblée de ce rendez-vous pour plus de volupté. Baelon comprit immédiatement les sous-entendus de la jeune femme et ne put qu’imaginer que les hommes invités à ce rendez-vous n’en seraient que plus heureux. Et à vrai dire, il ne pensa pas une seule seconde à un potentiel mécontentement du Maerion, car il ne pouvait penser à rien d’autres qu’à la vision de la canine blanche d’Enoria, mordillant sa propre lèvre inférieure alors qu’un sourire naissant sur son visage. Tout le corps de la jeune femme était un appel à la sensualité, et Baelon Maegarys se surprit à rêver que, peut-être, cette sensualité lui était destinée. Celui qui avait invité presque sans le vouloir la jeune femme aux Thermes en vint à insister, encore et encore, pour s’assurer qu’elle serait bien là. C’est qu’il avait réalisé que les thermes impliqueraient un plus grand dévoilement des corps, et qu’à défaut de pouvoir le toucher un jour, il se satisferait amplement de pouvoir admirer le galbe de son sein, la rondeur de ses fesses ou encore la peau laiteuse de ses cuisses, autant de beautés dévoilées par le tissu entourant son corps mais insuffisant pour dissimuler ses formes.

C’est ainsi que, trois jours plus tard, Baelon Maegarys tendait sa main en direction de la jeune princesse afin de l’aider à descendre de leur dais et la guider jusqu’à l’intérieur des Thermes. Elle n’avait pas menti, une dizaine de jeunes femmes l’accompagnaient, toutes plus belles les unes que les autres, mais aucune parvenant à égaler la beauté d’Enoria. Il n’y avait là rien de physique, sans doute même le physique d’Enoria n’était-il pas aussi beau que celui des quelques autres jeunes femmes de l’assistance, mais il y avait chez elle quelque chose de magnétique. La jeune femme avait une manière de traverser le monde, comme si rien ne pouvait l’atteindre ou la déstabiliser, une telle confiance qui accentuait plus encore la sensualité de ses gestes. Enoria Zahor Amai ne s’excusait jamais d’être ce qu’elle était, pas même dans une république où elle ne ressemblait à personne. Elle était, entièrement et pleinement, elle laissait ce corps exprimer ce qu’il souhaitait exprimer, elle ne s’embarrassait pas d’idiotes convenances capables de saper son charisme. Elle se moquait du regard des autres tout en l’attirant comme personne, elle jouait avec ces regards car elle les savait captifs. Elle n’était pas l’objet de ces regards, elle n’était l’objet de personne, et il était impossible de la soumettre à moins qu’elle ne le désire. Sans doute était-ce en cela qu’elle devenait si fascinante.

Lorsque les portes s’ouvrirent, le petit groupe déjà rassemblé autour d’Aerys Maerion ne put retenir sa surprise. Les jeunes femmes qui entraient étaient tout sourire et vinrent s’asseoir aux côtés des hommes interloqués. Baelon Maegarys, lui, se montra tout à fait humble et respectueux, mais il jubilait intérieurement. Il jubilait d’être celui qui entrait en ces lieux au bras de la princesse, d’être celui qui offrait ces femmes à la vue de ses camardes. Il était fier. Enoria, elle, ne s’embarrassa guère de jeter un regard en direction des autres hommes de l’assistance, elle ancra immédiatement son regard dans celui d’Aerys qui se trouvait au centre du U formé par le groupe. Sur son torse dévoilé, la jeune femme put apercevoir quelques ecchymoses, restes sans doute du Grand Effondrement. Un instant, elle eut l’envie avide d’en tracer le contour de ses doigts, d’appuyer dessus pour tester la résistance du jeune homme à la douleur, lui soutirer une grimace d’inconfort avant de le récompenser par une caresse plus douce. Cette simple pensée eut pour effet d’agacer la jeune femme, car elle révélait ce qu’elle avait refusé de s’avouer… Si elle savait que le jeune homme n’était pas indifférent à ses charmes, elle constatait ne pas rester de marbre face à lui non plus. Ce n’était bon ni pour sa mission, ni pour son avenir, cependant il fallait aujourd’hui se servir de la maigre emprise qu’elle avait sur lui, et si cela impliquait renforcer celle qu’il avait sur elle… le risque était à prendre.

Après avoir salué Aerys, Baelon invita Enoria à s’asseoir et pris place à ses côtés. Il pris le temps de la détailler. Elle portait toujours quelques bracelets d’or et des boucles d’oreilles, mais pour le reste elle était plus naturelle que jamais. Ses longs cheveux tombaient en cascade jusqu’à ce qu’il imaginât être le creux de ses reins, encadrant son visage de leurs boucles brunes. Ses lèvres n’étaient pas peintes, livrant la couleur naturelle de leur chair. Elle portait un long peignoir d’un voile relativement épais, mais il ne faisait aucun doute qu’elle était nue sous celui-ci. Baelon le sut immédiatement car le tissu tombant sur sa poitrine en révélait les aspérités avec une précision bouleversante. Elle s’assit, et croisant les jambes en dévoila les courbes et la peau, les deux pans du peignoir s’ouvrant légèrement pour dévoiler le mollet, le genou et le bas de la cuisse de la jeune femme.

« J’espère que nous ne venons pas perturber votre rendez-vous messieurs, lorsque Baelon a mentionné ces thermes je n’ai plus eu qu’une idée en tête… les découvrir enfin ! Et ayant eu la bonté de m’inviter à vous rejoindre je n’ai pu me résoudre à venir seule, à Sarnor nous considérons qu’il n’y a rien de plus divertissant qu’une assemblée mixte. »

Son regard s’était posé sur chacun des hommes, un par un, terminant par Aerys avant de se retourner à nouveau vers Baelon qui s’empressait de saisir sa main pour la porter à ses lèvres, délicatement. La jeune femme reporta cependant son regard sur Aerys, sondant son visage à la recherche d’un potentiel mécontentement.

« Je suis heureuse de te voir en forme, Aerys Maerion, le Grand Effondrement n’aura pas eu raison de toi. »  




Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

https://rise-of-valyria.forumactif.com/t44-aerys-maerion
Hidden truths are the wanderer's treasuresEnoria Zahor Amai & Aerys Maerion

Thermes de Valyria - An 1066, mois 8

« Messieurs, je vous remercie d’être présents. Quelqu’un sait-il où se trouve Baelon ? »

Quelques échanges de regards confirmèrent à Aerys qu’il n’avait pas annoncé arriver en retard ou en avance. Il risquait donc d’être présent à l’heure dite. Ce n’était pas un mal, en soi. Aerys aimait pouvoir compter sur des hommes de confiance, et la ponctualité était la première des formes de confiance. Le Grand Effondrement avait laissé des traces sur toutes les familles et les Maerion n’y avaient pas fait exception.

S’ils avaient eu la chance de ne déplorer aucune perte définitive, les Maerion du Castel éponyme avaient eu la désagréable surprise de découvrir que le grand-œuvre de leur famille pluricentenaire était désormais considéré comme compromis et infiltré par des éléments déloyaux. Trois mois plus tard, les Maerion avaient envoyé la plupart de leurs agents se terrer un peu partout dans la ville en attendant de reprendre le contrôle. Cette prise en main débutait depuis quelques jours. Une fois remis sur pieds, c’était un Aerys beaucoup plus sombre et beaucoup plus déterminé qu’auparavant qui était allé trouver son père pour lui demander de prendre en charge l’épuration du réseau. Cette première étape validée, Arraxios Maerion avait délégué à son cadet la charge de toute la gestion des activités occultes de leur famille, ayant besoin de se concentrer à temps plein sur les affaires légitimes des Maerion. La première décision d’Aerys avait été de bien s’entourer et il avait rapidement organisé une rencontre avec l’un des hommes les plus sûrs qui soient : Hordar Kihzeznis, dont la famille opérait une partie du réseau Maerion en dehors de Valyria. Ils avaient longuement débattu des possibilités pour restructurer et purger le réseau criminel de la capitale et ils avaient convenu de débuter la traque très bientôt. Pour cela, une équipe d’hommes de confiance sélectionnés par Hordar lui-même était arrivée directement de l’île-forteresse d’Elyria et de certains quartiers de Valyria. Baelon Maegarys, l’une des connaissances amicales d’Aerys qui était liée au réseau Maerion, avait accepté de les accueillir dans le plus grand secret. Cette rencontre aux thermes devait constituer la première étape de leur processus de décision.

« J’aimerais autant que nous commencions avec lui. J’imagine qu’il a dû trouver une créature à la cuisse leste pour le retarder légèrement. Par le sang de la Harpie, certains d’entre nous ne changeront jamais ! » asséna le Maerion avec un sourire manifeste.

Baelon n’était guère connu pour manquer une occasion d’honorer Meleys. Et pourtant, Aerys était secrètement agacé du décalage horaire de son ami alors que les autres étaient déjà arrivés. Depuis son affrontement avec les membres renégats du réseau, les sourcils du cadet Maerion étaient en permanence froncés dans un rictus soucieux qui ne semblait vouloir s’estomper. Installé autour d’une étendue d’eau brûlante dont la vapeur emplissait les yeux, le groupe d’hommes semblait reposer sur la pierre angulaire d’une voûte qui aurait été tenue par la présence d’Aerys.

« Je n’insisterai jamais assez. Cette rencontre, votre activité et vos objectifs sont strictement confidentiels. Vous n’en parlerez pas entre vous, ni à votre famille, ni vos amants, ni vos confidents, ni aux prêtres, ni aux mages. A personne. Ce qui se dit ici reste secret. Si l’un d’entre vous parle, je vous prie de croire qu’il ne tardera pas à comprendre pourquoi le nom des Maerion est connu d’un bout à l’autre de la cité. Compris ? »

Les visages furent hochés dans la vapeur brouillant leurs traits. Cette saturation de volutes incommodait Aerys qui restait, depuis son agression, notoirement plus méfiant qu’auparavant. Il se leva et entreprit de tirer sur une cordelette contrôlant des panneaux de bois permettant une meilleure circulation de l’air dans la pièce. Bientôt, la vapeur s’estompa, laissant le groupe d’hommes en pleine discussion à voix basse dans cette partie privée des thermes. Les discussions devenaient plus de simples bavardages lorsque soudain, les portes s’ouvrirent. Aerys leva les yeux vers les deux battants s’ouvrant. La température chuta soudainement, causée par l’appel d’air laissant apparaître Baelon… un nombre significatif de jeunes beautés valyriennes à l’air accort et…. Enoria Zahor Amai ???

Aerys se redressa imperceptiblement, allant de surprise en surprise. Baelon venait saluer tout le monde comme s’il apportait la nouvelle de l’annexion de Ghis. Avant qu’il n’eût le temps de pouvoir émettre un quelconque commentaire, positif ou négatif, d’ailleurs, le groupe avait trouvé une mixité assez balancée et tout le monde en avait oublié les raisons de leur venue en ces murs. Aerys ne pouvait guère blâmer ces hommes dont aucun n’était noble, et qui batifolaient désormais quasiment nus avec des splendeurs dont plusieurs étaient certainement de petite noblesse ou de la haute bourgeoisie. Baelon évoluait avec Enoria dans son sillage, fanfaronnant comme un paon. Aerys se leva pour étreindre son ami, lui glissant au passage un murmure tout en ayant l’air de ne rien laisser paraître.

« Je croyais avoir été clair sur le fait de venir seul… ? »

L’autre était survolté et disposa de la remarque du Maerion sans aucune forme de cérémonie, lui disant quelque chose qui s’approchait de « Allons Aerys ! Nous sommes jeunes, profitons-en ! » et qui, jadis, aurait suffit à convaincre le cadet. Il ne répondit rien, laissant le jeune homme à son heure de gloire. Cette occasion serait peut-être utile pour lier le groupe et leur permettre de commencer une dynamique de groupe. Restait la présence d’Enoria. Il ne l’avait pas vue depuis des mois, notamment car il avait dû tenir le lit des semaines durant. Il la détailla. Il se souvenait de leur dernière rencontre, à Castel Maerion, et de leur entraînement, de leur dîner ensuite. Elle était alors vêtue avec élégance, arborant une toilette complexe rappelant la stature de son rang. Désormais, uniquement vêtue d’un fin peignoir de soie laissant peu de place à l’imagination, elle arborait ses cheveux libres et son corps délivré de tout artifice. Elle apparaissait encore plus belle que dans les souvenirs du cadet qui devait convenir qu’elle était d’une élégance sans pareil. Elle s’installa d’autorité à ses côtés, plaçant cet imbécile heureux de Baelon à son autre flanc. Aerys s’interrogeait encore sur la signification de toute cela.

« J’espère que nous ne venons pas perturber votre rendez-vous messieurs, lorsque Baelon a mentionné ces thermes je n’ai plus eu qu’une idée en tête… les découvrir enfin ! Et ayant eu la bonté de m’inviter à vous rejoindre je n’ai pu me résoudre à venir seule, à Sarnor nous considérons qu’il n’y a rien de plus divertissant qu’une assemblée mixte.  »

Aerys regarda la jeune femme droit dans les yeux lorsque celle-ci posa son regard sur lui. La plupart des membres de cette assemblée subitement construite acquiescèrent de bon cœur et Aerys dût soutenir un spectacle des plus gênants. Jamais encore il n’avait vu Baelon sous le charme d’une femme pour autre chose que son entrejambe. Il semblait sincèrement conquis par la princesse et Aerys n’aurait pas parié que ce fût réciproque. Baelon était un brave garçon mais il était bien trop médiocre pour une princesse étrangère, encore plus pour un esprit aussi embrasé que celui d’Enoria.

« Je suis heureuse de te voir en forme, Aerys Maerion, le Grand Effondrement n’aura pas eu raison de toi. »

Une lueur féroce brûla dans les pupilles améthyste du jeune Valyrien, alors qu’il faisait face à la belle de Sathar. Se fichait-elle de lui ? Elle ignorait forcément la teneur de cette rencontre, mais elle se trouvait tout de même là, bien présente. Avait-elle cherché à glaner des informations pour le compte de son pays natal ? S’agissait-il d’un simple concours de circonstances ? Avait-elle une idée de ce qu’elle avait interrompu ? Il s’efforçait de rester calme, car il songeait que cette journée resterait positive si son groupe loyal pouvait se souder entre deux coïts et une coupe d’hypocras. Décidant de faire contre mauvaise fortune bon cœur, il se pencha vers la jeune femme pour mieux lui parler sans se faire entendre tout en pouvant jeter un coup d’œil à cette poitrine si ronde qu’il avait déjà repéré jadis.

« Je suis tel Valyria, chère princesse. On peut essayer de m’abattre mais je sais me dresser toujours plus haut, en fin de compte. »

Regardant autour de lui, il constata que la plupart des duos étaient formés. Il nota quelques trios aventureux mais ce n’était pas là son problème. Il était désormais clair que cette journée se terminerait dans des explosions de jouissance plus ou moins contrôlées qui honoreraient à n’en point douter Meleys. Restait qu’ils n’avaient guère besoin de le pratiquer ici, dans ces conditions précaires, en bord d’un bassin d’eau brûlante. Avec autorité, Aerys se leva et frappa dans ses mains.

« Chers amis ! Je constate une magnifique dynamique dans notre assistance, aussi je souhaite vous proposer que nous nous rendions tous à la Place des Plaisirs pour honorer de notre présence les bordels les plus exclusifs de notre pays ! Je vous rejoindrai moi-même dès que possible, mais mon très cher Père m’a demandé de transmettre des messages diplomatiques officieux aux représentants étrangers que je pourrais croiser dans mes pérénigrations. Et quand bien même nous souhaiterions tous faire d’Enoria une parfaite Valyrienne, elle reste une parfaite Sarnore et, à ce titre, se doit d’être entretenue des derniers développements que le Conseil souhaite communiquer à ses partenaires. Nous vous retrouverons bien assez tôt, alors filez, et gardez-nous de quoi boire ! »

C’était là un pieu mensonge mais Aerys souhaitait tirer au clair la question de la présence d’Enoria dans cette réunion strictement valyrienne et strictement dédiée – du moins initialement – au réseau Maerion. Lorsqu’ils furent seuls, Baelon rechignant à abandonner sa belle, Aerys laissa la porte se refermer avant de manipuler de nouveau les cordelettes contrôlant l’arrivée d’air. Il coupa pratiquement toute évacuation, laissant la température et la moiteur augmenter lentement. Elle voulait goûter aux thermes valyriens ? Ils verraient combien de temps elle tiendrait dans la fournaise. Sans plus attendre, Aerys se débarrassa de sa toge et se plongea sans autre forme de cérémonie dans l’eau chaude fumante. Aux thermes, il n’y avait aucun tabou de corps pour les Valyriens et ils ne prêtaient qu’une attention distraite aux autres dans ce genre de configuration. Toutefois, ils étaient cette fois-là totalement seuls et le bassin était pour eux. Une fois dans l’eau, Aerys laissa ses cheveux profiter de l’eau parfumée et salée avant de s’adosser à la paroi en mosaïque, jetant un regard provocateur à Enoria.

« Eh bien, Enoria de Sathar. Où diable était donc passée ma princesse favorite depuis toutes ces lunes ? J’ai bien cru que tu m’avais oublié et remplacé... »

Malgré la fureur qui illuminait toujours son regard, il éclata de rire.

« Quoique… Peut-être le suis-je ! Mais sincèrement ? Baelon ? Vraiment ? »




Enoria Zahor Amai
Enoria Zahor Amai
Étrangère

Hidden truths are the wanderer's treasuresAerys Maerion & Enoria Zahor Amai

Thermes - An 1066, mois 8

Enoria avait toujours été une excellente observatrice, sans doute était-ce là son principal atout. Elle observait sans en avoir l’air la joie de ces hommes qui semblaient tout à fait nouveaux à l’art du badinage. Les jeunes femmes que la princesse avait invitées n’étaient pas des plus hautes naissances, des filles de marchands et d’artisans de tout Sarnor, venues trouver époux dans la capitale des dragons. Elles avaient cependant l’allure de dames et la noblesse du port de leur tête compensait tout à fait la modestie de leurs noms. Là était le présent que leur avait fait Enoria, elle ne pouvait leur garantir un mariage prestigieux, car elle n’était guère entremetteuse, mais elle leur avait transmis tout son savoir.

Il ne fallait pas disposer de capacités extraordinaires pour deviner que leur arrivée avait interrompu une réunion tout à fait sérieuse. Et pourtant, il n’avait fallu que quelques secondes pour transformer les visages et que les corps se détendent. Il n’y avait pas de vapeur dans la pièce, elle ressemblait à un bain tout à fait normal, mais la moiteur planant dans l’air rappelait la vocation de ces murs. Seul Aerys était resté sérieux lorsque leur petit groupe était entré. Cela voulait dire une chose : il était à l’origine de cette rencontre et en était probablement le meneur. C’était une information importante, car pourquoi convoquer tous ces hommes, dans un lieu privatisé et pourtant aux apparences publiques ? Le sérieux d’Aerys contrastait brutalement avec l’exaltation dont faisait preuve Baelon Maegarys. Celui-ci semblait léviter littéralement, sans doute bien fier d’être à l’origine de cette interruption féminine qui semblait réjouir l’assistance. Pourtant, ce que Baelon ne voyait pas, c’est que toute l’assistance ne se réjouissait pas, et sans doute était-il trop enthousiaste pour son propre bien.

Lorsqu’elle s’adressa à lui, Enoria maintaint son regard solidement ancré sur le visage d’Aerys. Il n’y avait rien de plus révélateur que les traits d’un visage. La jeune femme avait toujours été fascinée par cette manière qu’avaient ces derniers à se déformer, imperceptiblement, sous l’effet des émotions. Le visage d’Aerys était composé, calme, mais il n’avait pas la lueur amusée qu’elle lui connaissait. Cela pouvait être un des effets de ses blessures, ou pas. La veine de sa tempe gauche semblait se gonfler à intervalle régulier, sans doute du fait d’une certaine tension dans la mâchoire. C’était incroyablement discret et furtif, à tel point que la princesse, elle-même, crut avoir extrapolé une simple réaction à un stimuli naturel. Elle fit mine de ne pas voir le regard du jeune homme glisser de ses yeux à ses seins, et la veine, à nouveau, se gonfla. La tension donc.

« Je suis tel Valyria, chère princesse. On peut essayer de m’abattre mais je sais me dresser toujours plus haut, en fin de compte. »

La jeune femme laissa échapper un rictus amusé, il avait le sens de l’image c’était certain, mais il y avait quelque chose de différent chez lui. Elle avait connu un homme exalté, un brin extravagant, et ce qu’elle voyait à présent était tout autre chose.

« Chers amis ! Je constate une magnifique dynamique dans notre assistance, aussi je souhaite vous proposer que nous nous rendions tous à la Place des Plaisirs pour honorer de notre présence les bordels les plus exclusifs de notre pays ! Je vous rejoindrai moi-même dès que possible, mais mon très cher Père m’a demandé de transmettre des messages diplomatiques officieux aux représentants étrangers que je pourrais croiser dans mes pérénigrations. Et quand bien même nous souhaiterions tous faire d’Enoria une parfaite Valyrienne, elle reste une parfaite Sarnore et, à ce titre, se doit d’être entretenue des derniers développements que le Conseil souhaite communiquer à ses partenaires. Nous vous retrouverons bien assez tôt, alors filez, et gardez-nous de quoi boire ! »

Oh, déjà ? Enoria n’en aurait guère espéré autant. Son objectif était évidemment de se retrouver seule avec Aerys, mais elle s’était attendue à ce qu’il cherche à se débarrasser d’elle tout d’abord. Il aurait sans doute pu l’inviter à découvrir les bains parfumés dont on vantait les vertus, lui laissant l’opportunité de s’entretenir avec ces hommes. La jeune princesse aurait essayé de protester mais n’aurait pu guère s’imposer plus avant sans risque d’être ainsi démasquée. Cette décision était soit une excellente nouvelle ou un terrible augure. Elle ne faisait pas la bêtise de croire Aerys naïf, il avait sans doute beaucoup de défauts mais celui-ci n’en était pas. Il devait être suspicieux, et la jeune femme envisagea que cette volonté de rester seul avec elle pouvait être une manière de la démasquer. Soit, si c’était cela qu’il tentait de faire, alors ils seraient deux à danser au même rythme.

Baelon, qui décidément n’avait pas pour ambition de se laisser dicter sa conduite par le Maerion, aventura une main sur l’épaule d’Enoria. Ses yeux la dévoraient littéralement, et elle crut un instant qu’il allait lui demander de le suivre. Pourtant, s’il ne semblait pas des plus alertes, il n’était pas idiot. Elle n’était pas du même rang que ces filles qu’elle avait invitées, et elle ne serait pas celle qu’il serrerait dans ses bras ce jour-là. Intérieurement, Enoria se dit que c’était cependant une piste à poursuivre, le jeune homme semblait avoir des relations intéressantes et il n’y avait rien de plus malléable qu’un homme admiratif.

Alors que tous s’étaient levés pour quitter la pièce, Enoria n’avait pas bougé d’un centimètre. Elle les avait regardé se mouvoir, elle avait adressé un tendre sourire à Baelon, déposant un chaste baiser sur sa joue pour l’enjoindre à se lever à son tour et quitter la scène. Le spectacle qui se déroulerait ne pouvait se faire qu’à huis clos, et il ne pouvait y avoir que deux acteurs. Aerys se tenait debout lui également, et il s’assura de refermer la porte derrière le petit groupe dont le brouhaha avait quitté la pièce pour laisser place à un silence plein de tension. Les jambes croisées, le dos droit et la soie de son peignoir formant comme un halo de lumière autour de ses jambes bronzées, Enoria ne prononça pas une seule parole à l’intention d’Aerys. Le premier à parler serait le premier à se dévoiler dans cette nouvelle atmosphère qu’ils avaient créé. Elle l’observa refermer, une par une, les arrivées d’air, comme pour rendre plus intense encore la pression qui régnait autour d’eux. Il ne fallut guère plus que quelques secondes pour qu’à nouveau l’air ne soit brouillé de vapeur d’eau. Enoria senti ses cheveux s’humidifier légèrement, puis beaucoup plus, sa peau se couvrir d’une fine couche d’humidité. Bientôt la vapeur d’eau, liquéfiée au contact plus froid de sa peau, se mêla à la sueur, des gouttes se formèrent dans le creux de son cou, et elles ne mirent guère longtemps à entamer leur descente le long de son torse, pour finir leur course dans le creux de ses seins exposés par le décolleté de son peignoir. Il y avait bien des manières d’imposer une pression psychologique sur un adversaire, et ce que venait de faire Aerys révélait bien des choses sur l’objectif qu’il poursuivait. Ainsi devaient-ils réellement danser. La jeune princesse ne s’était attendue à rien de moins de la part du jeune homme. Elle n’était pas de ceux que l’on brise aisément, et une fille du soleil et du dragon ne craignait pas la chaleur.

La jeune femme ne bougea pas davantage lorsque le jeune homme retira sa toge sans détourner son regard. Elle-même n’en ressenti guère le besoin, il n’y avait là aucun enseignement ou découverte, elle n’était pas ignorante de l’anatomie masculine. Elle se contenta de sourire, détaillant sans s’en cacher les différents marques violacées et noires qu’exhibait encore le corps du jeune homme. Il entra dans le bain sans plus de cérémonie, ne l’y invitant pas mais laissant planer un défi non formulé. Etait-ce là un premier test ? Elle en aurait ri si cela n’était pas si insultant. La voyait-il comme une jeune vierge honteuse et effrayée de dévoiler son corps ? Elle ne se leva pas tout d’abord, fermant les yeux avec un air de contentement sur le visage alors qu’elle sentait la soie de son peignoir se déposer contre sa peau, retenu tout contre elle par l’humidité qui déjà enveloppait son corps. Ses cheveux, à présent tout à fait humides, formaient de longues ondulations au bout desquelles se détachaient quelques occasionnelles gouttes. Elle aimait la sensation de la chaleur, la sensation de son corps alourdit par la suave humidité qui n’en n’épargnait aucune parcelle.

« Eh bien, Enoria de Sathar. Où diable était donc passée ma princesse favorite depuis toutes ces lunes ? J’ai bien cru que tu m’avais oublié et remplacé... Quoique… Peut-être le suis-je ! »

La jeune femme se mit à rire de bon cœur, et c’est seulement après avoir laissé ce rire se mêler à l’air lourd qu’elle se leva et s’avança vers le bassin. Elle s’en approcha lentement, à petits pas, ses jambes cachées par les pans de son peignoirs finalement refermés. Elle tendit une jambe pour caresser l’eau du bout de ses orteils, hasardant une de ses jambes hors du sanctuaire de secret qu’était redevenu son vêtement.

« Ainsi des si nombreuses princesses que tu fréquentes j’en suis la favorite, me voilà honorée, Aerys. Comment pourrais-je t’oublier ? En revanche, en ce qui concerne le remplacement… »

Elle laissa traîner sa voix volontairement suave, suggérant tant et tant qu’elle ne put s’empêcher de rire à nouveau, cette fois avec plus de malice que de véritable amusement. Elle laissa le silence retomber un instant, puis d’un geste maîtrisé, elle promena ses doigts sur la ceinture de son peignoir et ceux-ci entreprirent d’en défaire le nœud. Avec une lenteur tout à fait calculée, elle laissa le tissu se détacher de son corps, centimètre par centimètre, avant qu’il ne quitte une première épaule, puis découvrit un sein avant de dévoiler l’autre sans plus de cérémonie. Elle le laissa finalement rejoindre le sol comme s’il s’agissait d’un accessoire tout à fait superflu, et entreprit de descendre les quelques marches qui l’amenaient à pénétrer dans les eaux fumantes et parfumées du bassin. Elle se saisit de ses cheveux, et levant les bras les remontèrent en un chignon improvisé. Enfin, elle s’installa face à Aerys, s’adossant au rebord sur lequel elle s’était tenue, debout, quelques secondes auparavant.

« C’est que, vois-tu, il se murmurait que tu devais garder le lit. Il me fallait bien trouver d’autres adversaires puisque tu ne pouvais plus me défier l’épée à la main. »
« Mais sincèrement ? Baelon ? Vraiment ? »
« Oh mais je te rassure, je ne pense pas que Baelon soit de ceux que je défierais à l’épée... Mais après tout il y a bien d’autres activités pour occuper de longues journées. Qu’en penses-tu ? »

Le rire d’Aerys avait eu quelque chose d’animal que la jeune femme apprécia. Il dissimulait relativement mal ses émotions, mais il semblait les ressentir toutes à la fois, ce qui compliquait toute tentative d’interprétation.

« Tu as raison de profiter de ces thermes, ces quelques mois alité ont dû émousser ton corps et tes sens, il n’y a rien de tel que les bains pour retrouver une vigueur regrettée. Vois-tu, Baelon m’a peint un si merveilleux tableau en me décrivant les thermes valyriennes que je n’ai pu que souhaiter m’y rendre. Son invitation semblait tout à fait cavalière mais après tout… j’aime les hommes déterminés. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que ce fameux ami qu’il souhaitait rejoindre n’était autre que toi ! Crois-tu que l’un de vos Dieux tentent de te mettre sur mon chemin ? »

Le sourire mutin d’Enoria en disait long sur le plaisir qu’elle prenait à jouer de ses mots pour piquer au vif un jeune homme qu’elle sentait d’ores et déjà en tension. Elle se garda bien de se rapprocher de lui, la distance ne faisait qu’ajouter à la tension qui s’était tissée entre eux. Cette dernière recouvrait tant de facettes qu’essayer de la percer à jour était peine perdue. Il y eut quelques coups à la porte, puis rapidement un jeune homme, qu’Enoria identifia comme un esclave, vint déposer à mi-chemin entre Aerys et elle, au bord du bassin, un lourd plateau d’argent sur lequel avait été déposés des coupes, vides, deux carafes, et quelques fruits. Un second esclave le suivait, le visage baissé, le regard fixé sur le sol, et il déposa de multiples huiles, savons et brosses pour le corps. Enoria réprima son réflexe premier qui lui intima d’aller se saisir d’une de ces coupes, elle se contenta d’attraper l’une des petites fioles d’huile, qui avait l’odeur d’une fleur blanche dont Enoria avait oublié le nom mais qui sentait divinement bon. Elle en versa quelques gouttes dans le creux de sa main avant de porter cette dernière à son épaule, puis de descendre le long de son bras pour étirer ces quelques gouttes sur sa peau. Un sourire aux lèvres elle replongea son regard dans celui d’Aerys. Non elle ne flancherait pas, et s’il ne l’avait pas encore compris, alors sans doute passeraient-ils un long moment dans cette pièce à présent tout à fait remplie d’une vapeur d’eau qui brouillait les frontières et les limites.





Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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Hidden truths are the wanderer's treasuresEnoria Zahor Amai & Aerys Maerion

Thermes de Valyria - An 1066, mois 8

Aerys appréciait les thermes depuis son tout jeune âge.

Il se souvenait avec précision des premières fois où il avait débuté à fréquenter les thermes de sa propre initiative. Les bains, qu’ils fussent revigorants ou vaporeux, avaient une faculté apaisante sur son esprit qu’il avait appris à chérir comme une pause bienheureuse dans une ville aussi trépidante que Valyria. Il estimait qu’un passage régulier aux thermes lui permettait d’éviter de sombrer dans une mélancolie folle. Aussi, parmi tous les sacrifices auxquels il lui avait fallu consentir durant le conflit, la privation d’une séance régulière dans l’eau bouillonnante l’avait marqué. Il avait pu, parfois, profiter de sources chaudes locales, mais rien n’était aussi chaud et agréable que l’eau brûlante de Valyria. Au retour de la guerre, Aerys avait passé un temps infini aux thermes et il n’avait jamais autant apprécié ce retour à l’eau chaude.

Aussi, il observait Enoria d’un air profondément apaisé alors qu’elle jouait avec l’eau du bout de son pied. D’aucuns auraient pu la considérer fuyante tant elle dévoilait ses cartes avec parcimonie mais cela aurait été bien mal la comprendre. La native de Sathar était surtout stratège et aimait à rappeler qu’elle – et elle seule – était maîtresse du tempo et qu’elle imposait son rythme, et non l’inverse. Certains y auraient vu une forme d’hésitation, Aerys y percevait une forme d’insoumission absolue à toutes les règles humaines ; car Enoria était un esprit libre, fait pour le rester. Détaillant la jambe galbée qui s’offrait à sa vision, Aerys s’installa confortablement contre le rebord opposé, faisant face à la jeune femme avec un rictus plein de défi. Il n’avait guère besoin de proférer la moindre parole pour que la jeune femme comprenne ce qu’il avait en tête.

« Ainsi des si nombreuses princesses que tu fréquentes j’en suis la favorite, me voilà honorée, Aerys. Comment pourrais-je t’oublier ? En revanche, en ce qui concerne le remplacement… »

Son rire éclipsa la note suave que sa voix prenait jusqu’à présent. Aerys était relativement simple dans ses goûts et il avait toujours apprécié voir une belle jeune femme rire face à lui. La voix de la princesse monta en écho autour d’eux, se perdant dans la moiteur de l’air ambiant. Lorsque les mains d’Enoria commencèrent à s’activer autour de la ceinture de soie de son peignoire, Aerys se redressa malgré lui, se demandant si elle irait jusqu’au bout. Il lui était difficile de parvenir à anticiper les faits et gestes de la jeune femme. Il aurait été malhonnête d’affirmer que cela ne lui plaisait pas. Observant le tissu glisser le long de la peau ambrée de la princesse, Aerys pouvait sentir sa gorge légèrement asséchée. Il n’était qu’un homme, et il en avait conscience. Mais il aurait été sot, selon lui, de ne pas profiter de ce que la vie et le moment avaient à lui offrir.

Aerys détaillait ce corps qui s’offrait à sa vue à chaque parcelle de peau que découvrait la chute du peignoir. Il contemplait avec un ravissement certain la courbe d’un sein apparu subrepticement, le contraste de l’auréole surmontée d’un fin relief qu’il aurait volontiers embrassé, le sillon parfaitement dessiné et ce sourire mutin toujours présent. Lorsqu’enfin le peignoir chuta au sol, Aerys laissa son regard suivre la courbe des hanches de la jeune femme jusqu’à son intimité dissimulée guère plus de temps que nécessaire, mais suffisamment pour intégrer cette image dans sa mémoire. Enfin, elle entra dans l’eau et se noua les cheveux, laissant toute latitude à Aerys d’observer une dernière fois son corps avant que celui-ci ne retournât sous l’eau, dissimulé à une œillade toute décadente.

« Oh mais je te rassure, je ne pense pas que Baelon soit de ceux que je défierais à l’épée... Mais après tout il y a bien d’autres activités pour occuper de longues journées. Qu’en penses-tu ? »

Cette fois, ce fut à Aerys d’éclater de rire.

Il n’avait pas ri ainsi depuis des mois, il s’en rendait compte. Malgré ce rire, il restait profondément furieux et troublé. La préoccupation qui avait envahi son esprit depuis qu’il avait retrouvé conscience ne l’avait plus jamais quitté. Comment se comporter, dès lors ? Il avait prévu de planifier la riposte avec ses plus proches alliés dès aujourd’hui. Il se retrouvait dans la position, certes agréables, de partager un bain dans la plus stricte intimité avec l’une des femmes les plus désirées de Valyria. Ce n’était absolument pas ce qui était prévu et il regrettait déjà le temps qu’il allait consumer ici alors qu’il aurait pu être en train de palier au plus urgent : la sécurité de son héritage. Pourtant, quelque chose le poussait à rester, à entretenir cette danse mystique qui se jouait entre Enoria et lui.

« Tu as raison de profiter de ces thermes, ces quelques mois alité ont dû émousser ton corps et tes sens, il n’y a rien de tel que les bains pour retrouver une vigueur regrettée. Vois-tu, Baelon m’a peint un si merveilleux tableau en me décrivant les thermes valyriennes que je n’ai pu que souhaiter m’y rendre. Son invitation semblait tout à fait cavalière mais après tout… j’aime les hommes déterminés. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que ce fameux ami qu’il souhaitait rejoindre n’était autre que toi ! Crois-tu que l’un de vos Dieux tentent de te mettre sur mon chemin ? »

Se contentant de secouer la tête d’un air exagérément dépité, Aerys garda le silence alors qu’un esclave, puis un autre, apportaient des mets, du vin et des huiles. Enoria fut la première à bouger, se dirigeant vers les plateaux d’argent pour se saisir de ce qu’il imaginait être une petite fiole dont il ne distinguait pas bien la contenance. La vapeur était épaisse. Un instant, Aerys se demanda s’il n’y avait pas du poison. Après tout, il n’avait aucune idée de qui avait contrôlé les esclaves, si d’aventure contrôle il y avait eu. Un bref instant, il resta interdit, surveillant de près la jeune femme, oubliant toute la tension érotique qui s’installait entre eux depuis l’entrée d’Enoria dans la pièce. L’observant déposer quelques gouttes du liquide mystérieux renfermé par la fiole dans le creux créé par la paume de sa main, Aerys se détendit légèrement en voyant Enoria répandre le contenu sur son épaule.

Son regard était une invitation à la luxure, un défi permanent qu’elle l’invitait à relever. Il n’était peut-être plus vieux que de quelques mois depuis leur rencontre officielle à Castel Maerion, mais il avait pris du plomb dans la tête, et cela avait être autrement qu’au simple sens figuré. Sans décrocher son regard de la jeune femme, il se releva pour se diriger vers elle. Au centre, le bassin devenait plus profond et il fit quelques brasses pour rejoindre Enoria devant les deux plateaux apportés plus tôt. Il se trouvait très proche de la jeune femme, la dépassant légèrement.

« Techniquement, j’étais là le premier… Peut-être est-ce plutôt ta volonté de me revoir au plus vite qui est à louer pour ces retrouvailles anticipées ? » glissa-t-il avec un sourire charmeur plus mécanique que vraiment spontané.

Il se stupéfiait lui-même devant la force de volonté qu’il déployait à ne pas laisser son regard dériver vers l’orgueilleuse poitrine aux aspérités saillantes de la princesse. Il pouvait sentir l’odeur de l’huile essentielle émanant de la peau d’Enoria. Se baissant vers le cou de la jeune femme comme pour l’embrasser, il huma le parfum qui s’en dégageait avant de s’éclipser d’un geste fluide.

« Mais je ne peux exclure que Meleys ait en effet de grands desseins pour nous. Après tout, les Dieux ont créé le monde et Valyria… avant de faire de nous le peuple que nous sommes. »

Malgré tout le flegme qu’il pouvait y mettre, Aerys pensait sincèrement ses paroles et il comptait parmi les plus dévot et les plus assidus des temples de sa génération. Grandir avec Arraxios et Vhaenyra Maerion pour parents avait des conséquences, et un enseignement profondément religieux en faisait partie. Rompant le contact visuel avec la jeune femme, il se pencha pour attraper une première carafe au hasard, et effleura la poitrine de la jeune femme dans un geste mi-calculé, mi-manqué. Il n’avait pas pensé sentir le contact du bouton courir le long de sa main lorsqu’il avait fait bouger celle-ci, mais il avait visiblement encore de quoi s’améliorer dans la gestion de l’espace. Humant la carafe, il sentait ses narines se dilater sous les vapeurs d’alcool. C’était un vin qu’il connaissait, du moins si son odorat ne le trompait pas.

« A première vue, je dirais que c’est un blanc de Draconys. Mais une seule façon de le vérifier ! »

Et sans plus de cérémonie, il porta la carafe directement à ses lèvres et en prit une longue gorgée. Doux et sirupeux, le vin était pourtant rafraîchissant et se dégustait avec des agrumes dont plusieurs étaient d’ailleurs disposés sur le même plateau. Tendant le vin à Enoria, il retrouvait son attitude espiègle de jadis.

« Nous n’avons que deux verres et deux carafes ! J’évite de nous retrouver à devoir mélanger les deux dans un seul verre au moment de changer. J’espère ne pas choquer Votre Altesse Princière, » continua-t-il avec un ton sarcastique, esquissant un simulacre grossier de révérence.

Lui tendant la carafe, Aerys l’invita du regard à venir y boire. Sourd à toute moquerie, il s’approcha au plus près du corps de la jeune femme, sentant sa poitrine contre la sienne, alors qu’il inclinait la carafe pour la faire goûter le fameux vin.

« Eh bien, eh bien ! Te voici donc officiellement encanaillée avec la noblesse non-royale ! »

Déposant de nouveau la carafe sur le plateau, Aerys plongea son regard améthyste dans celui de la native de Sathar, si l’air était toujours badin, le regard semblait un peu plus scrutateur que jadis.

« Tu savais que je serai ici, n’est-ce pas ? »

Lui-même ignorait ce que signifiait cette question et la réponse qu’il espérait.


Enoria Zahor Amai
Enoria Zahor Amai
Étrangère

Hidden truths are the wanderer's treasuresAerys Maerion & Enoria Zahor Amai

Thermes - An 1066, mois 8

« Enoria ! Mais attends-moi… »

Les jardins d’eaux du palais du roi de Sathar n’avaient pas de pareille dans tout le royaume de Sarnor. Nombreux étaient les rois qui utilisaient mille artifices pour lui faire de l’ombre, usant de palais grandioses et de bijoux splendides. Pourtant, les jardins de ce palais avaient en eux bien trop de poésie pour se voir concurrencés par les incarnations égotiques d’hommes vains. Enoria avait passé sa jeunesse dans les eaux de cet espace hors du temps. Là encore, alors qu’elle venait de fêter sa quinzième année, c’est dans les méandres naturels qu’elle avait choisi de se perdre et de perdre celui qui s’était élancé à sa suite. Le perdre, rien n’aurait pu être plus juste. Aucun d’entre eux n’auraient pu s’en douter, mais c’est bien ici qu’ils se perdraient. Cela faisait plusieurs minutes qu’elle courrait mais n’entendait plus ni les pas, ni la voix de Rhezor. Elle ne se risqua guère à se retourner, car elle le savait fin pisteur. Pourtant, à mesure qu’elle s’enfonçait dans les jardins, sa curiosité s’en retrouvait piquée. Avait-il réellement cessé de la poursuivre ? C’était un jeu auquel ils étaient devenus, tous deux, de véritables experts.

Rezhor Maïnos était devenu, à l’âge de cinq ans, la pupille du roi de Sathar, et le meilleur ami d’Enoria. Neveu du roi de Mardosh, il ne serait jamais appelé à régner, mais il était l’instrument d’une tradition immémoriale. Un fils de Mardosh devait grandir à Sathar, quand la ville aux cascades confiait entre les mains de la ville des armée l’éducation de l’un des siens. Cet échange avait eu pour objectif de nouer une alliance impossible à dissoudre entre les deux villes. Cette alliance avait été chahutée par les années mais la tradition avait perduré. Rezhor était un fils de Mardosh et tout, du physique à l’attitude du jeune homme, renvoyait à ses origines. Il se murmurait que Mardosh n’élevait pas des hommes, mais des guerriers, que la ville n’avait que faire de bons sujets car elle ne désirait que de fidèles soldats. Sans doute la réputation des mardoshi était-elle éloignée de la réalité, issue de généralités aisément tirées de quelques exemples glorieux. Pourtant, à bien le regarder, il eut été aisé de déterminer que Rezhor n’était pas un fils de Sathar. Il avait cependant été profondément aimé et choyé par la famille Zahor Amai, qui l’avait accueilli en fils.

Bien des choses avaient changé pourtant depuis les premiers pas de Rezhor Maïnos à Sathar. Le petit garçon était à présent un jeune homme de dix-sept ans. Cela faisait bientôt trois ans que le service militaire puis son engagement dans le commandement de l’armée de Mardosh l’avait éloigné de Sathar. Cela faisait trois années qu’il n’avait pu qu’entrevoir celle qui peuplait chacun de ses souvenirs d’enfance. Enoria le savait, car l’homme peuplait les siens. Il peuplait ses rêves également. Elle l’avait vu alors qu’elle revenait du verger, les bras pleins de fruits, et elle n’avait pu que s’arrêter et lâcher ses victuailles pourtant gagnées au prix d’un effort non négligeable. Il était formidable. Son costume militaire, son allure, le regard qu’il avait déposé sur elle, tout n’avait été que pur choc. Alors elle avait délaissé ses fruits et tourné le dos. Elle s’était tout d’abord éloignée d’un pas lent et mesuré, entendant au loin les excuses d’un père confus face à une telle réaction. Puis elle l’avait entendu l’appeler. Elle savait qu’il l’appellerait. Elle savait qu’il comprendrait. Alors elle s’était mise à courir et lui aussi. Pourtant après quelques minutes, Enoria eut la terrible impression d’être à présent tout à fait seule à courir. Il ne pouvait pas s’être perdu, il connaissait ces jardins aussi bien que la jeune femme, et il saurait où elle le menait. Ou l’aurait-il oublié ?

Lorsqu’elle quitta finalement le chemin pour atteindre l’endroit vers lequel elle courrait depuis le début, elle laissa échapper un rire incontrôlable. Il était là, debout, la regardant avec ce même sourire insolent qu’il lui avait adressé à chaque fois qu’il avait eu le dessus sur elle. La jeune femme s’arrêta, sans un mot pour celui qu’elle revoyait seule à seul pour la première fois depuis de longues années. Il était fils de Mardosh, à présent frère cadet du nouveau roi, promis – disait-on – à la dernière fille du Haut-Roi. Il n’y avait plus rien que Rezhor puisse offrir à Enoria. D’ailleurs, elle n’attendait rien de lui, car son destin la mènerait sous peu vers les rangs d’une armée disposée à la former. Alors elle ne dit, ni ne fit rien lorsqu’il commença à retirer l’armure de cuir aux armes de sa ville natale, dévoilant un corps qui n’avait plus rien de familier avec ce que la jeune princesse avait connu. Elle regarda ce corps soudain étranger pénétrer dans la réserve d’eau fraîche, y avancer lentement pour finalement s’abandonner à la fureur de la cascade qui s’y jetait. Il y avait des dizaines de cascades dans les jardins d’eaux, mais celle-ci avait été, dès la première heure, la favorite des princes et princesses du palais.

Comme elle venait de le faire face à Aerys Maerion, Enoria avait retiré sa robe sans davantage de pudeur, elle était entrée dans les eaux fraîches de Sathar comme elle venait de le faire dans le bassin fumant des thermes valyriennes. Elle était jeune, moins expérimentée, mais la différence majeure était que rien d’autre ne présidait à sa présence en ces lieux que la relation particulière qui la liait au fils de Mardosh. Bercée par la chaleur des eaux et le délice des senteurs, Enoria ne put retenir une légère mélancolie de l’envahir. Elle regrettait l’innocence de cette vie d’avant. Elle aurait voulu regarder Aerys comme ce qu’il était, un homme, et qu’il ne la voit que comme la femme qu’elle était. Elle ne put pas non plus repousser l’image de Rezhor. Elle avait, ce jour-là dans la source d’eau, goûté ses lèvres et sa peau, mais la leur n’était pas de ces histoires d’amour vouées à défier le destin. Il n’avait pu être sien que par le corps et cela serait ainsi pour toujours.

A regarder Aerys, Enoria se demanda s’il en serait de même pour lui. Elle n’était guère conquise par le visage fantasque que le jeune homme donnait à voir, mais elle avait vu une toute autre facette de l’homme qui, elle, avait réussi à l’atteindre. Enoria aimait les hommes brisés, par-dessus tout elle aimait ces hommes capables de tirer de ces fêlures une force faisant défaut au commun des mortels. Elle ne savait guère si Aerys Maerion était capable d’un tel exploit, s’il serait même capable de provoquer l’émoi que Rezhor continuait de provoquer en elle à chacune de ses lettres. D’ailleurs, là ne devait pas être l’objectif. Enoria Zahor Amai était en mission, et elle ne doutait pas qu’Aerys le fusse également.

Quelque peu perdue dans ses pensées, prenant le temps d’oindre sa peau d’huile de lavande, Enoria n’avait prêté qu’une attention périphérique aux agissements d’Aerys. C’est ainsi qu’elle fut surprise de le retrouver si proche d’elle.

« Techniquement, j’étais là le premier… Peut-être est-ce plutôt ta volonté de me revoir au plus vite qui est à louer pour ces retrouvailles anticipées ? »

Enoria répondit à la provocation d’Aerys par un rire sincère. Elle jouait la naïveté à la perfection, n’était-ce pas, après tout, le fruit de toute son éducation ? Elle décelait une certaine réserve de la part d’Aerys. Elle n’était pourtant guère capable de mettre le doigt dessus, il ne s’agissait que d’un ressenti diffus, une impression. Il avait rarement été si proche physiquement, et pourtant il y avait entre eux une distance, instaurée par Aerys, qu’elle n’avait pas ressenti lors de leur première rencontre. Le rapprochement physique avait d’ailleurs sans doute pour objectif de masquer cette distance subtile. Peut-être même Aerys tentait-il de pousser la jeune femme dans ses retranchements, de l’amener aussi loin que possible afin qu’il ne finisse par craquer, par laisser tomber le masque et révéler malgré elle ce qu’elle s’évertuait à dissimuler. Cette simple pensée ne fit qu’alimenter le rire de la jeune femme. S’imaginait-il réellement qu’il soit si aisé de la neutraliser ? Lorsqu’il approcha son visage de son cou, la jeune femme ne recula pas, elle ne tressaillit même pas, elle se contenta de le suivre du regard, un air de défi ornant ses traits.

« Mais je ne peux exclure que Meleys ait en effet de grands desseins pour nous. Après tout, les Dieux ont créé le monde et Valyria… avant de faire de nous le peuple que nous sommes.»
« Ma mère avait pour coutume de nous raconter une histoire au sujet de Meleys. Sans doute la connais-tu. Il y a, dans le nord de Valyria, une coutume pour les femmes de rendre hommage à Meleys… Attention, je ne te parle pas d’offrandes pour obtenir les faveurs d’un époux. Elles prient la déesse de leur apporter l’amour, mais de les protéger de cet amour. N’est-il pas étrange que l’amour puisse amener un être à se déclarer maître d’un autre ? … Alors même que certains de ces êtres ne sont pas même maîtres d’eux-mêmes. »

La voix d’Enoria était calme, posée, presque suave alors même qu’elle n’essayait guère d’insuffler plus de sensualité qu’il n’y en avait déjà.

« A première vue, je dirais que c’est un blanc de Draconys. Mais une seule façon de le vérifier ! »

Ainsi les frasques d’Aerys n’étaient-elles pas finies. Enoria se doutait que jamais le masque ne tomberait, et pourtant elle se surprit à le souhaiter. Elle avait envie de percer à jour cette carapace fantasque que lui opposait Aerys. Elle avait tenté de se convaincre qu’il s’agissait là de la recherche d’une faiblesse exploitable pour sa mission mais il n’en était rien. Elle voulait le connaître, car elle se sentait attirée par l’obscurité du jeune homme, elle voulait posséder sa violence, sa peine et ses doutes. Chose étrange que les réactions naturelles d’un corps auquel l’esprit avait pourtant interdit tout loisir ne répondant pas à ses objectifs.  

« Nous n’avons que deux verres et deux carafes ! J’évite de nous retrouver à devoir mélanger les deux dans un seul verre au moment de changer. J’espère ne pas choquer Votre Altesse Princière, »

Un maigre sourire vint orner les lèvres de la jeune femme alors qu’elle ne détourna pas le regard de celui d’Aerys une seule seconde. Pour seule réponse, Enoria approcha imperceptiblement son visage en direction d’Aerys. Elle voyait ce qu’il cherchait à obtenir : n’importe quoi. Stratégie classique de celui qui ne sait guère par où commencer, Aerys installait une situation propice à la recherche, à l’observation, à la déstabilisation de celle dont il essayait d’obtenir des informations. La distance n’était plus subtile, elle l’était de moins en moins à mesure que s’installer la proximité des corps. Cette distance n’était autre que la méfiance. Basculant sa tête vers l’arrière, très légèrement, elle accueillit le cristal humide de la carafe contre ses lèvres, ces dernières remplaçant celles d’Aerys. Quelques gouttes de vin s’échappèrent de la carafe, traçant un sillon coloré le long du cou et de la poitrine de la jeune femme, avant de rejoindre l’eau non sans avoir teinté la poitrine d’Aerys. C’est à cet instant qu’Enoria pris conscience du contact physique instauré par le jeune homme.

« Eh bien, eh bien ! Te voici donc officiellement encanaillée avec la noblesse non-royale ! »

Enoria avait voulu conserver la maîtrise d’elle-même, mais elle ne put que se rendre à l’évidence, elle était mal à l’aise. La proximité d’Aerys, cette stratégie qu’il mettait en place pour la déstabiliser, tout cela parvenait à lui perdre le fil de ce qu’elle cherchait à accomplir. Elle ne sut si c’était parce que ce contact lui plaisait, ou parce que l’attitude d’Aerys lui déplaisait, mais elle sut que son malaise devenait visible. Il était devenu si visible que lorsque le jeune homme replongea ses yeux dans ceux d’Enoria, elle sut qu’il avait trouvé une brèche dans laquelle s’engouffrer.

« Tu savais que je serai ici, n’est-ce pas ? »

Il y avait plusieurs réponses possibles, et le premier réflexe d’Enoria aurait été de nier. N’était-ce pas, d’ailleurs, ce qu’elle avait fait lors de son arrivée ? N’avait-elle pas cherché à prétendre que cette rencontre était fortuite ? Loin de dissimuler son trouble, elle le laissa s’afficher sur son visage et habiter ses yeux. Ces yeux qu’elle détourna de ceux d’Aerys avant de se reculer pour réinstaurer une distance physique entre leurs deux corps. La jeune femme traversa le bassin, tournant le dos au jeune Maerion, avant de lui faire face à nouveau alors qu’elle s’adossait aux mosaïques qui entouraient le bassin.

« Qu’aimerais-tu entendre, Aerys ? Quels mots seraient les plus à même de te combler ? »

Le trouble avait disparu, ne restait plus que ce regard, intense, plongé dans celui du jeune homme. La voix, elle non plus, ne laissait entendre aucun tressautement, aucune hésitation, simplement de la… résignation ?

« Nous autres, filles de Sarnor, ne sommes pas comme les filles du dragon. Nous ne fascinons pas comme ces valyriennes dont le simple nom suffit à aiguiser les sens. Nous ne chevauchons pas de dragons. Mais nous avons une force et une indépendance que je n’ai guère retrouvé dans les œillades timides et les sourires timorés des jeunes femmes de ta République… »

Lorsqu’elle avait rencontré Daenerys Maerion, Enoria ne put retenir son étonnement. La jeune femme était une créature étrange, définitivement effacée et discrète en public. Ce qu’elle n’avait pu ignorer, cependant, c’était la dévotion de cette jeune fille pour son frère… et non celui qu’elle devait épouser. Cela n’était un secret pour personne. En revanche les sentiments dudit frère à l’égard de sa sœur était infiniment moins évident.

« … Tu aimes la force, mais tu as été élevé pour aimer une femme qui te serait dévouée. N’est-ce pas là la pensée de tous les valyriens du Sud ? Et bien vois-tu Aerys, j’ai voulu te prouver qu’il y avait bien des avantages à posséder une femme indomptable. »

Enoria s’écarta du mur pour plonger dans les eaux fumantes du bassin. Il ne lui fallut guère d’efforts pour atteindre Aerys qui n’avait pas changé de place. Elle sorti de l’eau face à lui, son corps ne touchant pas celui du jeune homme mais créant un mouvement de l’eau doux contre sa peau. A présent debout face à lui, elle rassembla ses cheveux sur l’une de ses épaules, puis se saisit de la carafe que le jeune homme avait porté à ses lèvres quelques minutes auparavant. La reposant, la jeune femme laissa retomber le silence quelques instants, avant de prendre une grande inspiration.

« Oui, Aerys, je savais que tu serais là aujourd’hui. La question est, pourquoi a-t-il fallu tant de ruse pour obtenir de te voir ? Je n’ai guère souhaité m’attirer l’ire de ta jeune sœur en me rendant à ton chevet, mais j’imaginais que le temps où il fallait l’autorité de ton père pour nous réunir était passé. »

Enoria baissa les yeux, un air peiné sur le visage.

« Mais à m’entendre ainsi, je réalise le ridicule de mon entreprise. Tu ne m’y reprendras plus. »

D’un geste leste, Enoria s’éloigna d’Aerys et gravit les petites marches lui permettant de quitter le bassin. Elle n’était pas adepte des faux départs. Pour le moment, Aerys Maerion était un sujet trop dangereux, capable de mettre en péril sa mission. Elle devrait commencer ailleurs, probablement auprès des Cellaeron, ou peut-être des Tergaryon. Maegon Tergaryon serait une cible de choix, et bien moins méfiant qu’Aerys ne l’était. Tout pouvait encore se passer, Aerys pouvait la laisser partir comme la retenir. S’il la retenait, tout pouvait se produire, le bon comme le mauvais, et Enoria n’était plus certaine de savoir ce qui était bon et mauvais entre eux. Alors peu importait la suite des événements, car il n’y avait là aucune menace qu’elle n’était prête à exécuter. Il était trop méfiant pour qu’elle puisse tirer quoique ce soit de lui. Alors elle devait partir. Et si elle restait finalement, s’il la rattrapait, alors les cartes seraient rebattues.


Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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Hidden truths are the wanderer's treasuresEnoria Zahor Amai & Aerys Maerion

Thermes de Valyria - An 1066, mois 8

Regardant Enoria sortir de l’eau avec une certaine incrédulité, Aerys se demanda comment l’esprit féminin pouvait être aussi inconstant.

Cette réflexion misogyne passée, il se demanda quoi faire. Il n’était pas un excellent juge de caractère et il avait bien vu l’expression triste qui s’était peinte sur le visage d’Enoria. Après tout, il savait que certaines personnes étaient douées pour jouer les émotions et il était certain qu’elle n’échappait pas à la règle. Toutefois, cela ne l’empêchait pas d’être sincère. Était-elle vraiment peinée par sa question ?

Cette question tourna rapidement dans l’esprit du jeune Maerion. Par ses origines étrangères, par sa naissance princière et par son éducation radicalement différente de celles des Valyriennes, elle avait capté l’intérêt et la curiosité du cadet Maerion bien plus qu’il ne l’aurait souhaité. Elle était rafraîchissante et passionnante, il ne voulait pas qu’elle disparaisse de sa vie ainsi. D’un bond, il sauta hors de l’eau et s’élança à sa suite, glissant et manquant de s’étaler tout du long. Il la rattrapa et la retint par le poignet, l’obligeant à pivoter et à se retrouver face à lui. Il prit un moment pour apprécier le cadre. Il avait face à lui le visage d’Enoria, la douceur de ses traits et son air décidé. Derrière elle, le bassin aux eaux fumeuses était à peine visible dans la vapeur qui avait envahi les lieux.

« Enoria, attends. »

Sans lâcher son poignet, il se pencha sur elle pour profiter de la surprise et déposer un bref baiser sur les lèvres charnues de la princesse. Il s’était laissé porter par le moment et ce qu’il imaginait être une impulsion et une envie partagée. La main qui se resserra sur sa gorge l’en détrompa immédiatement. Il rouvrit les yeux qu’il avait fermé pour embrasser Enoria et tomba nez à nez – ou plutôt œil à œil – avec le regard courroucé et brûlant de colère de la jeune femme qui le tenait à la gorge. Il dût lutter un bref instant, sentant l’air lui manquer, avant de se libérer tant la prise de la jeune femme était forte. D’une voix furieuse, elle lui intima d’apprendre à se comporter en présence d’une princesse. Une bouffée de colère commença à envahir le cœur du Valyrien qui ne supportait guère qu’on le toise de haut et qu’on lui jette un statut social à la figure. Toute princesse qu’elle était, elle n’était pas Valyrienne : le monde entier était inférieur au peuple élu, selon Aerys. Toutefois, il leva les mains en signe de reddition.

« Allons, allons. Je ne voulais pas t’offenser, ni te heurter. Tes paroles m’ont… intrigué, Enoria. Je te présente mes excuses. »

Ce faisant, ils se tenaient désormais tous les deux, l’un face à l’autre, avec une faible distance malgré le contact physique rompu. Il aimait la force brute car c’était ainsi qu’il avait été élevé. Il avait baigné dans une culture où les hommes violents étaient souvent mis à l’honneur, où la force primait sur l’esprit et où les femmes tenaient une place bien spécifique. La guerre n’avait fait que renforcer cette conception du monde, malgré les femmes qui se battaient parfois à ses côtés. Même s’il trouvait Enoria aussi charmante qu’intéressante, il ne déviait pas de sa conception du rôle des femmes.

« Je te suis en tout cas reconnaissant de vouloir me montrer ce que cela fait de… posséder une femme indomptable. Mais rassure-toi, je n’en demande pas tant. À danser avec le feu, on finit par s’y brûler. Et nous autres Valyriens, sommes brûlants. »

Un sourire narquois peint sur son visage, Aerys faisait face à Enoria avec fierté. Il avait sur le visage cet air indomptable que les Valyriens avaient en permanence ; exaltés par leur sang et leur manifeste destinée. Aerys prit sur lui de saisir les deux mains de la jeune princesse tout en l’interrogeant du regard. Ne voyant pas venir de représailles, il resserra légèrement sa prise sur les doigts de la Sarnore.

« Tu es une personne énigmatique et fascinante. Et maintenant, j’apprends que tu souhaitais me voir depuis toutes ces semaines. Je t’avoue être interloqué et… plutôt curieux de ce qui peut me valoir une telle attention. »

S’il était sincère dans ses questions, il se souvenait également du rapport que lui avait fait Hordar Kihzeznis de sa propre expérience du Grand Effondrement. Il avait rencontré Enoria dans les égouts sans être capable de parvenir à expliquer précisément pourquoi et comment elle s’était retrouvée là. Dans la purge qui se préparait côté Maerion, cette information avait largement attiré l’attention d’Aerys. Si son esprit était quelque peu perturbé par les actes et la plastique d’Enoria, il n’en gardait pas moins cette information en tête. Mais pour le moment, il devait gagner sa confiance et ne pas avoir l’air trop suspicieux. Il se laissa donc aller à son talent naturel pour avoir l’air complètement inconstant.

« Indomptable tu es, et indomptable tu resteras, Enoria. Je le vois bien. Et pourtant, lorsque le feu lèche ta peau, tu ne recules pas, au contraire. Que cherches-tu ? Sa chaude caresse ne t’est pas insupportable ? »

Le regard empreint d’un désir de plus en plus évident, Aerys s’était encore approché, joignant leurs mains entre eux.

« Il n’y a qu’une solution pour t’empêcher de te brûler. »

Un sourire éclata soudain sur la figure d’Aerys alors qu’il appliquait une poussée sur les mains d’Enoria et sur tout son corps pour la faire basculer en arrière vers le bassin qui se trouvait dans son dos. Il la vit basculer, il commença à éclater de rire mais une poigne puissante se referma sur l’un de ses poignets et il glissa, rejoignant Enoria dans une gerbe d’eau chaude et se retrouvant entrelacé dans son corps alors qu’ils coulaient tous deux en se débattant mutuellement.


Enoria Zahor Amai
Enoria Zahor Amai
Étrangère

Hidden truths are the wanderer's treasuresAerys Maerion & Enoria Zahor Amai

Thermes - An 1066, mois 8
« Enoria, attends. »

Il ne l’avait pas simplement interpelée, Aerys s’était arraché à la douce chaleur des eaux pour la rattraper… littéralement. La main d’Aerys, enroulée autour de son poignet, n’était pas celle d’un amant éprouvé, elle était plus ferme, mais elle ne paraissait pas davantage être celle d’un ennemi. La jeune princesse évoluait sur un terrain instable. Elle naviguait dans les intrigues valyriennes sans jamais en avoir l’air et sans doute la décision de prendre Aerys au piège au cœur des thermes ne serait-elle pas sans conséquences. Plus elle fréquentait le jeune homme et plus il lui semblait évident que celui-ci était habitué à ce genre de manœuvres et ne s’y laissait guère prendre. Simplement une mission était une mission, et l’objectif principal d’Enoria en ces lieux était de lui faire abaisser ses barrières et gagner sa confiance. Force était de constater que cet objectif était loin d’être rempli.

A sa grande surprise, alors qu’elle s’imaginait que le jeune homme reprendrait la parole, Enoria l’observa se rapprocher d’elle furtivement, déposant un baiser sur ses lèvres. Il ne s’agissait pas là d’un baiser conquérant, il n’avait pas déchainé toute sa passion dans l’entreprise de ce baiser, bien au contraire, et Enoria en fut déstabilisée. Il y avait dans ce baiser furtif, presque hésitant, une once de… sincérité. Si elle était tout à fait honnête, ce qu’elle ne serait sous aucun prétexte, Enoria aurait dû avouer que ce contact ne l’avait pas laissée de marbre. Et si elle était tout à fait stratège, la jeune femme aurait du tirer avantage de ce rapprochement pour évacuer tous les doutes du jeune homme sur sa présence ici. Après tout, il n’y avait rien de plus convaincant pour un homme qu’une femme s’offrant à lui. Naïfs, ils s’imaginaient que toutes les femmes devaient être prudes, discrètes, et se réserver pour leurs époux… C’était ainsi qu’ils les voyaient et ne pouvaient les imaginer autrement. Il allait sans dire que ce n’était pas la perception d’Enoria et qu’elle disposait de son corps comme elle l’entendait… Ce qui était bien commode pour une femme dans sa position à Valyria. Pourtant, loin de se laisser faire, elle enserra le cou du jeune homme afin de le forcer à reculer, appliquant une force conséquente mais toute maîtrisée pour lui montrer qu’elle n’était pas proie aisée à attraper. Cela aurait pu sembler contre intuitif, mais Enoria avait vu Aerys comme un conquérant, un homme avide de défi, et bien que son père ait des projets pour eux deux, il se désintéresserait d’elle bien rapidement si elle ne faisait que lui céder.

« Il me semblait pourtant que vous autres, Valyriens, avaient été éduqués à la bienséance et aux manières réservées aux personnes de sang royal. »

Le ton était sans équivoque, elle relâchait cependant rapidement sa prise et observa les pupilles du jeune homme. Aerys était un excellent acteur, mais il le pouvait maîtriser les réactions physiologiques de son corps. La réaction d’Enoria l’avait mis en colère. Ce n’était pas nécessairement une mauvaise chose, rien de tel que la colère pour attiser le désir, mais il ne fallait guère pousser trop loin l’exercice sous peine de le faire s’éloigner définitivement. Pourtant, il ne laissa pas s’exprimer sa colère et, bien au contraire, sembla battre en retraite…

« Allons, allons. Je ne voulais pas t’offenser, ni te heurter. Tes paroles m’ont… intrigué, Enoria. Je te présente mes excuses. »

Elle ne répondit rien d’autre qu’un sourire, signifiant que la tension pouvait à présent retomber. Ils restèrent ainsi quelques secondes sans dire mot, sans plus aucun contact physique mais leurs yeux se mêlant dans une danse que les lieux rendaient torride… ou n’était-ce pas simplement du fait de cette vapeur qui continuait à s’échapper du bassin ?

« Je te suis en tout cas reconnaissant de vouloir me montrer ce que cela fait de… posséder une femme indomptable. Mais rassure-toi, je n’en demande pas tant. À danser avec le feu, on finit par s’y brûler. Et nous autres Valyriens, sommes brûlants. »

Le regard toujours solidement ancré dans celui d’Aerys, Enoria laissa échapper un rire sincère. Indomptable… l’était-elle seulement ? Elle l’était au fond, mais bon nombre d’hommes s’étaient imaginé être parvenus à la maîtriser. Pourtant, elle ne s’était jamais donnée, jamais complètement. Il n’y avait qu’un homme qui avait eu le don de faire tomber les remparts qui protégeaient la véritable Enoria. Tous les autres avaient étreint son corps et gouté ses lèvres sans jamais se douter qu’elle ne leur donnait que les miettes nécessaires à sa propre stratégie. C’était idiot, sans doute dangereux, mais une partie de la jeune femme rechignait à en faire de même avec Aerys. Oh bien sûr, elle ne rechignerait en rien à partager un certain corps à corps avec le jeune homme, mais elle regrettait, au fond, de ne devoir lui partager que les miettes.

« Je connais la brûlure du soleil, le feu céleste et divin, je n’ai eu de cesse de danser entre ses rayons incandescents… Le secret est de s’y jeter à corps perdu. Peu importe la brûlure et les conséquences… Il faut parfois accepter de brûler pour renaître. »

La voix d’Enoria était devenu murmure. Un murmure porté par la capiteuse vapeur qui les étreignait chaque seconde un peu plus. Enoria eut l’envie d’instaurer un contact physique, mettre un terme à cette distance qui les maintenait loin de l’autre, mais Aerys s’en chargea sans hésiter.

« Tu es une personne énigmatique et fascinante. Et maintenant, j’apprends que tu souhaitais me voir depuis toutes ces semaines. Je t’avoue être interloqué et… plutôt curieux de ce qui peut me valoir une telle attention. »
« Moi qui te pensais sûr de toi, voilà que tu doutes que l’on puisse chercher à te voir ? Allons Aerys, tu sais très bien de notre dernière entrevue ne fut pas dépourvue de… quelque chose. Auras-tu la cruauté de me forcer à dire plus avant ce qui m’a poussé à souhaiter te revoir ? »
« Indomptable tu es, et indomptable tu resteras, Enoria. Je le vois bien. Et pourtant, lorsque le feu lèche ta peau, tu ne recules pas, au contraire. Que cherches-tu ? Sa chaude caresse ne t’est pas insupportable ? »

Aerys s’était rapproché, Enoria aussi, elle pouvait sentir sa poitrine effleurer celle du jeune homme, provoquant en elle, malgré tous ses efforts, une vague de chaleur enivrante.

« Je ne crains pas le feu, Aerys. Je me donne à lui. J’accepte sa brûlure, mieux, je la désire. Elle fait partie de moi, fille du soleil et du dragon. Si je ne suis pas feu, je ne suis rien. »

Leurs corps continuaient à se rapprocher, attisant plus encore un désir qu’elle pouvait lire dans le regard de son interlocuteur et qu’elle ne pouvait ignorer en son corps. Cependant, elle crut remarquer un changement chez Aerys, comme si son attention avait été brièvement attirée ailleurs. Elle n’eut guère le temps de disserter à ce sujet, déjà reprenait-il la parole.

« Il n’y a qu’une solution pour t’empêcher de te brûler. »

Enoria fronça les sourcils, ne comprenant pas immédiatement ce qu’il avait voulu dire. Il ne lui fallut, cependant, pas beaucoup de temps pour élucider ce mystère. Le jeune profita de leurs mains entrelacées pour pousser la princesse vers l’arrière, l’amenant à basculer dans les eaux chaudes du bassin sans aucun évitement possible. Elle devait s’avouer vaincue sur ce point, mais si elle tombait alors il tombait aussi. Ils s’écrasèrent tous deux dans les flots, faisant largement déborder le bassin qui n’était guère prévu pour ce genre d’amusement. Une fois sous l’eau, Enoria ne lâcha pas pour autant la main d’Aerys, comme si, par réflexe, son corps avait identifié le jeune homme comme une ancre légitime. Le bassin n’étant pas si profond, ils remontèrent rapidement à la surface et la jeune femme laissa échapper un rire tonitruant. Elle ne s’était pas attendue à un tel dénouement, déjà s’était-elle déjà imaginé devoir céder et amener sa stratégie vers des ressors plus charnels. Elle prit quelques secondes pour rassembler ses cheveux sur le côté et essuyer l’eau qui menaçait de l’aveugler, riant toujours de bon cœur.

« Tu es fou, tu es fou ! »

C’était une accusation amusée, cela sonnait presque comme un compliment dans la bouche d’Enoria qui n’aimait rien de plus que le jeu.

« Ah si tu imagines que cela va éteindre le feu et me rendre plus docile, tu te trompes Maerion ! »

Elle ponctua cette dernière phrase par un jet d’eau savamment orienté vers le visage d’Aerys et que la jeune femme avait envoyé tout en éclatant à nouveau de rire. La situation était cocace, ce brusque changement d’ambiance entre les deux avait tout de désarmant. Cela offrait pourtant une information essentielle à Enoria : Aerys Maerion était un homme dangereux. Il lui faudrait aiguiser ses sens en sa compagnie et elle n’aurait pas le droit à l’erreur.  



Aerys Maerion
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Thermes de Valyria - An 1066, mois 8

On pouvait imaginer qu’Aerys Maerion était bien des choses.

Il était certes un jeune fils d’une très grande famille de Valyria. Il avait toujours vécu dans l’ombre des siens, pétri par un sens du devoir et de la loyauté envers sa famille qui éclipsait le reste. Il était un être inconstant, charmeur et hédoniste à sa manière. Il était exalté, réagissant plus fortement aux émotions que la moyenne. Il pouvait ainsi devenir excessivement violent par moment comme se jeter dans une nuit d’ébats avec une ferveur brûlante. Il lui arrivait de sombrer dans de longues périodes de mélancolie où il ressentait un besoin impérieux de s’éloigner de Valyria. Il pouvait passer des jours à disparaître dans les bas-fonds de la cité que sa famille contrôlait par les indigents : il y buvait, couchait, dormait sans crainte d’atteinte à sa vie. Comme la plupart des Valyriens au sang pur, il avait développé un lien étroit avec son dragon à la fine ossature. Ils volaient vite et avec agilité : le rase-motte était leur exercice favori. Depuis peu, Aerys était devenu un seigneur du crime et devait reconstruire un empire en ruines.

Beaucoup oubliaient qu’Aerys Maerion n’avait que vingt-quatre ans.

Aussi, il avait beau avoir ses doutes quant aux raisons de la présence d’Enoria en ces lieux et à Valyria en général, il n’était pas armé pour garder une forme de méfiance aussi longtemps face à une jeune femme aussi belle et aussi nue. Il ignorait s’il était victime des charmes ciblés de la princesse ou s’il y avait véritablement une alchimie entre eux, mais il appréciait le type d’attention que lui donnait Enoria. Aux côtés d’une authentique princesse, il se sentait bien plus qu’un simple cadet de grande famille. Il avait l’impression d’être à une place qu’il méritait, à pouvoir la toucher et la regarder autant qu’il le désirait. Au fond, il sentait qu’il brûlait qu’Enoria soit sienne… faisant fi d’une prudence qu’il avait pourtant toujours revendiquée.

Lorsque les deux jeunes crevèrent la surface de l’eau pour reprendre leur souffle, le rire d’Enoria retentît, résonnant sous le plafond de la salle. Il dura un instant, assez longtemps pour qu’Aerys reprenne le contrôle de son équilibre et se retrouve de nouveau campé sur ses deux pieds, passant une main dans ses cheveux d’or pour les plaquer contre son crâne et en chasser l’eau qui les imprégnait. Il l’entendait lui dire qu’il était fou, et il en riait de bon cœur à son tour. Fou, il l’était peut-être mais il était surtout un Valyrien auquel tout réussissait, ou presque, et auquel tout était autorisé, ou peu s’en fallait. Elle lui lança un nouveau défi en lui expliquant que ce n’était pas ainsi qu’elle le rendrait plus docile. Un jet d’eau envoyé vers Aerys souligna cette exclamation. Il laissa échapper un grognement surpris alors que l’eau lui ruisselait de nouveau dans les yeux.

« Ah tu veux donc que je te dompte ainsi, Sarnorie. »

Un sourire carnassier s’afficha sur les lèvres du Maerion alors qu’il avançait à pas de loup vers Enoria qui continuait de lui envoyer de l’eau dessus. Il plongea et se propulsa sur le côté pour surgir en biais par rapport aux attaques aquatiques d’Enoria. Il lui envoya à son tour des rafales d’eau tandis qu’il clamait.

« Et ainsi, vais-je parvenir à te rendre plus docile ? »

Tandis que l’affrontement à coups de jets d’eau et de cris reprenait de plus belle, il se demanda de puis combien de temps il n’avait pas ressenti une telle espièglerie… sans doute pas plus de quelques jours à peine, à vrai dire. Pourtant, il lui semblait qu’elle était différente. Il n’était pas simplement en train de jouer à l’andouille, talent qu’il maîtrisait plutôt bien. Non, c’était autre chose. Il retrouvait une forme de bonheur simple et enfantin depuis longtemps éteint. Des souvenirs lui revenaient, des murmures à mi-mots, des bribes de sensations. Peut-être se rappelait-il les premières années, où il jouait avec son frère et ses sœurs, avant que les responsabilités ne prennent le pas sur leurs jeux d’enfants. Ces temps étaient révolus depuis si longtemps qu’il n’imaginait pas que le lien ait perduré jusqu’à ce jour. C’était pourtant un simple bonheur que de se disputer ainsi avec Enoria et Aerys en était plus que surpris. Il se mit une gifle intérieurement : il n’était pas question de céder aux charmes d’une étrangère. Ou tout du moins, de s’en amouracher. Esquivant un nouveau jet d’eau, il plongea mais cette fois-ci, il nagea droit vers elle.

Mal lui en prit car elle était bien plus agile que lui dans l’eau.

Alors qu’il était encore en sous-marin, il sentit une jambe s’accrocher autour de sa taille tandis qu’une autre lui enserrait le cou. Il se releva brusquement, se demandant si elle essayait de l’attaquer. Il n’eût aucun mal à se relever, portant sur lui le poids de la jeune femme qui chuta dans l’eau en glissant. Elle semblait rire aux éclats et il prit le pari qu’elle n’avait pas essayé de le tuer, maudissant son père pour lui avoir ainsi empoisonné son esprit insouciant.

Il revint à l’attaque, mais cette fois il frappa aux chevilles, les saisissant toutes deux sous l’eau et les poussant dans une même direction pour faire chuter Enoria dans l’eau alors qu’elle reprenait son équilibre. Encore une fois, leur ballet aquatique de lutte mâtinée de rires amplifiés par l’écho de la salle vide trouvait un nouvel essor. Plus d’une fois, Aerys crut qu’il parviendrait à l’emporter mais il lui fallait se rendre à l’évidence. Enoria n’était pas du genre à se déclarer vaincue, et elle était bien plus à l’aise que lui dans l’eau. Il finit par se retrouver maîtrisé, le dos collé au bord du bassin, par une Enoria lui tenait les poignets et sur le visage de laquelle trônait un sourire aussi sarcastique que victorieux. Elle tenait sa revanche de leur première rencontre. Il la regarda droit dans les yeux, avec cet air provocateur qu’il aimait afficher quand une femme lui plaisait.

« Je crois qu’il me faut m’avouer vaincu pour cette fois… J’en appelle à ta magnanimité ! Et maintenant que je suis à ta merci, que vas-tu faire de moi, ô Princesse ? »



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