COMMENT PARTICIPER:

LISTE DES LOTS:

En cette fin d’après-midi, à l’heure où le soleil baigne la pierre de toute sa gloire éternelle, tous s’étaient rassemblés devant la grande estrade afin de défier le hasard. Pendant plusieurs jours les lots avaient été publiquement exposés afin que tous, pauvres et riches, voyageurs, métèques et citoyens, puissent venir rêver de remporter ces objets offerts par les plus grands noms et personnalités de Valyria. Le murmure de cette loterie avait enflé jusqu’aux frontières du Nord, les familles les plus reculées avaient dépêché leurs hérauts. Sous le haut patronage des dynastes, les matrones patriciennes s’étaient tour à tour occupées d’accueillir les intéressés afin de récolter les fonds de cette bonne œuvre. En quelques jours, un nombre conséquent d'osselets numérotés avaient été vendus. L’opération avait été un franc succès. L’absence de quelques-uns ne pouvait, cependant, passer inaperçue. Ainsi, les familles Bellarys, Cellearon, Tergaryon, ne dénièrent présenter un intérêt quelconque pour l’évènement, rappelant ainsi que, par delà ces douces manières féminines, se dissimulait l’ambition outrageuse d’un dragon tricéphale. Odenys, Qoherys, les belles gens d’hier encore, étaient quant à elles, bien trop occupées à cultiver leur âpre vengeance pour s’aventurer dans les ruelles de la Cité. Depuis la révolte des Bleus, menée par la sénatrice Melgaris, le renversement du Magister, par la Grande Inquisitrice, et le retour triomphal d’une unicité des familles fondatrices, soutenue par le Clergé, toute manifestation publique était éminemment politique. En ce mois 10 de l’An 1067 sombres étaient les heures jusqu’à la prochaine grande réunion à Drivo et chaque famille détentrice d'un siège sénatorial tentait de tirer son épingle du jeu.

Pourtant cette politique du Ciel, aussi rugissante que les cris de ses dragons — rappelons que la menace proférée par Maegon Tergaryon était toujours planante —, était mise entre parenthèse en cette journée de réjouissances. Car quel Valyrien, digne de son sang, ne se passionnait pas pour les jeux de hasard ? Même les Arlaeron pourtant adversaire historique des Fondateurs avaient participé en proposant l’une de leur épée légendaire ! Pour celui qui ne l’avait pas encore compris, la loterie était inédite : objets nobiliaires et dynastiques mis à profit pour préserver les démunis. En effet, il avait été annoncé que les bénéfices iraient aux orphelines de la guerre contre Ghis. Malgré la bénédiction de Vhagar, la Harpie avait fauché de nombreuses vies dont les conséquences étaient encore palpables deux ans plus tard. La disparition de nombreux pères avait tourmenté d’un revers de fortune terrible certaines familles, dont les filles, privées de ressources, n’avaient aucune chance d’échapper à un funeste destin. Celles bientôt changées en femme seraient forcées à commettre des mésalliances, voire bien pire encore. Heureusement, les héritières des Fondateurs, de leur cœur maternel, n’oubliaient aucun enfant de leur glorieuse Cité. Aussi les fonds récoltés serviraient à créer des dots aux jeunes filles à marier. Évidemment, ce renvoi aux récents ravages de la guerre sourdait telle une mise en garde contre les idées vengeresses de certains sénateurs. Face à leur fureur, les Dynastes et leurs alliés s’étaient dressés contre ce nouveau sacrifice de vie, de sang et de larmes.



Depuis ses couches, un peu plus d’une lune auparavant, Alynera Vaekaron ne s’était plus montrée publiquement. Sa dernière grande apparition publique datait de ce jour glorieux où elle était parue sur les marches du Sénat aux côtés de ses pairs. Bien sûr, elle s’était montrée, quelques longues minutes, le lendemain de l’Épreuve, pour exposer ses nourrissons sur l’un des balcon familial. Mais, à part cette brève apparition, protocole de propagande millénaire, elle était demeurée discrètement confinée. Le corps épuisé, la difficulté de sa grossesse était désormais connue de tous, le temps des relevailles avait été long. Pourtant, malgré ces tourments, elle et son illustre famille paraissaient, plus que jamais, proche des Quatorze. Valyria, d’un oeil émerveillé, avait pu observer un Ancien, dépêché par Aegarax, les bénir. Avec le retour de Maelor, relâché quelques mois auparavant de l’antre mortelle de Balerion, les descendants de Vaekar apparaissaient auréolés de la grâce divine. Pour beaucoup, il était impossible de ne pas voir en cette aura l’autorité suprême, primordiale, que les Fondateurs conservaient sur cette terre. Les Enfants des Dieux. Mais, en ce jour de loterie, loin des débats cosmogoniques, humblement vêtue, la jeune mère paraissait sincèrement dévouée à la cause qui les réunissait aujourd’hui. Aux côtés de ses paires, ce nouveau trio dont il faudrait bien se faire une raison, elle avait salué, le mot affable, tous les généreux donateurs du jour. À quelques instants d’ouvrir le jeu, tant attendu, campée à la droite de la noble Daela Lyseon, elle jaugea la foule qui leur faisait face. La Cité des Dieux était un théâtre de parades et d’illusions. Pour la majorité des badauds, les osselets en main, l’enjeu principal était que leur nom soit scandé, entendu, répété, retenu, par tous.

 Pour elle, pour elles, il était à la reconquête.

« Peuple de Valyria ! elle avait prononcé ces mots avec la même intonation avec laquelle on s’adresse à ses enfants bienaimés, merci d’être venus, si nombreux, panser la douleur de notre Mère à tous. Elle demeure, tout comme nous trois, éternellement en votre dette. Mes sœurs et moi-même ne serions vous remercier suffisamment : grâce à notre effort commun, à votre générosité, la Cité va pouvoir venir en aide à des jeunes filles dont le Rêve de Meleys, pourtant fondement de notre société, n’était plus assuré. Béni soit ce jour ! De deux mains fortes, elle applaudit pour célébrer l’effort commun. Nous sommes particulièrement tributaires des hauts patronages de Dame Rhaenys Haeron, Dame Vhaenyra Maerion, secondée de sa fille, Daenarys, de la Mage Herya Valgaris, du Magister et de sa famille, les vénérables Valineon et, bien évidemment, du Seigneur Laedor Arlaeron. Elle applaudit à nouveau, suivie de toute la foule. Et sur ces généreux auspices, je déclare, enfin, ouverte la loterie du jour ! »



La roue de la fortune était lancée.

Depuis que Daera avait brisé leurs fiançailles, Vahaedar n’était pas beaucoup sorti du ludus. Sa trahison avait laissé en lui une plaie ouverte, qu’il s'efforçait d’ignorer. Nul ne l’avait préparé au vide que cette séparation avait causé. Jusqu’alors ses journées avaient été simples : le matin il s’occupait des affaires de la guilde, et de quelques autres affaires plus discrètes, l’après-midi il supervisait l’entrainement de ses hommes et le soir il se délassait auprès du corps parfait de sa belle. Maintenant qu’elle avait filé, courir le noble, il devait bien se rendre à l’évidence que cette routine possédait quelque chose de profondément triste. Quand, lui, le mercenaire, l'homme de ces dames, s’était-il laissé enfermer dans un schéma aussi ennuyeux ? Il n'avait malheureusement que peu d'amis. Jacaerys Velaryon. Damon Tyvaros. Et puis… c’était tout. La goût de la vengeance, encore amère, s’était dispersé en lui un venin vipérin. Erf. La bougresse regretterait sa décision, et plus tôt que tard ! 



C’est ainsi qu’il s’était intéressé à cette loterie organisée par les grandes Dames Lyseon, Riahenor et Vaekaron. Pour tout avouer, le laniste n’était pas intéressé dans la guerre politique fratricide qui déchirait actuellement la Cité. Il n’avait cure de ce conflit de soie et de paillettes d’or qui, quoiqu’en soit le résultat, finirait dans les mains d’un même petit groupe. Les Seigneurs-Dragons pouvaient se déchiqueter entre eux, mais ils étaient les puissants que le peuple ne serait jamais. Leurs créatures dans la voute du Ciel, ils menaient la danse du monde. Cette réalité ne la dérangeait pas, tant qu’il continuait à s’enrichir et pouvoir vivre de son commerce. Il n’était pas comme ces quelques autres, mécontents. Bref. C’est ainsi qu’il avait participé à la loterie. Le monde ne le savait pas, mais le vendeur d’esclaves avait aidé un prince à rentrer en sa Tour. Un prince comme on en voyait peu, le fils d’un des fondateurs de la plus grande Cité du monde. Ce petit coup de pouce du destin lui permis d'être le seul homme de son espèce à pouvoir proposer un lot ce jour-là ! Une petite, grande, immense, victoire. Même son ancienne fiancée, dont la grandeur était pourtant louée en qualité de « lumière », n’avait pas daignée offrir un seul lot de son riche commerce. Décidément, le toupet de Daera ne cesserait jamais de l’étonner... 


Ses quelques osselets en main, car pour une bonne cause, aussi publique, aussi publicitaire, l’avare avait bien voulu se délester d’une bourse d’or, il s’avança sur la place. Avançant au milieu de la foule, déjà nombreuse, il repéra la belle princesse Andale. Officiellement, il ne la connaissait pas : comment cela aurait pu être ? Mais, en bon Valyrien, il se considérait sur ses terres où, malgré son rang, elle n’était encore qu’une étrangère. Cet orgueil valait bien l’excuse d’une approche. Un homme devait tenter sa Fortune. « Tu auras peut-être la chance de remporter mon lot ! » Alors qu’elle se retournait, il fit une révérence un peu gauche, sans grâce aucune, plus ironique qu’autre chose quoique non dénuée de respect. « Princesse, c’est un honneur que de rencontrer ton illustre personne. Vahaedar Altarys. Laniste du ludus de la Cité. Tu aurais de la chance de gagner mes hommes, ta soirée serait jalousée par bien des Seigneurs. » Il observa, un air de connivence sur le visage, les badauds qui les entourait. « Si tes dieux ne te favorisent pas, viens visiter mon ludus. Je devrais trouver à consoler ta peine. Maintenant, si tu veux bien m’excuser, je vais présenter mes hommages à l’autre Princesse. » Il la salua à nouveau, un air amusé dans les yeux. Allons donc, et pourquoi pas ? N’était-il pas amusant de partager un secret avec une fille de Roi et de se jouer de ce secret devant tous ?



Il s’éloigna, présenta ses hommages aux organisatrices, puis trouva une pile de la basilique contre laquelle s’appuyer. L'homme croyait davantage au destin qu’aux Quatorze, et ces petits morceaux d’os pourraient bien lui rapporter gros. Quelle ne serait pas sa fierté que de pouvoir gagner l’un de ces précieux objets, autrefois dans les plus grandes demeures, pour l’entrée de son ludus… Ce serait d’un mauvais goût assuré !

Les dés roulèrent, frappèrent, cognèrent. Leur rebond était autant de soubresauts pour les joueurs attablés, le regard fixé sur les danseurs d'ivoire. Leur souffle coupé, la bouche entrouverte, la pointe de la langue s'en échappant pour certains, tous ne pouvaient se détacher du ballet clair-obscur. La tension monta d'un cran lorsque le premier dé arrêta sa course. Le glyphe de Balerion y brilla l'espace d'un instant tandis que son camarade étoilé se permettait une dernière boucle... Pour un résultat identique. Les joueurs grognèrent leur déception pour la plupart, d'autres soupirèrent. Jacaerys lui râla ouvertement et frappa du poing la table avant de la repousser dans un élan colérique. Le petit soldat au cou épais, croupier improvisé d'un soir, le regarda avec méchanceté et le Légat montra les dents à son tour. Seule une main gantée d'acier s'abattant sur son épaule le ramena au moment présent. Il sentit le souffle de son second contre son oreille:

"Allons Légat, cela n'en vaut pas la peine. Il serait dommage de tirer une lame pour un simple jeu. le tança calmement Merroxas qui ignora le regard sombre de son officier supérieur.
- Tu as bien raison. finit par soupirer Jacaerys en se levant.

Dédaignant sa coupe, il s'éloigna à grand pas, non sans un dernier échange mortel avec le croupier. Toujours suivi par son ombre, et celle de son exarque de cavalerie, le Légat essaya de se calmer. Il connaissait la plupart des exercices de respiration de l'armée et les applique un à un. Bien que parfois exalté au combat, Jacaerys ne comprenait pas la haine qui le dévorait lorsque venait le jeu ou les compétitions. Cette rage dévorante qui le poussait à vouloir tout détruire sur son passage l'effrayait parfois. La seule chose qui pouvait éveiller une telle colère dans son coeur était la vue des esclaves ghiscari. Avec un soupir, il s'éloigna quelque peu de la foule de la température ambiante avant d'apercevoir Helenys. Son coeur battit presque aussitôt la chamade.

Les souvenirs de leur jeunesse et surtout celles de leurs retrouvailles affluèrent dans son esprit et un air de bienheureux se peignit sur son visage. Reprenant bien vite une expression plus neutre, il ne pouvait s'empêcher de la dévorer des yeux. Là où une beauté exotique comme Valaena lui fouettait le sang ou que le regard de prédatrice d'une certaine Légat le laissait paralyser de terreur et de désir, il éprouvait une profonde envie de s'accrocher à la belle Andale et de la protéger de tout les dangers. Désirant éloigner son regard, de crainte que tous comprennent son amour renaissant pour l'ambassadrice, Jacaerys tiqua en reconnaissant son plus proche ami de la capitale s'approcher d'elle. Après un bref instant de panique et de jalousie, il se réjouit de voir Vahaedar sortir de son ludus. Son frère de jeu et autres beuveries avait le cœur brisé par cette garce de Daera. Jaecarys ne le connaissait ni d'Arrax ni de Syrax mais la haïssait pour le mal causé à Vahaedar. Il n'en restait pas moins heureux de voir son ami plus épanoui et même d'humeur à badiner avec les femmes. Il fallait juste le prévenir d'éviter celle-ci en particulier.

Rytsas ñuha lēkia hen tolie muña! Le salua Jacaerys avec un grand sourire. Il prit dans ses bras avec des grandes tapes dans le dos puis le serra brièvement contre lui pour lui murmurer: Je suis ravi de te voir sortir de ton cirque, et même pas sur une civière. Cependant, évites de t'approcher de la princesse, elle est chère à mes yeux. S'éloignant de son ami, Jacaerys lui posa une main sur l'épaule et avec un air entendu lui murmura : Valaena Cellaeron... Si tu n'as pas peur de son père, elle est une parfaite offrande aux dieux. Il faut juste poser sa main partout. Oh évites son rustre de frère, il est un tantinet protecteur. Avec une petite tape sur l'épaule de son ami, Jacaerys s'éloigna avec un sourire niais tout jetant un nouveau et indéniable regard embué de niaiserie vers Helenys.

Pourquoi donc n'y avait il pas un cheval à gagner dans cette diablerie de loterie ?

La guerre ne cessait jamais. Elle était sur tous les fronts, même ceux que l'on ne soupçonnait pas. Il y avait milles et unes façons de se battre, et les plus efficaces étaient celles qui ne nécessitaient pas d'arme. Vysehra regarda Lucerys et Laraenys, son neveu et sa nièce. Ils dormaient, paisiblement dans leur couffin. Leur visage si doux et serein contrastait avec le monde extérieur. La légate s'apprêta à passer un doigt sur le joue rosée de l'un des deux bambins lorsqu'elle s'arrêta nette. Ses yeux se posèrent sur l'état de sa peau et de sa main. Elle se redressa alors et la regarda longuement. Elle était parsemée de coupures, de cicatrices, de bleus et de crevasses, vestiges des guerres et des entraînements rudes qu'elle s'infligeait chaque matin. Elle la tourna et observa ensuite la paume de sa main. Sa peau était si rugueuse qu'elle se sentit soudainement coupable d'avoir voulu câliner sa nièce. L'idée même d'érafler sa fragile enveloppe la fit reculer.

La jeune femme s'approcha et déposa un baiser sur le front des deux nouveau-nés puis quitta la pièce. Par habitude, elle posa une main sur le pommeau de son épée qu'elle ne quittait jamais et sans s'en rendre compte, versa une larme. La maternité était une chose qu'elle ne connaîtrait jamais et cette idée lui arracha violemment le cœur. La valeur du sang Arlaeron était plus important que ses propres désirs. Elle estima que ses envies finiraient par passer et essuya sa larme. Il y avait des choses plus importantes à gérer.

Une grande loterie était organisée aujourd'hui par les matriarches de Valyria et Vysehra avait eu à cœur d'y participer. Non pas pour feindre la bonté ou l'intérêt qu'elle portait aux indigents morts pendant les dernières querelles, mais pour faire bonne figure. Elle avait proposé alors d'enseigner l'art du combat à une personne au hasard. Cela lui coûtait un temps fort précieux mais cela contribuerait à sa renommée. Par amusement, aussi, elle s'était procurée un osselet numéroté et avait noté une petite pointe d'excitation en son ventre. Qu'allait-elle remporter ? Vysehra s'approcha de la foule et se faufila parmi celle-ci tandis que ses yeux firent le tour de la foule. Elle remarqua des visages connus dont celui de Jacaerys. Un mince sourire se dessina sur son visage mais celui-ci s'effaça aussi vite qu'il était apparu. Il semblait être perturbé par quelque chose qui avait des cheveux et des seins. Qu'importe.

Avec plaisir, en revanche, elle constata que celles qui menaient la danse étaient exclusivement des femmes. Même si son cousin avait participé à cet évènement, il n'en était pas à l'origine. Rapidement, elle attira les regards. Tout le monde connaissait Vysehra Arlaeron. Elle en impressionnait certains, et faisait grincer les dents d'autres. A tour de bras, elle distribua des salutations avec une politesse hypocrite dont elle avait le secret. S'approchant d'Alynera Vaekaron qui réapparaissait au grand jour après avoir donné naissance, la légat fit un signe de la tête poli. Elle dissimula toute pointe de jalousie naissante alors qu'elle constata son ventre encore légèrement arrondi par les affres de la maternité.

- "Dame Vaekaron... C'est un honneur de te revoir parmi nous." -fit-elle avant de continuer sa route.

Il était temps de savoir ce que la loterie avait à lui offrir.

La fierté surpassait tout. Ses problèmes récents, les conflits, et sa gueule de bois légendaire. Depuis son retour de mission, il était devenu capitaine de son propre navire qu'il avait fait baptiser "L'Intrépide" et l'avait fait orner d'une figure de proue aux formes généreuses. Tel un imbécile, il passait ses journées à l'inspecter de part et d'autres et à lustrer chaque millimètre carré de la balustrade en bois. Il passait ses journées en mer et peinait désormais à remettre le pied sur la terre ferme. Ces derniers jours, il s'était pourtant forcé à revenir à Valyria pour rendre visite à son père et à sa soeur, prenant sur lui pour ne pas les noyer de paroles inutiles sur son navire. Il se nourrissait d'une morgue à toute épreuve, ravi d'avoir obtenu cette promotion par ses propres moyens et non pas par l'intermédiaire de son père. L'enfant qu'il eut été n'aurait su tenir en place.

Fidèle à ses habitudes, il avait passé la nuit dans l'une des maisons closes de la Place des Plaisirs. En permission quelques jours, il avait décidé de se faire plaisir et de se couper un peu de l'armée et de la politique valyrienne. Epuisé mentalement et physiquement, cette pause ne pouvait pas mieux tomber. Il alla aux thermes, fit quelques achats, rendit visites à des... amies, et s'informa tout de même sur les ragots qui fusaient. Il était intéressant parfois d'écouter les potins lorsque l'on voulait des informations sur telle ou telle personne. Que ceux-ci soient vrais ou infondés, ils restaient importants. Il avait choisi, pour ce jour, de déposer son armure et ses armes, et de se fondre dans la masse. Il voulait la paix et il n'y avait rien de mieux que de ressembler à un marchand du peuple. Ainsi, il s'était vêtu d'une toge brune et n'avait pas taillé sa barbe. Qui plus est, la loterie organisée par les Dynastes ouvrait aujourd'hui et il savait que Jacaerys serait dans le coin. Même s'il n'avait, selon lui, rien à se reprocher, il était inutile de provoquer une nouvelle esclandre. Il n'était pas là pour ça. Daelarys avait choisi d'offrir à quelqu'un une virée sur l'Intrépide. Les eaux valyriennes étaient calmes en cette saison et les vents marins étaient très rafraîchissants. Même si son père n'avait rien proposé pour enrichir les lots, le fils Cellaeron s'était avancé de lui-même mais sous le nom de Nadresyon.

De loin, il aperçu le Velaryon et il sentit la colère poindre en lui. Il soupira et s'éloigna un peu. Ses yeux croisèrent enfin ceux de la Grande prêtresse de Tyraxes. Ils n'avaient jamais eu l'occasion de parler mais ils s'étaient déjà croisés à plusieurs reprises. Daelarys respectait sa position de prêtresse malgré son incroyance. Il voulu la saluer mais elle semblait déjà occupée avec Maesella Nohgaris, sa tante bien-aimée. Le Nadresyon s'écarta et, à la place, reluqua discrètement les dos de certaines femmes présentes dans l'assemblée. Puis il fut tiré de ses pensées lorsque les premiers lots tombèrent.

Qu'allait-il remporter ? Secrètement, il espérait remporter le laisser-passer pour Lys de Dame Haeron...

L'entrée de Jaekar à la loterie des Dynaste fut fracassante par bien des aspects. Tout d'abord par la trentaine de personnes qui l'accompagnaient. Jeunes officiers militaires, artistes maudits, étoiles montantes de la bourgeoisie commerçante, et même le jeune Maerion, une véritable cour avinée entourait le bâtard le plus en vogue de Valyria. Ou du moins l'avait il été jusqu'à la disgrâce récente de son père. Comment Jaekar avait pu éviter les tâches huileuses laissées par le coup d'éclat dynaste tenait du miracle ? Depuis qu'il était enfin revenu à Valyria, il s'était attelé à reconstituer son entourage de jeunes talents et bien plus encore. Désormais, il voulait incarner la relève de son père. Pourtant, à son teint rougi par l'alcool et son sourire bienheureux - et surtout à la cruche en argent qu'il tenait par le col, tous pouvaient deviner que ce moment attendrait encore quelque peu.

Entourée de trois beautés exotiques, une rousse, une brune et une châtain, l'héritier de Valerion portait une lourde fourrure trop chaude pour la région mais qui s'ouvrait sur une tunique si échancrée qu'elle ne dissimulait pas grand chose de son torse. Ses chausses à la mode andale ne laissaient guère de place à l'imagination non plus. Marchant d'un pas encore assuré malgré l'alcool, il s'avança au devant de sa petite foule et ouvrit grand les bras. Fermant les yeux, il inspira fortement tout en agitant ses doigts comme pour tâtonner l'atmosphère de la pièce. Le sourcier festif parut enfin satisfait de la teneur des célébrités et éclata d'un rire clair et franc. Levant sa cruche, il but avec ardeur le vin sirupeux coupé de miel, d'eau et d'herbes aromatiques. Le menton rougi par le sang des dieux, il leva à nouveau sa coupe surdimensionnée vers les dynastes :

Je bois aux dieux ! Ses fidèles burent. A Tessarion ! A Syrax ! Et avec un dernier éclat de rire : Et ceux qui les servent dans l'hubris, à nos hôtes !

Les rires cascadèrent sous les frondaisons de la pièce et Jaekar s'inclina devant les fiers Riaehenor, les sages Vaekaron et les désargentés Lyseon. Puis tel un papillon de nuit, il s'éloigna pour s'approcher de lumière ô combien plus attrayant et ô combien plus éclatante, la douce étincelle de son coeur : le buffet d'alcool. Le bâtard n'escomptait pas voir Rhaenys, elle l'ignorerait royalement. Quant à Daenerys, elle le fuirait bien incapable de comprendre leur relation aussi étrange qu'insondable. A la vue d'un autre disciple au sang impur, il lui passa un bras autour de ses épaules - qu'il avait aussi large que ses pectoraux - et lui tapota le ventre :

Alors Daelarys, comme se porte mon frère de fils de Lumière ?

COMMENT PARTICIPER:

LISTE DES LOTS:

L’évènement conjointement organisé par les matriarches des dynasties battait son plein. Nombreux étaient les hommes et les femmes qui s’étaient réunis sur cet emplacement monté dans le Quadrant Sud afin de participer à la loterie. Natifs de la péninsules comme de l’extérieurs des frontières valyriennes, ils étaient aussi nombreux ceux qui avaient engagés des biens leur appartenant pour que les pièces récoltées pour être reversées aux bonnes œuvres de la cité notamment comme Vaelya Riahenor pouvait tant apprécier s’investir. Nombreux avaient été les osselets à avoir été vendus les jours précédents, de fait il ne pouvait qu’y avoir une participation des plus actives. Au côté de ses sœurs dynastes, la Riahenor s’était attelée à accueillir les hommes et les femmes qui se présentèrent -remarquant des visages particulièrement connus comme celui de l’ambassadrice Helenys Grafton, le légat Jacaerys Velaryon ou encore le fils de Cellaeron, Daelarys Nadresyon- les gratifiant de son plus beau sourire. Puis lorsque cela fut le moment, Riahenor, Vaekaron et Lyseon montèrent toutes trois sur la grande estrade et Alynera se chargea d’attirer l’attention de tous. Discours clair et fédérateur, dans lequel les membres du patronage furent successivement nommés, avant de conclure sur l’ouverture de la loterie.

Le temps était désormais à l’amusement. Observant chaque visage dans l’assistance, Vaelya s’avança vers jarre contenant les osselets numérotés. Ne serait-ce pas le bon moment pour connaître le premier lot ? dit-elle avant de plonger sa main dans le récipient en terre et d’en retirer un premier osselet. Offerts par dame Daenerys Maerion, des pots de mets et d’épices ! L’heureux propriétaire de l’osselet treize peut d’ores-et-déjà se présenter à ma droite pour venir prendre son lot, annonça-t-elle avant d’applaudir ce premier vainqueur qui n’était autre que Vahaedar Altarys. Vaelya poursuivit tâche annonçant successivement : le couple de zéquions offert par Aerys Maerion, remporté par Maerys Qohraenos ; les gladiateurs de Vahaedar Altarys offerts pour une soirée, lot remporté par le légat de la Cinquième armée ; cette visite privée du Collège et cette découverte des potions, sous la supervision du Magister, obtenues par Vyserhra Arlaeron ; l’artefact magique Lyseon remporté par Daelarys Nadresyon. Un tonnerre d'applaudissement pour nos premiers vainqueurs mais ne vous en faites pas il reste encore beaucoup de lots à obtenir ! Qui deviendra l'heureux propriétaire de ce magnifique arc en orcoeur venu des Iles d'Etés ? Qui pourra obtenir cette délicieuse promenade en mer avec Daelarys Nadresyon ou bien cette soirée avec Rhaegar Valineon ? dit-elle, applaudissant une nouvelle fois les vainqueurs avant d'éveiller un peu plus l'intérêt des participants.