Le problème quand on prend du plaisir, c’est qu’on a souvent du mal à s’arrêter. Mais c’est parfois aussi le cas avec la culpabilité.

Après sa mort, Valaena se sentit tiraillée, violentée par des sentiments contradictoires. Culpabilité, honte, peur, mais aussi fierté, pouvoir, avidité. Elle passa les semaines qui suivirent à fuir les miroirs comme pour se fuir elle-même et ne pas affronter la nouvelle image qu’on lui renverrait. Une meurtrière. C’était impossible, incompatible avec l’image de la belle héritière de la famille Cellaeron qu’elle s’était acharnée à construire pendant des années.

Si son père était prêt à beaucoup de choses pour des fins politiques, elle savait qu’il ne comprendrait pas, encore moins pour une stupide question de jalousie et d’amour contrarié. Et elle ne pourrait supporter la déception dans les yeux de sa mère.

Pour la première fois de sa vie, Valaena se sentait prise au piège entre deux versions d’elle-même. Alors, puisqu’elle était condamnée à demeurer toute sa vie un assassin, autant tenter de coller à cette image et d’enfiler ce costume, peut-être serait-il à sa taille…

Le deuxième était un garde du Pinacle qui avait lourdement insisté pour l’embrasser et caresser sa poitrine. Pour celui-là, elle avait décidé d’être plus originale et de l’offrir à Daemador et l’affaire passa miraculeusement pour un simple accident.

Et voici qui nous amène au troisième, à ce pauvre marchand libidineux qui devait épouser Alaessa, sa meilleure amie depuis l’enfance et qui gisait désormais dans cette sombre ruelle. Bien entendu qu’Alaessa ne lui avait rien demandé, mais Valaena ne pouvait supporter de la voir attachée à ce porc sans âme et ne tolérait plus de la voir fondre en larmes lorsqu’elles se rencontraient. Peut-être que tuer pour une bonne cause rendait l’action acceptable. Peut-être qu’en revanche, elle était allée trop loin en découpant férocement son organe et en l’enfonçant au fond de sa gorge. Mais peut-être que pour la première fois, elle s’était autorisée à en ressentir du plaisir.

Valaena le laissa là tandis qu’une fine pluie tombait sur la cité, lavant ses péchés et le sang de ses mains. Elle rentra chez elle le plus discrètement possible et ôta sa robe tâchée dans sa chambre. Fort heureusement, la guerre naissante accaparait suffisamment la population pour que quiconque ne se soucie réellement du sort de ce porc. Le conflit et l'envoi de milliers d'hommes au combat lui laissait un répit profitable songea-t-elle, qu'est-ce que la mort d'un marchand quand de nombreuses autres âmes sont appelées au combat ?

Alors qu’elle s’affairait à retirer le sang incrusté dans ses cheveux, elle entendit le bruit de la porte s’ouvrir et les soupirs ivres de son père franchir le seuil. Il revenait vraisemblablement d’une autre de ses orgies. Si elle-même se trouvait à participer aux plus exclusives de Valyria, elle ne parvenait toujours pas à se défaire de ce dégoût qu’il lui inspirait dans ces moments et encore plus lorsqu’il se pavanait éhontément avec ses innombrables maîtresses.

Pourtant, Valaena aimait ce père. Suffisamment du moins pour souhaiter hériter de ses qualités de stratège politique et apprendre encore en l’observant. Mais au-delà de ce qu’il pouvait lui apporter, ce soir-là, elle se surprit à contempler ce poignard qui avait été à l’œuvre quelques heures plus tôt.

« Ce serait tellement facile. Tellement facile et tout serait réglé… ».

Un bruit de marches la tira de sa contemplation et elle se hâta de dissimuler le couteau dans un petit coffre. Elle ne tuerait évidemment pas Baelor Cellaeron. Du moins pas ce soir.

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AN 1067

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