Dégrisé car un tantinet raisonnable, Aerys Maerion était revenu dans l’assistance, seul, comme un pou isolé.
La dernière cérémonie revêtait pour lui une importance tout aussi particulière que certaines autres. Là où Elaena était une connaissance, fort charmante au demeurant, là où Maekar était un frère d’armes, là où Daenerys et Jaehaegaron étaient le sang de son sang, Naerys était une véritable amie, sa plus ancienne. Les enfants Arlaeron et Maerion avaient en partie grandis ensemble, voyageant entre Aqos Dhaen et Castel Maerion, alors qu’une solide alliance avait été établie entre Arraxios et Lucerys. Celle-ci n’avait pas résisté au passage du temps, et la patine qu’elle affichait aujourd’hui rappelait de grands moments de la vie politique d’avant-guerre.
Pour autant, Aerys avait toujours gardé une place spécifique dans son cœur pour sa tendre amie qui, même s’il reconnaissait son caractère parfois très pinçant, était une âme à laquelle il se sentait attaché. Les Valyriens étaient des êtres fantasques et emportés, mais l’exaltation qui couvait chez Aerys et Naerys était d’une fibre similaire, selon lui, et cela les en rapprochait d’autant. Aussi, n’ignorant rien des contrariétés qu’avaient traversé le couple héritier Arlaeron, Aerys regardait ce mariage avec une tendresse plus importante que pour tous les autres. Après tout, il s’agissait là d’une union aussi politiquement significative qu’importante pour Laedor et Naerys.
Il ne fallut qu’un instant – évidemment celui où il se retournait pour attraper une cuisse de poulet rôti – pour que l’impensable survint. Tout occupé à sélectionner la cuisse présentant la peau la plus grillée, car c’était ainsi qu’il appréciait son poulet, Aerys, un hurlement, puis d’autres, le firent faire volte-face pour apercevoir Lucerys Arlaeron au sol, l’estrade tachée de sang, et la sidération affichée sur le visage des deux mariés face à leur père frappé en pleine tête. La cohue qui survint fut aussi brutale que naturelle. En un clin d’œil, on se bouscula et on hurla. Certains voulaient à tout prix se repaître du spectacle du meurtre de l’année, voire du siècle, tandis que d’autres ne cherchaient qu’à sauver leur peau, persuadés qu’il y aurait d’autres morts d’ici la fin de la journée.
Aerys regarda autour de lui, comme un volatile perdu. Il se sentait absolument désemparé. Des sentiments contradictoires de crainte, de stupeur et d’incompréhension. Au-delà des millions de questions qui s’entrechoquaient dans son esprit, le cadet Maerion ne savait quoi faire. Son instinct lui criait de se rendre auprès de sa famille et de s’assurer de leur sécurité. Son cerveau et sa loyauté lui hurlaient de se rendre auprès de Naerys et de s’assurer qu’elle n’était pas visée. Son cœur pataugeait mais se rappelait une discussion vieille de quelques mois. C’était le moment où Daenyra Tergaryon s’était confiée à lui sur ses facultés d’empathie hyperdéveloppées. Autour de lui, un maëlstrom de fureur gonflait et tournait dans un chaos indescriptible. Il fut bousculé plus d’une fois et seule sa stature relativement athlétique lui permit de rester debout. D’un coup d’œil, il constata que plusieurs personnages prenaient les choses en main vers les Arlaeron et il n’apercevait nullement ses parents autour. Sans doute ceux-ci s’étaient déjà éclipsés. Arraxios n’avait plus la mainmise qu’il avait jadis eu sur le monde criminel de Valyria, mais il disposait encore d’une influence significative et ne sortait jamais sans gardes. Ceux-ci avaient dû l’exfiltrer discrètement dès que Lucerys avait été frappé.
Ce fut Daenerys qui le retrouva en le tirant soudainement par le bras, manquant de déclencher chez lui un réflexe défensif violent. Sa sœur le prit dans ses bras et il lui rendit son étreinte, assez interloqué de la situation. Il l’écouta sans rien dire, regardant autour d’eux. Plusieurs hommes des Maerion étaient en poste autour d’eux, alors que la foule s’estompait légèrement au fur et à mesure que les gens quittaient l’endroit. Il restait pourtant encore bien du monde. La marée allait de nouveau se diriger vers eux, il fallait agir vite. Il se sentait dans un état second, comme si l’adrénaline qui se déversait dans ses veines ralentissait le temps autour de lui. Il écoutait sa sœur parler alors qu’elle lui donnait des directives, l’enjoignant à retrouver Daenyra. Il songea à l’interrompre pour mieux lui rétorquer qu’il n’avait guère besoin d’elle ou de ses idées pour aller chercher la jeune Tergaryon mais il ne fit aucun commentaire. Après tout, il avait déjà suffisamment ruiné son mariage sans avoir besoin de rajouter un esclandre entre eux. Il garda le silence, hochant simplement la tête et déposant un rapide baiser sur le front de Daenerys et la laissa repartir. Il se tourna vers les hommes qui attendaient ses ordres et les envoya chercher chacun d’un côté en leur ordonnant de venir le trouver s’il retrouvait la jeune femme. Puis, il se mit lui-même en quête de Daenyra.
Il se mit à arpenter la place, le regard erratique comme un chien fou. Il cherchait un détail comme un bijou, la couleur de sa robe, sa coiffure élaborée. Autour de lui, il entendait des appels aux armes, des cris de douleur, de consternation ou de fureur. Au loin, on entendait déjà des appels des soldats qui convergeaient vers les lieux du crime. Le Rêve de Vermax était gâché. Le sang des Dieux avait été versé. Lucerys Arlaeron gisait mort. Les circonstances de ce meurtre les dépassaient tous, personne n'avait encore idée d’où elles s’arrêteraient. Une chose était certaine, il fallait impérativement sortir d’ici au plus vite. Aerys avait eu l’occasion de pouvoir constater de près le don – ou la malédiction, selon les points de vue – de Daenyra. Si une seule personne pouvait autant l’influencer, Aerys craignait fortement les conséquences de ce qui se passait autour de lui sur l’esprit de la jeune femme. Et cela, pour une raison qu’il ne cernait pas encore très bien, l’effrayait.
Il continuait de battre le pavé gris de la place, l’air désespéré. Il cria son nom une fois, puis une autre, et encore une troisième. Il manqua de chuter en glissant sur un plateau en cuivre et se rattrapa à une table renversée non loin de lui. Sous cet angle improbable, il put enfin mettre les yeux sur la Tergaryon, prostrée sous un abri de fortune non loin de lui. Il se fraya un chemin entre plusieurs groupes de convives apeurés, et il se jeta sous la table aux côtés de Daenyra. Il la regarda, agitant sa main devant ses yeux vitreux.
« Suis-moi. »
Constatant l’absence de réaction, il la tira par le poignet. Et comme elle ne réagissait toujours pas, il l’aida à se remettre debout et la guida comme une aveugle, la soutenant avec une main autour de sa taille. Il passa l’un des bras de la jeune femme autour de sa nuque pour stabiliser leur duo impromptu.
Tablant sur un besoin vital pour la jeune femme de s’éloigner de la cohue, il emprunta les petites ruelles qu’il connaissait bien. Il s’éloigna rapidement de la grande place et continua dans le dédale des ruelles et allées où il savait qu’il y aurait moins d’affluence que sur les grands axes parcourant la capitale valyrienne. Bientôt, ils parvinrent dans les quartiers moins huppés, où l’activité était moins fébrile. Alors que la nuit continuait de tomber sur Valyria – à moins que ce ne fut l’obscurité ? – Aerys et Daenyra s’enfonçaient toujours plus loin dans les entrailles de la cité, cherchant le refuge idéal à l’écart du tumulte et du fracas du monde.
« Nous y sommes. »
Ils venaient d’arriver devant une petite échoppe abandonnée qu’Aerys connaissait bien.
L’échoppe de la Vieille Thebys.
- HRP:
Go @Mealys Naehrys
• Aerys est rejoint par Daenerys qui lui confie des hommes et la mission de retrouver Daenyra.
• Il déploie ces hommes pour la retrouver mais la trouve avant eux par accident.
• Il l’évacue dans les quartiers populaires de la ville où il y aura plus de calme pour qu’elle puisse retrouver son calme