Son cœur mort battait encore. Le sang l’avait quitté depuis longtemps, car le rouge de l’amour n’aurait pu supporter de faire vivre cet organe racorni, dévoré par le ressentiment et la haine. Demeurait alors cette pompe à existence morne qui continuait à soutenir la coquille vide qui lui servait d’âme, et l’amenait à endurer une seconde fois l’idiotie de tout Valyria, amenée à se réjouir d’un mariage vicié, dont tous les principes les plus sacrés étaient foulés au pied depuis plus de dix années, et qui continueraient à l’être pour celles à venir. Il semblait même à Aeganon que cette fois était plus cruelle encore, car tout Valyria avait conscience de l’inanité de l’union entre Maera et Daemor, quoique pour une autre raison que la sienne. Baste ! Elle avait aussi du sens, et ravissement dans l’horreur suprême, il en était à nouveau la cause. Ils ne pouvaient pas tous être suffisamment aveugles, tous ces braves et nobles gens, pour ne pas voir l’évidence, à savoir qu’il n’existait rien d’autre que Jaegor Bellarys entre son frère et sa sœur. Et lui-même, ironiquement, que les deux venaient trouver, condamné à être pourtant celui qui devait applaudir le bonheur des autres. Dont on venait quémander les caresses, la tendresse, les conseils, à la nuit noire, pour disparaître au petit jour. Second choix à jamais, choix de l’ombre, choix du vice. Il aurait dû être à la place de Daemor. Il aurait dû être à la place de Maera. Mais encore une fois, il encaisserait la douleur, et cette fois, l’affront. Il avait songé à se dérober. Que lui importait ces festivités ? Oui, certes, il y aurait toute la grande société valyrienne. Et alors ? Qu’ils se congratulent, ces hypocrites, de quatre mariages qui n’auraient pas dû être. Parce que les Maerion avait aussi sacrifié un cadet pour un aîné, parce que tout Valyria s’amusait de l’infortune des Arlaeron depuis le coup d’éclat du paternel au Sénat. Au moins, les Tergaryon seraient heureux sentimentalement, à défaut de l’être politiquement, car Maekar sacrifiait sa carrière politique en épousant sa sœur. Du moins, tant qu’elle serait cheffe de faction, et bien fol serait celui qui n’avait pas encore compris lequel des deux natifs d’Oros avait le plus d’ambition. Alors, il pourrait bien manquer à cette débauche d’argent qui ne rencontrerait que du vent et les cornes de la tromperie. Ecumant de rage, Aeganon en avait brisé, comme souvent dans ses colères homériques, le mobilier de son pied à terre. Là, suant et ahanant, il avait enfin laissé couler les larmes qui l’envahissaient depuis trop longtemps. La souffrance était indicible. Il aimait sans espoir, ne pouvant obtenir que des fragments. Et voilà qu’en plus, il devrait supporter d’apparaître à un public qui ne le verrait que comme le frère de trop, le cadet sacrifié. Pourquoi leur offrirait-il ce spectacle de sa décomposition ? Il ne devait rien à sa famille. Il s’était fait seul, à la pointe de sa ruse et sur la selle de son dragon. Sa fortune était sienne, bâtie dans la chair et le sang, sur les désirs abusés des autres, et sur la folie des sens, des secrets confiés dans l’acmé du plaisir. Il imposerait l’insulte de son absence à son père, et ce serait son cadeau de mariage. Sa main s’était égarée vers une amphore de vinasse qui avait survécu au carnage, et il l’avait bue, pure. Pour se saouler, et oublier qu’il n’était qu’un abruti dévoré par les regrets, écrasé par l’amertume et empli jusqu’à la lie de la coupe rance du désir inassouvi. L’alcool l’avait assommé, au moins temporairement. Lourdement, il s’était relevé après un long moment, et s’était dirigé vers le baquet que son esclave avait rempli. Il s’y était immergé tout habillé, les effluves du vin se dissipant, et lui rendant sa raison, du moins ce qu’il en restait. Mais la douleur, elle, n’avait pas disparu. Elle tambourinait dans sa poitrine, étirait cette dernière pour l’engloutir tout entier. Il l’entendait battre à ses tempes, masquant ce qui aurait dû être le bruit de son cœur. Alors il s’était changé avant de disparaître dans les brumes de la ville, s’immergeant dans les ruelles les moins bien fréquentées. Il avait hésité, devant les poitrines dévêtues offertes à sa vue et à ses mains pour quelques sous. Sa détresse masquerait les dents déchaussées et les existences détruites par cette vie de misère. Il payerait pour aimer, puisqu’il payait d’aimer. Une brune point encore trop gâtée le héla, et il se dirigea vers elle d’un pas sourd. Cependant, quand elle le regarda, ses yeux le transpercèrent. C’était ceux de Daemor. Terrassé malgré lui, Aeganon tenta d’avancer, sous le regard interloqué de la prostituée, puis il lui lança un dragon d’or, que la fille regarda avec des yeux ronds, avant de tourner les talons et de se diriger vers la demeure Bellarys.
Il ne s’était pas fait annoncer. A la place, il s’était élancé et avait grimpé à la force des bras avant de se glisser dans la chambre de Daemor par la fenêtre ouverte. Il le détestait pour le lendemain, il ne l’en aimait que davantage pour aujourd’hui, dans les quelques heures précédent l’indicible. Seul face à son double, il n’avait rien dit. Il s’était contenté d’avancer vers son jumeau, de l’étreindre puissamment dans ses bras, avant de l’embrasser avec furie, avec ivresse, avec passion. Avec les « je t’aime » qui étaient morts dans sa gorge, parce que le lendemain, Daemor les adresseraient à une autre, publiquement, et les siens n’auraient jamais pour témoins que quatre murs et un toit. Il l’avait aimé avec violence, avec désespoir, et dans ses yeux ne perçaient ni jeu ni luxure, en dépit de ses gestes épris d’une adulation sulfureuse, seulement une tristesse incandescente. Il aurait voulu lui avouer à quel point il ne supportait pas de n’être qu’une ombre dans la foule, quand il aurait dû se tenir à ses côtés. A la place, il se contenta de demeurer étendu près de lui, la seule place légitime qui lui serait jamais accordée. Il n’était que l’amant honteux, l’amant trompé et trompeur, l’amant du soir et l’amant du matin, jamais celui de la journée. Il n’avait pu que lui demander s’il était prêt pour le lendemain. Et répéter ses serments, tandis que la réponse de Daemor achevait d’abattre ce qu’il lui restait de myocarde encore en état. La douleur l’envahissait à nouveau, et même les lèvres de son frère contre les siennes avaient le goût de cendres de l’amour condamné. Cette fois, le plaisir avait été d’une rude tendresse, les yeux fermés, pour ne pas se rappeler qu’en dépit de leurs mots, Daemor ne serait jamais sien. Quand son jumeau avait fini par s’endormir, Aeganon avait fixé le plafond, hébété. Vide. Il se sentait vide. Le jour pointait, et Daemor, déjà, lui échappait. Il l’avait observé un moment, incapable de trouver le sommeil lui-même, le berçant doucement, lui murmurant tout ce qu’il n’était pas parvenu à admettre. Qu’il aurait tellement voulu partir avec lui, loin d’ici. Qu’il regrettait de ne pas avoir fui, tant d’années auparavant. Ils auraient été heureux, tous les deux. Qu’il l’aimait, ô dieux, qu’il l’aimait à se damner, qu’il aurait tué pour l’épouser, qu’il aurait tout détruit pour être à lui. Qu’il était beau, qu’il était digne, qu’il était le meilleur des Bellarys, infiniment meilleur que lui, parce qu’il était bon, parce qu’il était fidèle, quand Aeganon n’était qu’un arrogant avide de sang qui se glorifiait du malheur des autres, surtout quand il le provoquait. Il ne serait jamais son égal. Maera lui donnerait tout ce que lui ne pouvait lui offrir, le soutien et la douceur, comme Aenerya. Maera … Rien que de penser à sa sœur cadette raviva ses larmes. Parce qu’il se détestait de la hair autant qu’à cet instant, et il savait que, dans quelques heures, il darderait sur elle un regard pétri de fiel. Bientôt, enfin, il parviendrait à la honnir comme il avait poursuivi le sœur décédée de son hostilité malveillante, exploitant chaque occasion pour miner la relation qu’elle entretenait avec Daemor, ne manquant jamais une occasion pour l’humilier, même après son décès. Il ferait pareil, désormais, avec sa petite sœur qu’il aimait, il l’utiliserait, il exploiterait ses sentiments à son égard. A la pensée qu’elle se tiendrait bientôt devant le monde comme l’aimée de Daemor, une bile âcre remonta vers sa gorge. La haine revint, plus intense, plus destructrice. Ses doigts se refermèrent, les jointures blanchissant. Il laissa son frère et se releva, sentant la fureur l’envahir. Il repartit par où il était venu, se perdant les rues de Valyria baignée par la lumière ocre du petit jour, et il regagna l’endroit où il avait laissé la prostituée qui ressemblait à Daemor. Elle était encore là. Il indiqua la ruelle sombre à l’odeur putride d’urine et de sueur mêlés. Et dans cet écrin de purin, il la porta contre le mur, ses reins chantant l’ode des amants amers et des amoureux malheureux. Chaque coup était un cri au cœur, un cri en chœur. Il entendait les moqueries à venir, la suffisance de son père, les vœux prononcés par Maera, les siens, ceux qu’il avait dit à Daemor, ceux qui resteraient secret, comme tout le reste. Tête renversé, yeux fermés, gorge nouée, il aimait dans l’âcre ressentiment de ceux qui s’avilissent pour se convaincre qu’ils vivent encore. Hélas, son cœur était mort.
La fille le conduisit dans la mansarde qu’elle louait avec une compagne. Le souteneur à l’entrée tenta bien de lui soutirer sa bourse, et Aeganon s’enivra de son poing dans son visage, du bruit des os craquant, du sang suintant. Sa rage trouvait à s’exprimer. Il le laissa, pulpe de chairs ruisselante s’égoutter sur le plancher détrempé, et suivit la fille pour s’enivrer davantage. Chair, sang, vin, épices, dans un brouillard hagard, il vécut son enfer personnel au rythme des paradis artificiels. Quand sonna l’heure, le visage have et la toge tâchée, il hésita. Son regard se perdit vers le soleil qui déclinait. Ebloui, il vit danser les arceaux de lumière et dedans apparut le visage de Daemor. Il cligna de l’œil, un sourire sincère s’épanouissant. Puis il vit Maera. Puis il vit son père. Les insultes vipérines de toutes ces belles bouches qui riraient de son infortune, sans même en mesurer l’étendue, éclatèrent à ses oreilles. Il porta ses mains à ces dernières, comme pour s’en prémunir. La folie le guettait. Les mots enflaient, son dégoût aussi. Oui, il n’était qu’un misérable, à se terrer dans une masure du Point du Peuple, puant plus que la mort et avec un visage que n’aurait pas renié le dernier des cadavres. Il méritait leur mépris. Et puisqu’ils le jugeraient tous, quoiqu’il fasse, il leur donnerait une bonne raison de le faire. Se tournant vers ses compagnes de débauche, il jeta le reste de sa bourse, intimant l’ordre de le suivre. Dans sa demeure, il se baigna, s’habilla, se prépara, tandis que les deux catins connaissaient le plaisir soudain des tissus riches et onéreux. Un sourire de satisfaction orna son visage où dansaient les ombres de la nuit et du jour. La transformation était impressionnante, et on eut dit des protégées du Seigneur Soie en personne. Alors, seulement, il consentit à se mettre en marche, chaque pas lui arrachant une grimace. Quand les portes du Temple furent en vue, une vague de rancœur le submergea, et un haut-le-cœur manqua faire chavirer sa résolution. Mais il se contint, et avança, méprisant cette Valyria qu’il détestait toute entière. D’un mouvement dédaigneux du menton, enveloppé dans sa superbe, il toisa Maerys Qohraenos avec morgue :
« Ni dans le tien. »
Il la dépassa sans ajouter un mot, ses yeux étrécis accentuant la dureté de ses traits. Un sourire mauvais s’épanouit sur son visage quand il vit les mines outrées des rombières diverses. Un éclat de rire le secoua, qu’il maîtrisa à grand peine. Ils venaient tous assister à une farce, se vautreraient dans l’ivresse le soir et beaucoup paieraient pour étreindre ses filles, parce qu’il les avait amené, et parce qu’il était puissant, tout simplement. Qui étaient-ils tous, pour lui faire la leçon ? Il les méprisait pour leur hypocrisie, leur stupidité aussi, de ne pas se rendre compte de l’idiotie de ce qui se jouait devant eux. Alors, dans le secret de son cœur, il maudit les dieux qui l’avaient affublé de ces sentiments dévorants et interdits, il maudit Valyria pour ses règles qui lui permettaient d’aimer tous ceux qu’il détestait, et de détester tous ceux qu’il aimait, il maudit son propre nom, il maudit Maera pour lui prendre ce qu’il voulait tellement, et contrefit les serments de bénédiction de Vermax dans le silence de son esprit. Droit, son regard dardé sur Daemor, il ignorait tout, conservant cette apparence pétrie d’orgueil et de déraison, pour ne pas souffrir la vérité : tous savaient à quel point il souffrait, et tous ignorait l’étendue de sa souffrance. Il se demanda furtivement si Daemor l’avait vu, dans sa vision. Sûrement. N’était-ce pas là le signe que les dieux eux-mêmes, in fine, se moquaient d’eux, et qu’ils connaissaient les tourments de leurs âmes jumelles et séparées ?
Enfin, ils purent quitter ce Temple, et pour faire bonne mesure, alors qu’il se trouvait sur son perron, un sourire cruel se dessina sur le visage d’Aeganon, et il guigna la Grande Prêtresse de Tyraxes avant de déposer un baiser sur le temple d’une de ses catins, avant d’effectuer un salut comiquement exagéré, et de s’en aller. Il rattrapa le cortège, avisant certaines connaissances à qui il lança des œillades appuyées, décidé à montrer jusqu’au bout que cette gigantesque pitrerie lui était indifférente, et que les regards courroucés ne faisaient qu’exciter son ressentiment, et par là même, sa hargne. De temps en temps, en pointant tel ou tel invité, il murmurait des vilenies à ses deux invitées, se gorgeant de leurs gloussements et du mépris qu’affichaient les uns et les autres. Délicieux, vraiment. La magnificence du futur théâtre des mariages ne lui arracha aucune exclamation. A la place, il n’en ressentit que plus douloureusement encore sa situation, et il eut envie de cracher au sol pour marquer sa désapprobation. Combien cela avait-il coûté à son père, qui avait dû verser plus que les autres pour compenser son manque de grandeur, car il avait bien fallu compenser leur rang de parvenus pour s’afficher aux côtés des Arlaeron, des Maerion … Comme le Tyvaros. Il se demandait bien qui était son souteneur, et ce qu’il avait échangé pour obtenir le droit d’afficher son nom au même rang que les familles riches et influentes de Valyria. Parce que ce n’était pas la famille de sa fiancée qui aurait pu lui ouvrir de telles portes.
Un instant, il hésita à se placer à la table Bellarys, à l’endroit qui lui était réservé, mais n’en fit rien. A la place, il se dirigea vers une table dans le fond de la salle et s’avachit sur une chaise, laissant ses deux catins en faire de même, l’une d’entre elle venant lui masser les épaules, ce qui eut le don de le détendre. Il se servit du vin, généreusement, et attendit que la première cérémonie commence. Son verre descendait plus vite que les serments ne s’échangeaient. Quand Daenerys Maerion récita ses vœux, Aeganon chercha du regard Daemor, simplement pour l’apercevoir, pour qu’il voit à quel point son jumeau ne voulait qu’avoir droit au même honneur, et non pas être relégué dans les limbes, maîtresse jalouse et dérangeante. L’alcool, comme durant la matinée, avait au moins le mérite d’anesthésier ses sens et de lui permettre d’ignorer l’élancement dans sa poitrine. Un bref instant, la vérité se peignit sur son visage, sans fard. Il avait l’allure d’un homme hagard, d’un fantôme, qui observait la vie et s’en trouvait relégué. Dans le royaume des ombres, il n’y avait de place que pour les morts. Le tiraillement dans son torse se fit plus intense. De battre, son cœur s’était arrêté. Sa respiration se coupa. Les larmes lui vinrent, à nouveau, et pour les cacher, il enfouit sa tête dans le corsage de sa compagne de tablée, l’air d’y pécher avec gourmandise une douceur pralinée enfuie, quand il étouffait son mal-être dans une chair fatiguée, mais qui avait, sous les couches de maquillage pour en camoufler les impuretés, un battant bien vivant, qui se réjouissait d’être là et de profiter de telles largesses, tandis qu’Aeganon en crevait. Finalement, il releva la tête après une profonde inspiration, et engloutit un nouveau verre. La cérémonie était finie, son supplice aussi. Pour un temps. L’arrivée d’Aerys eut le mérite de lui offrir une distraction nécessaire, et c’est avec un rire sec qu’il répondit :
« J’aime que les dieux me remarquent quand j’entre dans leur demeure. »
Leurs prêtresses aussi, d’ailleurs. Son expression se fit plus douce, et teintée d’un amusement sincère cette fois, quand il entendit Aerys reprendre le toast fait à Meereen. Alors, de bon cœur et avec vigueur, Aeganon trinqua, en s’exclamant :
« A nos femmes, à nos dragons, et à ceux qui les montent ! »
Quelques têtes se tournèrent vers les deux fiancés évincés, et la boutade arracha des sourires. Au moins avaient-ils du panache, dans leur infortune. Le voyant se lever ensuite, il lui lança :
« Bon courage, Aerys. Et tu sais, j’ai toujours admiré les hommes qui se battaient pour d’autres femmes que les miennes. »
Il le suivit, aller affronter frère aîné et sœur cadette, avant de le voir partir en compagnie d’une beauté exotique. Et Aeganon porta un nouveau toast, dans le vide, à son ami, dont il admirait la tenue dans cette comédie dont il était un des premiers acteurs. C’est dans cet élan qu’il fut interrompu par Elaena et Maekar. Sa question, où perçait non pas le jugement, mais la tendresse, le désarma, et devant ses deux amis, il répondit doucement, ses épaules s’affaissant légèrement :
« Je n’ai pas l’habitude de me rendre sans combattre. Parce qu’on ne blesse pas une bête. On la caresse, ou on la tue. Et puisque je n’arrive pas à mourir …
Pardi, j’ai décidé que ce soir, je vivrai à en crever, et les caresses viendront assurément ! »
Un clin d’œil vers Maekar, il ajouta :
« Mon ami, rends-moi fier, célèbre cette nuit de noces comme aucun guerrier n’a jamais célébré, et fais trembler Valyria, pour que je sache qu’au moins deux personnes sont heureuses … et que tous le sachent aussi, pour exciter la jalousie ! »
Il reprit un nouveau verre de vin :
« Au vrai amour ! »
Et il porta son toast vers les Tergaryon. Uniquement pour ses amis, il serait honnête, et heureux. Laedor arriva ensuite, et devant sa taquinerie, Aeganon répondit sur le même ton :
« Je n’ai jamais eu aucun problème à laisser des sœurs pour la journée, c’est la nuit qui est mon domaine, mon ami. »
Le sourire égrillard ne remontait pas jusqu’à ses yeux. Se levant – et tanguant un peu – le Sénateur emporta Laedor dans une étreinte virile, et murmura, tandis qu’il passait sa main derrière son cou :
« Sois fier, Arlaeron, d’épouser une femme qui t’aime. Il n’y a pas plus grande félicité dans la vie que de pouvoir être avec une personne qui te chérit pour ce que tu es, et non ce que tu aimerais être. Les femmes, la gloire, la victoire … Tout cela passe. L’amour demeure. »
Il le croyait sincèrement, Aeganon, et aurait tout donné pour être à sa place. Parce qu’il aurait voulu pouvoir être aux côtés de l’homme qu’il aimait, tout simplement. Il risqua un regard vers Daemor, et fronça les sourcils en le voyant dans une position légèrement voûtée. Comment ! Il ne pouvait pas afficher la même douleur que la sienne, lui au moins avait le droit d’être célébré, d’être un Bellarys. Il n’avait pas le droit de sombrer, pas quand il n’était pas là pour le rattraper. Titubant légèrement, déjà saoul, le Bellarys se leva avec lourdeur et avança jusqu’au recoin occupé par les prêtres de Meleys, bondit sur l’estrade improvisée et se râcla la gorge, avant de beugler de sa voix profonde :
« Parce que j’aime l’amour, et que Meleys mérite d’être acclamée en ce jour, je dédie ces quelques vers sans importance aux maîtresses, aux amantes d’une nuit, aux adorées de Meleys, aux vraies héroïnes des réjouissances à venir, et aux plus belles des miennes … »
Ses yeux se braquèrent vers la table des Bellarys. Vers Daemor. Il leva son verre de vin, en avala une lampée, et commença :
« A la nuit tombée, leur domaine s’agrandit,
Ils trônent, souverains de tes profonds soupirs,
Elles règnent, suzeraines de tes envies,
Et avec tes baisers bâtissent leur empire.
Ils aiment avec l’ardeur des amants désespérés,
Elles adorent avec ce feu dans leurs reins,
Tu te perds dans leurs sourires, âme damnée,
Condamné par l’ivresse qui n’est pas de vin.
Allons, Valyrien, ne vois-tu donc pas qui t’aime ?
C’est cette âme sombre dont parle le poète,
Qui fouette tes ardeurs les plus viles et extrêmes.
Allons, Valyrien, ne vois-tu donc pas qui t’aime ?
C’est cette âme bénie qui admet sa défaite,
Car en amour, on récolte ce que l’on sème. »
Et il termina son vin, avant de s’incliner sous les applaudissements et sifflements des connaisseurs. Sautant à bas, la tête lui tournait, d’ivresse et d’amusement. Il se dirigea jusqu’à la table des Bellarys, et posa une main sur l’épaule de son frère, avant de se pencher pour murmurer à son oreille :
« Allons, Valyrien, ne vois-tu donc pas qui t’aime ? »
Puis il se releva et, avisant sa sœur, se tourna vers elle pour demander, à voix haute et avec un rien de cruauté, montrant Daemor :
« Allons Valyrienne, ne vois-tu donc pas qui t’aime ? »
Son regard se posa enfin sur son père, et il s’inclina, ses yeux luisants d’une haine évidente :
« J’espère que la cérémonie se passera selon les vœux de tous les Bellarys. Je suis certain que le résultat en sera … fascinant.
A plus tard, et bon courage. Je gage que tout marié en a besoin. »
Achevant sa tournée vers les Maerion, il vit avec délectation le visage de Jaehaegeron qui se contorsionnait douloureusement. Son regard se perdit vers le visage inquiet du paternel Maerion, et à la pose de plus en plus empruntée du marié sur sa chaise, Aeganon devina qu’il était embarrassé par un problème quelconque. Rien que pour son ami Aerys, il ne pouvait pas ne pas en profiter. C’est ainsi qu’il se dirigea vers les mariés, s’inclinant profondément en direction des jeunes mariés, et commençant un discours :
« Toutes mes plus sincères félicitations, Jaehaegaron, pour épouser une femme aussi splendide que Daenerys, diantre, tous les yeux sont sur elle depuis ce matin, et ce serait faire injure à tes charmes, très chère, que ne point avouer que les miens ont également concourru à cette reconnaissance de ton exquise beauté. C’est que, vois-tu, nous autres âmes solitaires aimons rendre hommage aux hommes qui peuvent parader avec de telles merveilles à leurs bras, car c’est reconnaître leur force virile et leur honnête vitalité. Et je ne connais point d’homme plus énergique que ton nouvel époux, qui se fera une joie, je n’en doute pas, de tous nous faire périr de jalousie quand viendra cette nuit, et que la félicité de vos épousailles se fera entendre jusqu’au palais de Meleys. »
Aeganon discourait, et il voyait de la sueur apparaître sur le front de Jaehaegaron, qui devait subir son long laïus sans bouger. A vrai dire, il savourait son malaise, et continua donc avec perversité :
« C’est donc pour cela que j’ai décidé de vous offrir un cadeau tout particulier, sur lequel j’ai très longuement hésité. Très longuement. Il fallait qu’il soit à la hauteur de vos qualités. Mais finalement, j’ai choisi, non sans difficulté. »
Il aurait pu parier que le Maerion allait s’évanouir, ou lui sauter à la gorge. Imperturbable, Aeganon conclut :
« Pour toi, Jaehaegaron, pour célébrer le fier Sénateur dont j’ai pu admirer la sagacité et l’éloquence, j’ai fait porter dans tes bureaux du Sénat un écritoire conçu par les plus fiers artisans valyriens, et enchantés de quelques secrets dont tu m’entretiendras, je n’en doute pas.
Et pour toi, Daenerys, pour que tous continuent de se retourner sur ton passage, et pour que tous soient incapables de s’en détacher … j’ai demandé à ce qu’un parfum du plus fin parfumeur de Valyria te soit dédié. En voilà une flagrance. »
Il tendit une fiole finement ouvragée. Le pauvre Jaehaegaron était au supplice, et Aeganon, enfin, consentit à s’en aller. Il prit congé, pour chercher un nouvel endroit à déranger. Une chevelure brune attira son attention. C’est ainsi qu’il se posa aux côtés d’Herya, sans façon, se servit du vin, et l’observa avant de dire, à voix basse néanmoins :
« Je comprends Laedor. N’aie crainte, Herya Valgarys. J’ai toujours eu de l’affection pour ceux qui subissent l’opprobre. Un compagnonnage d’esprit, dirons-nous.
Dis-moi, cette soirée est-elle pénible, ou simplement longue ? »
- Spoiler:
- - Aeganon passe toute la matinée avant le mariage en excès divers.
- Il répond avec morgue à @Maerys Qohraenos en entrant en retard dans le Temple de Vermax.
- Il décide de ne pas s'asseoir avec les Bellarys, et après le mariage Maerion, partage un toast égrillard avec @Aerys Maerion .
- Il répond sincèrement à @Elaena Tergaryon et à Maekar venus le saluer et les félicite avec tendresse - enfin dans le style Aeganon ...
- Il part déclamer un poème au stand de Meleys, "Aux maîtresses", bien que @Daemor Bellarys puisse clairement comprendre qu'il s'agit d'un poème pour lui, comme Aeganon est "sa maîtresse", ce que son frère lui a déjà dit.
- Il vient voir les Bellarys, murmure à @Daemor Bellarys un vers de son poème, avant de l'adresser à voix haute à sa soeur @Maera Bellarys , puis il salue son père - non sans moquerie pour quiconque le connaît.
- Il va voir @Daenerys Maerion et son nouvel époux pour offrir ses cadeaux et constatant que @Jaehaegaron Maerion semble se trouver mal, décide par amitié avec @Aerys Maerion de faire durer le supplice en faisant durer au maximum son offrande.
- Il repère @Herya Valgaris , et la salue, non sans l'assurer qu'il ne veut ni se moquer, ni être désagréable.