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Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

https://rise-of-valyria.forumactif.com/t520-daenyra-tergaryon-th
Rien n'est jamais acquis à l'homme,
ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur

feat. Aerys Maerion

Quadrant Ouest, demeure fastueuse, An 1066 Mois 5

Les notes, graciles, flottaient dans un ballet merveilleux parmi les convives. Il y avait là les visages les plus étincelants de tout Valyria, les personnalités importantes qui ne pouvaient s’affranchir de telles réjouissances, à moins de subir les affres de rumeurs éhontées. Daenyra se félicitait secrètement d’être une âme discrète et au passage aveugle. Une ombre qui glissait parmi les invités, beauté pudique éclipsée par les splendides attraits de son aînée. Elaena brillait tel un soleil parmi les astres, éclaboussant d’or et de diamants tous les regards qui se tournaient vers elle, charmés, envoûtés… Nulle jalousie ou envie ne venait agripper les entrailles de la jeune Tergaryon. Seule une admiration immense enjôlait son esprit, portée par un soulagement manifeste. Comme il lui plaisait que l’attention se dirige vers la Sénatrice, l’inondant de lumière lorsqu’elle pouvait elle-même se fondre délicatement dans la pénombre. Elle rôdait, apaisée, dans cette indifférence où elle pouvait dompter ses sens.

Les soirées valyriennes, en plus d’être fort peuplées, détenaient son lot de personnalités au caractère imposant et affirmé. Les pensées qui dansaient au creux des demeures étaient gonflées de songes enfiévrés parfois violents. L’entrechoc de tous ces êtres créait une cacophonie dissonante en l’âme de l’Oiseau délicat et affectait grandement ses capacités. En dépit de toutes les efforts qu’elle rassemblait afin d’être auprès de sa sœur à chaque heure, elle savait qu’elle devait se ménager régulièrement si elle souhaitait rester à ses côtés sans se défiler par épuisement. Un exercice qui lui était compliqué, inquiète dès que son regard pâle n’emprisonnait plus la silhouette d’Elaena. Une ombre méphitique les couvait de son aura menaçante, et Daenyra craignait que cette main aveugle ne s’abatte sur eux à tout moment, de la même manière qu’elle avait pu faire du tort à leur père. Ainsi, ses yeux guettaient, observaient, analysaient aussi sévèrement que ses dons se déployaient pour isoler les pensées une par une, dévoiler les couleurs de chaque âme, déterrer les secrets les plus enfouis et déceler la moindre intention néfaste. Hélas, Daenyra vivait plus esclave de ses capacités qu’elle n’en était maîtresse et la manœuvre se révélait ardue. Le trouble l’habitait souvent, la forçant à des retraites salvatrices dans les lieux les moins peuplés des résidences où la fête battait son plein.

Une fois encore, la Dame-Dragon se défilait pour quelques temps hors de la foule pour aspirer à plus de solitude. Une pression de doigts sur le poignet d’Elaena suffisait à la mettre au courant de ses actions. Nul mot n’était requis et Daenyra s’échappa non sans un sourire tendre échangé avec son aînée. Dès lors, d’un pas guère assuré, l’Oiseau s’envola au travers de la foule.

Elle sentit sa présence avant même de discerner son visage parmi les convives. Un caractère enflammé et audacieux, une verve enfiévrée et l’âme dominante. Un maelstrom puissant et familier qui tordit les entrailles de la noble. Jaekar. La surprise la figea sur place l’espace d’un court instant. Suffisamment pour que, même quand elle eut décidé de presser le pas, il puisse discerner sa présence. Un espoir, vain, la titilla en son for intérieur. Se pouvait-il, suite à leur altercation dans les entrailles de l’Amphithéâtre, qu’il ne souhaite plus s’entretenir avec elle ? A son plus grand dam, les pensées de l’Andal l’effleurèrent suffisamment pour qu’elle comprenne que sa volonté n’avait pas été étouffée par ses refus. Daenyra comprenait difficilement cette passion que l’homme nourrissait à son égard. Brûlait-il de posséder ce qui semblait inaccessible ? Ce qui troublait la noble bien plus que la fougue de son amour, c’était cette sincérité qui en suintait par chaque pore. Bien à contrecœur, elle ne pouvait l’accuser du moindre mensonge ou d’une quelconque félonie. Ses sentiments, bien que sauvages et fougueux, s’affichaient par l’honnêteté qui transparaissait en lui. Il n’était cependant rien qui pourrait endiguer la résolution parfaite de Daenyra de maintenir cet homme loin d’elle et de rejeter la moindre de ses avances appuyées. Elle honnissait tout ce qu’il constituait et ce qu’il représentait, et elle jugeait sévèrement l’impudence avec laquelle il attachait le mot « amour » à ses ailes pudiques.

Reprenant possession de ses membres, elle fendit la foule vers les jardins afin d’échapper à sa présence. L’amertume la consuma en constatant qu’il prenait congés de sa compagnie pour venir à sa rencontre. Leste et fine, elle parvint toutefois à prendre une certaine avance. Elle parvint aux jardins, l’âme déjà soulagée d’être arrachée au tumulte intérieur. Son regard se jeta en arrière, guettant la potentielle arrivée de l’Andal non désiré en même temps qu’elle avançait. Un instant d’inattention qui lui fut fatal. Il lui fut impossible de réagir tandis que l’équilibre de son corps lui échappait entièrement. Ses yeux revinrent se poser sur la margelle de la fontaine dans laquelle elle venait de buter avec un élan suffisant pour être projetée tête la première dedans. Son exclamation de surprise fut avalée par sa rencontre avec l’eau dans laquelle elle fut immergée toute entière.






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Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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feat. Daenyra Tergaryon

Quadrant Ouest, An 1066 Mois 5

« … et donc là, le prêtre de Balerion lui répond : c’est le côté obscur de la Gorce ! N’est-elle pas excellente ?   »

Passablement éméchée, la jeune femme partit dans un rire nerveux qui ne parvînt pas à convaincre Aerys de la qualité de la dernière plaisanterie qu’il avait entendue.

La soirée donnée par la guilde des orfèvres pour marquer le coup de la nouvelle saison marchande avait lieu dans un grand hôtel particulier du Quadrant Ouest. Le début de la soirée avait été très mondain, permettant à tous d’apercevoir – et d’acquérir – certaines pierreries rares ou uniques afin de les faire monter sur des bijoux de grande valeur. Rapidement, toutefois, les plus âgés avaient laissé place à la jeune génération qui prenait plaisir à profiter de cette soirée. La plupart des grands noms étaient représentés dans cette réception et se tenait entre ces murs la future élite valyrienne. Cette génération qui aujourd’hui faisait la fête comme si les lendemains seraient tous aussi chantants que les précédents auraient pourtant la lourde tâche de continuer à mener Valyria sur la pente ascendante sur laquelle leurs parents et leurs grands-parents la plaçait depuis plusieurs années déjà.

La cité bruissait des prochaines élections et des premiers candidats qui se déclareraient pour briguer le poste de Père parmi les Lumières de Sagesse. Aerys, lui, ne disait rien et ne commentait guère. Il savait que son paternel irait au front et se battrait avec la même rage que son dragon avait mis en pièce la flotte ghiscarie à Mhysa Faer. La tête pleine de réflexions sur l’avenir politique de sa famille, Aerys n’avait guère le cœur à forcément entretenir de sa conversation ceux qui étaient déjà fortement secoués par l’ingestion d’alcool. Il s’éloigna donc discrètement en fonction des conversations pour, une fois n’était pas coutume, prendre un peu de temps pour rester au calme.

Il avait croisé plusieurs connaissances dans cette soirée. La sensuelle Elaena Tergaryon était de ceux-là. Leur première rencontre avait été mouvementée mais assez plaisante pour que le Maerion espère la revoir et prendre de nouveau du temps pour lui parler sans être importuner. Il y avait également le parvenu qu’était Jaekar Veltheon avec lequel il n’avait guère d’atomes crochus. S’il n’avait, selon lui, guère de problème avec l’ascension sociale, Jaekar n’était qu’un bâtard à demi Andal et tombait donc assez loin dans la hiérarchie de l’hémoglobine sociale de Valyria.

Plouf.

Le son d’un éclaboussement suivi d’un cri de surprise attira l’attention d’Aerys qui fut le premier à se rendre sur place. Avec les différents musiciens répartis çà et là, la chute était visiblement passée inaperçue dans cette partie des jardins. Là, il put constater des remous dans le bassin de la grande fontaine de marbre. Mû par un instinct, il s’élança d’un pas rapide et enjamba la margelle de la fontaine et il se retrouva avec de l’eau jusqu’à la taille. Il ne voyait qu’un corps luttant, complètement immergé et empêtré dans une couche de tissus. Il voyait une masse de cheveux blonds flotter et des épaisseurs de voilages se gonfler d’eau. Faisant fi de sa tunique bleu ciel et dorée, il aventura une main au milieu des tissus gesticulants, cherchant à retrouver le corps perdu au milieu de tout ce nuage textile gorgé d’eau. Sa main trouva soudainement une masse tiède et ferme, il palpa pour trouver une prise, constata qu’il était sans doute non loin du dos et, suivant les cheveux, il passa son autre main sous la nuque de la jeune femme et essaya de la soulever hors de l’eau.

Il ne s’était pas attendu à ce que la masse des tissus soit si lourde et il chuta dans l’eau à son tour, glissant sur le sol poisseux de vase. Il retrouva rapidement son équilibre et prit un meilleur appui avant de réaffirmer sa prise et d’enfin pouvoir faire sortir la jeune femme de l’eau. Il l’aida à se remettre sur pied et la fit s’asseoir sur le bord de la fontaine. Trempé jusqu’à l’os également, Aerys s’agenouilla devant l’inconnue pour essayer de discerner son visage. Lorsqu’elle rejeta les cheveux qui dissimulaient ses traits, Aerys crût revoir Elaena Tergaryon avant de constater qu’elle ne partageait que certains traits. Il devait s’agir de sa sœur, dont le nom lui échappait. Elle avait des traits d’une grande délicatesse et un air si paniqué qu’Aerys regretta de s’être tant approché pour voir qui elle était et si elle se portait bien.

« Je te connais. Tu es la fille cadette de Vaegon Tergaryon. Tout va bien ? Tu as fait une chute bien scélérate. »

Il eut un rire nerveux.

« Si tu avais besoin de te rafraîchir, il y a de meilleures façons de pourvoir à ce besoin, tu sais. »


Daenyra Tergaryon
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feat. Aerys Maerion

Quadrant Ouest, demeure fastueuse, An 1066 Mois 5

Tourmentée par le fracas sempiternel des âmes et des pensées de ceux à qui les Dieux avaient donné chair, Daenyra n’était que peu esclave de la propre tempête de ses sentiments. Son caractère se tissait calme et doux, presque aussi imperturbable que le cours lent d’une rivière. Pourtant, elle ne pouvait gouverner la flamme terrible qui s’emparait d’elle dès lors que son regard touchait la silhouette de Jaekar. Il ne lui était de vision plus pénible ou d’être qu’elle honnissait plus fortement depuis que la pulsion de tous ses désirs s’était tournée vers elle. Elle lisait en lui les exigences d’un esprit survolté et impérieux, ne sachant se satisfaire de ce qu’il ne pouvait posséder entièrement. Elle maudissait les tours facétieux de Meleys qui avait frappé l’Andal de la folie de croire l’aimer parmi toutes celles que son cœur pouvait accrocher. Nulle flatterie ou honneur ne transperçait l’esprit de l’Oiseau à sentir sur elle les rayons d’une passion dévorante. Son corps se dessinait sous les reliefs imparfaits et noueux d’une volonté avare et avide. De tous les triomphes qui pourraient être les siens, la jeune noble se jurait de ne point en faire partie.

Elle pouvait compter en exemple de sa perfidie les avances qu’il avait pu dédier à sa sœur Elaena alors même qu’il déclamait son attirance pour sa cadette, ou encore l’influence néfaste qu’il exerçait sur Maerion. Cette dernière nouvelle avait été portée à sa connaissance grâce à son amitié avec Saerelys Riahenor, mage du Collège et amie proche de son benjamin. Une vérité qui plongeait Daenyra dans la profonde des inquiétudes, craignant que ce frère absent et distant ne se dirige vers des rivages dangereux et cahoteux. Un sentiment alarmant qui se gonflait également des peurs nourries par Saerelys. Elle-même avait côtoyé l’Andal au cours de réceptions privées qu’il donnait en sa demeure, conviant quelques mages avec une curiosité peu innocente et désintéressée. Toutes hypothèses émises s’en révèleraient encore sibyllines, mais il y avait fort à parier que son attrait accru pour la magie ne présageait rien de bon ou de vertueux. Animée d’une flamme belliqueuse, Daenyra dirigeait toutes ses foudres sur cet homme à l’aura inquiétante et impétueuse. Si son désir, ce soir, était de partir à la conquête de ses faveurs, il risquait de s’en trouver bien déguenillé. Dès le premier jour, l’Oiseau s’était employé à affirmer pleinement son aversion envers le bâtard et à le détourner de la moindre intention de lui faire la cour. Hélas, les refus vigoureux de la jeune femme ne semblaient qu’aviver un peu plus le brasier de ses ardeurs.

Peu encline à subir les assauts amoureux de ce prétendant enfiévré et sot, Daenyra tenta de se soustraire à sa présence et de le semer dans sa poursuite. Sa ruse la mena jusqu’aux jardins de la demeure, là où l’éclat de la lune et de quelques braseros prodiguait un éclairage ténu. Néanmoins, en dépit de lumières plus éclatantes, la noble conservait son attention tant tournée vers l’objet de sa fuite qu’elle ne prit garde aux obstacles qui parsemaient sa route. Aussi ne put-elle prévenir sa chute dans la fontaine contre laquelle elle buta. Son élan la projeta tête la première dans ses profondeurs. La stupeur qui s’empara d’elle l’empêcha de prendre possession de son corps immédiatement ; les nombreux voilages de sa robe l’engonçant plus encore et se révélaient de piètre alliés pour regagner la surface. Elle se débattit dans l’eau, incapable de savoir où se diriger pour trouver l’air.

La surprise l’agrippa en même temps qu’une main tentait de la ramener à lui. Bien que le geste soit fort amène, elle ne put empêcher son instinct de se débattre plus encore pour empêcher cette prise sur elle. Son esprit, trop survolté pour éprouver clairement le contact de cette nouvelle âme à ses côtés, crut qu’elle était secourue par nul autre que Jaekar. Son orgueil, allié à une puissante répulsion, lui ordonnait de ne point se soumettre à son assistance. Une réaction qui eut pour effet de les propulser tous les deux dans l’eau, la personne ne s’attendant sûrement pas à une telle résistance. Néanmoins, elle ne put résister à la seconde prise qui la sortit immédiatement de la fontaine. Appréciant ce retour à l’air, elle en inspira goulûment une gorgée avant d’esquisser un mouvement de recul. « Ne me touch… » Le reste de sa phrase mourut sur ses lèvres en constatant de ses propres yeux qu’elle ne devait point son salut à l’Andal, mais bien à un autre homme. Le brasier de sa colère s’éteignit immédiatement, chassé par une gêne rarement éprouvée avec une telle intensité. La proximité familière qu’ils partageaient à cet instant la plongea dans la panique la plus profonde. Guère familière du ridicule, elle ne trouva que peu de parade à sa déconvenue et trouva fort fâcheux qu’il identifie son identité sans qu’elle n’ait besoin de se présenter. « Je… Au contraire de ma fierté, je crois qu’aucun mal n’a été éprouvé. » Ses mains s’employèrent à renvoyer en arrière sa lourde chevelure d’argent, alourdie de sa baignade impromptue. Son regard osait à peine effleurer celui de son héros de fortune, peinant à formuler dans son esprit quelques excuses à cette chute inattendue. « Je te remercie pour ton aide… Et veux-tu bien me pardonner d’avoir été d’une si mauvaise aide pour me tirer de ce mauvais pas ? » Elle avait conscience de la force inverse qu’elle avait souhaité exercer. Peut-être ne s’en était-il point rendu compte ?

Un sourire drapa ses lèvres à la tentative d’humour qui fut la sienne. Daenyra y sentit la véritable intention d’estomper ce malaise qui captivait ses entrailles. « Hélas, je crois bien être l'ouvrière de ma propre maladresse. Je n’ai que peu pris garde à ce qui se trouvait sur mon chemin… aussi imposant que soit l’obstacle en question. » Difficile d’imaginer que son esprit puisse s’être perdu au point de ne pas avoir cerné la gigantesque fontaine qui lui barrait le passage. Une expression contrite s’échoua sur son visage à cette excuse peu convaincante. Puis ses prunelles pâles s’égarèrent vers les chemins qu’elle avait désertés, cherchant avec inquiétude la silhouette de Jaekar. A son plus grand soulagement, il ne se montra pas ou peut-être avait-il tourné les talons pour quelques raisons ? Une raison qui pouvait très probablement se trouver devant elle. Elle se permit d’étudier mieux son gracieux visage, réalisant combien il ne lui était pas complètement étranger. Ce fut le fil de ses pensées à lui qui confirmèrent ses intuitions. « Tu es Aerys Maerion, si je ne me trompe ? Je crois voir les yeux de ta jeune sœur dans les tiens. » Lors de réjouissances ayant pour lieu le palais des Maerion, Daenyra avait eu le doux plaisir de croiser la route de Daenerys. Fleur tendre et fragile dont elle avait pu cerner toutes les affections offertes à l’homme qui se trouvait en face d’elle ce soir. Un amour fort et douloureux à la fois. Observant l’un et l’autre de leur triste accoutrement, la noble Dame eut à son tour un rire nerveux. « Sans doute devrions-nous songer à nous extirper de là avant que quelques volatiles nous prennent pour leur semblable… »



Aerys Maerion
Aerys Maerion
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feat. Daenyra Tergaryon

Quadrant Ouest, An 1066 Mois 5

Aerys Maerion acquiesça simplement d’un hochement du chef lorsque la jeune femme qu’il venait d’aider désigna son identité. Sans avoir forcément eu l’occasion de beaucoup pouvoir échanger, les deux jeunes s’étaient déjà plusieurs fois croisés. Daenyra n’était pas à proprement parler un animal social et elle n’était que peu visible dans les réjouissances qui rythmaient les chaudes nuits valyriennes. À défaut de pouvoir prétendre se connaître véritablement l’un et l’autre, ils en auraient été réduits à d’insipides mondanités si ce n’était pour la malheureuse chute de la jeune femme dans le plan d’eau.

Désormais trempés l’un et l’autre, ils allaient effectivement devoir changer leurs plans pour la soirée. Bien qu’Aerys ne redoutait en rien d’attraper froid au vu de la torpeur de la nuit, il n’en restait pas moins assez handicapé par la masse de tissus mouillés qui lui collait au corps et entravait ses mouvements. La suggestion de Daenyra de s’extirper de l’endroit avait donc du bon. La question était de savoir où aller. Ils pouvaient bien entendu séparer leurs routes et s’exfiltrer l’un et l’autre chacun de leur côté mais cela risquait de faire jaser. Si proches des élections, on ne manquerait pas de voir en leur départ commun une tractation discrète pour rapprocher les intérêts de la candidature de Père de ses anciens alliés Tergaryon. Le plus simple était encore de profiter de la soirée mais Aerys n’en avait nullement envie, l’esprit trop préoccupé par les possibilités de l’élection. Il acquiesça donc à la suggestion de la jeune femme, sans trop savoir où aller ni quoi faire.

Plus il réfléchissait à la façon de s’esquiver pour mieux quitter les lieux, plus il ne voyait qu’une seule et unique façon de faire. Après tout, faire jaser la haute-société valyrienne pouvait servir ses intérêts ainsi que ceux de Père. Toujours aussi emporté et spontané, Aerys darda un regard intense sur Daenyra.

« Non, et ni toi ni moi ne pouvons rester comme ça. En pleine campagne, nous n’avons guère intérêt à embarrasser les nôtres. Viens avec moi, je vais aller me changer et il est inutile que tu restes seule à peiner dans ton fatras mouillé. Suis-moi. »

D’un ton décidé, Aerys venait de trouver une solution toute faite à son problème. Il se leva, quittant le rebord de la fontaine sur lequel ils étaient assis et se dirigea droit vers la sortie de la villa, esquivant habilement les salles les plus fréquentées en contournant par le parc, saluant brièvement quelques connaissances entrain de copuler plus ou moins discrètement dans les bosquets du parc. Daenyra sur ses talons, il parvint à rejoindre la rue. À cette heure tardive, les rues du Quadrant Ouest étaient bien vides et ils n’eurent aucun mal à se déplacer discrètement malgré les traces de pas humides qui marquaient leur route. Ils finirent par parvenir à Fossedragon, dont le gouffre rougeoillant éclairait les tours alentours de sa lueur écarlate et traversait le quartier dans lequel nichait l’aristocratie valyrienne. Là, le long des falaises de roche volcanique nichaient la plupart des dragons souhaitant rester au chaud de cette faille où les jeunes pouvaient se reposer en paix. Sifflant, Aerys n’eût guère à patienter pour voir son jumeau dragon surgir en une bourrasque qui souffla vêtement et poussière alors qu’il se posait à côté de lui.

Myhtrax n’était guère un grand dragon, même selon des standards non Valyriens. La créature lilas était nerveuse, agressive à souhait et incarnait un chaos qu’Aerys ressentait souvent au fond de son cœur. Il avait, comme la plupart des sang-purs de Valyria, une très forte complicité avec son dragon et entretenait le lien qui les liait l’un à l’autre. Le dragon darda son œil d’or sur Daenyra, la toisant d’un air peu amène avant qu’une accolade d’Aerys, passant sa main le long des écailles violette du dragon, ne l’apaisât. Il était difficile de dire ce que la créature draconique pensait de cette intruse dans sa sphère personnelle mais il sentait que son jumeau voulait qu’il restât calme et il s’en tint à une hostilité sous-jacente. Il abaissa son corps pour permettre à Aerys de s’y hisser et, une fois qu’il fut en place, il tendit la main à Daenyra. Myhtrax n’étant pas grand ni large, il se montait presque aussi aisément qu’un cheval. Un gros cheval. Avec des ailes. Et des griffes. Crachant du feu. Mais l’idée était là.

« Allons Daenyra Tergaryon, tu n’as plus moyen de retourner en arrière désormais. Viens donc : je te promets de ne pas succomber à tes charmes trop rapidement. »

Un sourire provocateur peint sur le visage, Aerys maintenait cette main sous le nez de Daenyra, curieux de savoir si elle accepterait cette scandaleuse invitation d’un homme dont elle ne connaissait guère de choses.


Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
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feat. Aerys Maerion

Quadrant Ouest, demeure fastueuse, An 1066 Mois 5

Daenyra Tergaryon avait à cœur de s’épargner les moindres comportements ou paroles qui pourraient porter l’attention sur elle, que ce soit volontairement, ou par accident. Hélas, si elle pouvait avoir une emprise sur le premier cas, il n’en était rien du second. L’aspect « accidentel » prenait toutes ses sources dans son caractère impromptu et la jeune femme n’appréciait guère d’être confrontée aux déconvenues, de quelque nature que ce soit. Elle affectionnait l’humeur discrète qu’on lui attribuait et se complaisait dans l’anonymat de son passage. Il n’était point de festivités auxquelles elle participait sans que la présence d’Elaena ne soit requise au premier lieu, lui permettant de s’éclipser dans les ombres que les lumières de son aînée créaient. Son aura était telle qu’il n’était pas difficile de s’éloigner dans la distance, avalée par une quiétude solitaire, alors qu’elle engloutissait toute l’attention. Mais Daenyra ne lui en tenait nulle rancune, n’en éprouvait aucune jalousie. A vrai dire, elle contemplait souvent sa sœur avec une reconnaissance contrite et se surprenait à ressentir une certaine peine pour elle. Bien qu’elle soit née pour la lumière et qu’elle s’y épanouisse, Elaena portait sur ses épaules le fardeau de lourdes responsabilités et d’une image qui ne pouvait se permettre d’être cornée ou abîmée. Elle était, presque plus que Maekar, le nouvel emblème des Tergaryon, de leur force et leur puissance. En cela, la cadette n’enviait nullement sa position et lui octroyait tous les mérites d’incarner superbement l’avenir de leur dynastie.

Hélas, ce soir, ce n’était point la discrétion qui parviendrait à caractériser son comportement. Extirpée des eaux par nul autre qu’Aerys Maerion, Daenyra éprouvait une confusion qu’elle devait autant au ridicule de sa situation qu’à l’identité de son sauveur prodigue. Cela n’était certes pas le pire scénario qui puisse être envisagé, mais elle aurait bien apprécié une meilleure introduction pour une première rencontre. Si, d’aventures, Daenerys s’était étendue en paroles charmantes à son égard auprès de son frère, elle peinait à imaginer qu’il puisse admettre que la créature soit ressemblante au tableau qui put lui être dressé. Par chance, la cadette Tergaryon ne souffrait d’aucune vanité, et ce ne fut qu’un orgueil froissé qui la chagrina plus que ses cheveux mouillés, sa coiffure défaite et ses habits alourdis d’eau.

Ils quittèrent la fontaine, prenant garde à ne pas glisser l’un et l’autre pour se retrouver plongés, à nouveau, tête la première dans l'eau. Une fois qu’ils furent extirpés des flots, Daenyra s’ingénia à chasser les gouttes abondantes en pressant sa lourde chevelure, ainsi que sa robe, tout en préservant au mieux sa pudeur. Avant même qu’elle ne puisse émettre la moindre idée pour conjurer leur mauvais sort, Aerys exposa sa solution. Elle ne pouvait objecter quant à ses propos. Il était vrai que le moment de la campagne électorale serait bien mal choisi pour s’afficher accoutrés de la sorte. Si la noble pouvait sans mal supporter le ridicule, elle ne souhaitait pas imposer cela au reste de sa famille, et pire encore, elle ne voulait pas que de vilaines rumeurs infondées viennent à circuler et entachent sa réputation.

Cependant, l’hésitation la piqua lorsqu’il l’enjoignit, fort volontaire, à le suivre. Il n’était guère séduisant de se retrouver seule et dégoulinante d’eau au cœur des jardins, mais elle n’était que peu rassurée à l'idée de le suivre dans un projet dont elle ignorait tout. Son bon sens la rappela à la raison et elle lui emboîta bientôt le pas. Avec aisance, Aerys Maerion se fraya un chemin discret dans la demeure, si bien que personne ne prêta attention à eux ; pour ainsi dire, l’objet de leur attention était dressé ailleurs. Les joues en feu, Daenyra continua de progresser en priant pour que le jeune homme ne se retourne pas et guette son malaise. Etourdie par les jeux fiévreux et nocturnes qui se livraient dans les alcôves et les bosquets, la noble allongea le pas pour atteindre plus rapidement le lieu que recherchait le Seigneur Dragon. Elle fut circonspecte en constatant qu’ils quittaient complètement la demeure et s’engageaient dans les rues de Valyria. Au moins, à la distance qu’ils mettaient entre eux et le palais, son trouble s’apaisa. Finalement, elle finit par deviner leur destination et elle le suivit sans surprise jusqu’à Fossedragon.

Daenyra s’arrêta à une distance qui lui sembla acceptable de la fosse, soit à plus d’une dizaine de pieds. Il ne lui était point coutumier de fréquenter ce lieu. Sa relation avec Myrha ne s’inscrivait point dans la tradition valyrienne entre les Seigneurs-Dragons et leurs dragons. Aucun lien particulier ne s’était noué entre eux, comme si, tout aussi étrangère que Daenyra était à elle-même, elle l’était aussi envers son dragon. Solitaire, Myrha s’envolait et disparaissait parfois durant des semaines dans les cieux d’Essos sans qu’elle ne surprenne son vol près du palais d’Hoskagon. Une absence d’attachement que la jeune femme regrettait quelquefois. Aussi n’était-elle guère familière des dragons et s’était-elle surprise à les craindre au cours des années.

Ce furent donc deux pas supplémentaires en arrière qu’elle fit lorsqu’un dragon aux membres nerveux et sauvages s’écrasa près d’eux. Au regard incandescent dont il la jaugea, Daenyra retint son souffle. Elle craignait difficilement sa fureur en la présence de son maître, mais elle ne demeurait pas mieux rassurée. Moins encore par la perspective d’embarquer sur son dos, suivant aveuglément ce qui ressemblait le plus à un inconnu pour elle. Les propos servis par Aerys parvinrent sans mal exposer tout le scandale manifeste de cette entreprise et piquèrent ses joues de pourpre. Elle ne put cependant s’empêcher de répondre à cette provocation. « Pour succomber à mes charmes, il faudrait que je souhaite les étaler à ta vue, Aerys Maerion. Or, je ne suis point un paon vaniteux. » rétorqua-t-elle d’une voix bien plus ferme que son attitude le démontrait. Résolument hésitante, elle toisait cette main offerte à elle, ne sachant ce qu’elle dissimulait dans tous ses plis et ses jointures. Ce ne fut que le récit élogieux d’une sœur pour un frère aimé qui la poussa à accepter cette invitation inconvenante, se rassurant à l’idée que son attitude provocante n’était qu’un vernis habillement appliqué. Après tout, il ne lui suffisait que de se fier à ses dons pour cela…

Elle fut bientôt embarquée sur le dos de Myhtrax, peu à l’aise de cette posture qu’elle n’avait pas tenu depuis longtemps. Elle ne saurait compter le nombre d’années qui la séparait de la dernière fois qu’elle avait monté Myrha et elle n’était guère rassurée que son premier vol se déroule en cette compagnie étrange. Au risque de lui paraitre plus ridicule encore, elle demanda : « Pourrons-nous voler doucement ? » Décidée à maintenir une certaine distance entre elle et Aerys, elle dut abandonner toutes ses résolutions quand la créature commença à bouger. Ses bras s’accrochèrent à la taille du fils Maerion, non sans regret. Le dragon prit de l’altitude, battant de ses ailes puissantes pour les arracher à cette terre que Daenyra voyait s’éloigner avec angoisse. A plusieurs reprises, elle tenta de se détacher, mais les mouvements de leur monture la forçaient à se raccrocher aussitôt. Quand ils furent assez haut, les craintes de la jeune femme s’évaporèrent un bref instant, captivée par l’allure de Valyria vue du ciel. La cité se dévoilait impérieuse, même dans l’obscurité, éclairée de toutes parts, autant dans les quartiers nobles que ceux du peuple. La Grande Valyria vivait. « Je n’avais jamais vu la cité ainsi… » Il lui semblait, aussi, que son fardeau n’était plus si lourd à porter depuis le royaume du ciel. Frissonnant dans ses vêtements humides, elle revint à des sujets plus essentiels. « Où allons-nous ? »




Aerys Maerion
Aerys Maerion
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feat. Daenyra Tergaryon

Quadrant Ouest, An 1066 Mois 5

Lorsqu’il ressentit les bras de la jeune femme se resserrer autour de son buste, Aerys laissa échapper un sourire discret.

Bien qu’alourdi par un deuxième passager, Mythrax ne laissa rien paraître de son trouble et s’éleva bientôt vers le ciel nocturne, laissant derrière lui les hautes tours de la noblesse valyrienne. Ils n’étaient guère à une altitude élevée mais Aerys rechignait à plus d’un titre à trop monter. Tout d’abord parce qu’ils étaient trempés l’un et l’autre et que plus ils monteraient, plus l’air se ferait frais et plus il deviendrait désagréable de voler. Et puis, Mythrax était un fin dragon à l’endurance limitée : le faire voler trop haut en surcharge par rapport à sa force allait seulement l’épuiser. Aerys ne désirais guère cela pour son dragon. Voler doucement, telle avait été la requête de Daenyra lorsqu’elle avait embarqué sur l’échine du dragon. Désormais, Mythrax se contentait de planer, se reposant de l’effort fourni pour s’élever et il regardait avec placidité le monde défiler sous lui. S’inclinant sur une aile, il décrivait désormais un large cercle autour de la cité, permettant à ses deux passagers de l’observer sous tous ses angles. Au cœur de la zone urbaine, s’élevant fièrement dans le ciel, le complexe capitolin de la République semblait animé d’un feu intense : Drivo, le Sénat Valyrien et la Tour du Conseil brillaient de mille feux. Chaque quadrant déployait également ses particularités et les monuments de la cité semblaient bien différents de ce qu’ils étaient lorsqu’on les observait depuis le sol. Répondant à la question de Daenyra, Aerys pointa du doigt une demeure isolée du reste du Quadrant Ouest, accrochée au flanc du volcan le plus proche.

« Ici. Au Castel Maerion. »

Il n’y avait pas d’endroit plus sûr pour un Maerion dans le monde entier. Et quitte à se changer, Aerys préférait autant aller dans un endroit qu’il savait contenir des tenues faites sur-mesure. Quant à la jeune femme, eh bien il gageait que le vestiaire de sa sœur contiendrait sans nul doute quelque chose d’adaptée et à peu près à la taille de la Tergaryon. Obéissant aux injonctions silencieuses de son jumeau, Mythrax changea de cap et se dirigea vers l’endroit où il était né. Commençant à accélérer, il vit sa subite accélération cassée par Aerys qui le ramena à plus de raison. Pour un premier vol, il n’y avait pas lieu de malmener la pauvre Daenyra qui n’avait sans doute pas imaginer s’envoler ce soir sur le dragon rapide et nerveux d’Aerys. Lorsqu’il les déposa sur le parvis de marbre gris de la grande terrasse arrière de la résidence des Maerion, Aerys descendit en premier et aida Daenyra à se glisser le long du flanc de Mythrax. Le dragon envoya sa tête doucement percuter le torse d’Aerys pour lui signifier une nouvelle fois son affection tout en tançant la jeune femme d’un regard aussi menaçant que quelques instants plus tôt. Puis, sans un grognement, il reprit aussitôt les airs, dégageant une bourrasque violente qui frappa les tympans des deux Valyriens tandis qu’il disparaissait dans la nuit. Regardant autour d’eux, Aerys constata que la résidence et les jardins étaient éteints. La famille était de sortie ce soir et chacun rentrerait tard des soirées où ils étaient en représentation pour soutenir la candidature d’Arraxios. La plupart des serviteurs et esclaves avaient donc eu une soirée plutôt calme et la demeure était en partie endormie.

« Il me semble que ce n’est pas la première fois que tu viens ici, mais sois tout de même la bienvenue au Castel, Daenyra. Le vol t’a plu ? »

Ce faisant, il la guida vers la demeure dont il poussa l’une des lourdes portes de bronze. À la lueur d’une torche, il jeta un regard sur la jeune femme et ne put s’empêcher de pouffer. Entre ses vêtements humides et la poussière de la rue puis du Castel soufflée par les ailes de Myhtrax, Daenyra ressemblait plus à une paysanne sale qu’une femme de la haute noblesse des dragons. Il mena Daenyra jusqu’à une porte devant laquelle il s’arrêta. Il la désigna d’un geste de la tête.

« Je te laisse t’installer confortablement. Je doute que tu sois forcément intéressée par la volonté de rentrer dans cet état de saleté. »

De l’autre côté de la porte se trouvait un bassin trônant dans un patio à arcades. L’eau y était fraîche mais claire, et c’était un endroit des plus agréables dans lequel on pouvait se relaxer en s’adossant à la paroi du bassin pour sentir les fleurs rares qui embaumaient dans cette petite cour intérieure. Laissant à Daenyra le soin de découvrir l’endroit, Aerys tourna les talons avec une infime révérence et se mit en quête d’aller dérober une tunique propre chez sa sœur. Il tomba avant sur la remise où les domestiques entreposaient le linge propre. Il y déroba une tunique blanche dont la taille était vaguement adaptée à Daenyra. Il revint sur ses pas et rejoignît Daenyra dans le patio. Il s’installa sur l’un des bancs le long du bassin et déposa la tunique à ses côtés.

« Voilà qui devrait faire l’affaire. Je suis navré de t’avoir mis dans cette situation. Comment se fait-ce que je t’ai si peu croisée, Daenyra ? Te cacherais-tu pour mieux faire jaser la société ? »



Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur

feat. Aerys Maerion

Quadrant Ouest, demeure fastueuse, An 1066 Mois 5

Ce n’était point une relation intime et profonde qui liait Daenyra à son dragon. Ce qui caractérisait la nature même d’un Seigneur-Dragon ou d’une Dame-Dragon, c’était ce lien spécial qui s’instaurait entre ses créatures célestes et les enfants d’Arrax. Une union célébrée dans les flammes qui jumelait deux âmes jusqu’à leur mort. Il n’existait de lien plus pur et immuable que celui-ci. Mais si cette relation était devenue si évidente pour les aînés Tergaryon, il n’en était pas de même pour la cadette qui n’avait su créer un tel attachement. Et aussi sûrement qu’elle pouvait éprouver les âmes des autres, elle était coupée de toute connexion avec Myrha. Les fois où elle avait dû monter sur le dos de son dragon avait été rares et les expériences guère agréables. Elle se rappelait la peur qui lui étreignait les tripes et cette absence de confiance que devait se vouer les deux compagnons. Une certitude aveugle dans les capacités du dragon qu’elle ne possédait pas et qu’elle désespérait de ressentir un jour. Myrha ne manquait pas de ressentir ce malaise malheureux qui l’étreignait dès lors qu’elle tentait un vol avec son jumeau. La maladresse le saisissait de la même manière et il ne retrouvait son calme que lorsqu’il avait remis sa passagère à terre. A force de tentatives infructueuses, Daenyra s’était résignée à lier avec son dragon à la nature si solitaire et lointaine. Il pouvait disparaître des semaines entières sans qu’elle ne sache jamais où il se trouvait. Les quelques voyages qu’elle effectuait, elle se débrouillait en général pour voler avec Elaena ou Maekar.

La raison principale pour laquelle elle n’était guère rassurée à l’idée de se laisser porter par les ailes du dragon d’Aerys Maerion. Une monture farouche qui éveillait toutes ses craintes et qui semblait en jouer. La fierté et le pragmatisme l’emportèrent sur toute forme de crainte. Elle s’était suffisamment ridiculisée pour une seule soirée et elle ignorait comment trouver une autre solution, hormis en traversant toute la cité ainsi, trempée jusqu’aux os pour regagner le quadrant ouest. Une perspective moins engageante que la main tendue du Seigneur Dragon.

Passée l’inquiétude d’une prise d’altitude, Daenyra fut captivée par le spectacle en contrebas. Une cité vibrante de vie au cœur de la nuit, scintillant depuis la terre dans toute son humble beauté. Elle en oubliait presque ses craintes tandis que Mythrax planait au-dessus de la ville pour qu’ils ne ratent rien de cette merveille. Jusqu’à ce qu’ils ne trouvent leur chemin vers le Castel Maerion. La jeune femme n’ignorait rien de cette demeure où elle avait déjà eu l’occasion de se rendre, et même d’entretenir une longue et intime conversation avec sa sœur, Daenerys Maerion. Toutefois, ses souvenirs s’évanouirent bien vite à l’accélération soudaine du dragon qui provoqua immédiatement une prise plus ferme de la noble sur le torse d’Aerys. Il reprenait son naturel sauvage et nerveux. Aussi ne fut-elle guère mécontente quand ses sandales touchèrent la terre ferme et que le dragon reprit sa place dans les cieux, non sans lui avoir jeté un dernier regard hostile. « C’est un frère bien protecteur que tu as là… » ne put s’empêcher de commenter Daenyra alors que son regard ne quittait pas Mythrax, de crainte qu’il ne revienne piquer droit sur eux. « Merci, Aerys. Ce n’était pas un vol désagréable, mais je crois bien préférer la fermeté de la terre. »

Suivant ses pas, ils pénétrèrent ensemble dans cette demeure vidée de ses occupants ce soir. Ils retrouvèrent la lueur des torches et le spectacle qu’ils avaient à offrir n’était guère réjouissant. Daenyra cerna sans mal le rire qu’Aerys eut du mal à contenir tant il fut instinctif. L’orgueil de la noble fut piqué avant de constater que son allure ne dépareillait que peu avec la sienne. Ils avaient tous les deux l’air de sortir des basfonds de la ville. Un sourire fleurit sur ses lèvres. « Ma mère elle-même ne saurait me reconnaître si je rentrais dans un tel état. »

Aerys quitta sa compagnie, lui laissant tout le loisir de découvrir un patio richement décoré aux arcades finement sculptées. Un ravissement pour les yeux que Daenyra ne se souvenait pas avoir eu l’occasion de contempler lors de ses visites. Lorsqu’elle se fut suffisamment approchée du bassin, les fragrances florales vinrent caresser ses narines avec douceur. Un lieu infiniment agréable et reposant qui contrastait avec son malaise au cours des festivités. Ici, il n’y avait âme qui vive hormis la sienne et celle d’Aerys Maerion. Bien que son esprit vibre de désinvolture, il ne possédait pas le caractère enflammé de certains nobles prompts à épuiser toutes ses défenses. L’homme en question fut d’ailleurs très rapide, car il revint au moment où Daenyra s’agenouillait au bord du bassin pour toucher du bout de ses doigts l’eau intacte. Agréablement tiède. Nulle comparaison avec la fontaine dans laquelle ils étaient tombés plus tôt dans la soirée. « N’est-il pas dangereux de me précipiter dans la première pièce où il y a un bassin ? » ironisa la jeune femme alors que l’homme s’asseyait sur un bain aux abords du point d’eau. Il semblait avoir récupéré ce qui avait tout l’air d’une tunique blanche pour remplacer ce qu’il restait de sa tenue actuelle.

Daenyra cerna un élan de curiosité avant même qu’il n’ait eu à formuler sa question. D’instinct, son regard se détourna pour observer sa propre main perturber la surface lisse de l’eau, créant des remous délicats. Il n’était jamais aisé de justifier ses absences qui motivaient quelques ragots. « Je n’ai point à me cacher. C’est Elaena qui attire toutes les lumières et les regards. Sûrement n’es-tu point étranger à ses charmes. Le contraire s’en révélerait étonnant. » Un léger sourire para ses lèvres. Aucune rancœur ne transparaissait dans ses paroles. Bien au contraire, elle appréciait cette ombre dans laquelle elle pouvait se nicher. Là où on ne la verrait pas, là où on ne le remarquerait pas. « De surcroît, je ne suis guère une grande amatrice des festivités valyriennes. Je ne suis que peu habituée à tant d’agitation et j’apprécie le calme plus qu’autre chose. En soi, aucune motivation effrontée qui ne puisse faire jaser. » Et surtout rien pour éveiller les soupçons quant à sa condition. Hélas, les récents événements changeaient quelque peu les choses. « Toutefois, le récent statut d’Elaena au Sénat me rendra bien plus visible à l’avenir. Sûrement nous recroiserons-nous, Aerys Maerion. » Elle n’en doutait pas une seule seconde. Se redressant enfin, elle s’approcha du banc afin de pouvoir récupérer la tunique. « N’y a-t-il point d’endroit où je puisse me laver et m’habiller ? Toi-même, je ne doute pas que tu désires t’affranchir de cette tunique trempée. » D’une pudeur proprement non-valyrienne, une légère rougeur vint à poindre sur les joues de la jeune Tergaryon.





Aerys Maerion
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Seigneur-Dragon

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feat. Daenyra Tergaryon

Quadrant Ouest, An 1066 Mois 5

Aerys était habitué au clair-obscur. Vivant dans l’ombre du couple héritier, il avait renoncé jusqu’à son bonheur marital futur pour servir les siens. S’il fallait donner sa vie pour le nom des Maerion, Aerys le ferait sans sourciller. Il avait été préparé à cette éventualité depuis tout jeune : c’était là le destin d’un cadet qui n’hériterait de rien d’autre que de l’honneur de servir son frère quand celui-ci prendrait le pouvoir à la suite du retrait de leur père. Cette position particulière dans l’héritage lui permettait toutefois de bénéficier d’une certaine liberté d’action qu’il avait mise à profit pour sortir du carcan que lui imposait sa famille. S’il s’effaçait volontiers en présence des autres Maerion, Aerys avait un tempérament bien plus embrasé lorsqu’il était en société. Pour ces raisons, il préférait sortir sans les siens et représenter les Maerion là où le cœur de la famille ne pouvait se rendre. Il avait le sang bouillant et ne craignait pas grand-chose. Il faisait partie de ces très rares personnages à pouvoir s’encanailler pratiquement partout dans la ville sans jamais courir aucun risque. Le réseau des Maerion courrait dans chaque quartier de la ville. Par endroit, Arraxios avait un veilleur par rue et des allées entières étaient possédées par ses obligés.

Cela donnait un jeune homme à l’arrogance certaine, aussi sûr de lui que de sa sécurité en tout lieu. Il fréquentait les tavernes et les bordels des bas-fonds comme les salons de thé et maisons-closes de la noblesse. Il lui arrivait de jouer, de se battre, de danser et parfois dormir dans ces endroits. Il se construisait une expérience à nulle autre pareille au sein de la noblesse. Il se savait affreusement pontifiant par moment mais parvenait tout de même à générer une forme de proximité avec les personnes autour de lui. Il avait des amantes, des amis, et des ennemis jusque dans les taudis où s’entassaient les plus pauvres de Valyria.

Malgré cette vie des plus singulières pour un enfant de l’aristocratie valyrienne, Aerys restait condamné à l’ombre. Il n’avait ni le sens stratégique de certains, ni le dragon immense d’autres qui pourraient lui permettre de prétendre à une carrière honorable dans l’armée. Il n’avait aucune volonté de rejoindre un temple et servirait probablement comme fidèle lieutenant de son père. En ce sens, il comprenait ce que Daenyra lui expliquait quant à sa position vis-à-vis de sa sœur aînée Elaena et cela le rapprochait de la jeune Tergaryon.

« Je connais Elaena, oui. Pas aussi bien que j’aurais pu le souhaiter, mais ce sont là les turpitudes de la vie. S’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est que les héritiers n’ont généralement pas trop de temps à accorder aux puînés. »

A la différence de Daenyra, il y avait une forte amertume dans les paroles d’Aerys qui avait toujours souffert d’être relégué au second plan. Les héritiers de la noblesse valyrienne se fréquentaient très tôt, leurs parents s’assurant des relations durables et solides entre leurs successeurs pour permettre à la République de rester stable et à leurs affaires de prospérer. Aerys n’avait donc jamais eu que des échanges assez brefs avec les futurs maîtres de Valyria.

« Je ne peux que compatir à ta situation si tu n’es pas à l’aise dans nos célébrations nocturnes quotidiennes », plaida Aerys d’un ton compatissant, usant d’une litote polie pour qualifier les soirées, les bals et les orgies qui illuminaient chaque nuit la capitale des enfants d’Arrax.

A bien y repenser, Aerys n’avait pratiquement jamais remarqué Daenyra dans aucune de ces soirées. Elle était fort discrète et pouvait donc être passée inaperçue surtout que lui se trouvait généralement au cœur de la soirée, une coupe d’alcool dans une main, la taille d’une jeune femme dans l’autre. Se levant du banc où il était assis, Aerys regarda le patio autour d’eux. Il appréciait cet endroit pour son calme et la sérénité qu’il induisait pour lui. Avant son départ de la guerre, il avait passé des heures à méditer sur son sort possible en allant au-devant des légions de l’Empereur. Il regarda ses avant-bras et ses jambes, où la poussière volcaniques s’était collée sur l’eau qui les avait recouverts. Il haussa les épaules et sans autre forme de procéder enleva sa tunique trempée qui tomba d’un bruit piteux au sol. S’il n’était pas prude, Aerys était encore plus provocateur et il se tint là, à quelques mètres de Daenyra dans son plus simple appareil, les poings posés sur les hanches.

« Tu as bien raison, Daenyra. Et je n’ai aucun désir de salir mes prochaines frusques aussi vite que tu as ruiné le travail de ta couturière tout à l’heure. Je vais donc me décrasser car je ne doute pas d’être aussi hirsute que toi ! »

Se faisant, il entra dans le bassin en frissonnant légèrement mais savoura la morsure du froid tandis qu’il frottait sa peau avec énergie pour le débarrasser de la cendre. Ce n’était pas les thermes mais il y avait quelque chose de transgressif à utiliser la pièce d’eau du patio pour s’y laver. Aerys songea qu’il n’avait encore eu beaucoup l’occasion de profiter de sa maison depuis son retour de la guerre et savoura l’instant, oubliant presque jusqu’à la présence de son invitée. Par correction, toutefois, il lui posa une question. S'adossant au rebord de la pièce d'eau, il y déposa sa tête et se laissa presque allongé alors qu'il laissait errer son regard vers les étoiles qui apparaissaient dans cette lucarne découpée à travers les toits du Castel Maerion.

« Alors, comment trouves-tu la demeure des Maerion, jeune Tergaryon ? »

Il tourna la tête vers la jeune femme, toujours statufiée.

« Allons, rejoins-moi ! Tu ne vas pas rentrer dans une tunique de domestique qui sera sale de surcroît. »


Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
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feat. Aerys Maerion

Quadrant Ouest, demeure fastueuse, An 1066 Mois 5

Adepte des gloires discrètes, Daenyra Tergaryon se glissait dans les ombres de l’existence, s’immisçait dans chaque repli de l’histoire pour laisser les lumières du jour frapper les silhouettes illustres de Maekar et d’Elaena. Une entreprise vouée à la pénombre, au service d’une puissance que leur nom pouvait éclabousser autour d’eux. Une discrétion que la jeune femme cultivait, gageant que l’avenir saurait féliciter cette posture. Là où ses aînés attiraient tous les regards, elle pourrait s’activer dans les porosités de l’ombre. Pour cela, ses ambitions lui réclamaient cependant d’apprendre à dompter les dons curieux qui l’habitaient. Depuis toujours, la faiblesse l’accablait, l’obligeant à se retirer du monde et lui imposant cette présence discrète en société. Elle ne pouvait se permettre une telle vulnérabilité si elle voulait s’ériger en alliée utile auprès des deux sénateurs. Trop souvent avait-elle été victime des abus de ce don qui lui arrachait toutes ses forces, affaiblissait son esprit et la condamnait au retrait. L’esprit de Daenyra était toutefois bien fait. Peu désireuse de se métamorphoser en créature accablée, elle espérait trouver une solution à ces maux malencontreux et frustrants. Elaena avait récemment soumis l’idée de requérir aux capacités d’un mage pour lui permettre de comprendre le spectre mystérieux de son don et tenter d’en limiter les assauts indésirables. Ainsi ne serait-elle plus cette cadette au passage aveugle, au nom oublié, à l’absence aveuglante. Ainsi ne serait-elle plus cette Tergaryon qui faisait pâlir le prestige de sa famille. Ainsi pourrait-elle aiguiser ses sortilèges pour en forger des armes redoutables.

Hélas, cette ère se languissait dans la distance et elle souffrait encore de cette place incertaine parmi les Tergaryon. Une pâle présence qui ne passait guère inaperçue parmi les autres dynastes. Aerys Maerion, d’après sa curiosité, confirmait cette vie de l’ombre. Un écho de son âme s’entrechoqua à celle de la noble lorsqu’elle justifia sa discrétion par l’intérêt et l’admiration suscités par Elaena partout où ses pas résonnaient. Le jeune homme partageait cette place de cadet au sein de sa famille. Toutes les lumières se dirigeaient vers l’héritier des Maerion, Jaehaeganon. Outre la puissance qu’il incarnerait un jour, c’était à son bras que trônerait Daenerys. Une douce fiancée autrement destinée à lier son destin à celui d’Aerys. Bien que Daenyra n’ignorait rien de cette histoire, elle avait eu le récent récit de la sœur Maerion pour lui confirmer toute la souffrance que cette décision incarnait. Un amour déçu. Une idylle anéantie par les affres du devoir. Une vie de privilèges cloisonnée d’épais barreaux d’or et de rcihesse. L’acidité qui électrisa Aerys attaqua la chair de la jeune femme. Frustration. Jalousie. Envie. Si Daenyra se confortait dans sa position de puînée, il n’en était rien du dernier fils Maerion qui supportait difficilement de s’effacer un pied en arrière. La discrète Tergaryon décida de ne point entretenir son ressentiment.

Un léger sourire s’installa sur ses lèvres tandis qu’il compatissait à sa situation. La sincérité transparaissait autant dans sa voix que dans ce que Daenyra pouvait ressentir. Soulagée que sa curiosité soit satisfaite par ses quelques parades, elle se détendit. A présent, elle aspirait à s’affranchir de sa tunique trempée et souillée pour se nettoyer et revêtir des vêtements propres. Si la politesse lui réclamerait sûrement de profiter de l’hospitalité du Maerion plus longtemps, elle comptait bien rentrer au palais dès qu’elle le pourrait. Inutile d’inquiéter outre mesure sa sœur par son absence dès que celle-ci serait remarquée. Si leur manège était bien entretenue pour qu’Elaena ne se formalise par du départ précipité de sa benjamine, ses inquiétudes risquaient cependant de jaillir en réalisant que Daenyra ne s'était pas réfugiée chez les Tergaryon.

Un feu plus dévastateur encore que le souffle d’un dragon enflamma le visage de Daenyra en se retournant vers Aerys. Alertée par le bruit d’un tissu imbibé s’échouant brutalement au sol, elle découvrait à présent les formes impudiques du noble. Si ce n’était point la première fois qu’il lui était donné de contempler le corps nu d’un homme, elle pouvait difficilement revendiquer cette vision comme une habitude. Plus encore, point en de telles circonstances où ils n’étaient que les deux seuls êtres demeurant dans ce patio. Bien qu’elle ne puisse réprimer la surprise presque angoissée qui l’étreignit face à cette image improbable, elle s’ingénia à voiler son émoi. Par chance, l’entrée d’Aerys dans le bassin fut une diversion suffisante pour l’aider à reconstituer un masque tranquille en dépit des battements affolés de son cœur. Son trouble ne fit que s’accroître dès lors qu’il la pressa de venir le rejoindre dans l’eau. Si son âme n’était pas raccrochée au nom des Tergaryon, sûrement se serait-elle déjà enfuie pour ne pas avoir à s’imposer une telle situation. Prudente Daenyra. Pudique Daenyra. Timide Daenyra. Fidèle Daenyra. Elle connaissait l’esprit subversif du Maerion et ne voyait que d’un très mauvais œil son immersion dans le bassin avec lui. Néanmoins, elle songeait à la réputation qui se rattachait à sa famille, aux soupçons qui pourraient enfler si elle ne prenait pas garde à se plier à des coutumes valyriennes. Elaena l’avait déjà prévenue… elle ne pourrait pas toujours la protéger et détourner l’attention sur elle. Consciente que le choix ne lui était guère laissé, Daenyra finit par abdiquer face à ses démons internes.

La jeune femme ne se dévêtit pas tout de suite. Il lui fallait calmer les bouleversements de son être tandis qu’elle s’approchait du bassin. Reculant le moment fatidique où il lui faudrait se montrer dans son plus simple appareil devant un homme pour la première fois, sa main partit à la rencontre de la surface de l’eau. « C’est glacé… » Plus encore, ce bassin n’était point destiné aux bains et ablutions. Daenyra était plus coutumière des thermes et bains chauds. Se résignant enfin à affronter ses devoirs, elle se redressa pour faire glisser lentement sa tunique le long de ses épaules, puis de ses hanches pour atteindre le sol. La morsure de l’air froid vint attaquer sa peau aussi férocement que le regard d’Aeys embrasait son épiderme. Aussi dignement qu’elle le put, elle s’assit sur le rebord du bassin avant de s’y immerger. Une légère exclamation s’échappa d’entre ses lèvres alors que l’eau glacée la cueillait. Rassérénée que ses pudeurs soient protégées, elle se détendit un peu pour se lancer dans des ablutions plus qu’agréables. Chaleur et trouble partirent à nouveau à la conquête de son visage et de son cœur en cernant les sentiments qui agitaient l’être d’Aerys. A la rougeur qui dévora ses joues, Daenyra répliqua en s’immergeant totalement dans les profondeurs du bassin, permettant à sa chevelure de se délester de sa poussière pour réapparaître à la surface. « Voilà une situation qu’il m’aurait été difficile de prédire à l’aube de ce jour. » s’amusa Daenyra, cherchant à dissimuler sa retraite à l'autre bout du bassin avec des paroles légères. Son nez se leva vers le ciel perçant par la lucarne des toits du palais. « Les dieux nous réservent parfois de drôles de tour… »






Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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feat. Daenyra Tergaryon

Castel Maerion, An 1066 Mois 5

Aerys savourait le moment présent comme il essayait de le faire chaque fois qu’il en avait l’occasion depuis son retour de la guerre. Après quatre années de combats, de tension et de privations, revenir à une forme d’insouciance bienheureuse à pouvoir agir comme un enfant avait un goût proche de celui de la victoire. Bien entendu, il n’était plus un jeune garçon. Comme tant d’autres, il était parti enfant, il était revenu homme fait. Bien davantage n’étaient jamais rentrés chez eux. Les pertes valyriennes restaient encore aujourd’hui un sujet profondément tabou, y compris dans les cercles du pouvoir. On les estimait à plusieurs milliers mais certains chiffres dépassaient la centaine de milliers de Valyriens tués par les Ghiscaris : à la bataille, durant le siège de Tolos ou en mer. Pour certaines familles nobles, le tribut prélevé par la guerre était encore plus lourd. Des affaires entières avaient fait faillite, des clients avaient été exterminés, des héritiers avaient disparu, parfois avec leurs dragons. Le pire cas de figure était un dragon mutilé, ne pouvant plus voler et qui devenait aussi utile qu’un énorme crocodile cracheur de feu qu’il fallait nourrir et qui jetait un doute sur la bénédiction des dieux envers cette famille.

Il glissa tout entier dans l’eau, faisant la planche pour mieux apprécier la plénitude du moment. Il ferma les yeux, se laissant glisser dans une forme d’inconscience. Alors qu’il méditait, il flottait, dérivant légèrement selon les faibles courants, induits par les jets qui faisaient circuler l’eau.

Pour les Maerion, la guerre avait débuté alors qu’ils faisaient encore le deuil de Meleys, la fille aînée de la fratrie issue de l’union d’Arraxios et Vhaenyra Maerion. Les Quatorze avaient été magnanimes avec leur famille, les protégeant d’une nouvelle perte durant le conflit. Depuis, Aerys faisait en sorte de profiter des plaisirs terrestres qu’avait à offrir Valyria. Et s’il appréciait la froideur de cette eau, il avait également apprécié de pouvoir observer le reflet de la lune et des torches qui éclairaient doucement le patio sur la peau de Daenyra, révélant ses formes dans un clair-obscur aussi élégant que sensuel. Aerys Maerion avait été tout entier dédié à son amour de jeunesse et d’une vie : Daenerys. Les choses avaient toutefois pris un tour incongru et aujourd’hui, il faisait en sorte de repousser les limites qu’il s’était jadis imposé. Certains auraient pu y voir une forme de cynisme concupiscent alors que la réalité, parfois proche de cette perception, était souvent occultée. Aerys travaillait à oublier un amour impossible par loyauté pour les siens, par loyauté pour la famille Maerion, en l’honneur des ancêtres et des descendants. Son nom ne resterait pas gravé dans le marbre comme celui de Jaehaegaron et de Daenerys. Au retour de la guerre, il avait découvert combien de nouvelles jeunes femmes avaient fait leur apparition à Valyria. De belles demoiselles issues de certaines des familles les plus en vue de la Péninsule étaient revenues à la capitale après avoir passé leur enfance dans les villes situées parfois loin de Valyria. D’autres étaient parties alors que la guerre menaçait, cherchant refuge dans les villes moins importantes à l’Ouest, leur famille souhaitant les protéger d’une invasion ghiscarie. Ces filles parties de Valyria et de ses environs étaient revenues femmes. Et alors que les jours s’égrenaient depuis le Triomphe et la communion d’une Valyria réunifiée avec ses jeunes, le rythme des orgies, des bals, des soirées, des dîners, des représentations au théâtre et autres célébrations religieuses diverses et variées s’était enchaîné à un rythme étourdissant. Il y avait de quoi attraper le tournis : à chaque soirée, de nouvelles demoiselles aux yeux violets, roses, améthyste, parfois presque rouges ; à la peau d’albâtre, d’ivoire, rose ou parfois aux teintes caramélisées ; aux coiffures tantôt provocatrices, tantôt pleine d’élégance, souvent les deux à la fois ; faisaient leur apparition.

Et chez les hommes aussi, les nouveaux étaient nombreux. Ceux qui n’avaient pas eu le privilège de servir Valyria sous ses bannières l’avaient fait autrement, ceux qui avaient atteint leurs seize ans après la paix étaient à leur tour prêts à entrer dans la ronde du monde valyrien. Les soirées de présentations se tenaient tous les soirs. Des amertumes apparaissaient à mesure que les guerriers de jadis voyaient ces jeunes hommes pimpants discuter avec tant d’aisance avec des femmes qu’ils avaient continué à fréquenter pendant qu’eux se battaient contre la Harpie. Chez ces jeunes privilégiés, une crispation égale les frappaient alors qu’ils constataient à quel point leurs aimées étaient attirées par les histoires, les muscles et les cicatrices de ces héros partis charger des légions hérissées de piques et d’arbalètes à dos de leurs dragons.

Ses oreilles immergées, Aerys n’entendait plus rien de ce monde et il rouvrit les yeux lorsque sa tempe cogna contre quelque chose qui n’avait décidément pas la texture du bord en marbre. Il rouvrit un œil, puis l’autre. Tout d’abord, il ne vît que le ciel étoilé et les constellations que son père lui avait jadis appris à reconnaître. Puis, il croisa le regard apeuré – le mot était faible – de Daenyra Tergaryon, qui le regardait comme s’il était porteur d’une peste mortelle. Il papillonna et puis courba son dos de façon à couler la partie inférieure de son corps pour se retrouver assis aux côtés de la Tergaryon.

« Je suis vraiment confus, je n’ai rien entendu de ce que tu as pu me dire… il me semble avoir entendu ta voix sans parvenir à sortir de l’état dans lequel je me trouvais. »

Il lui adressa un sourire penaud et encourageant, la laissant répéter ce qu’elle avait dit alors. Au début hésitante, ayant peur de passer pour une idiote, elle avait fini par accepter alors qu’il inclinait la tête dans sa direction pour mieux la convaincre.

« Ah ! Oui, effectivement, c’est pour nous deux une situation assez inattendue, je dois bien te rejoindre sur cette position. Mais ma foi, j’ai connu plus désagréable, » continua-t-il en baissant les yeux vers le corps de Daenyra, où le froid faisait se dresser certaines aspérités.

Sans autre forme de procès, il se détourna un instant de la jeune femme pour se frotter la nuque et le torse, ainsi que pour se concentrer sur ne pas avoir l’air trop bestial alors qu’il sentait son corps réagir à la présence de la jeune femme. À la différence de certains de ses frères d’armes, Aerys n’était revenu que peu affligé de marques physiques de son passage dans l’armée. Il n’avait que quelques cicatrices infimes infligées par des accidents, par un ou deux combats un peu compliqués ou simplement par les écailles de son dragon lorsque ce dernier faisait des manœuvres serrées, le forçant à se coller à lui et, parfois, à subir une petite coupure au visage. La plus vilaine de ces cicatrices, qui tenaient plus de la coupure qu’autre chose, était la marque laissée par un carreau ghiscari qui avait manqué de le tuer. Ce dernier l’avait frappé à l’aine, déchirant sa tunique, sa cote de mailles légère et ressortant tout aussi rapidement. Sa hanche n’avait pas été touchée, mais il gardait une large trace brune et légèrement sur son flanc gauche, celui du côté duquel Daenyra était assise. La voyant se débattre avec ses longs cheveux pour les rincer, Aerys ne put s’empêcher de laisser échapper un rire moqueur en la voyant se débattre avec son cuir chevelu souillé par la boue et la cendre.

« Laisse-moi t’aider. Il ne sera pas dit que l’hospitalité des Maerion laisse à désirer. Si je ne suis plus capable d’honorer une invitée telle que toi, je n’ai plus qu’à faire mes bagages et partir m’installer dans la cité souterraine. »

En même temps qu’il passait une main dans le dos nu de la jeune femme pour la faire pivoter, il se tût soudainement. La cité souterraine était un endroit dont on parlait rarement dans l’aristocratie valyrienne. C’était un lieu d’extrême pauvreté et de perdition. Les plus viles créatures rôdaient dans ses niveaux les plus inférieurs et c’était là que finissaient par aller s’entasser les plus pauvres, les plus vulnérables et les plus désespérés. Il y avait également des rumeurs très dérangeantes de cannibalisme. C’était là ce que la plupart des nobles les plus renseignés par ces légendes urbaines connaissaient de l’endroit. Aerys, lui, y avait mis les pieds plus d’une fois. C’était un endroit intéressant mais très hostile. Jamais les Maerion n’avaient réussi à dompter les habitants des souterrains et ces derniers vivaient sous la coupe de différents petits seigneurs du crime locaux qui agissaient à leur guise. Ils ne sortaient jamais, ou presque, à la surface et en conséquence, ne posaient que peu de problèmes aux habitants de la surface. Se vanter de la connaître, ou même la mentionner, alors que personne chez les seigneurs-dragons n’abordait son sujet était une chose idiote à faire.

Ces réflexions en tête, Aerys resta silencieux durant plusieurs minutes alors qu’il s’installait en tailleurs derrière la jeune femme. Il la fit basculer légèrement en arrière en appliquant une unique pression sur ses épaules pour qu’elle l’aidât puis utilisa régulièrement ses mains pour apporter de l’eau sur ses cheveux qu’il essayait de laver mèche par mèche avec une douceur qui le stupéfiait. Il avait toujours eu des mains plutôt fines et son gabarit trahissait qu’il tenait plus de sa mère que de son père mais en quatre ans, il s’était habitué aux cals laissés par les rênes lui permettant de contrôler son dragon Mythrax ou la poignée de son glaive. Il redécouvrait qu’il était capable de travaux plutôt subtils et fins avec ses mains. Il voyait la couleur originelle des cheveux de Daenyra qui apparaissait de nouveau. Sa position de cadet avait fait de lui qu’il avait eu beaucoup de temps avec sa mère et sa sœur, et s’il n’était pas à proprement parler efféminé, il avait appris bien des choses du monde des femmes. Il avait vu plus d’une fois sa mère aider sa sœur avec ses cheveux. Il s’appliquait donc à réitérer ces gestes qu’il avait jadis vu faire, tout en laissant courir ses doigts sur le cuir chevelu de la Tergaryon en une forme de massage crânien.

« Tu es tendue. J’ignore si je suis particulièrement empathique ce soir, mais force est de constater que tu projettes un sacré sentiment d’inconfort. »

Il délaissa les cheveux de la jeune femme et fit glisser ses mains le long de sa nuque pour arriver sur ses épaules qui semblaient bien frêles sous ses mains de rustres. Il sentait le grain de sa peau douce sous ses pouces et la chaleur de son corps, qui irradiait jusqu’au bout de ses doigts. Daenyra avait peut-être froid, elle était peut-être assise dans un bassin d’eau qui lui semblait glacée, elle n’en restait pas moins une Valyrienne. Comme le peuple élu, elle avait le feu sacré. Elle brûlait en permanence d’une chaleur naturelle qui rappelait les volcans de la terre dont leur peuple était issu. Il laissa ses mains là, ne pouvant pas voir quelle expression était peinte sur le visage de la jeune femme. Il laissa ses mains s’attarder sur les épaules de Daenyra, se demandant quelle serait la suite de leur discussion. Il se pencha en avant, pour venir poser sa question à la Tergaryon en en faisant volontairement un peu trop. Il se moquait d’elle et dans le même temps, il se sentait comme happé en avant vers la jeune femme, comme pour mieux sonder ce que serait sa réaction.

« C’est le fait de partager une fontaine avec un Maerion qui te dévaste à ce point, Daenyra ? As-tu entendu beaucoup de racontars sur les miens ? Je n’ose croire qu’une si belle et fière créature comme toi se laisse intimider par le premier butor à la langue bien pendue que tu croises. »

Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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Rien n'est jamais acquis à l'homme,
ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur

feat. Aerys Maerion

Quadrant Ouest, demeure fastueuse, An 1066 Mois 5

Les rayons diaphanes de la lune enrobaient pudiquement la silhouette de Daenyra. Icône frémissante, révélée par les atours délicats de la nuit, irradiée de pâles lumières qui seyaient à ses chastes discrétions. Elle découvrait là tous les premiers émois d’être offerte au regard d’un homme. Florilège impétueux d’un cœur rompu d’embarras et d’une timide incarnation. Son immersion dans le bassin permit à ses formes voluptueuses d’être voilées sous des contours plus sibyllins. Improbable tableau que celui que les deux dynastes livraient sous le regard de quelques étoiles amusées. Les élans de sa fuite avaient pris des allures bien étranges, et en échappant à la compagnie mortifère et oppressante de Jaekar, voilà qu’elle se retrouvait à partager un bain avec un homme dont elle ne connaissait que la célébrité du nom.

Daenyra, pâle et étourdie, s’accula contre un rebord éloigné du bassin. Ses prunelles crépusculaires s’accordèrent l’étude de ce Seigneur abandonné à ses délices et ses songes. Uniques intrus bouleversant le paisible repos du Castel Maerion, la noble éprouvait dans toute leur profondeur les sentiments qui agitaient çà et là la chair d’Aerys, teintaient son âme d’une plénitude exigée. Un ombre presque imperceptible s’échoua dans son corps. Telle une gangrène infâme, les turpitudes vivides de souvenirs dolents dansaient dans l’esprit du dynaste. Aerys était de ceux que la guerre avait appelés, l’arrachant à la douceur des fêtes valyriennes pour le projeter vers le théâtre d’horreurs indicibles. Rares étaient les hommes qui dévoilaient la misère du règne de ces années belliqueuses, préférant conter gloire, victoire et courage. Cependant, les dons de Daenyra ne permettaient aucun secret honteux et elle découvrait sans l’avoir vécue l’atrocité des champs de bataille, le traumatisme des guerriers revenus et la culpabilité purulente de ceux qui avaient survécu. Elle n’ignorait nullement l’agonie muette tapie dans les recoins de l’âme, vouée à l’oubli et aux ténèbres, ressurgissant vicieusement aux sombres heures de la nuit. Une clairvoyance regrettée qui avait sacrifié la relation de Maekar et de sa cadette depuis son retour de l’affrontement contre les Ghis. Effrayé qu’elle puisse lire en lui tout ce qu’il n’était encore capable d’exprimer, pétri de la culpabilité d’être revenu seul héritier des Tergaryon auprès des siens, il évitait sa présence. Un néant douloureux s’empara des tripes de la jeune femme tandis que ses pensées dérivaient en des territoires désolés et calcinés. L’absence d’un nom hurlait en son âme et la pétrifiait dans un funeste linceul que le temps ne parvenait à déchirer. Triste cœur greffé à des souvenirs aussi doux que cruels, aussi tendres qu'impies. Lacérations grotesques infligées son âme qui ne savait s’arracher à cet amour désincarné, à cette passion mélancolique et frénétique. La symphonie assourdissante de toutes ces voix qui venaient se fracasser contre les fibres de son être l’empêchait d’éprouver la moindre de ses sensations. Nul répit ne lui était accordé, accablée du fardeau de tourments qui ne lui appartenaient pas. A jamais étrangère à elle-même. Elle voguait, perdue et futile, sur les flots poisseux et indomptables de toutes ces âmes qui se mêlaient, s’entremêlaient et s’entrechoquaient les unes aux autres. Une tempête furieuse qui frappait les contreforts de son être, l’étourdissant au point de lui faire oublier son propre nom. Et alors, dans l’antre obscur et mélancolique de ses solitudes, son âme réclamait la caresse d’un corps retourné à la terre bien trop tôt, d’un être dont l’éclat n’éclatait plus en ce monde. Un refuge désespéré et pathétique dans lequel Daenyra parvenait à trouver tout juste l’apaisement pour échapper à l’épaisseur visqueuse des trémolos d’âmes qui n’étaient pas la sienne. Le cœur nimbé de chagrin, le nom d’Aenar explosait dans son esprit avec une ferveur abominable. Le passé s’érigeait dans toutes ses nébuleuses fantaisies, abusant son esprit de mirages aussi merveilleux que mortifères. Dans ce monstrueux refuge, il lui semblait qu’elle retrouvait là les saveurs d’un monde qui lui était devenu insipide, que ses maux se pansaient à la caresse des paroles d’Aenar, à son fantôme bien plus tendre qu’il ne l’avait été lorsqu’il était encore de chair et de sang. L’univers chatoyait de couleurs jamais observées, de lumières qui ne la touchaient plus avec la même ardeur. Il ne lui semblait plus que la caresse du vent effleurait sa peau fraîche et offerte. L’écho des voix avait perdu sa mélodie légère. Ses poumons se gonflaient sans saveur de cet air qui manquait de la présence d’Aenar. Les couleurs elles-mêmes, dansantes et époustouflantes dans la somptueuse cité de Valyria, s’étaient fanées sous un voile sépulcral. Captive d’une idylle  fantasmée. Compagne fidèle d’un amant immortel et vaporeux. Suzeraine d’un domaine où elle pouvait éprouver les propres textures de son âme et de son cœur. Victime de ses passions traîtresses…

Le visage d’Aenar s’évapora devant les yeux de Daenyra, se métamorphosant sous les traits tout aussi délicats et séduisants d’Aerys. Réintégrant là brusquement son corps, la jeune femme dut prodiguer un effort manifeste pour ne point se soustraire à sa proximité. Le fracas de son âme forte et tranquille s’abattait, implacable, sur sa poitrine. Elle en vint à répéter des paroles que sa mémoire avait presque condamnées sous l’insistante bienveillance du dynaste. Ce fut assez pour que sa nature désinvolte projette la pudique noble dans un embarras ardemment voilé. Son regard s’affranchit de celui d’Aerys pour s’envoler vers la voûte céleste, maudissant impunément quelques dieux de leurs grotesques facéties. Mais si ses yeux ne pouvaient plus voir, son âme savait ressentir avec précision le désir évident qui électrisait le corps du jeune Maerion. Un triste feu embrasa son être en même temps qu’une culpabilité tenace s’agrippait à ses entrailles, ignorante de ces émois qui transperçaient sa chair frémissante, ne sachant si ce trouble inavoué lui appartenait un peu ou si Aerys en était l’unique propriétaire. Bien que sa contemplation, par égard pour Daenerys et une démente fidélité, ne puisse s’effectuer en profondeur, Daenyra ne pouvait nier la beauté du fils Maerion. Un corps masculin sculpté à-même les flammes et la roche immuable des terres d’Essos. Un regard ardent, brûlant du pur feu valyrien. Un visage séduisant, taillé avec délicatesse mais déjà buriné par les épreuves de la vie. Seul son don lui permettait d’éprouver toutes les aspérités obscures de son âme, de son amertume à ses jalousies, à ses terreurs les plus enfouies. La jeune femme s’en voulait de cette fouille indomptable qu’elle infligeait à toutes les âmes qui s’enlaçaient à la sienne. Sauf que sous les attraits d’un sourire enjôleur, Daenyra en éprouvait toute la mélancolie. Elle ressentait la chaleur de ces tristes flammes qui embrasaient son esprit torturé, de maux dont il ne soupçonnait même pas l’existence et qu’elle vivait avec une clarté saisissante. Intrusion impudique dans son esprit qu’elle aurait souhaité leur épargner...

Cherchant à s’abîmer dans une quelconque diversion pour faire taire tout le chagrin qui s’éveillait en elle, Daenyra s’employa à nettoyer sa chevelure souillée. Gorgée de poussière et de cendre, l’entreprise s’avérait particulièrement ardue. Le rire qui éclata d’entre les lippes moqueuses d’Aerys l’arracha à son pénible ouvrage. « Je me permets d’espérer que personne ne mérite un tel voyage… si inhospitalier fut-il. » L’évocation de la cité souterraine n’était pas sans surprendre la délicate noble. Si elle connaissait parfaitement l’origine et les récits qui l’entouraient, ce n’était point un lieu qu’il était d’usage de mentionner en société, et moins encore dans les hautes strates valyriennes. Un territoire redoutable, dangereux et effroyablement misérable. La main d’Aerys effleurant son dos nu fut une distraction suffisante pour que son esprit s’égare ailleurs. Elle n’apposa nulle résistance au soin qu’il appliqua au moindre de ses gestes. Et tandis qu’un silence intimidant s’échouait sur ce tableau sensuel, les pensées de Daenyra dérivèrent en des terres isolées et profanes. Aux mains d’Aerys qui s’ingéniaient avec délicatesse à purifier sa chevelure d’argent, les pitoyables chimères de Daenyra esquissaient un tout autre visage. A cette douceur qui lui était prodiguée, elle imaginait un tout autre auteur. Sous le voile de la nuit, une passion discrète s’élevait et il plaisait à son âme meurtrie que son doux fantôme s’incarne en la figure du dynaste. Une mélancolie languissante s’enracinait dans ses chairs et une larme renégate dévala l’une de ses joues glacées. Affamée de sa voix, de ses mains, de sa bouche, de sa chaleur… Elle ne pouvait empêcher son être de le chercher dans les moindres replis du temps et de l’univers. Une quête furieuse. Un espoir dément. Un chagrin putride.

Son illusion éclata sous la voix masculine qui brisa le silence qui les avait étreints. Fracas d’un miroir qui se brise en des morceaux épars et redoutables, reflétant le monde sous tous ses angles les plus imparfaits et les plus grotesques. Les yeux de Daenyra s’ouvrirent sur une réalité qui raidit tout son corps agité de flammes froides et malheureuses. L’absence se fit d’autant plus cuisante tandis que l’esprit d’Aerys s’infiltrait dans toutes les fibres poreuses de l’âme de la noble. Ses paroles lui parurent d’une ironie bien maladroite de la part d’un destin à l’humour trop souvent douteux. Elle manqua de frémir à ce mot qu’elle maudissait jusqu’au fond de ses tripes. Empathe. Une malédiction honnie. Un don méphitique qu’elle aurait tant souhaité troquer pour une existence plus doucereuse. La caresse des mains d’Aerys sur sa peau ne fut nullement pour la détendre. Contact profane qui éveillait des désirs coupables chez la jeune femme. Daenyra condamnait l’émoi qui s’emparait d’elle à ce toucher rugueux qui s’attardait sur sa peau découverte, à cette voix qui se faisait languissante, à ce corps qui s’approchait du sien pour venir murmurer à son oreille. Et ce malaise brusque qui la fit frémir… à qui appartenait-il ? Son orgueil se retrouva malgré tout piqué de cet aplomb avec lequel il la tançait et se jouait de ses pudeurs. Et cette fierté, la Tergaryon pouvait se targuer d’en être la pleine propriétaire.

Sa main, gracile, s’échoua sur sa propre joue pour en chasser les vestiges d’une émotion sacrée et secrète. Devenue maîtresse dans l’art de dissimuler des sentiments qu’elle pouvait pourtant lire si aisément dans les cœurs passagers, elle feignit une assurance qu’elle ne possédait guère. Elle se tourna vers le dynaste mais une ombre ternit brusquement son regard. Leurs visages si proches l’un de l’autre, Daenyra pouvait éprouver la chaleur de son souffle au cœur de cette fraiche nuit. Ses yeux s’égarèrent sur ses traits qui n’étaient pas ceux d’Aenar, à toutes les perfections et les imperfections qui les rendaient si semblables et différents à la fois. Celui qui vivait et celui qui avait trépassé. Sa gorge se serra à cette triste étude qui martelait sa poitrine de maux terribles. Et sans qu’elle ne s’en rende compte, ses doigts effleurèrent le visage d’Aerys pour en retracer les contours sublimes et anguleux. Le temps s’interrompit en cette pause voluptueuse qu’un souvenir vint anéantir aussitôt. Comme si l’épiderme du dynaste s’était fait fournaise, Daenyra retira sa main et s’écarta de cette proximité ensorcelante. Pouvait-elle s’être égarée dans les évanescences du Maerion ? De quelle source provenait ce charme improbable ? Le cœur méfiant, elle marqua une certaine distance avec Aerys, contrastant ce trouble déjà chargé de remords avec une expression plus tranquille.

« Et de quelles rumeurs parles-tu, Aerys ? De quelle langue devrais-je me défier et condamner quand tes actions prouvent par mille fois l’impertinence accrochée à ton nom ? » Un sourire mutin ourlait ses lèvres généreuses en une pose que Daenyra ne prenait guère. Séduisante. Joueuse. Manipulatrice. « Tu m’as cueillie au fond de cette fontaine alors que je tentais d’échapper à la compagnie d’un prétendant indésirable, et voilà que tu m’enlèves au dos d’un redoutable dragon pour nous précipiter dans une situation ma foi bien semblable. » Si sa voix avait pu être malmenée par quelques hésitations, elle marquait à présent une assurance formidablement sculptée. « Dans une eau bien plus accueillante, j’en conviens. » ponctua-t-elle malgré tout, dans un rire discret. Tout en libérant ses mots, elle s’éloignait un peu plus, jusqu’à se retrouver acculée d’un autre côté. « Et au soin que tu apportes à m’imposer cet inconfort que tu évoques et à me tancer de la sorte, pourrais-tu t’opposer à ces vilaines langues ? Saurais-tu te défendre de ce dont on t’accuse ? »

Elle laissa un silence planer entre eux. Ses doigts, longs, fins et jamais éprouvés par le moindre labeur, frôlaient la surface de l’eau froide avec une grâce hypnotique. Les accents de sa voix se firent plus graves. « Ne te joue point de mes pudeurs, Aerys. Peut-être es-tu usé au sortilège de tes charmes et il t’est coutumier d’y faire succomber toutes les belles femmes qui paradent en nos festivités... Tes sortilège ne sont cependant pas invincibles. » A ses paroles, Daenyra réalisa un instant son imprudence. Bien que l’art subtil des jeux voluptueux s’efforce de ne point nommer les désirs ardents qui enflamment les prétendants, elle prenait le risque de paraître présomptueuse sur les intentions du jeune homme. Il n’y avait que son don pour lui exposer en pleine lumière les convoitises d’Aerys et savoir que sa langue traçait la vérité. « Toutes les créatures de Valyria ne se ressemblent pas… si semblables pour toi semblent-elles être. » Elle qui ne revêtait pas la moitié de l’élégance et de la grâce de toutes ces femmes chatoyant sous les lumières des fêtes et du regard avide des hommes. Elle qui craignait le moindre regard qui se posait sur sa frêle silhouette.





Le dragon de Pâques est passé par ici:
Aerys Maerion
Aerys Maerion
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feat. Daenyra Tergaryon

Castel Maerion, An 1066 Mois 5


Depuis toujours, Aerys s’était toujours imaginé qu’il était assez doué à décrypter les pensées et émotions des autres.

C’était faux.

Aerys Maerion avait de nombreuses qualités, mais l’observation et la compréhension des pensées de ses interlocuteurs n’en faisait pas partie. Il était attentif et pouvait lire ce que ses émotions provoquaient chez certaines personnes peu entraînées à masquer leur ressenti. Il n’aurait jamais pu faire une carrière honorable au Sénat pour ces raisons également. Aerys était un éternel second. Et s’il avait su maximiser les avantages qu’il pouvait retirer de cette position, il restait sur certains points très médiocre. Face à une Daenyra obligée depuis son tout jeune âge à masquer ses sentiments, qui était poussée au-delà de ses limites chaque jour que les Quatorze faisaient, Aerys n’avait aucune chance de comprendre la toile complexe des émotions qui agitait l’esprit de la Tergaryon. Il pouvait lire son trouble car elle projetait des émotions puissantes mais il n’était en aucun cas en mesure de les interpréter.

Lorsqu’elle s’était tournée vers lui, Aerys s’était retrouvé dans une nouvelle proximité avec la jeune femme. Ils étaient tous les deux comme ils s’étaient présentés au monde le jour de leur naissance, le jour où ils avaient été projetés dans un brasier pour subir l’épreuve du feu. Il ne s’était guère attendu à ce qu’elle se tourne ainsi vers lui. Il laissa ses mains glisser le long des hanches de Daenyra alors qu’elle plantait son regard dans le sien. Ils restèrent un instant silencieux, et seul le crissement des grillons nocturnes et le doux clapotis de l’eau emplissaient l’air. Ils n’avaient rien besoin de dire ni de penser car leurs âmes venaient de se croiser. Le contact de la paume de Daenyra avec la joue d’Aerys surprît ce dernier. Il ne s’attendait ni à ce contact physique, ni à la froideur de la main de la jeune femme. Il savoura la douceur de sa peau contre la sienne, s’abandonnant à fermer les yeux et à presser sa tête de manière infime contre la main de la Tergaryon. Lorsqu’elle la retira brusquement, il rouvrit les yeux dans un mélange de résignation et de déception. Cela faisait longtemps qu’on ne lui avait pas témoigné une forme de tendresse si simple.

Elle s’était ensuite trouvée fascinante de magnétisme alors qu’elle lui souriait avec provocation. C’était un sourire partagé par toutes les jeunes femmes valyriennes d’ascendance noble, sans aucune exception. À un moment où un autre, elles finissaient toutes par afficher ce sourire conquérant et joueur car elles ne l’ignoraient pas : elles avaient le monde à leurs pieds. Et c’était encore plus vrai pour ces femmes qui ne vivaient pas sous le joug orthodoxe des puissantes familles consanguines du Sud. Elle arborait donc cette assurance débordante qu’Aerys connaissait bien et qu’il trouvait toujours aussi charmante. Pour lui, aucune femme ailleurs dans le monde n’égalerait jamais l’élégance et l’assurance d’une Valyrienne. Il se permit toutefois un commentaire en l’interrompant.

« Myhtrax n’est pas redoutable. C’est mon frère… le seul qui ne m’ait jamais fait défaut. »

S’il avait commencé sur un ton badin, sa phrase s’était achevée sur un ton bien plus sinistre. Pur produit de l’inceste séculaire des Maerion, Aerys était un être emporté, violent et exalté. Il disait souvent ce qui lui passait par la tête et encore plus quand il s’agissait du dragon auquel il était lié. Il y avait entre eux un lien indéfectible, indestructible, bien qu’imparfait. En se concentrant, l’instinct du Maerion pouvait même lui signifier si son dragon était proche ou non de lui. Il sentait sa présence lointaine, agissant comme un gardien rassurant.

Lorsque Daenyra laissa échapper un rire discret pour faire référence à leur voyage d’une fontaine à une autre au cours de la soirée, Aerys sentît quelque chose chavirer en lui. Il s’efforça de rester stoïque. La native d’Oros avait une forme de vulnérabilité dissimulée sous son assurance qu’il trouvait touchante ; il avait le sentiment qu’elle n’avait pas l’habitude de côtoyer ainsi une personne s’intéressant à elle dans ces circonstances. Aux multiples questions de Daenyra, il n’en avait qu’une à lui opposer. Pourquoi t’éloignes-tu ? Reste avec moi ! voulait-il lui demander, souhaitait-il lui crier.

Sa dernière phrase, toutefois, était sibylline et laissa Aerys en proie à un doute. Que signifiait-elle ? Il la voyait de l’autre côté de la pièce d’eau, révélant un caractère aussi tranché que changeant… ce qui était très curieux à observer. Il imaginait qu’elle avait percé à jour ses émotions et ses désirs. Il l’avait regardé s’éloigner, brisant leur proximité et les espoirs immédiats du Maerion. Il resta là un moment, la regardant à quelques mètres, sans bouger. Il la fixait avec une forme de sérénité dubitative.

« Tu ne ressembles à personne d’autre. Je crois que je n’ai jamais rencontré pareille aura. »

Il avait prononcé cette phrase avec un ton où se mêlaient le souffle du désir et une forme de respect pour cette constatation. Il avait plus d’une fois expliqué à ses conquêtes qu’elles étaient différentes des autres quand il n’en était rien. Pour Daenyra, toutefois, il était sincère. Il y avait une force d’âme qui irradiait tout autour de son corps finement sculpté. Elle aurait été plus pugnace qu’il l’aurait dit habitée d’un feu sacré mais qu’elle gardait en permanence sous cloche, comme de peur qu’il la consume. Aerys, lui, sentait un autre incendie menaçant de le consumer à mesure qu’il se perdait dans ces yeux clairs qu’il voyait parfaitement malgré l’obscurité partielle. Il était comme attiré par ces deux perles aux reflets améthyste qui ne le lâchaient pas. Il prit conscience qu’il s’était tant penché en avant qu’il menaça de s’étaler tout du long dans l’eau. Cela aurait d’ailleurs pu rester là si, cherchant à regagner son équilibre, il ne s’était pas appuyé un peu trop brusquement sur le marbre glissant de la fontaine… et il réitéra la cascade qu’il avait subie plus tôt dans la soirée. Il tomba la tête la première dans l’eau dans un « plouf » assez détonant avec le moment qui venait de s’écouler. Lorsqu’il émergea, il était un peu plus proche de Daenyra encore, mais elle était surtout hilare face au spectacle qu’il venait de donner. Il fronça un instant les sourcils, puis la suivit dans un éclat de rire sincère. Lorsqu’ils reprirent leur sérieux, il lui lança d’un air espiègle :

« Alors ainsi, tu ris du malheur des autres ? Et dire que tu m’accusais plus tôt de chercher à t’envouter par mes sortilèges. » conclu-t-il d’un fin sourire en coin.

Il fit une courte brasse pour se retrouver devant la jeune femme, flottant dans le peu d’eau qu’il y avait. Il se demandait encore ce qu’elle avait voulu dire par son avertissement mystérieux. Il décida de ne pas relever maintenant, car l’humeur entre eux n’était plus à ces discussions profondes. Provocateur, il s’avança à ses devants, s’aidant de ses bras sur le sol de la pièce d’eau pour venir se glisser entre ses jambes, le menton rasant l’eau. Il la regarda en contre-plongée, s’arrêtant sur sa poitrine un court instant, avant de détailler l’aspérité de sa clavicule, la courbe de son menton et le relief de ses lèvres. Il dépassa le nez sculpté et retrouva ces yeux qui l’hypnotisaient tant depuis le début de leur rencontre. Il la regarda là, sentant leurs jambes qui se frôlaient sous l’eau, et prit sur lui de lui répondre à ses provocations ultérieures.

« Ainsi donc la noble Daenyra Tergaryon n’écoute point les rumeurs de rue et de couloirs ? Me voilà surpris ! Mais n’écoute jamais mes ennemis, ma douce. Ils sont nombreux et peuvent être odieux. La calomnie est une arme de désespérés ne trouvant rien à me reprocher… mais elle reste redoutable si elle est bien maniée. Pour ceux-là, les mutilations qu’on associe à mon nom sont un juste châtiment. »

Il le disait sans violence aucune pour la simple et bonne raison qu’il y avait toujours été habitué. Il ne comptait plus le nombre de langues coupées et clouées sur des portes qu’il avait vues. Aussi, il prononçait ces mots affreux avec un détachement et une forme de formalité dénué d’émotion. Il se retourna, laissant son ventre affleurer à la surface de l’eau et sa tête flotter entre deux eaux. Il recula légèrement et vint se placer contre le ventre de la jeune femme. Il la regardait en même temps qu’il regardait le ciel piqué de constellations scintillantes. Il sentait l’arrière de son crâne contre les cuisses de la jeune femme et il devisa ainsi, complètement offert à elle.

« De quoi penses-tu que l’on m’accuserait ce soir ? Je me suis montré un homme valeureux qui a secouru une noble dame des flots déchaînés de l’embarras et du harcèlement d’un demi sang d’Andal qui ne devrait pas même avoir le droit de poser son regard gluant sur ta peau si blanche et si douce. Je me suis montré hôte responsable en t’offrant un vêtement propre et en t’aidant à te débarrasser de la crasse qui te collait au corps. Je suis même un généreux philanthrope qui accueille sous son toit une petite souillon aussi sale qu’une mendiante de la Vallée des Taudis, » glissa-t-il d’un air impertinent en lui décochant un large sourire.

Jouant dans l’eau avec sa main, il attrapa celle de Daenyra et y croisa leurs doigts pour sentir sa peau et sa chaleur. Il fit bouger leurs deux mains ainsi à l’unisson, créant vagues et tourbillons. De son autre main libre, il effleurait la cuisse de la jeune femme suivant un axe où il montait et redescendait de manière régulière.

« Je m’interroge sur ce qui t’a laissé entendre que je me jouais de toi. Ta pudeur t’honore, Daenyra. Il n’est point aisé de déroger à la règle que tous appliquent sans difficulté. Je ne prétends pas savoir ce qui t’anime, et encore moins ce que tu traverses dans ces moments, mais je connais tout de même ce sentiment. »

Il abandonna la cuisse de la jeune femme pour tendre la main en attendant celle de Daenyra, qu’elle lui confia après une brève hésitation. Il croisa leurs mains et leurs bras au niveau de sa poitrine, créant une étreinte réconfortante dans laquelle il se réfugia pour fuir cette ouverture qu’il venait de faire envers elle. Il n’était pas du genre à se confier à une inconnue, et encore moins à s’ouvrir de ce genre d’émotions. Il créa tout de même cette étreinte où elle le tenait contre elle, et il savoura ce moment où il pouvait sentir son corps contre le sien, le toucher de ses bras, la courbe de ses seins derrière son crâne. Glissant légèrement en arrière, Aerys détacha avec douceur leurs mains pour laisser celles de Daenyra sur son torse ; il déposa deux mains un peu calleuses et rafraîchies par l’eau du bassin autour des joues de la native d’Oros. Il la regarda dans cette position incongrue où il était allongé dans l’eau sur ses jambes et où il lui tenait la tête tout en la regardant la tête en bas. Il l’attira avec une douceur infinie vers lui. À mesure qu’elle se rapprochait, il s’abandonnait à se noyer dans ce regard magnétique qui était le sien. Lorsque que leurs respirations se mêlèrent tant ils étaient proches, il lui posa cette unique question qui le taraudait depuis qu’elle l’avait accusé de se jouer de ses pudeurs.

« Crains-tu souvent tes émotions, Daenyra ? Restes-tu parfois sourde à ton cœur ? »

Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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Rien n'est jamais acquis à l'homme,
ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur

feat. Aerys Maerion

Quadrant Ouest, demeure fastueuse, An 1066 Mois 5

L’éclat sacré de la lune capturait dans ses voiles opalescents les deux silhouettes hardies qui bravaient la quiétude de la nuit. Lueurs évanescentes qui animaient là un tableau aussi pudique que charnel, aussi pur que troublant. L’eau fraîche de l’impluvium les cueillait dans son berceau discret, suggérant tout juste ce que le fardeau des vêtements ne dissimulait plus, dévoilant les aspérités qui se recroquevillaient dans les replis de l’obscurité. Daenyra tentait de se fondre dans cette pénombre offerte, d’agripper le drapé des ténèbres pour s’en faire une cape tandis que les prunelles enflammées d’Aerys emprisonnaient son âme. Un regard épris d’une fascination si accrue que la noble crut que sa raison le fourvoyait et qu’elle n’incarnait qu’illusions, mirages, chimères au cœur de cet étrange entretien. Et à ce déchirement qui consumait sa poitrine à mesure qu’elle s’acculait à l’autre bout du bassin, elle ignorait qui pouvait se revendiquer l’auteur de ce douloureux ouvrage de l’âme. A quels sortilèges se prêtait-elle pour susciter un tel enchantement chez le Maerion ? De quels leurres se parait-elle pour abuser les échos de son admiration ? Elle s’éloignait des charmes redoutables de ce qu’elle ne savait nommer, éprise malgré elle d’une attraction dont elle n’identifiait pas la paternité. Soumise aux instincts du dynaste ou étrangère à ce premier élan du corps ? La jeune femme craignait cet inconnu béant qui se morcelait sous ses pas, menaçant à chaque instant de la précipiter vers les torrents fiévreux d’une passion effrayante. Il ne lui était point donné pour coutume de céder à ses instincts, tant gouvernée par une raison exigée que par la crainte de céder à des pulsions qui ne lui appartenaient pas.

Elaena, irradiée d’une beauté saisissante et d’un charme ensorceleur, incarnait ce charisme tout valyrien au sein de la maison des Tergaryon. Muse d’innombrables passions. Créature convoitée et désirée. Habile magicienne de ses sortilèges. Daenyra avait toujours admiré cette aisance naturelle avec laquelle elle épousait la foule, engloutissait l’attention d’un verbe amène et de son rire tintant mélodieusement. Une enfant de dragon qui personnifiait son rôle d’héritière et de sénatrice comme une seconde peau. Recluse dans les ombres qui lui étaient destinées, la puinée l’avait contemplée avec toutes les tendres jalousies vouée à une aînée devenue idole. Elle avait éprouvé les fascinations non feintes qui explosaient dans les poitrines de ces hommes et de ces femmes qui parsemaient sa route, qui se délectaient de sa langue gracieuse et subversive. Un être né pour exister dans les lumières d’Arrax, s’y complaire et y prospérer. Un être qu’il fallait adorer ou honnir, sans commune mesure autre que celle d’un feu dévastateur. Un être que Daenyra ne serait jamais. Elle, adoucie des lueurs de l’astre de nuit, auréolée de toutes ses solitudes et de ses cris étouffés, hantée de toutes ces souffrances indicibles qui ne pouvaient danser au bord de ses lèvres et qui s’en allaient agoniser au fond de son âme. Une créature qui jalonnait les sentiers réconfortants d’un passé révolu, de mirages aussi cruels que réconfortants. Et à ce magnétisme qu’elle sentait enfler dans chaque fibre de l’être d’Aerys, elle n’en comprenait pas l’origine. Pas pour elle. Pas pour cette âme si insignifiante et vulnérable. Pourtant, l’enfant Maerion chantait des louanges que la sincérité de son regard ne pouvait trahir.

Dépourvue de son don, Daenyra n’aurait sûrement guère cru aux paroles d’Aerys, se défiant des langues enjôleuses trop promptes à flatter inconsidérément. Langues malhonnêtes et trompeuses, à l’ouvrage de desseins teintés de convoitise et de concupiscence. Mais tout des sentiments qui ébranlaient la carcasse de l’ancien soldat hurlait la franche ardeur de ses propos. Des mots soufflés dans un feu si intime et sensuel que l’épiderme de la noble s’éveilla et que son dos à nue s’enfonça plus profondément dans la paroi opposée de l’impluvium. L’air badin d’Aerys s’évaporait sous les effluves de sa fièvre à laquelle Daenyra ne parvenait à se soustraire. Plus rien de son visage ne mimait une séduction travaillée ou de sa bouche ne formait avec obstination des paroles impertinentes. A son âme qui s’entrechoqua à la sienne, la jeune femme en eut le souffle coupé, jusqu’à ce que le charme sacré de leurs regards ne se brise à la cascade improbable du Seigneur-Dragon. Un plongeon imprévu dans l’eau fraîche qui métamorphosa le solennel enchantement de cet instant en une chorégraphie aussi absurde qu’amusante. Un premier rire réprimé submergea Daenyra contre lequel elle ne lutta guère, se laissant dévorer par l’hilarité. Un rire dont les échos retentissaient dans la distance. Trop tourmentée pour s’abandonner à la légèreté d’un moment. Trop imprégnée d’un fardeau étranger pour jouir de ses propres émotions. Toutefois, Aerys offrait là un spectacle comique auquel elle ne parvint à résister, ni même encore à sa mine déconfite en ressurgissant des flots. Si bien qu’elle en oublia d’être troublée par la proximité qu’il instaurait progressivement entre eux. Elle savoura cette allégresse partagée avec le Maerion, allégée momentanément des murmures mortifères de toutes les voix qui venaient tambouriner à la lisière de son esprit. « Mon esprit se complait trop à l’idée de ne point être la seule sujette aux chutes scélérates. » le tança-t-elle affectueusement, employant là les premiers mots qu’ils avaient échangés. Il semblait à présent que son saut incongru dans la fontaine provenait d’un autre temps.

Son sourire fondit sous les flammes redoutables des provocations d’Aerys. Incapable de se soustraire à ce contact qu’il exigea entre eux, sa respiration demeura emprisonnée dans cette poitrine à laquelle il dédiait une étude toute approfondie, jusqu’à ce qu’il ne capture son regard entre ses filets formidables. En dépit de l’émotion troublante qui l’engloutissait et piquait ses joues d’incarnat, elle se composa un masque tranquille. Sûrement ne parvenait-elle point à l’abuser par ses piètres artifices, prise au piège de ses prunelles envoûtantes et intenses. La cruauté de ses paroles s’érigea bien moins atroce que la formalité avec laquelle elles furent prononcées. Si Daenyra osait fouiller l’âme du Maerion, elle y lirait plus qu’une âme usée par les violences et les affres du pouvoir. Un feu dangereux embrasait l’esprit du puiné, dévastateur et silencieux. L’inquiétude souffla brièvement sur l’esprit de la jeune femme avant qu’il ne la libère de son emprise, se plaçant en une pose plus décontractée. Sur ses cuisses reposait la tête d’Aerys dont la chevelure dansante chatouillait sa peau exposée. Elle frémit à cette main qui se joignit au cortège de ses cheveux et dut réprimer le désir de l’écarter. Son âme s’habituait peu à peu à l’intempérance du jeune homme, calmant là toutes les tempêtes de ses sentiments. Sa main caressa d’abord prudemment son crâne, joua négligemment avec quelques mèches avant de plonger ses doigts délicats sur son cuir chevelu tandis qu’il délivrait sa verve impertinente. Amusée malgré elle par ses propos joueurs, elle laissa son autre main s’agiter à la surface de l’eau pour arroser d’une éclaboussure le visage d’Aerys et faire bonne mesure. Cette même main sentencieuse qui fut captive de celle du noble l’instant d’après. Un léger frisson, comme l’air du soir agitant le ramage des érables, étourdit Daenyra qui contemplait le ballet de leurs doigts liés sur les eaux du bassin. Vagues et tourbillons semblables à ceux qui agitaient son être. Hypnotisée malgré elle par cette ronde gracieuse, son esprit s’abandonna à des pérégrinations lointaines tandis que son autre main poursuivait ses tendres caresses sur sa chevelure d’argent.

La gravité de ses dernières paroles l’arracha à ce songe égaré qui l’avait amenée en des territoires mélancoliques. Et à ce sentiment profond qui résonna avec le sien, Daenyra sentit toutes les fibres de son être se tendre. Démunie. Impuissante. Perdue. Dépossédée. Plus que la poésie qui animait ses mots, c’étaient les trémolos de ses émotions qui faisaient flancher la raison de la Tergaryon. N’aurait-elle point connu la malédiction qui s’était abattue sur les Maerion, elle aurait pu croire à un amour déçu, mais elle savait pleinement que le sentiment s’adressait à un visage familier qui éclata dans l’esprit de Daenyra. Une culpabilité retorse écrasa ses tripes. Les émotions non exprimées ne mourraient jamais vraiment. Enterrées vivantes et ressurgissant plus tard, plus laides encore qu’au premier jour. Daenyra sentait là les turpitudes d’un amour contrarié, malmené, putrescent d’amertume. Hélas, elle ne pouvait se défiler au présent de la sincérité d’Aerys. Une franchise qu’elle lui sentait coûteuse et dont il se montrait effrontément économe. La main affable du jeune homme parvint à convaincre les hésitations de la jeune femme qui accepta cette intimité troublante. Une étreinte aussi incongrue que bouleversante pour la Dame dont le cœur flancha. Un témoignage d’une rare douceur, une tendresse oubliée et soumise sans contrepartie. Le frôlement d’un corps chaud et bien vivant contre le sien, l’extirpant de toutes ses fantaisies sépulcrales et funestes.

Lorsqu’il s’immergea à nouveau dans les eaux du bassin, Daenyra frissonna à la chaleur perdue de son dos contre sa poitrine. Ses doigts frémissants partirent à l’exploration timide de son torse, ses épaules, sa clavicule, son cou. La pulpe de son index retraçait les sillons de ses cicatrices de guerre, vestiges malheureux de temps sombres et violents. Son esprit exposa brusquement le visage d’Aenar. Il ne la quittait jamais vraiment, en superposition de tout ce qui touchait sa rétine. Et pourtant, ce fut bien les traits d’Aerys que ses prunelles découvrirent lorsqu’il invoqua une proximité entre eux. Ses sombres améthystes, la perfection de ses traits burinés par des assauts belliqueux, les angles prononcés de son visage dont elle retraça les contours pudiquement. Toutes ces courbes qui n’étaient pas celles d’Aenar. Ses lèvres réclamaient les siennes dans cette approche dont elle ne chercha pas à se défendre, étourdie par un désir ingénue dont elle ne reconnut pas l’auteur. Mais au contact de son cœur bouillonnant, d’un désespoir gangrénant les cœurs faméliques, elle s’abima dans le réconfort d’une étreinte nécessaire.

Puis, à un souffle l’un de l’autre, la raison s’empara de son être aux mots d’Aerys. Ses doigts glissèrent délicatement le long de la joue du jeune homme pour se poser sur ses lèvres, en éprouver le contact charnu mais profane. Une frontière pour réchapper à un baiser. Elle caressa cette bouche défendue, s’affranchissant par la même de leur proximité tout en conservant malgré tout leur étreinte. « Mon cœur… » murmura Daenyra, comme s’il s’était agi d’un mot inédit, tout juste découvert et impalpable. Exilé dans sa poitrine, battant pour prouver son existence, flanchant pour marquer ses faiblesses, son cœur n’en était pas moins un curieux étranger pour la Tergaryon. Un organe dont les mots ne la touchaient pas, dont les sentiments s’évaporaient sous le tonnerre des gémissements d’autrui. Le silence s’étira dans son cortège contemplatif, nimbé d’une émotion intime et discrète. « Indomptable Maerion… crois-tu aux malédictions ? » souffla-t-elle, comme si elle disait quelque chose de si précieux qu’elle craignait de le briser en le disant. « Crois-tu que l’on puisse être étranger à son cœur et que là où le poing frappe la poitrine, un tombeau résonne ? Il semble que le pire n’est pas d’être celui qui part ou celui qui reste… mais bien celui qui aime encore. » Une larme traîtresse abandonna la joue de Daenyra pour s’écraser sur celle d’Aerys. Ses doigts effacèrent avec autant de douceur que de vélocité cette odieuse profanation. Elle redressa le visage, s’arrachant à l’étreinte des mains du dynaste pour se fondre dans l’éclat de la lune. « Sûrement me comprends-tu mieux que personne, Aerys… Car je crois l’entendre. Tu as gardé sa voix qui t’appelle souvent dans ton cœur. Elle te réclame, te supplie... » La voix tant aimée d’un souvenir, d’un amour perdu et prohibé. L’air frais fit frissonner ses chairs à l’heure où tombait cette confession faite à la nuit, sous le regard pénétrant et curieux des étoiles. « Pas plus que je ne suis sourde à la fureur qui sommeille en toi, tapie comme le feu de nos dragons au fond de leurs entrailles. Pas plus que je ne suis sourde à l’amertume qui te consume, l’envie, la frustration, l'injustice. Et à ce chagrin que tu noies par l’ivresse et la nonchalance. Vois-tu, rien de tout ce qui t’anime ne m’est secret. Rien de ce qui gangrène l'âme des hommes ne m'échappe. Un tourment atroce... » Ses mains se détachèrent de sa peau, n’osant leur octroyer la moindre caresse, inquiète de l’accueil qu’Aerys allait offrir à ses confidences. Ses bras s'enroulèrent autour de cette poitrine qui témoignait du froid qui la consumait. « J’entends ton cœur plus nettement que le clapotis de l’eau et je ressens les remous de ton âme plus fort que la brise ne touche ma peau. Et pour toutes ces voix qui hurlent en moi inlassablement, je n’entends point les soupirs de mon cœur, ni même les cris de mon âme. Ni même ma propre voix. » Uniquement sa mémoire pour la consoler et lui apporter le témoignage de sentiments dont elle pouvait réclamer la propriété. Une existence à perdurer dans des souvenirs aussi tendres que déchirants pour avoir la sensation d'exister, même un peu. « Ce ne sont point mes émotions que je crains… ce sont toutes celles qui tempêtent dans mon esprit et qui écrasent les miennes. Toutes ces émotions qui ne m’appartiennent pas, qui agitent férocement les êtres autour de moi. Une tourmente dont je n’ai pas le contrôle. Alors si mes lèvres viennent à appeler les tiennes, à qui ce désir appartiendra-t-il ? A ta bouche enjôleuse ou à mon cœur peureux, Aerys Maerion ? » Sans prétention ni caprice. Et soudain, il n'y eut rien de plus réel que ces grandes secousses que deux âmes se donnent en échangeant une étincelle...




Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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feat. Daenyra Tergaryon

Castel Maerion, An 1066 Mois 5

Mon cœur…

Le murmure étouffé de Daenyra s’était propagé comme une vague sur l’eau et le long de la colonne vertébrale d’Aerys et il fut ce qui lui fit rouvrir les yeux qu’il avait refermé plus tôt. Il regardait ceux de Daenyra dans lesquels il aurait pu se noyer avec un volontarisme stupéfiant. Il sentait la douceur du doigt de la jeune femme sur ses lèvres, il y sentait la fraîcheur de sa peau. Il sentait son corps se tendre sur le désir qui l’animait à ce contact plein de douceur et de retenue qui le changeait de ses habitudes.

Mon cœur…

Ces deux mots résonnaient toujours dans l’air humide et frais de cette nuit somptueuse. Dans un brin d’infini, ces lettres restaient en suspens et tournaient dans une boucle immobile autour de la pièce d’eau. Lorsqu’elle lui demanda s’il croyait aux malédictions, il crut d’abord qu’elle se fichait de lui et que c’était là une façon encore inédite de lui refuser ses avances. Pourtant, la douce terreur avec laquelle elle avait formulé cette question ébranla Aerys au plus haut point, se demandant si elle n’était pas sérieuse, en fin de compte. Des malédictions, il y en avait des rumeurs et des histoires dans le folklore valyrien mais aucune n’avait jamais été formellement annoncée. Les mages n’en faisaient guère la publicité. Alors qu’elle continuait de lui parler, une larme s’écrasa sur la joue d’Aerys qui tressaillit de surprise.

Alors, elle se détacha d’Aerys, ramenant ses bras contre elle et se réfugiant hors de sa vue, dans le linceul de l’obscurité. Il se tourna pour lui faire face, et écouter ce qu’elle lui racontait. Il n’osait parler de peur de briser le charme. Il se souvenait de discussions avec des mages qui avaient essayé de lui décrire leurs pouvoirs… mais de là à ressentir ainsi les émotions des autres, voilà qui était un don inédit. Ou plutôt, dans le cas de Daenyra, une malédiction. Il entendait tout ce qu’elle lui disait, et il prenait peu à peu conscience du calvaire que devait être sa vie. Il la regardait avec une intensité rare, dans un mélange de consternation compatissante et il réfréna une volonté quasi viscérale de la prendre dans ses bras, ignorant quelle serait sa réaction. Il resta là, face à elle, alors qu’elle lui expliquait combien ses sentiments prenaient le pas sur les siens et combien elle se perdait à démêler à qui appartenaient ceux qui s’imposaient à son esprit. Il la regardait en se posant la question de ce qu’il pouvait, devait et voulait faire. Il s’efforçait de respirer avec de grandes inspirations et marquer d’encore plus lentes expirations. Il voulait calmer son esprit, calmer son cœur et son corps. Il ne souhaitait guère malmener Daenyra par son esprit exalté… mais il était incapable de faire le vide dans ce dernier. Malgré toute la bonne volonté dont il souhaitait faire preuve en cette soirée, c’était quelque chose qui lui échappait complètement et qu’il ne savait pas faire. Aerys avait l’habitude du chaos, il vivait en son sein depuis toujours : tel était le fardeau et le destin des Maerion au sang pur. Il posait un regard nouveau sur la jeune femme à la peau aussi claire que la lune, à la chevelure aussi noble que l’or et l’argent.

Il s’installa face à elle, en silence. Il s’efforçait, toujours sans succès, de chasser la multitude d’émotions qui s’entrechoquaient en permanence dans son esprit. Il y parvint pour certaines, au prix d’une immense concentration. L’amertume, la tristesse d’un destin qui lui avait échappé : ces émotions s’envolèrent brutalement. Elles disparurent comme une flamme qu’on moucherait. Aerys savait ces émotions liées à sa sœur Daenerys et que leurs chemins ne cessaient de s’éloigner depuis plus d’une année. Il était sans doute déjà trop tard et fréquenter une jeune femme comme Daenyra lui rappelait que la vie continuait et qu’elle lui offrirait encore d’autres opportunités de bonheur et de joie. Il avait jadis cru que son monde entier tournait autour de sa sœur et il voyait désormais combien ce n’était plus le cas, quoi qu’en disaient les traditions valyriennes les plus sacrées. Il ne pouvait guère chasser l’appréhension de la suite de cette soirée et de ce que Daenyra pensait de lui. Le prenait-elle pour un monstre manipulateur, un séducteur qui écrasait son être pour la consumer toute entière et la délaisser comme un dragon se désintéresse d’une carcasse sans viande ? Cette pensée lui était intolérable. Il la voyait s’interroger sur la source de son désir, s’il lui imposait le sien… ou s’il jaillissait d’une autre source. Il s’installa à genoux devant elle, pour se trouver à sa hauteur et instaurer de nouveau la proximité qu’elle avait brisée.

Il posa ses deux mains sur ses épaules nues, luisantes sous le clair de lune. Il la regarda ainsi, en silence, communiquant sa force et sa chaleur par ses paumes. Son regard ne lui adressait que compassion et injonction à tenir bon. Elle pouvait y lire toute la détresse d’Aerys face à une situation qu’il ne maîtrisait pas et qu’il ne pouvait corriger en envoyant quelques gros bras arracher une langue ou deux. Si jeune qu’il fût, Aerys était l’un des seigneurs du crime de Valyria. Le seul qui était véritablement noble, par ailleurs. Il laissa le silence revenir et un nouveau moment d’éternité s’installa entre eux. Il fit glisser ses mains avec lenteur le long des bras de la jeune femme, effleurant du revers de ses doigts la courbe douce et immaculée d’un sein dissimulé. Il suivit le mouvement jusqu’aux avant-bras et aux mains, dont il parvint à se saisir de nouveau. Il regarda toujours Daenyra droit dans les yeux.

« Les Dieux ont été bien cruels avec toi, Daenyra. »

Imperturbable, il adressa une brève prière silencieuse à Arrax pour lui demander de le pardonner pour son blasphème. Il décroisa les mains de la jeune femme pour libérer sa poitrine à la vue d’Aerys, mais il gardait ses yeux rivés sur ceux de Daenyra. L’amour était doux, il l’avait oublié depuis bien trop longtemps. Il se demanda s’il retrouvait un feu dont il se rendait maintenant compte qu’il l’avait pensé éteint depuis longtemps. Il laissa les mains de la jeune femme retomber dans l’eau, sur ses genoux. D’une main qui se libéra de l’étreinte de leurs doigts entrecroisés, il effleura l’une des joues de la native d’Oros.

« Te confier un don si unique sans t’en donner la maîtrise : je reconnais bien là les façons divines. Je n’imagine pas combien tu dois parfois vivre un purgatoire… et je comprends mieux ta discrétion. »

Un trait soucieux barrait le front du jeune Maerion, mais son regard était déterminé… bien qu’enfiévré par le désir. S’il regardait toujours Daenyra droit dans les yeux, sa résolution commençait à faillir sous les assauts de sa luxure. Il pouvait voir les formes de la jeune femme exposées à la lumière lunaire à la périphérie de sa vision. Il sentait les battements de son cœur contre sa poitrine et le flux sanguin qui lui percutait les tempes. Sa main descendit le long de la nuque de la jeune femme, qu’il agrippa avec douceur. Il sentait les pulsations sanguines de la jeune femme sous sa paume, lui indiquant un trouble semblable sinon supérieur au sien.

« Tu m’interroges sur une question à laquelle toi seule peut avoir la réponse, Daenyra. Je n’ai pas plus le pouvoir que toi sur ta tourmente. »

Ce faisant, sa main suivait la courbe discrète de la clavicule de la jeune femme, glissant le long de l’os qui affleurait sous la peau d’albâtre de Daenyra. Il laissait sa main chuter avec lenteur, passant sur les grains de beautés et suivant une route directe vers le sillon vallonné concupiscent. Aerys haussa les épaules avec une forme de sincérité qui aurait pu être désarmante.

« Je te donne la clé pour cette réponse. Car seule toi peut ressentir, désormais. »

Du revers d’un doigt, il effleurait désormais la courbe désirée d’un sein qui s’offrait à son exploration. Il laissait courir sa main, la tournait pour faire glisser ses autres doigts dans un arc-de-cercle glissant à la lisière de la ronde saillie gorgée de chaleur et de désir. Il pressa sa main légèrement, attentif aux variations dans la respiration de la jeune femme. Il continuait de l’examiner avec un regard où un désir dévorant cohabitait avec une injonction à rester forte. Par sa main, il s’aventura à la rencontre de l’aspérité rose dressée qui siégeait au centre de son auréole. Il tournait autour, suivant le périmètre sensible et chaud, cherchant à trouver son chemin. Et puis, il laissa une phalange se lancer à l’ascension de ce petit bout d’envie qui résistait par sa rigidité mais dont la fondation le laissait graviter autour de cette intrusion audacieuse.

« Si ton esprit t’es faillible, ô Daenyra… ton corps t’a-t-il déjà trahi de la sorte ? » lui demanda Aerys dans un souffle.

Dans un emballement de son cœur et de son corps, Aerys referma sa prise sur l’aspérité, lui permettant d’y appliquer une pression d’une savante dextérité empreinte de subtilité. Il regardait toujours Daenyra, songeant à ce qu’elle avait mentionné bien plus tôt. Il se demanda s’il rêvait, si elle s’enfuirait de ses songes à l’aube. Ce soir, il voulait sentir ses boucles d’argent et se perdre dans ces yeux violets. Il se demandait s’il poursuivrait un cœur si insoumis, si pur et pourtant si fortifié. Y arriverait-il ?

« Je ne saurais dire si c’est le sort qui nous a rassemblé ce soir, ou si c’est une forme de destinée, Daenyra… Mais la question que tu dois te poser désormais, c’est si ton désir est le reflet de ta pensée. Et pas de la mienne. »

Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur

feat. Aerys Maerion

Quadrant Ouest, demeure fastueuse, An 1066 Mois 5

L’essence poreuse de Daenyra accrochait tous les fragments d’âme qui tempêtaient à sa proximité. Bribes d’êtres inconstants et féroces, violents et faux, cruels et malhonnêtes. Et si certaines de ces augustes ombres vibraient d’intentions plus nobles et de tempéraments plus doux, la malédiction de la Tergaryon n’en était guère plus complaisante, l’assommant de mille tourments que seules ses solitudes pouvaient guérir. Dès l’enfance, les affres de ses dons l’avaient agrippée dans leur étreinte terrible. Une enfant faible et souffreteuse au cœur d’une fratrie qui exultait du feu sacré des nés Valyriens et d’une force légendaire. Tout juste Tergaryon quand toutes ses vulnérabilités s’étalaient à sa vue sans qu’elle ne puisse y déceler de remède. Tout juste vaillante quand il lui fallait s’astreindre aux obligations dues à son rang. Tout juste Dame quand elle ne pouvait éprouver les textures d’un corps adverse. Condamnée à être protégée, lovée, enveloppée d’attentions et de sécurités aussi étouffantes que nécessaires. Souveraine en son propre tombeau esseulé. Maîtresse de ses démences et soumise aux démons grotesques qui dansaient un ballet macabre dans son esprit. En ces jeunes années, Daenyra était terrifiée de tous les assauts étrangers qui s’imposaient à son âme nue. Molestée. Malmenée. Violée en son propre cœur par les turpitudes de sentiments qui n’étaient pas les siens. Ses larmes s’étaient versées dans la pudeur tourmentée de ses nuits, nichée dans des ténèbres insondables et honteux. Une obscurité pour éteindre les flammes ardentes de ces émotions retorses, une obscurité pour parvenir à palper les formes indistinctes de son cœur dissout sous l’élixir mortel de cette atroce cacophonie. Il lui avait fallu apprendre à survivre parmi ces spectres furieux et livides qui hurlaient à son oreille et à la lisière de son âme. Trop prompte à s’égarer dans le chant fantastique de ces créatures redoutables et magnifiques qui peuplaient ses pensées, la dynaste vint à s’affranchir de ce qui la constituait toute entière. Et alors que sa poitrine se métamorphosait en tombeau merveilleux où elle recueillait les souvenirs douloureux d’Aenar, Daenyra doutait de ne jamais avoir su aimer, adorer, chérir. L’affection qu’elle vouait aux Tergaryon n’était-il dictée que par une intransigeante fidélité et le mimétisme de cet amour offert inconditionnellement ? Son cœur ne savait-il que singer les sentiments qu’il frôlait, effleurait, palpait dans une parfaite restitution de ce qu’il éprouvait ? Son cœur pouvait-il battre par lui-même et pour lui-même, ou demeurait-il perdu sous les caresses mortifères de sentiments aliénés ? N’avait-elle été imaginée par Arrax que pour devenir le réceptacle de ces tourmentes désespéramment humaines ? A quelles fins… Pour quelle occulte destinée se trouvait-elle enchaînée à cette improbable magie ?

Crains-tu souvent tes émotions, Daenyra ? Restes-tu parfois sourde à ton cœur ?

Elle aurait voulu pouvoir se frapper le cœur, quitte à le faire éclater en morceaux épars. Alors, lacéré et agonisant, elle aurait eu la preuve que ce cœur existât. Que ce n’était point un néant désolé qui avalait sa poitrine. Que son âme lui était propre et entière. Qu’elle n’était point constituée uniquement d’os et de chairs, de nerfs et de sang. Carcasse vide et assoiffée d’une vie qu’elle ne détiendrait jamais. La question d’Aerys la terrorisait d’autant plus qu’elle ne pouvait lui offrir de réponse. Un inconnu nébuleux la destinait à un océan d’incertitudes dans lequel elle se noyait chaque jour un peu plus. Existait-elle seulement parmi toutes ces figures sublimes qui paraient les terres d’Essos ? Pouvait-elle revendiquer la consistance de ses chairs et de son corps ? Elle frémissait à cet aveu insensé que la voûte céleste contemplait depuis son abîme. Une chose si secrète, une vérité si impie qu’elle doutait d’être pleinement maîtresse de sa raison. Si les Maerion ne faisaient pas figure d’ennemi pour les Tergaryon, les complots ourdis dans les basfonds de la noble cité menaçaient d’éclore à tout moment. Pourtant, ce soir, dans l’échange irréel et divin qui liait les âmes d’Aerys et Daenyra, elle ne souhaitait retenir sa confession.

Tremblante, elle ignorait de quels assauts l’esprit de l’ancien soldat allait la frapper. Et si l’incompréhension fut le premier sentiment qu’elle put déceler, la surprise l’envahit à la sensation de tout ce qu’elle agitait dans la poitrine du Maerion. Un flot de compassion et d’une absolue indulgence qui résolut de la pousser plus loin dans ses révélations. Elle en fut profondément émue, guère habituée à une telle sollicitude de la part d’un être qui ne possédait pas le sang Tergaryon. Une urgence dans ses désirs d’affection et de protection qui ne lui rappelait que trop les sentiments des siens. Elle put même percevoir l’improbable ouvrage de son esprit qui s’ingéniait à souffler ses ardeurs et le chaos de son être. Une lutte contre sa nature même, alors qu’il possédait ce feu dévastateur et impétueux des Maerion. Si l’entreprise était compliquée à réaliser, elle n’en fut pas moins touchée par cette délicate attention.

Elle ne sut affronter son regard pénétrant. Ses prunelles se perdaient dans les ombres vivides de ses afflictions, honteuse de sa confession et troublée par la fièvre qui envahissait le jeune homme. Elle décelait en lui les affres d’une lutte dont elle ne parvenait à démêler les fils noueux, d’une angoisse certaine et indéfinissable. Ce ne fut qu’au contact brûlant de ses mains sur sa peau qu’elle tomba à nouveau sous les sortilèges de son regard. Sa peau frémit, exposée à son toucher rugueux et tendre. La voix d’Aerys se fit grave, profonde, pénétrante. Elle guettait ses paroles et se gorgeait du moindre de ses mots, de la moindre syllabe, assoiffée du réconfort de sa langue, comme si le sacre de ses dires atténueraient ses maux. Elle retrouvait son visage sans parvenir à s’en détacher, tout en le redoutant à la fois. Consumée de froid et de chaud. Spectatrice impuissante de cette magie dont elle ne parvenait à se défendre, attirée autant que repoussée par la tempête exaltée qui s’éveillait en elle, à ses mains qui guidaient ses gestes, à ses prunelles majestueuses, à son souffle si près de sa peau à vif. Elle se résolut à s’abandonner à ses volontés, à cette main qui lui prodiguait une douceur aussi consacrée que blasphématoire. Et cette main sur sa joue, elle aurait souhaité qu’elle reste toujours ainsi, à lui apporter chaleur, consolation, tendresse et protection. Peut-être même à l’aimer, si lointain et terrifiant ce sentiment pouvait-il lui être. Juste pour une nuit. Juste pour un soir. Juste pour un petit bout d’éternité.

« Aerys… » Son murmure s’écrasa sur ses lèvres et y mourut aussi précipitamment, alors qu’un désir plus impérieux s’emparait du jeune homme. Son corps se tendit à la caresse inédite de cette main qui parcourait cette peau aux sanctuaires inviolés. Les failles de son esprit se morcelèrent, s’effritèrent, se fissurèrent et menacèrent de se briser à cette exploration impudique qui agitait en elle autant de terreur que de passion. Son épiderme réagit à ce toucher d’abord délicat et sensuel. D'instinct, ses épaules se voûtèrent, comme prêtes à se recroqueviller pour échapper à l’appétit du noble, mais l’autorité de son regard la dépourvut de toute fuite. Sa caresse se fit plus exigeante et l’étourdissement absorba la maudite dont la parole l’avait abandonnée. Une exclamation muette ébranla son visage à cette paume qui emprisonna son sein frémissant et offert. Daenyra ne pouvait nier l’embrasement de son corps et de son cœur, de cette fournaise qui s’emparait de son ventre en des sensations jamais éprouvées alors. Dans un réflexe purement guidée par cette ivresse profane, ses mains avaient agrippé les épaules d’Aerys. Elles leur appliquaient une pression féroce, douloureuse, comme pour obtenir un ancrage alors que ses sens s’étourdissaient et cédaient.

Puis, mue par la sommation d’une raison sévère et coupable, ses doigts s’arrachèrent à cet épiderme bouillonnant et elle se coupa brutalement du contact ensorcelant d’Aerys. Elle le repoussa presque. Le souffle court. Le regard paniqué. Le corps parcourut de frissons. Ses bras s’étaient plaqués contre elle et elle dévisageait le jeune homme avec l’odieuse impression qu’elle se désavouait autant qu’elle ne parjurait la mémoire d’Aenar et l’amitié de Daenerys. Ses pensées folles s’entrechoquaient les unes aux autres et les battements effrénés de son cœur lui prouvaient par mille fois que cette émotion était sienne. La réalisation ingénue de cette vérité si fragile posa un instant d’éternité en elle. Perdue dans le temps et hors du temps. La torpeur s’évapora progressivement de ses prunelles étincelantes pour ne plus lui abandonner qu’une expression languissante. Au trouble qu’elle sentait envahir Aerys, elle n’eut guère de paroles à lui concéder. Il était de ces moments rares où il ne fallait pas parler. Où il fallait être dans les bras. Où il fallait se toucher, s’étreindre. Ce moment était de ceux-là. Mystique naïade, elle brisa cette distance qu’elle avait érigée entre eux avec lenteur. Les aspérités de son corps frôlèrent bientôt le torse légèrement strié de cicatrices du dynaste, apportant là une chaleur qu’elle tentait d’invoquer après un tel effroi. D’une innocente étude, son regard partit à l’intrigante conquête de ses perfections et de ses imperfections, les retraçant du bout de ses doigts glacés. D’abord son visage, de son fier front à l’arête tranchante de son menton, jusqu’à sa joue, de ses paupières closes au précipice de son nez. La pulpe de son pouce éprouva avec curiosité les monts de ses lèvres qu’elle croyait désirer, s’attardèrent sur chaque sillon. Puis, quand elle se fut repue de la contemplation de son divin visage, ses mains descendirent à son cou, ses épaules et ce torse qu’elles osaient tout juste corrompre de leur toucher. Daenyra inspectait les tribulations de son âme, de son cœur et de ses sens, tentait d’identifier les sources de ces troubles et ces passions. De ce qui était à elle et de ce qui ne l’était pas. S’astreignant à ôter ses vaines pudeurs, ses paupières se fermèrent et elle raffermit ses caresses sur la peau d’Aerys, prête à se soumettre au jugement que son esprit voudrait bien les accorder. A présent, elle pouvait éprouver avec plus de précisions les aspérités que la guerre avait imprimées sur sa chair. En tandis qu’elle se vouait à cette exploration intimidante, les mots demeuraient futiles. Les mots viendraient après avoir confirmé ce que leurs corps savaient déjà dès les premiers instants.

Lorsqu’elle rouvrit des yeux vaporeux, elle plongea immédiatement dans ceux d’Aerys. S’y précipita, s’y immergea, s’y noya, sans volonté de remonter à la surface. Puis, dans un geste gravé d’une grâce absolue, elle s’approcha et mêla leurs souffles, leurs peaux et leurs lèvres. Des baisers, Daenyra en avait été le témoin silencieux de nombreuses fois. Elle en avait senti les émois sans jamais pouvoir les vivre. La passion, la douceur, la violence, le désir, la fièvre. Une vague impétueuse qui venait balayer son cœur ignorant de cette subtile caresse. Ce soir, la bouche du dynaste lui sembla bien plus douce qu’elle ne s’y était attendue. Réservée au départ, comme pour mieux s’estimer l’un l’autre, puis affamée, assaillie de désirs que Daenyra ne cernait que trop bien. Et dans cette valse voluptueuse, il semblait que ce n’était pas uniquement le chaos des émotions d’Aerys qui tempêtait à l’intérieur d’elle. Elle existait en reine de ces sensations inédites, savourant ce qu'elle n'avait pu qu'effleurer chez les autres. Une telle intensité vint à l'étourdir, assaillie d'un plaisir à la fois propre et partagé, au sang qui battait à ses tempes et à celles d'Aerys, à la fébrilité qui les irradiait l'un et l'autre. Daenyra n'imaginait point que, à l'alliance de deux bouches en parfaite symbiose, il était possible d'ébranler un univers entier.

Un sursaut bouscula ses sens à la sensation d'une exploration impudique en des vallées intimes. L'instinct, mu par une inquiétude féroce, faillit l'arracher à l'étreinte d'Aerys. Mais à cette fuite tout juste esquissée, la prise des bras du Maerion sur les chairs de la noble s'était raffermie, lui réclamant ce peau à peau absolu. Sa poitrine contre son torse brûlant. Sa langue plus hardie avalant la sienne. Transcendée par une volupté tremblante, Daenyra s'accrochait de toutes ses forces au dynaste, ses doigts enlaçant sa nuque, d'autre agrippés à sa chevelure d'argent dans un besoin impérieux de se fondre dans ce baiser, dans cette étreinte érotique. Un gémissement rompit l'alliance divine de leurs lèvres à cette main qui s'activait avec ferveur un peu plus bas, à cette extase improbable qui montait en elle, comme la lave jaillit d'un volcan grondant. La jeune femme tenta de repartir à la conquête des lèvres désirées d'Aerys, mais les soupirs persistants que lui abandonnaient ses délicieux frissons l'en empêchèrent. Elles ne firent que se frôler, s'effleurer, se narguer l'une et l'autre dans des caresses sensuelles. La bouche du Maerion avala finalement son dernier gémissement d'extase pour un baiser aussi tendre qu'enfiévré.

Et lorsque le souffle vénérable leur manqua, leurs lèvres se séparèrent à regret. Le front de Daenyra se posa contre la joue du jeune homme, s’abandonnant à une étreinte tout contre lui et au repos de ses tempêtes audicieuses. Elle tenta de reconquérir cette respiration ardente, déjà épuisée du déchaînement de telles passions conjuguées. Ils demeurèrent ainsi longuement, se gorgeant uniquement de cette proximité salvatrice et sublime. Tandis que l’une de ses mains s’accrochait désespéramment à son bras, l’autre caressait la joue du Maerion. Il n’y eut que son murmure pour anéantir cette pose immuable. « Je t’en prie… ne trahis pas mon secret, Aerys. » Elle trouva inutile d’ajouter qu’elle le saurait si une telle chose devait se produire. L’âme d’Aerys ne saurait lui mentir et il devait en avoir conscience. Elle se détacha finalement de lui, muette et étourdie d’une expérience qui la rejetait, frémissante, sur les rivages d'un désir frustré. Son regard n’osait plus croiser celui du dynaste, de crainte que la déraison ne la submerge encore. Ses bras retombèrent ballants autour de ses formes découvertes. Elle finit par se détourner, quittant la proximité mystique d’Aerys. Elle s’extirpa du bassin et s’empara de l’humble toge qu’il avait récupérée pour elle un peu plus tôt dans la soirée pour s’en vêtir. En dépit d'elle-même, elle détectait ce qu’elle n’osait s’avouer, elle découvrait une réalité qui la mortifiait et la précipitait vers un précipice dont elle ne voulait pas connaître la chute...



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