Qui aurait cru que la doyenne de la maisonnée devienne aussi importante ? Il était vrai, Daela ne s’attendait pas à cela. L’ascension fulgurante de sa branche familiale l’avait catapulté sur le devant de la scène à grande vitesse. À vrai dire, elle aurait préféré, pour le bien de sa famille, un tout autre scénario. Si seulement Gaemon avait survécu, ainsi que son époux, cela allait de soi, peut-être aurions-nous évité cette infamie ? Si seulement Vaerys n’avait pas fait honte à sa maisonnée...

Par où commencer ? La vie de Daela fut bien chargée, après tout, nous parlons ici d’une grande dame, qui commence à approcher de son crépuscule, aussi florissant soit-il.

Partout où elle pose le pied, les servantes tressaillent. Non pas qu’elle est terrifiante par son physique. Daela conserve, malgré le poids des âges, de beaux traits, un regard acéré, brillant d’un éclat lilas digne de Valyria, ainsi que des lèvres rosées aux lignes charmantes. Sa chevelure est un peu plus courte que les plus belles des matrones pouponné de la capitale. La Dame aime agir avec aisance, elle est sportive et sa silhouette peut en témoigner. Ainsi, les robes trop complexes l’incommodent. L’on murmure qu’elle se lève bien avant l'aube, précédant ses pairs, pour faire quelques exercices pour finalement s’envoler avec Makaria. Il lui faut, de ce fait, une tenue pratique. Bien qu’originaire du Sud, elle s’autorise parfois des tenues plus masculines pour s’entraîner. Si certains vieux seigneurs riaient (autrefois) sous cape de son accoutrement, ils baissèrent rapidement le regard après s’être mangé quelques réflexions acerbes de son cru. On ne se moque pas de Daela, encore moins de ses compétences de Dame Dragon, réputées dans tout le Palais. Cela dit, lorsqu’elle se pavane en ville, elle n’a rien contre la beauté et la coquetterie. On la retrouve, en ces conditions, coiffée de manière plus féminine et digne de son rang, avec les traditionnelles bouclettes tenues par le miracle éternel ainsi que le doigté expert de ses femmes de chambre. La situation financière de sa maison ne lui permet pas toutes les folies, mais elle conserve les bijoux ancestraux des Lyseon avec grand soin. Elle s’affiche en permanence avec sa broche représentant une tête de dragon en or, incrusté de rubis et de grenat. Il s’agit là d’un bien précieux, offert par Valarr pour son mariage, qui aurait appartenu à une ancêtre. Ses toges sont sombres, oscillant entre le rouge bordeaux, le carmin et le noir, aux plis impeccables. Elle aime s’enrouler de voiles au toucher satiné, qui lui offrent une stature noble et évaporée.  Certaines jeunes demoiselles pourraient dire que son goût pour la mode est d’un autre âge. Son amour pour les histoires anciennes de sa famille, les gravures peintes et les vieux tableaux lui donnent un goût immodéré pour les tenues désuètes, qu’elle associe à l’élégance et à la flamboyance. Franchement, sa phrase préférée pourrait être « De mon temps, tout était plus beau... ». Elle est démodée, mais élégante, pour sûr, c’est un monument du vintage et des toges en soie héritées de Dame Dragon en Dame Dragon. Il est d’ailleurs de très mauvais alois de lui rappeler qu’elle s’habille ainsi en raison du manque d’argent de sa famille...Pour finir sur son allure, Daela est de taille moyenne, athlétique, se tenant toujours droite et portant la tête haute.


Si les valets la craignent, c'est que son regard pourrait vous tuer sur place. Dès qu’elle sort de son lit, elle passe son environnement au peigne fin. La moindre erreur est automatiquement relevée par ses soins et elle ne se gênera pas pour vous le faire remarquer, avec subtilité, froideur et sarcasme. Daela n’est pas du genre cruel. Au fond, ses proches assurent même qu’elle est une femme aimante, du moins, lorsqu’elle se trouve à l’abri des regards extérieurs. Elle dispose d’un humour pince-sans-rire bien à elle, quelque peu absurde, qui se teinte souvent d’une moquerie attendrissante. Malheureusement, il est peu courant de voir sa véritable personnalité, qu’elle n’offre qu’à sa famille et à ses amis proches. Le reste du monde se contentera de ses masques, tantôt dur, tantôt courtois et mondain, tantôt calculateur. Femme du monde, elle est bien plus diplomate et avisée que la plupart des hommes Lyseon, davantage versés aux arts du combat. La jeune Daela fut privé de l’occasion de se battre, alors elle apprit à aiguiser sa langue et son esprit. Elle connaît par coeur l’histoire de Valyria, encore plus celle des Lyseon et passe son temps à laisser traîner ses oreilles afin d’en apprendre toujours plus sur l’actualité politique. Depuis son ascension au sein de la famille, c’est dans son propre Palais qu’elle laisse traîner ses oreilles. Elle a sélectionné auprès de ses gens des servantes de confiance qu’elle envoie espionner aux endroits stratégiques du Palais. Rien ne doit lui échapper, pour le bien des Lyseon.

Une guerre pour tout changer

Daela est née au Palais, comme tous les nobles membres de sa famille. Il était évident qu’elle n’avait rien à craindre de son Épreuve du feu, tant le sang pur coulait dans ses veines. C’était ce que lui répétait sa mère, fière de son lignage, issu d’un des fondateurs de Valyria, Lyseon. Elle grandit avec cette idée qu’elle était digne des plus grands et voulut œuvrer au mieux pour son nom. Ce que pouvait faire une Dame Dragon du Sud, c’était des enfants. Elle savait depuis toujours qu’il en était de son devoir, d’épouser un membre de sa famille afin de fournir de futurs sangs purs qui agiront dans la gloire des Lyseon.  Elle ne manifesta guère de dons particuliers pour la magie, et bien que pieuse, elle ne fut pas appelée par la voie religieuse. Cependant, quelle dragonnière resplendissante elle était ! Dans sa jeunesse, on la qualifiait de talentueuse, ardente chevaucheuse de Makaria, qui ferait bien des prouesses à la guerre si elle y était envoyée. Sans doute en tant que princesse du Nord, elle aurait pu suivre ce chemin, mais voilà, on lui a épargné bien des tourments, les armes auraient pu blesser une si noble dame. On lui laissa cependant son talent, qui apportait déjà son petit lot de prestige familial. Elle était belle, intelligente, bien éduquée, mais elle n’était pas de la branche principale. Qu’à cela ne tienne. Sa vie lui semblait fort agréable malgré tout. Tant que les Lyseon demeuraient importants, elle ne s’en plaindrait guère. Bien entendu, avec le temps, elle ne pouvait nier que son nom perdait en influence, que ces nobles familles qui osèrent, autrefois, faire face à la Triarchie, gagnaient en rayonnement, sans compter ces Inaptes qui grimpaient les échelons à grande vitesse. Malgré tout cela, Lyseon survivait, faisant honneur à sa gloire d’antan.

Daela fut mariée à son cousin Valarr. La belle demoiselle ne s’était guère attendue à un époux si empressé et fougueux. Elle lui rendit bien son ardeur par trois enfants. Elle découvrit les joies de la maternité et fut une femme comblée, que demander de plus ? Évidemment, tout n’était pas parfait. Aemon se révélera être un peu moue et débauché, Alyrea désirait rester célibataire pour des raisons floues, mais comme elle apportait beaucoup de prestige de par sa position, elle la laissa faire et Aela était une bonne fille, qui épousa son frère après une histoire assez trouble de tromperie. Cependant, son aîné et sa petite n’eurent que de jolies princesses. Après tout, ils ne faisaient guère partie de la branche principale, cela ne leur incombait pas vraiment.

Jusqu’au grand chamboulement.

La guerre sonna, faisant trembler les murs de la cité. L’âme martiale de Daela brûlait dans ses veines, la poussant presque à prendre les armes à son tour. Cependant, Valarr lui rappela sa place : elle devait demeurer auprès de ses enfants. Elle ravala sa fierté et accepta son destin, regardant son bien-aimé partir, aux côtés de Gaemon, le chef de famille et de tous les autres Seigneurs Dragon. Gaemon abandonna sa soeur-épouse et son fils nouvellement né, Rhaelor, laissant ces derniers maîtres du domaine. Bien qu’elle ne l’avouera jamais, Daela eut presque de la peine pour Jaelyx, qui mit tant de temps à accoucher d'un seul fils. La Grande Meleys ne fut guère clémente envers elle, cela était certain, mais le devoir passait avant tout. Sans doute que l’ancienne avait envoyé régulièrement des servantes auprès d’elle pour lui proposer des tisanes de fertilité, histoire que ses difficultés n’entachent pas l’aura de la famille. Elle fut d’ailleurs persuadée d’avoir joué un rôle dans cet heureux dénouement.  Quant à Aemon, son fils chéri, la pauvre mère se fit un sang d’encre pour lui. Il était gentil, grand débauché, certes, mais ses talents au lit n’allaient pas le sauver dans une bataille. Elle aurait bien préféré prendre sa place au front, mais, bien entendu, son mari refusa. Elle devint, durant cette période, un roc pour son entourage. Bien que toujours acerbe et acariâtre, elle veillait sur chacun des membres du clan, à sa manière.

Le dénouement fut terrible pour la branche principale. Gaemon périt glorieusement, et que dire de son époux Valarr? Sa réaction fut digne d’elle. Lorsqu’on vint lui annoncer la nouvelle, Daela demeura placide, esquissa un faible sourire en clamant d’une voix à peine tremblante « Mon époux fut digne de sa famille, il a combattit noblement », avant de boire une longue gorgée de thé. L’on raconte qu’elle passa le reste de sa journée à faire toutes ses tâches quotidiennes, jusqu’au soir où elle s’enferma dans sa chambre, congédiant toutes ses servantes. Certains essayèrent de toquer à sa porte, mais elle les envoya promener avec une certaine véhémence.

Si Valyria avait gagné la guerre, il fallait reconstruire derrière les cendres laissées par ces impitoyables Ghis. De longs conseils familiaux furent organisés, afin de décider de l’avenir et du futur chef de la maisonnée. Jaelyx voulait que son fils soit l’héritier, ce qui semblait naturel en vue de sa position. Cependant, cela signifierait laisser une femme régenter pendant quinze ans, ce qui paraissait insurmontable pour les mâles présents. Qui plus est, il était inconcevable d'offrir une place au Sénat à une femme. Elle ne l’avouera jamais, mais Daela la comprenait. Quelque part, on l’avait empêché d’aller à la guerre, on lui avait assigné son rôle sans prendre en considération son avis, mais c’était comme ça. On ne pouvait changer des traditions millénaires, Arrax le voulait ainsi. Daela prit donc le parti de Vaerys, à contrecœur. Son instinct lui criait de ne pas faire ce choix, mais les Lyseon avaient besoin d’un chef fort, adulte, qui pouvait prendre des décisions dès à présent.

Quelle terrible erreur. La pauvre dame aurait dû écouter son intuition.

Vaerys couvrit de honte toute sa maison. Il commença par vouloir aménager le Palais. Si l’idée pouvait être intéressante, il en fit plus qu’il ne fallait. Certes, c’était luxueux et confortable, mais les Lyseon étaient connus pour être les moins riches parmi les Dynastes. La guerre, cela rapporte, mais c’est fluctuant et ce n’est pas tous les jours que l’on guerroie. Leur situation empira au fur et à mesure que Vaerys creusait toujours plus leurs finances, en achetant des garnisons et bien d’autres attributs dont ils n’avaient pas les moyens d’assurer. Comble de l’horreur absolue pour Daela, il devint le pantin d’une femme qu’elle méprisait au plus haut point : Echya Odenys. Cette famille composée d’Inaptes l’horripilait. Ils n’étaient que des parvenus à ses yeux, incapables de magie ou de contrôler un dragon. Quelque part, ces gens avaient le mérite d’avoir réussi malgré leur sang mélangé. Mais cela, elle refusait de l’admettre, c’était impensable. Imaginez sa réaction lorsqu’elle apprit que Vaerys, étendard des Lyseon, était endetté auprès de cette femme !! Rarement on n’avait vu Daela autant en colère. Elle hurla si fort qu’on se demanda si elle ne lui avait pas percé les tympans. Plusieurs valets furent réquisitionnés pour l’emmener de force dans ses appartements, sauvant de justesse le guerrier de cette furie de 60 ans. Plustard, elle fit part de son outrage à sa fille, qui prit la décision de trouver une solution. Elle et ses consœurs des deux autres maisons Dynastes réussirent à intercéder auprès des temples afin de sauver la fortune familiale. Daela ne fut guère enchantée, mais ils n’avaient pas le choix. La dette fut rachetée, mais ils devaient payer, mais la condition à cela était la destitution de Vaerys. Dire qu’elle était soulagée serait un euphémisme.

Cette fois-ci, ce fut son fils qui fut placé sur le devant de la scène. Cela la combla de joie, évidemment, mais elle demeurait assez craintive quant à l’avenir. Aemon n’avait brillé que par sa survie à la guerre et n’était guère fait pour cette place. Elle savait que Vaerys gardait une dent contre eux, surtout envers sa fille qui avait participé à sa chute, mais Daela lui avait déjà montré l’étendue de sa rage. Elle défendrait ses petits, coûte que coûte. De nombreux évènements s’enchaînèrent, rendant la tâche de plus en plus ardue. Sa fille adorée, Aela, mourut lors du Grand Effondrement, laissant son fils veuf et sans héritier mâle. À nouveau, elle camoufla son chagrin, qu’elle mua en une détermination à toute épreuve. Les Lyseon devaient retrouver leur prestige et leur gloire. Elle était prête à se battre, avec les armes qu’on voulait bien lui laisser. Désormais, Alyrea se trouvait dans l’obligation d’épouser Aemon, mais Daela sentait bien sa réticence. Puis, il y avait Jaelyx, qui se mit à tourner autour de son petit, tel un vautour autour d’une carcasse. Si la princesse l’exaspérait, elle se trouva quelque peu mitigée quant à la situation. Récemment, la mort brutale de Lucerys Velaryon mit le feu aux poudres dans la cité. Clairement, Daela se rattacha aux Rouges, car pour elle, c’était certain, Ghis oeuvrait derrière tout cela. Si Daela prenait de l’âge, sa hargne ne fut qu’augmentée avec les années, jusqu’au bout elle lutte pour le bien des siens.



Désormais à la tête de sa famille – du moins, se trouvant à la place de la conseillère du chef de famille-, Daela doit s’activer pour relever les ruines de sa maison. Plusieurs choix s’offrent à elle, toujours est-il qu’elle refuse catégoriquement de suivre le chemin de Vaerys et de s’engager auprès des mauvaises personnes. Si on la craignait autrefois dans le Palais, la situation a empiré son humeur. Elle n’est tendre qu’auprès de ses enfants, bien qu’on peut la trouver mielleuse en public. Après tout, la dame a besoin de soutien, mais elle ne veut avoir à ses côtés que les meilleurs, la crème de la haute société. Saura-t-elle s’en sortir ? Elle prie chaque soir tous les Dieux pour sa cause, qu’elle estime juste.