Ici, vous parlez du passé de votre famille, de ses exploits passés ou présents, de ses déboires comme de ses richesses. Aemond ne connaît avec certitude que sa lignée maternelle. Les Qohraenos. Une famille qui a obtenu sa renommée par sa richesse liée à son alliance avec la Guilde des Orfèvres, et par ses femmes. Depuis l’île-forteresse d’Elyria jusqu’à la capitale, la propension des femmes Qohraenos à enfanter des filles ont fait de la famille une famille régnée par des femmes. Et ça, Aemond l’a bien ressenti depuis l’enfance. Ça n'a jamais été des hommes qui ont régi son éducation, mais plutôt des femmes, souvent des prêtresses. Justement, de sa grand-mère maternelle, il a aussi un faible lien avec les Nohgaris, qui sont connus pour leur proximité avec les Quatorze, comme le prouve nombre de Grands Prêtres et Grandes Prêtresses portant ce nom-là.
C’est par les gènes de son père que ce noble sang devient bourbier. Autant lors de sa naissance qu’aujourd’hui, il est très difficile de déterminer sa lignée paternelle. Une chose est sûre : son père n’est pas Rahaerys Maenanyon. Ce légat de la Jentegon V Iotāptenon, originaire du Sud de Valyria, capitaine d'un certain renom. Son sang n’a jamais été véritablement pur, et il n’a jamais été vraiment fortuné jusqu’à ses prouesses en tant que capitaine de navire, mais il a toujours adhéré aux idées les plus conservatrices de sa région natale. D’où sa colère en se rendant compte, en voyant le seul fils qu’a donné son épouse, que ce n’était pas le sien.
Cela était évident, rien qu’en observant ses cheveux bruns pousser après quelques mois d’existence dans le monde. Son existence provenait de la semence d’un illustre inconnu qui était tout proche de sa mère la nuit de son mariage, bien plus proche que ne l’avait jamais été Rahaerys.

Shame
Pratiquement personne ne se souvient de ses premières années, avant ses quatre ans. C’est le cas pour Aemond aussi. La première image qui était gravée dans sa tête, c’était celle des vagues qui cognaient les falaises escarpées de l’île d’Elyria. Difficile de dire, aussi, si ces mémoires étaient heureuses ou non. En vérité, il ne sait pas s’il était vraiment heureux dans son enfance. Une chose était sûre : il était d’un sérieux, comme si on ne lui avait jamais appris à sourire. Comme s’il s’était d’ores et déjà consacré à une vie solennelle dès le moment où il a pu parler (moment qui, apparemment, était arrivé relativement tard). Comme s’il avait déjà conscience qu’il devait rattraper l’erreur de sa naissance.

Cette erreur, on la lui a racontée plus tard. “Quand il fut assez grand pour comprendre” pourquoi il n’avait ni mère ni père, et était essentiellement élevé par des femmes Qohraenos. Bien évidemment, on lui avait dit que sa mère est morte quelques jours après sa naissance, d’une hémorragie postpartum. On lui avait aussi dit que sa mère était une Qohraenos, d’où le fait qu’il avait grandi ici. Mais, selon ses tutrices, il fallait encore attendre un certain temps pour qu’il comprenne le concept de “bâtard”.

Huit mois et trois semaines avant son arrivée au monde, à la toute fin du douzième mois de l’année 1044, Jalaenyra Qohraenos et Rahaerys Maenanyon se marièrent. Ce dernier, tout nouvellement nommé légat de la Jentegon V Iotāptenon, avait déjà atteint la trentaine avant de se trouver une fiancée. Auprès de ses amis, il déclarait souvent qu’il aimait trop l’armée de la République pour penser à l’amour. En vérité, il cherchait le mariage qui puisse lui donner une place dans la politique de Valyria, auprès d’autres de ses compagnons militaristes. Même s’il provenait à l’origine de Mhysa Faer, de nombreuses familles ont vu son sang comme encore trop impur pour être un bon parti pour leurs filles. Il se contenta alors de la première fille de Maerys Qohraenos, à l’époque prêtresse de Tyraxès, fille de la célèbre Mage Rhaenyria. Il tint son mariage dans sa ville natale, où il rêvait de créer une nouvelle grande famille du Sud.

La réalité fut bien plus cruelle, mais elle cacha cette cruauté derrière un visage de joie : seulement un mois après le mariage, à l’aurore de l’année 1045, Jalaenyra écrivit pour annoncer à sa famille qu’elle était enceinte. Elle continua à écrire régulièrement, pour raconter la progression de sa grossesse en détail. Telle ne fut pas la surprise des Qohraenos lorsqu’ils reçurent une lettre le neuvième mois de l’année, d’une ironie tragique, non pas de Jalaenyra, mais de Rahaerys : son héritier, du nom d’Aemond, venait de naître, mais cela a coûté la vie à son épouse. Selon ses dires dans la missive, elle était morte le lendemain, mais il avait tant pleuré qu’il mit plusieurs jours à écrire à sa belle-famille. Sa belle-famille, elle aussi, pleura beaucoup. Probablement bien plus que Rahaerys ne l’a jamais fait.

Celui-ci, à la fin de l’année 1045, revint à Elyria pour la revoir. Mais ces retrouvailles n’avaient rien d’heureuses. A peine il mit le pied dans la maison des Qohraenos qu’il se mit à vociférer tous ses griefs, qui tournaient tous autour de la partie fine qui avait conclu son mariage. Il qualifia son épouse défunte de menteuse, de traîtresse, la maudit de tous les noms parce qu’elle avait dû oublier de prendre la concoction des Mages pour la stériliser avant le mariage. Sa colère couvrant les paroles de son beau-père qui se voulaient calmantes, il remit la faute sur ces Mages, qui l’avaient piégé pour l’humilier lui, son épouse, et par extension leurs deux familles. Lorsque la voix de Baerion Qohraenos parvint à se faire entendre, Rahaerys hurla la raison de ses accusations : c’était un bâtard qui était là, un bâtard né pendant l’orgie, un bâtard qui ne lui ressemblait en rien.

Après mûre inspection de l’enfant, et après examination des souvenirs des témoins de l’acte, il était inutile de prétendre le contraire. Rahaerys n’avait pas pu toucher son épouse pendant la partie fine, et qui plus est l’enfant ne lui ressemblait en rien. Il n’était pas le père de cet enfant, il ne voulait plus jamais voir ses traits maudits par les dieux. Aemond, le faux espoir de Rahaerys, était un Qohraenos, et non un Maenanyon.

Sadness
Pendant sa jeunesse, Aemond ne savait pas comment vivre sans connaître ses origines. Il se sentait étranger, dans sa famille maternelle où toutes ses figures parentales étaient bien plus vieilles que sa mère qu’il n’a jamais connu. Il voulait connaître son père, au moins le voir, même si ce n’était que dans un croquis. Parfois, il croisait d’autres enfants de son âge, et ne se reconnaissait pas en eux. Ils étaient… trop innocents, trop grégaires. Il aurait tellement aimé être comme eux, oublier un instant que son existence était une anomalie en soi. Un enfant sans parents, qui voguait sur une île-forteresse, encadré par des érudites.

Bien sûr, pour un jeune garçon qui n’avait même pas vécu une décennie, il était impossible de vocaliser tout cela. Alors il pleurait beaucoup, à la moindre déception à laquelle il était confronté. Pour le calmer, son arrière-grand-mère le faisait beaucoup lire. Surprenament, ça marchait très bien. Il fallait dire que lors de son épreuve du feu, dont il garde encore les brûlures sur ses côtes et ses bras, on lui prédit un savoir aussi grand que sa grand-mère et son arrière-grand-mère avant lui. Voilà autre chose que Rahaerys démentit grandement lorsqu’il revint à Elyria, déclarant que le prêtre était un imposteur et que ce fils était un moins que rien. La preuve évidente en était ses brûlures.

Mais les Qohraenos ne l’entendaient pas de cette oreille, surtout en observant le jeune garçon dévorer tous les livres qui se trouvaient à sa portée. Tout lui plaisait : les épopées des héros de Valyria, les bestiaires qui décrivent l’anatomie des dragons, les poèmes lyriques de bardes, les atlas d’Essos. D’une certaine manière, quand il lisait, il oubliait l’absurdité de son existence. Il se mêlait avec aise autant aux récits fantastiques qu’au monde réel, monde réel qu’il trouvait hostile. Son arrière-grand-mère, qui suivait avec attention son éducation, remarquait le plaisir tout particulier qu’il prenait à apprendre et sa timidité envers le reste du monde. Les Quatorze ne s’étaient pas trompé : il ne serait pas politicien ou militaire, mais un mage au mille savoirs.

Petit à petit, tandis qu’il se rapprochait de l’âge d’entrée au Collège, Rhaenyria lui parlait des possibilités de la magie, lui offrait des manuels qui résumaient les bases de ce domaine mystérieux et encore incompréhensible pour Aemond, maintenant pré-adolescent. Quelque chose le marqua tout particulièrement : “plus le sang est pur, plus le mage qui utilise la sang-magie est puissant”, disaient pratiquement tous les manuels que son arrière-grand-mère lui avait donné. Cette information essentielle le laissa encore plus perturbé : pourquoi l’envoyer dans un lieu où, par hérédité, il était incapable de réussir ? Quelle est la farce que les dieux faisaient à lui et à sa famille maternelle ? Pour quelle raison était-il voué à l’échec ?

Il avait posé toutes ces questions à sa famille, on l’avait rassuré : de nombreux mages étaient sangs-mêlés et avaient réussi, il peut par ailleurs tout à fait réussir dans la science-magie, où le facteur n’était pas l’inné, mais bien l’acquis. Mais malgré tout, il conservait cette désagréable impression que les dieux se jouaient de lui dès le moment où il est né. Il continua donc à pleurer en cachette, le soir avant de partir pour le Collège à Valyria.

Wisdom
Lors de ses premiers mois au Collège, Aemond s’était découvert une étrange adoration pour les poussières, saletés et excréments qu’il devait laver le plus clair de son temps. Ce goût des plus bizarres pour tout ce qui serait désagréable pour le commun des mortels est venu du fait que c’était la seule chose qui redirigeait son regard qui allait instinctivement vers les têtes blondes et les yeux lilas de ses nouveaux compagnons. A chaque fois qu’il levait la tête, il espérait trouver un trait du visage qui lui ressemblerait ne serait-ce qu’un peu, mais en vain. Lui, aux yeux bruns de la même couleur que ses longs cheveux, se sentait plus proche des salissures causées par l’usage de la magie que des archimages qu’il croisait occasionnellement dans les couloirs.

Il a gardé son amour pour les livres, bien sûr, mais cet amour était devenu très amer. Lorsqu’ils les retrouvaient, entre deux corvées, il avait perdu cette connexion qu’il partageait avec les rouleaux de parchemin. Même s’il continuait à les lire, il se sentait vidé de toute détermination à accumuler du savoir. Il avait beau apprendre de nouvelles choses chaque jour, le poids d’un destin malicieux broyait son esprit, et l’empêchait de prendre du plaisir dans cette passion qu’il appréciait tant auparavant. Au bout de quelques mois, c’en était au point où il préférait les corvées de latrines à l’acquisition de nouvelles connaissances.

Lorsqu’il le pouvait, il s’installait près des fenêtres pour observer les dragons voler dans le ciel de la capitale, spectacle qui était beaucoup plus rare à Elyria. Il continuait à conserver des liens avec sa famille maternelle en leur envoyant des missives où il faisait état de l’avancée de ses études. Progressivement, malgré tous ses a priori, il s’était mis à parler avec d’autres novices, à lier des amitiés, comme par miracle. Et de plus en plus souvent, ils conversaient sur l’actualité, qu’ils se devaient d’observer de loin. Au Collège, il ne fallait pas se soucier des mouvements politiques du Sénat, mais bien des alphabets runiques et des listes d’incantations. Il découvrit ainsi un réconfort nouveau, auquel il ne s’attendait pas.

Il ne s’attendait pas non plus, loin de là, à la guerre contre Ghis. S’il n’avait pas été conscrit à l’étude de grimoires, peut-être aurait-il rejoint les armées sur le front. Toutefois, les Quatorze ont préféré qu’il soit cloîtré au Collège, terrassé par un sentiment d’impuissance. Tout comme ses camarades, Aemond s’inquiétait pour les quelques hommes de sa famille maternelle, et gardait à l’intérieur de lui cette sensation de ne pas être là où il devrait être. Il se découvrit une sorte d’altruisme : sans avoir aucun talent pour le combat, il aurait aimé pouvoir être avec les soldats (pas seulement ceux des familles nobles, tous les soldats), les soutenir, les soigner. Quelques mois après son passage au Deuxième Cercle, il fut averti de la mort de Rahaerys lors d’une escarmouche contre un navire Ghis. Il n’avait jamais eu l’occasion de vraiment connaître ce père adoptif, qui l’avait oublié après l’avoir détesté avec passion, mais pourtant il ressentait un chagrin enfoui dans son cœur, un regret de ne pas être là où il le fallait.

Néanmoins, cette peine ne l’empêcha pas de continuer ses études, au côté de ses nouveaux amis. Peu avant la fin de la guerre, il put enfin satisfaire le jury en faisant battre de nouveau le cœur qu’on lui a donné. Avec un soulagement à peine dissimulé, il entra donc dans le Troisième Cercle. Dans les années qui suivirent jusqu’à aujourd’hui, il utilisa finalement peu la possibilité de sortir du Collège, et continua à travailler, sans trop être perturbé par le Grand Effondrement, ni par la mort de Lucerys Arlaeron. Ce qui le préoccupait secrètement, c’était d’améliorer sa capacité de lire dans les flammes pour mieux comprendre ce qui s’est passé lors du mariage de sa mère.

C'est bon, c'est fait. Te voici validé. Bravo ! Ce petit picotement que tu ressens est celui du début d'une aventure où tu rencontreras des personnages et des créatures incroyables. Te sens-tu prête à nous rejoindre ? On espère que oui car le grand moment est arrivé !

Ton personnage Aemond Qohraenos, va désormais rejoindre les Mages de notre belle Valyria pour devenir l'un de ses membres les plus illustres, espérons-le !