Fleuve Zamoyos, continent de Sothoryos - An 1066, mois 9
S’il existe certainement des prédateurs encore plus redoutables que la Sentinelle, celle-ci tient tout de même le haut du panier des créatures les plus terrifiantes que vous avez pu imaginer.
Malgré sa toute-puissance et sa taille phénoménale, la vouivre géante souffre : vous pouvez tous le constater. Ses attaques n’en demeurent pas moins redoutables et Naema en fait les frais, touchée par une infime giclée du puissant venin du monstre. Sous les assauts de votre groupe, la Sentinelle ne peut rien. Ses mouvements se font plus lents et plus maladroits, pulvérisants parfois des bâtiments au lieu de vous toucher. Le sang s’écoule de son corps par plusieurs plaies béantes sans oublier son œil crevé qui l’handicape sérieusement. Le crépitement de la magie dans l’air achève de donner à votre affrontement un côté épique comme Valyria n’en a pas connu depuis l’aube de son âge quant les héros et les héroïnes de jadis terrassaient rois-sorciers maudits et dragons maléfiques.
Aujourd’hui, vous êtes les héros de Valyria.
Soudain, une puissante lumière verte vous aveugle. La Pierre de Vie qui se tient dans les mains de Rhaenys s’active avec force. Vous n’avez aucun moyen de savoir ce qui est arrivé, peut-être que la matriarche de Tolos l’a brandie au bon moment ou qu’elle a réagit à la mort prochaine de la Sentinelle. Un orbe lumineux semble sortir de la pierre et l’engloutit avant de continuer à croître. La lueur est douce, d’un vert herbeux qui rappelle la jungle plus lointaine. Ce dernier continue de s’étendre jusqu’à toucher la vouivre et continuer jusqu’à ce que vous constatiez que vous êtes sous une espèce de dôme lumineux gigantesque dont les proportions sont incalculables. Selon toute vraisemblance, il englobe une bonne partie de la cité perdue.
Et puis c’est le trou noir.
Lorsque vous reprenez connaissance, la cité est silencieuse. A votre réveil, vous vous sentez plus en forme. Vous avez l’impression d’avoir gagné dix ans ! Vous ne vous êtes pas si bien sentis dans votre corps depuis… longtemps. Peut-être même jamais. Vous vous sentez plus agiles, plus éveillés qu’auparavant. Non loin de Rhaenys, la Pierre de Vie semble inerte mais n’a pas disparu. Vous gardez en tête un vague souvenir du Commissionnaire mais impossible de vous souvenir de son aspect ou de l’état de vos échanges. Vous vous souvenez simplement avoir croisé un interlocuteur avec lequel vous avez brièvement devisé. Autour de vous, la place apparaît intacte, comme si tout l’affrontement n’avait été qu’un rêve malheureux. Les bâtiments effondrés ont été rebâtis, le temple qu’a fait s’effondrer Alyrea est de nouveau debout, la place éventrée par l’embuscade tendue par la Sentinelle est de nouveau pavée et intacte. Seule la gigantesque carcasse gravement décomposée de la Sentinelle gît en son centre et atteste de votre victoire. Vous n’avez aucune idée du temps qui a pu passer mais à voir l’état de décomposition avancée de la vouivre, il y a bien au moins un mois qu’elle pourrit ici… ce qui vous inquiète sur le sort de vos hommes laissés vers la rive.
Vos dragons eux-mêmes ont disparu. Vous vous remettez debout et certains en profitent pour prélever un trophée sur le cadavre de la vouivre. Crocs venimeux, écailles solides, le choix est vôtre. Vous vous préparez à repartir vers le fleuve lorsque les blessés de votre groupe constatent avec surprise que leurs plaies ont été résorbées. Certes il reste des cicatrices et des vêtements endommagés, mais rien n’indique que les coups ont été portés plus tôt dans la journée… si vous êtes toujours dans la même journée. Herya et Alyrea se sentent bien moins fatiguées, y compris avant-même leur arrivée à Sothoryos. C’était comme si dix ans de magie avaient été effacés. Vous finissez par vous remettre en route et faites le chemin en sens inverse avec pour ambition de retrouver votre camp de base. L’expédition a atteint son but : Yéen est sécurisée, revendiquée au nom de la République et vous avez trouvé l’artefact légendaire qui avait motivé cette découverte en premier lieu. Votre victoire est
Dérobée ?
Lorsque vous arrivez au niveau de la jetée où vos navires survivants sont amarrés, vous avez la désagréable surprise de constater qu’ils sont hors d’atteinte. Et pour cause : des légionnaires ghiscaris gardent lourdement l’accès du quai. Plus loin sur le fleuve, trois navires de guerre de la Harpie sont au mouillage et des embarcations plus légères ont été halées sur la plage un peu plus loin. Des grandes tentes vertes, oranges et violettes ont fleuri tout autour de votre camp initial dont vous distinguez encore les toiles rouges et or. La bannière de la République que vous aviez érigée plus tôt en arrivant n’est plus visible mais les bannières impériales ont recouvert plusieurs bâtiments en ruines autour du port. Aussi insensé que cela puisse paraître, Ghis a pris le contrôle de votre expédition…
Vous apercevez avec soulagement vos compagnons d’infortune. Ils évoluent relativement librement à bord des navires tandis que vous percevez plus loin un accent typique de Mhysa Faer qui s’emporte. En restant dissimulés le temps d’en savoir plus, vous constatez qu’il s’agit du commandant de la petite trirème que vous avez sauvé plus tôt qui parle fort avec un officier ghiscari paré de riches étoffes. Ils devisent en valyrien et vous parvenez à capter des bribes de leur échange énervé :
«
… et je vous le dis, et je vous le redis, et je vous le dirai tous les jours qu’Arrax fait : Vous. N’avez. Aucun. Droit. À. Nous. Garder. Captifs. Et encore moins à revendiquer ce territoire !
- Merci pour votre avis, capitaine. Votre expédition a violé un nombre croissant de lois et de règles de l’Empereur depuis votre arrivée et cela ne peut être toléré. Vous devez également répondre des actes de vos hommes à Zamettar. »
Il fait référence au transport de troupes qui a été dérouté lors de votre arrivée, avec le légat taciturne Iason Valralys et la mercenaire. Vous n’avez aucune idée de ce dont parlent les deux hommes mais il est clair que Ghis reproche de nouvelles choses à Valyria.
«
Tant que vos responsables n’auront pas été amenés devant Sa Majesté Impériale pour répondre de leur agression caractérisée et de votre pitoyable tentative d’invasion, il n’y aura pas d’autres discussions. Retournez à bord de votre navire et restez-y tant que je ne vous fais pas mander. »
Au loin, sur le fleuve, vous pouvez voir approcher de nouveaux navires aux flancs arrondis et hérissés de scorpions pointés non pas vers le ciel mais vers l’eau alentour. Voilà comment les Ghiscaris parviennent à naviguer sur le fleuve sans encombre. Quant à la cargaison de ces navires, il fait peu de doute sur le fait qu’il s’agit de soldats ou de matériel. Lorsque vous vous rassemblez pour discuter de la marche à suivre, vous n’avez guère le temps d’envisager de négocier, de tuer tout le monde ou de vous rendre qu’une patrouille vous repère. Rapidement, l’alarme est sonnée et vous décidez de courir pour vous éloigner. Vous avez peut-être terrassé la Sentinelle mais repousser un nombre inconnu de légionnaires ghiscaris peut s’avérer plus compliqué… surtout quand cela peut déclencher une nouvelle guerre. Alors que vous courrez vers la grande place, poursuivis par vos ennemis, le salut vient du ciel.
Une nouvelle fois, les dragons sauvent vos vies. Un déluge de feu s’abat sur les maisons et les rues bordant la place. Plusieurs soldats ennemis y sont consumés et les autres doivent rebrousser chemin, ce qui vous donne un délai. Avec trois dragons, vous pouvez largement vous répartir sur les créatures et rentrer à tire-d’aile à Valyria. La traversée est un longue et fatigante. Lorsqu’enfin vous arrivez en vue d’Aqos Dhaen, vous pouvez sentir le soulagement vous envahir. Vous ramenez moult trophées de votre expédition. Il ne reste plus qu’à régler la question mystérieuse de l’implication du Vieil Empire mais cela est un travail pour les Sénateurs et les Lumières de Sagesse : pour vous, du repos !
Vous passez rapidement le grand port du Sud, fief des Arlaeron, et continuez votre vol vers les terres volcaniques qui bordent la capitale. Bientôt, la tour de Drivo pointe à l’horizon, comme un compas indiquant le Nord. Suivent enfin les tours du Quadrant Ouest et Valyria se dévoile peu à peu. Vous décidez de laisser vos dragons avoir du repos dans la Fosse Draconique où ils pourront profiter des chauds effluves volcaniques tandis que vous allez pouvoir retrouver les vôtres et prendre du bon temps bien mérité.
C’était évidemment sans compter sur les soldats de la première armée et Daenar Valineon en personne, grand-amiral de Valyria, qui vous attendent de pieds fermes. Et pour cause : les nouvelles ne sont pas bonnes. Ce dernier se dirige vers Rhaenys Haeron, le personnage politiquement le plus important de votre groupe. Rhaenys et Daenar se connaissent un peu puisque Tolos est un port revêtant un intérêt stratégique pour les opérations maritimes de Valyria : cela suffit à permettre quelques interactions de temps à autres.
«
Sénatrice, nous n’attendions pas votre groupe si tôt. La situation est grave et je dois vous demander à tous de garder une discrétion absolue. Il n’y a encore aucune information officielle mais nos canaux diplomatiques non-officiels indiquent que l’Empereur est furieux. Il semblerait que vous ayez attaqué l’une de ses colonies… »
Vous comprenez mieux ce qu’il se passe. Pour une raison encore mystérieuse, les soldats de Iason Valralys en sont venus aux mains avec la garnison de Zamettar et les choses ont mal tourné. Pour l’instant, les faits sont encore confus et le tout reste très confidentiel puisqu’il semblerait que ni Ghis, ni Valyria, ne souhaitent faire la publicité de cet événement. C’est votre chance, car autrement la situation aurait pu être bien plus préoccupante. La suite de la discussion, toutefois, n’augure rien de bon. Daenar se tourne vers le reste du groupe et porte sa voix pour que tout le monde l’entende.
«
A ce stade, personne n’est mis en cause mais il y a eu de nombreux morts et il faudra un jour déterminer ce qu’il s’est passé. Pour le moment, nous avons des contacts très énervés à Ghis qui nous font part de leur colère. L’ambassadrice Amasis sera reçue prochainement par les Cinq pour essayer d’y voir plus clair. Je vous demanderais à tous d’éviter de quitter la ville pour les prochaines semaines, si vous voulez bien. »
Comme retour héroïque, on aura vu mieux.