Depuis combien de temps marchaient-ils ? Laedor le savait précisément. Il avait depuis son entraînement militaire un sens aiguisé du temps qui passe. Même si le climat Valyrien était plus clément que ce hammam, les marches n’en était pas moins longues et pénibles et dans des sentiers parfois abrupts et dangereux. Naître dans une famille noble de Valyria emportait un tout autre lot d’épreuve, mais un lot tout de même. Tout homme naissant dans une famille aisée, prestigieuse pouvait comprendre. Tout héritier partageait en un sens un même fardeau, celui de porter le nom et l’honneur de la famille plus loin encore dans la légende. Lorsque l’on est le fils du déjà grand et prestigieux Lucerys Arlaeron, vouloir égaler, et même, surpasser sa renommée ne relevait pas simplement de la folie, mais aussi du miracle. Laedor avait toujours eu au-dessus de la tête cette épée de Damoclès, cet œil paternel jugeant l’enfant puis le jeune homme qui par ses exploits et ses défaites risquait ce que ceux avant lui avait bâti. Là où certains avaient pu être simplement bons, lui avait dû se surpasser. Il ne lui suffisait pas simplement de ne pas tomber d’épuisement, mais également de relever celui qui tombe devant lui.
Suivre le roulement continue des jours était donc devenu un automatisme. Laedor était impétueux, narquois, fougueux, et ce, depuis toujours. C’était là sa façade, pour ne pas montrer son épuisement, sa peur.
Lors de l’annonce de la mort du porteur, lorsque la rumeur d’un wyrms se rependit dans la troupe, un frisson collectif s’empara de bons nombres d’en eux. Laedor n’était pas en reste. Ayant lui-même combattu et vaincu des wyrms il savait le danger que cela pouvait représenter. La raideur toujours présente dans sa jambe, même 3 mois plus tard, lui rappelait à chaque pas. Au mot seul, son cœur s’accéléra, mais Iason avait raison. L’environnement était loin d’être propice aux wyrms et en voir ici était inconcevable. Par contre, ils avaient bien la preuve que tous les dangers étaient présents et que si les créatures de mythes et légendes valyriennes existaient alors ils devaient s’attendre à tout dans cet endroit inconnu et inhospitalier.
Il avait levé les yeux au ciel, pensant à Vaemor. Lui aussi avait été blessé et pourtant il était là-haut, tout aussi téméraire que son Seigneur.
Le défunt fut mis en terre et la marche repris, toujours dans cette chaleur suffocante. Son attitude était égale, même si cette nouvelle mort l’affectait presque tout autant que la fatigue et l’effort constant.
L’inquiétude qui lui avait tenaillé le vendre dès le réveil du dernier jour avait une cause bien particulière : le silence.
La jungle avait toujours été bruyante, même cacophonique par moments au point de rendre leur sommeil difficile alors pourquoi tout d’un coup le silence régnait-il en maître ?
Soudain, il lui avait semblé sentir le souffle d’un vent nouveau, sur son visage. Loin devant, les arbres disparaissaient pour laisser apparaître un nouveau spectacle à leurs yeux. L’émerveillement de la découverte de la cité en ruine était comparable au soulagement de sortir du couvert dense des arbres. Laedor avançait et suivait le groupe. Il découvrait le nouveau paysage à mesure que ses pas le guidaient vers l’amas de pierres qui se dessinait au loin. Leur taille ne cessait de croître et bientôt, la stupéfaction le gagna.
Laedor laisse Adhara et Iason s’avancer et les suis, restant tout de même à une certaine distance des ossements. Il bouffa à la tentative d’humour de son camarade. Il admirait l’effort et ne doutait pas de l’effet apaisant qu’il avait dû avoir. Par contre, il allait sans dire qu’il n’espérait pas qu’ils aient à se retrouver devant un tel monstre. Les alentours semblaient calmes, mais il ne pouvait qu’approuver l’idée du Légat de partir en reconnaissance. Voir la pauvre bête libéré de son fardeau et galoper librement lui donnait la même impression que ses séances de vol avec son dragon. Il aurait bien volontiers chevauché lui aussi au travers de la plaine et l’aurait peut-être fait sans les paroles de Iason. S’il existait un risque, il valait mieux en effet sacrifier ce canasson plutôt que son fidèle destrier.
Il se retourna alors vers le reste du groupe.
« À voir la grosseur de sa tête, il devait avoir bien d’autres choses impressionnantes ce gaillard » Laedor lança un regard lubrique en direction de sa belle mage avant de reprendre son sérieux.
« Le couvert de la ville m’apparaît aussi un choix judicieux et puis dormir à la belle étoile, c’est chouette un moment, mais on s’en lasse vite. »